2 LOUF ou LOUFFE n. m. est un emprunt au franco-provençal, onomatopée signifiant « pet » (→ loufiat). C'est un mot d'argot 1900, comme le dérivé LOUFFER v. intr. « péter » (1900, J. Rictus).
LOUFA, LUFFA n. f. est un emprunt au latin botannique luffa (1708 au féminin) lui-même pris à l'arabe d'Égypte. C'est le nom d'une herbacée grimpante des climats chauds, dont une espèce produit un fruit cylindrique qui, séché, sert d'éponge végétale ; cette éponge. La forme loufa est la francisation de l'anglais loofa(h).
LOUFIAT n. m., d'abord lofiat (1808), puis loufiat (1866), est probablement dérivé de loffe « nigaud » (1790), mot contenant l'onomatopée loff- suggérant le souffle du vent (→ 2 louf), le vide, avec le suffixe -iat. Le développement de sens peut s'expliquer soit par une extension du sens de « vesse, pet », soit par l'influence de celui d'« individu suffisant, fou », et se comparer à celui de l'italien loffione « péteur » et « personne suffisante », Cf. le français péteux. L'hypothèse de la substantivation du patronyme (ou du sobriquet) d'un garçon de café auteur d'un meurtre célèbre n'a jamais été vérifiée et paraît relever de l'anecdotisme étymologique.
❏
Le mot s'est d'abord employé par péjoration pour un homme simple d'esprit. Ce sens a disparu, et le mot s'est appliqué par mépris à un valet (1866), puis est devenu une dénomination argotique et populaire du garçon de café (1868-1875). La paronymie avec loupiat « paresseux » (de 1 loupe) a pu jouer un rôle.
LOUFOQUE adj., attesté depuis 1873, est la transformation de fou* en largonji (1848, louf-louf), peut-être avec une finale empruntée à phoque.
❏
Le mot s'applique familièrement aux gens et aux choses pour « un peu fou », avec la nuance de « bizarre et amusant ».
❏
Plus familièrement, on emploie
1 LOUF adj. et n. (1848) et
LOUFTINGUE adj. (1885), tiré de
louf par suffixation argotique.
■
Le dérivé LOUFOQUERIE n. f. « caractère, chose loufoque », est attesté depuis 1878-1879 (A. Gill).
LOUIS n. m., nom de monnaie, est précisément attesté le 31 mars 1640 (Recueil général des lois de France).
◆
Le mot est issu du nom de Louis XIII (1601-1643), roi de France qui fit frapper cette monnaie.
❏
Un louis désigne proprement une pièce d'or ou d'argent à l'effigie des rois de France (de Louis XIII à Louis XVI) et, par analogie, la pièce d'or de vingt francs à l'effigie de Napoléon (on dit aussi napoléon).
◆
Le mot est encore employé, bien qu'il ne désigne plus de monnaie ayant cours, en termes de jeux d'argent.
LOUISIANAIS, AISE adj. et n. est dérivé du nom de la Louisiane, donné en 1682 par René Robert Cavelier de La Salle au territoire qu'il avait parcouru, en l'honneur de Louis XIV. Ce territoire couvrait une partie des États-Unis actuels, descendant la vallée du Mississippi jusqu'au golfe du Mexique. La capitale, fondée en 1717, fut la Nouvelle-Orléans. La Louisiane, réduite à sa partie sud-est, fut vendue aux États-Unis en 1803, et en devint le dix-huitième État.
◆
Français louisianais : ensemble de parlers, de triple origine, français colonial du XVIIIe s., parlers créolisés des esclaves africains, parler des Acadiens (Cajuns) déportés du Canada par les Anglais. L'acadien de Louisiane, marginalisé par l'anglais au XXe s., à nouveau enseigné à l'école (1968), est pratiqué dans la région située autour de Lafayette, avec de fortes différences régionales.
LOUKOUM n. m. est la forme abrégée (peut-être lokoum en 1853) et devenue plus courante de rahat-loukoum (1854, sous les deux formes chez Edmond About, Grèce). Le mot est emprunté au turc rahat-lokum (abrégé lui aussi en lokum), lui-même emprunté à l'arabe rāḥat al-ḥulqūm de même sens, littéralement « repos (rāḥa) du gosier (ḥulqūm) ».
❏
Le mot désigne une confiserie orientale, pâte sucrée et parfumée.
L +
LOUP n. m. est issu, d'abord sous les formes lu (1080), leu, lou, puis avec un p étymologique, loup (1180), du latin lupus. Ce dernier remonte à une racine indoeuropéenne qui a plusieurs variantes, °lukwo- d'où vient le grec lukos et le latin, °wlukwo (d'où le germanique, Cf. allemand Wolf, anglais wolf). Lupus, comme les mots de même origine, désigne un mammifère sauvage voisin du chien, et aussi par analogie un poisson vorace, des objets comparés aux crocs du loup : grappin, scie, mors. Il s'agit d'un mot fondamental du vocabulaire indoeuropéen, largement utilisé dans l'onomastique (grec Lycurgue, allemand Wolfgang, français Loup, Leleu, Louvel, etc.) et jouant un grand rôle dans les croyances (→ lupercal, lycanthrope) et proverbes populaires. La forme latine vient probablement de parlers osco-ombriens et serait, comme bos (→ bœuf) un de ces mots sabins introduits dans la langue de Rome.
❏
L'ancienne forme régulière
leu a disparu au
XVIe s. mais s'est maintenue dans l'expression
à la queue* leu leu et dans les noms de lieux
(Saint-Leu). La forme actuelle
loup est probablement une forme dialectale de l'Ouest qui s'est imposée avec le concours du féminin
louve.
◆
Loup, mot qui désigne le canidé d'Asie et d'Europe dès le
XIIIe s., entre dans plusieurs proverbes et locutions tels
regarder comme le loup blanc (1200,
comme blanc leu) « comme une chose extraordinaire »,
entre chien et loup (1230,
chien et leu) « le soir, au crépuscule » (quand on ne distingue pas un loup d'un chien). Beaucoup font allusion à la cruauté et à la voracité proverbiales de l'animal, tels
la faim chasse le loup du bois (1317),
tomber dans la gueule du loup (forme analogue avant 1467),
avoir vu le loup (1599, souvent par allusion sexuelle). Les dictionnaires du
XVIIe s. enregistrent le proverbe
qui parle du loup en voit la queue (1606) et ses variantes ;
à pas de loup (1611,
en pas de loup) « en marchant sans bruit » et
enfermer le loup dans la bergerie avec le sens particulier de « fermer trop vite une plaie qui n'est guérie que superficiellement » (1680), sorti d'usage.
Froid de loup « froid extrême » ne fait son entrée dans les dictionnaires qu'au
XIXe s. (1835). Par extension, on donne parfois ce nom à d'autres canidés sauvages, tel le lycaon, dit aussi
loup peint et
loup en français d'Afrique, ou encore le lynx qui fut nommé
loup-cervier (ci-dessous).
■
Appliqué métaphoriquement (v. 1165) à un homme cruel et avide, loup entre aussi dans le syntagme loup de mer (1758) pour désigner un poisson, le bar, et au figuré un vieux marin expérimenté et bourru.
◆
Accompagné d'un adjectif possessif, il forme un appellatif affectueux (1890, mon loup, mon petit loup [→ loulou, ci-dessous]) et, alors que le thème traditionnel de la peur du loup a décliné avec la disparition de l'animal, la notion de « danger » reste active dans jeune loup (1966).
Par analogie avec une caractéristique (physique, morale) du loup, le mot dénomme, seul ou le plus souvent dans un syntagme déterminé, quelques espèces animales ou végétales. Dès le
XIIe s., il est attesté dans
LOUP-CERVIER n. m. (
XIVe s. ; 1113, au féminin
leue cervière), proprement « loup qui attaque les cerfs » qui désigne le lynx, et dans
LOUP-GAROU n. m., sous la forme
leu warou puis (
XIIIe s.)
leu garroul. Ce dernier réalise un renforcement pléonastique puisque
garou lui-même signifie « homme-loup », conformément au francique
°wariwulf dont il est issu.
◆
Employé seul,
loup désigne — comme en latin — un poisson vorace (1453), un phoque (1705), dit aussi
LOUP-MARIN n. m. employé en français du Canada, le mot désignant aussi la fourrure.
■
Le mot entre aussi dans des syntagmes désignant des plantes : ancien français herbe aux loups « aconit », moyen français herbe de loup, et aussi VESSE-DE-LOUP n. f. (1530), GUEULE-DE-LOUP n. f. (1809), allusion à la forme des fleurs → lupin.
Dès le
XIIIe s., le mot a développé plusieurs emplois métaphoriques et métonymiques : si les anciens sens de « chancre » (on dit aujourd'hui
lupus) et « grappin de guerre » pris au latin, ont disparu, certains subsistent : ainsi,
loup désigne un masque carré de velours noir que les femmes portaient autrefois pour se préserver du hâle (1680) puis un demi-masque de mascarade (1859).
■
Plus techniquement, il se réfère à une défectuosité dans un ouvrage (1832), d'où l'expression faire un loup (1835) « rater une pièce » (Cf. louper, à 1 loupe), dénomme une machine employée pour le cardage de la laine (XVIIIe s.) et une forte pince pour ôter les clous (XIXe s.).
❏
Le féminin de
loup, LOUVE n. f. (
XVe s. ; 1175,
love et
lue) est issu du latin
lupa dont le sens figuré de « prostituée » a précédé celui de « femelle du loup » : dans ce dernier sens, les Latins disaient
lupus femina, mais, le caractère de lubricité étant attribué seulement à la femelle, le besoin s'est fait sentir de créer une forme spéciale en ce sens. L'identité des deux sens était certaine pour les Romains, et Messaline, lors de ses débauches, prenait le surnom grec de
Lycisca « la (chienne)-louve ». Ce sens figuré est attesté en français dès 1265, cependant après le sens propre « femelle du loup », mais il s'est éteint dans la seconde moitié du
XVIIIe s. ; l'emprunt
lupanar* en garde le témoignage.
■
Louve a développé quelques sens analogiques irréductibles à ceux de loup, mais tout aussi techniques : il désigne un outil de fer utilisé pour le levage des pierres (v. 1460), un filet de pêche (1680), un manchon de gouvernail.
◈
1 LOULOU n. m., écrit
loup-loup à la fin du
XVIIIe s., désigne un petit chien à museau pointu, à longs poils
(loulou de Poméranie). Le redoublement de
loup, terme affectueux, a produit
2 LOULOU n. m., d'abord dans
mon loulou (1842, E. Sue), puis comme nom, avec pour féminin
LOULOUTE n. f. (déjà dans Balzac), spécialisé pour « jeune fille superficielle, émancipée », à la mode des années 1970 jusqu'en 2000.
LOUTE n. f. en est l'aphérèse (1902), dans
ma loute, puis (1982)
une loute.
◆
À la fin du
XXe siècle,
loulou et
louloute se confondent avec
loubard, arde*, qui a probablement une autre origine.
◈
Si l'on excepte
loulou et
LOUPIOT n. m. (1875), désignation populaire de l'enfant créée sur le terme d'affection
loup, la totalité des dérivés procède morphologiquement, mais non sémantiquement, du type féminin
louve.
■
Dès le XIIIe s., LOUVET n. m. désigne le petit de l'animal ; supplanté en ce sens par un autre diminutif, il est repris comme adjectif de couleur (1640), qualifiant la robe d'un cheval jaunâtre mêlée de noir, analogue à celle du loup.
■
LOUVETEAU n. m., dérivé (1331) de louvet, s'est imposé comme le nom courant du petit loup, éliminant également l'ancien français lovel (1174-1177).
◆
Au XIXe s., il a fourni une appellation figurée du fils d'un franc-maçon (1840), puis a désigné un apprenti (1907), avant de devenir le nom d'un jeune scout de moins de onze ans (1931).
■
C'est aussi de louvet que dérive LOUVETERIE n. f., d'abord lovetrie (v. 1250), au sens ancien de « tanière d'une louve ».
◆
Par l'intermédiaire du moyen français loveteur (1394), nom d'un officier de la maison du Roi chargé de la destruction des loups, lui-même remplacé par LOUVETIER n. m. (1413), louveterie désigne depuis le XVIe s. la chasse au loup (1583-1585) et, par métonymie (dès 1513), l'équipage utilisé pour celle-ci.
■
LOUVAT n. m., attesté au XIVe s. sous la forme lovat puis aussi sous les variantes louvard (1778) et louvart, désigne non le petit du loup, mais le jeune loup.
■
LOUVETER v. (XVIe s.) exprime l'action de la louve qui met bas. Au XIXe s. (1845), sous l'influence d'un sens technique de loup, il est passé dans le langage des ouvriers du textile, décrivant une action précédant celle du cardage de la laine et produisant LOUVETEUR, EUSE n. (1845) et LOUVETAGE n. m. (1877).
■
Le préfixé ALLOUVI, IE, ou ALOUVI, IE adj. (1342), mot rare après le XVIIIe s. pour décrire une personne animée d'une faim de loup ou, au figuré, d'une passion dévorante, a produit ALLOUVIR, ALOUVIR v. enregistré en 1660 au pronominal pour « s'affamer », et qui ne subsiste de nos jours que dans les dialectes ou le style littéraire.
■
Enfin, le nom propre Louvre signifie à l'origine « lieu où il y a des loups ».
◈
LUPUS n. m. représente l'emprunt (v. 1370) du latin
lupus pris dans sa spécialisation médicale, à époque médiévale (av. 916), de « maladie cutanée chronique » en raison du caractère dévastateur et envahissant de cette maladie.
Cf. l'image de cancer, chancre.
◆
Le mot, rare avant 1826, a produit quelques dérivés didactiques en médecine :
LUPIQUE adj. (1896),
LUPOÏDE adj. (1925),
LUPOME n. m. (1931).
❏ voir
LUPANAR, LUPERCAL, LUPIN ; (du grec) LYCANTHROPE, LYCÉE.
? +
1 LOUPE n. f. est d'origine incertaine, peut-être issu (1328) d'un radical lopp- créé en français pour désigner un morceau informe qui pend lâchement (dans faire la loupe « tirer la langue », Roman de Renart, 1180). On a aussi proposé, en s'appuyant sur le rhénan luppe « morceau », un francique °luppa « grosse masse informe d'une matière caillée », lequel appartiendrait, selon P. Guiraud, à une « structure onomatopéique » lipp-, lopp-, lapp-.
❏
Loupe désigne d'abord une pierre précieuse présentant un défaut ; par une extension métonymique, il dénomme un défaut dans une masse de métal (1358) et une masse de fer que l'on passe au marteau (1450). Il s'est spécialisé en pathologie (1549) à propos d'un kyste sébacé indolore (souvent au niveau de la tête) et, par analogie, désigne (1685) une excroissance ligneuse sur certains arbres. Ces emplois sont techniques ou vieillis, sauf en français des Antilles, où le mot désigne une enflure et le verbe
3 LOUPER, intr. se dit pour « provoquer des enflures » (à la Guadeloupe).
Le sens de loupe aujourd'hui courant, « instrument d'optique », apparu le dernier (1680), par une analogie de forme (bombement) analogue à celle de lentille*, donne lieu à des expressions métaphoriques comme regarder à la loupe « dans le détail ».
❏
En sont issus les dérivés techniques
LOUPEUX, EUSE adj. (1690) et
LOUPEUR n. m. (1879) en arboriculture.
◈
Dès le
XIIIe s., on relève un verbe argotique
1 LOUPER « se livrer à la boisson, manger goulûment », que l'on ramène généralement à la même structure onomatopéique que
loupe, voire à
loupe au sens ancien de « langue ». Par extension, ce verbe, qui a disparu au sens initial, a pris la valeur argotique de « paresser, fainéanter » (1838) et produit
1 LOUPEUR n. m. qui signifie d'abord (1839) « bambocheur » puis « paresseux » (1843),
LOUPIAT n. m. (1866) « paresseux, flâneur », ainsi que le déverbal
2 LOUPE n. f. (1842) « fainéantise », tous mots aujourd'hui disparus.
◈
Quant au verbe familier et moderne
2 LOUPER v. tr. « mal exécuter un travail », d'abord relevé dans l'argot des typographes (1835), P. Guiraud propose de le comprendre d'après
loupe « morceau », le travail mal fait étant entendu comme « bosselé, irrégulier » ; il a dû s'y greffer une influence de l'ancien verbe
1 louper avec l'idée de paresse. Cependant, une autre hypothèse le rattache plutôt à
loup*, pris avec son sens figuré de « pièce mal faite, ratage ».
◆
À partir du sens de « mal faire »,
louper aurait pris le sens général de « manquer, rater », y compris « laisser échapper » (1915).
■
En sont issus LOUPÉ, ÉE adj. (XXe s.), 2 LOUPEUR n. m. (1920) et LOUPAGE n. m. (1920).
◈
Moins claire est l'étymologie de
LOUPIOTTE n. f., d'abord employé par les poilus à propos d'une bougie (1915) et d'une fusée éclairante (1916), puis répandu dans la langue familière en parlant d'une lampe qui éclaire modestement (1918). Si certains n'excluent pas un rattachement à
loupe « instrument d'optique », on ramène généralement ce mot à un autre emploi de
loupe qui serait attesté en poitevin au sens « chandelle de résine », en 1867. L'origine dialectale d'un mot attesté d'abord parmi les fantassins réunis en 1914 est très plausible.
❏ voir
LOPIN.
?
LOURD, LOURDE adj., à la différence de son antonyme léger, est d'origine incertaine et d'évolution sémantique complexe. Le terme latin signifiant « lourd » étant gravis (→ grave), on est amené à supposer pour lourd (v. 1165, lorz) un latin populaire °lurdus, attesté dans les gloses de Rhaban et traduit par fûl « pourri, gâté » (Cf. anglais foul). Ce mot serait l'altération du latin classique luridus « jaune pâle, blême », « qui rend livide » (anglais lurid, ancien provençal lur « sale », italien lordo à côté de lurido « sale »), dérivé de luror « teint blême ou jaunâtre », mot ayant trait à la bile et sans étymologie connue. Cependant, l'évolution qui mènerait au sens initial de lourd « abasourdi, endormi, pataud » est peu naturelle, sauf à supposer le sens intermédiaire de « pris de vertige, troublé » d'où « maladroit, pataud », sur la base du sens dialectal (wallon, périgourdin, suisse) de lourd « atteint du tournis ». En revanche, l'hypothèse sémantique de P. Guiraud, qui propose une dérivation du latin lura « outre » par un adjectif °luridus « gonflé comme une outre », soulève des problèmes formels.
❏
Le sens probablement étymologique de « grossier, massif » s'est maintenu dans un certain nombre d'emplois, au physique comme au moral.
Lourd qualifie une personne stupide, niaise (
XIIe s.), maladroite (
XVe s.), lente intellectuellement (1530) et, aux
XVIe-
XVIIe s., rustre, sans éducation (1530).
◆
Ultérieurement, il est employé pour caractériser au physique un visage sans finesse (1758), un corps trapu et sans grâce (1873). Appliqué à un nom de chose, il correspond jusqu'au
XVIIe s. à « mal conçu, grossier » (1530) avant de glisser vers une appréciation esthétique, dans la critique d'un style littéraire (1522), pictural, architectural (1762).
◆
Il entre dans l'expression juridique
lourde faute (1559) « faute grave ». Il semble que l'expression
avoir la main lourde (
XIVe s.) « frapper fort », puis surtout au figuré « donner plus de marchandise qu'il n'en faut » (1866), procède du sens historiquement premier de « rude ».
Par l'intermédiaire d'une valeur figurée, « difficile à supporter en raison de sa massiveté, de son importance » (v. 1278), le mot a progressivement développé le sens courant concret de « pesant » au
XVIe s., d'abord en qualifiant des choses difficiles à transporter en raison de leur poids. Il a supplanté
grave et a fourni un mot plus usuel et général que
pesant, suscitant de nombreux emplois particuliers, surtout à partir du
XIXe s. dans
artillerie lourde (1863, d'où absolument
la lourde, 1916),
industrie lourde, poids lourd (1910) spécialisé pour désigner un camion automobile,
eau lourde, hydrogène lourd en chimie. Par analogie, il s'emploie en économie dans
produits lourds, investissements lourds (1973) qui caractérisent l'importance des moyens mis en œuvre.
◆
Accompagné d'un complément de détermination introduit par
de, il revêt le sens de « chargé, lesté », au propre (1884) et au figuré (déb.
XXe s.).
■
Le sens de base s'accompagne souvent d'une valeur dépréciative, diversement sensible, par exemple dans terre lourde (1690) et piste lourde (1873, en turf puis en sport).
◆
Si l'on excepte sommeil lourd (1575) qui semble surtout motivé par l'opposition à sommeil léger, plusieurs emplois tournent autour de l'idée plus abstraite de « pénible, difficile à exécuter » (1690), voire (1810) « oppressant, accablant », en parlant du temps, de l'atmosphère. Il n'est alors pas toujours possible de distinguer ce qui participe du sens de « pesant » et ce qui est dû à l'influence de la valeur plus ancienne, « massif, maladroit ». Un emploi familier et récent correspond à « pénible, laid ou bête » ; c'est ce que retient le verlan relou (ci-dessous).
■
L'usage adverbial du mot se limite à quelques emplois : il fait lourd (qui correspond pour l'adjectif à un temps lourd) et, familièrement, avec une idée d'« importance quantitative », ne pas en faire lourd (1901).
❏
LOURDEMENT adv. (v. 1185) a suivi l'évolution de l'adjectif : d'abord synonyme de « maladroitement, gauchement » et, en art, « grossièrement » (1538), il a commencé à s'employer concrètement pour « pesamment », en décrivant la démarche de qqn (1549), et a développé une valeur figurée.
■
LOURDAUD, AUDE adj. (v. 1445, lourdault) est issu par changement de suffixe de l'ancien diminutif de lourd, lourdel (XIIIe s., lordel) « niais », et procède tout entier du sens de « maladroit, gauche », physiquement et (1530) intellectuellement. Il est aussi substantivé.
◆
Ses dérivés anciens ne se sont pas maintenus, évincés par les noms de qualité dérivés de lourd que sont LOURDERIE n. f. (1512), LOURDISE n. f. (XVIe s.) et LOURDETÉ n. f. (XVIe s.), eux-mêmes archaïques et inusités de nos jours.
◈
LOURDE n. f. est le féminin substantivé (1628) de l'adjectif pris comme désignation de la porte. Plutôt qu'au poids de la porte, il ferait allusion au fait que cette dernière exclut avec brutalité les intrus ; on a pu aussi y voir une trace du sens dialectal de
lourd, « qui a le tournis », par allusion au fait que la porte tourne sur ses gonds.
◆
Passé dans l'usage populaire au
XIXe s., il a produit le verbe
LOURDER v. tr. « mettre à la porte, licencier » (1927), homonyme du moyen français
se lourder « faire des bêtises » (
XVIe s.). Le verbe a pris la valeur élargie de « se débarrasser de (qqn) ». Le dérivé
LOURDAGE n. m. est en usage.
■
LOURDEUR n. f. (1765), qui correspond à la fois à la grossièreté dans l'expression, à la pesanteur et (1835), au manque d'élégance dans le dessin, est étonnamment tardif.
■
LOURDINGUE adj., avec une terminaison argotique (v. 1940), enchérit sur lourd « pesant », en particulier à propos d'aliments, au concret, et de l'esprit, à l'abstrait.
◈
Le préfixé
ALOURDIR v. tr. (fin
XIIe s.) semble être rare jusqu'au
XVIIe s. ; il correspond aux divers sens de l'adjectif : « rendre gauche, niais », « rendre plus pesant », « rendre une démarche plus lente », « un dessin moins élégant ».
■
Il a produit ALOURDISSEMENT n. m. (XVe s.).
◈
RELOU adj., verlan d'usage courant de
lourd (attesté par écrit en 1994), ne s'applique qu'à la valeur psychologique, intellectuelle de l'adjectif. Le sens dominant est « sans finesse, pénible et grossier » ; le mot est aussi substantif. Le féminin, s'agissant d'un mot de l'usage oral, ne pose guère de question ; s'il est écrit, on peut lui appliquer la règle générale et écrire
une fille reloue (ou laisser le mot invariable, ce qui serait plus dans l'esprit du temps). Le pluriel est
relous, mais on a pu rencontrer dans la presse
des reloux (comme
ripoux, sur le modèle scolaire :
bijou, chou, hibou, etc.).
❏ voir
BALOURD.
LOURE n. f. est un emprunt ancien (fin XVe s.) au latin lura, d'abord « sacoche », pour désigner une grande musette et, par métonymie (v. 1720) une danse lente à trois temps accompagnée de la loure, qui eut du succès au théâtre aux XVIIe et XVIIIe siècles.
❏
Le dérivé LOURER v. intr. a signifié (XVIe s.) « jouer de la loure », puis comme transitif (1765) « jouer en attaquant les notes de manière appuyée et en les liant », style qualifié de LOURÉ n. m. (1857) et correspondant à un mode de notation.
LOUSSE adj. et n. m. est un anglicisme oral du français du Canada, francisé graphiquement, de loose « lâche, desserré ». L'adjectif anglais est ancien (lowse, avant 1200) et probablement emprunté à une langue scandinave.
❏
Courant en français du Québec, le mot se dit d'une corde qui n'est pas tendue, d'un nœud non serré. Avoir du lousse « être lâche ». Il qualifie aussi un vêtement, un tissu ample, non ajusté. D'un animal, il signifie « libre, non attaché ».
◆
L'adjectif et le nom (du lousse) s'emploient surtout au figuré, d'une tout autre manière que lâche en français d'Europe. Être, se sentir lousse « être prodigue, dépenser sans compter ». Se lâcher lousse « se laisser aller (dépenses, plaisirs, liberté de mœurs) ». Avec le nom, lâcher du lousse correspond aussi à « lâcher du lest ».
LOUSTIC n. m. a été emprunté à deux reprises à l'allemand lustig « gai, joyeux, amusant » qui se rattache à la même racine indoeuropéenne populaire que le latin lascivus (→ lascif), le grec lilaiomai « je désire vivement », le vieux slave laska « flatterie », le sanskrit lásati « il joue ».
❏
Le mot a d'abord été introduit en français au
XVIIIe s. (1759,
loustig ; 1764,
loustic) par les régiments suisses de l'ancienne monarchie française. Le
loustic était le bouffon du régiment chargé de distraire les soldats menacés du mal du pays. Par extension, le mot a pris le sens de boute-en-train, dans une caserne (1834) et dès le
XVIIIe s. (1764), il est entré dans l'usage courant au sens de « personne qui a pour rôle d'amuser une société par ses plaisanteries » ; il s'est appliqué ensuite à tout individu facétieux (v. 1832). De nos jours, la méconnaissance de son étymologie le fait souvent employer avec une valeur péjorative,
un drôle de loustic étant l'équivalent de
drôle de type.
■
Loustic a été emprunté une seconde fois à l'allemand lustig comme adjectif en 1862 au sens de « plaisant, enjoué » par les régions de France frontalières des Pays-Bas et de l'Allemagne ; cependant, dans cet emploi, il est régional et aujourd'hui quasiment inusité.
L
LOUTRE n. f., d'abord lutre (v. 1112), est issu du latin lutra de même sens, mot qui serait issu du croisement d'un °udra, — à rapprocher du sanskrit udrah, de l'ancien haut allemand ottar — avec lutum « boue », à cause de l'habitat de l'animal. Le maintien du -t- dans le mot actuel s'explique probablement par l'influence du mot francique correspondant à l'ancien haut allemand ottar, otter, influence confirmée par le genre masculin de loutre dans les premiers textes. La forme loirre, également attestée (1174) à côté de l'ancien type régulier leurre (1290), provient d'un °lutria qui s'expliquerait par un croisement entre lutra et le grec enubris, -ibos (l'influence grecque s'étant fait jour à travers les dialectes italiens).
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Loutre, nom d'un mammifère bon nageur, est employé par métonymie pour désigner sa fourrure très prisée (1260).
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C'est la recherche de la fourrure de la loutre qui est à l'origine du dérivé LOUTRIER n. m. (v. 1330, après lotrier, XIIIe s.), aujourd'hui vieilli.
LOVER v. tr. est un emprunt tardif du vocabubaire de la marine (1678) au bas allemand lofen « tourner », lui-même dérivé de luven « aller au lof », de la même famille que le français lof*.
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Employé au sens de « ramasser en rond (un cordage, un câble) », et par extension « plier (une ligne de pêche) en spirale pour éviter qu'elle s'emmêle », le mot est entré dans l'usage général à la forme pronominale se lover, « s'enrouler sur soi-même » (1772).
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Il a produit LOVEUR n. m. (1867, Littré), d'usage technique tout comme DÉLOVER v. tr. (1845) et LOVEMENT n. m. (XXe s.), rarement employés.
L
LOYAL, ALE, AUX adj., d'abord leial (1080), est issu par évolution phonétique du latin legalis « conforme à la loi » qui, par emprunt, a donné légal*.
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Loyal apparaît avec le sens de « qui a le sens de l'honneur, de la probité », dans le contexte des valeurs de la chevalerie. Rare au XVIIe s., où il relève du style burlesque, il a été repris fin XVIIIe s., fixant définitivement la distinction sémantique loyal-légal.
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Son ancien sens juridique attesté dès le XIIe s. (1188-1189) est réservé depuis à légal, mais survit dans quelques expressions du droit commercial.
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Par extension du sens psychologique, le mot a été repris à propos d'un cheval docile (1678).
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Le sens politique de « légitimiste » (1827, Chateaubriand), emprunt sémantique à l'anglais loyal (1531) [→ loyaliste], n'a pas vécu.
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La locution adverbiale à la loyale « sans tricher », de connotation populaire et faubourienne (se battre à la loyale), est attestée en 1926.
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Tous les dérivés sont apparus au
XIIe s. dans le vocabulaire de la chevalerie :
LOYAUTÉ n. f., sous les formes
loiauté (1080),
léauté, lealted, désigne la qualité et le comportement d'une personne loyale.
LOYALEMENT adv. (v. 1160) correspond au sens initial et psychologique de
loyal.
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Une série antonymique en dé- date également du XIIe siècle. DÉLOYAL, ALE, AUX adj. (v. 1175, desleal refait d'après loyal au XVe s.), d'où DÉLOYALEMENT adv. (1170, desleialment puis desloiaument) et DÉLOYAUTÉ n. f. (XIIe s., deslauté, refait en déloyauté, XIVe s.) correspondent au sens psychologique de loyal et concernent une attitude sans honneur, sans probité. Comme loyal et ses dérivés, ces mots sont d'usage soutenu et noble.
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LOYALISTE adj. et n. est emprunté (1701) à l'anglais
loyalist « celui qui est loyal, partisan du souverain ou de l'autorité établie » (peu après 1650). Celui-ci est dérivé de l'adjectif
loyal « fidèle », en particulier « fidèle dans l'allégeance au souverain », lui-même emprunté (
XVIe s.) au français
loyal. Le dérivé
loyalism « principes, action d'un loyaliste, fidélité au souverain ou au gouvernement » est répertorié par les dictionnaires depuis 1837.
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Le mot, ainsi que LOYALISME n. m. (1839), a d'abord été employé exclusivement à propos de l'Angleterre et des États-Unis, à propos notamment des colons britanniques d'Amérique du Nord fidèles à la Couronne. Puis, les deux mots ont pris un sens plus général (1869), loyalisme en venant à désigner un dévouement à une cause quelle qu'elle soit (politique ou non), reprenant une partie des emplois de loyauté.
L
LOYER n. m., sous les formes luer (1080), loier (1160), avant loyer (v. 1300), est issu par évolution phonétique du latin locarium « prix d'un emplacement », dérivé de locare (→ louer).
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Le mot est apparu avec le sens figuré de « salaire, récompense d'une chose », aujourd'hui vieilli en dehors de quelques emplois littéraires, de même que celui de « salaire pour des travaux, des services ». Le sens propre (1266) « prix de louage d'une chose » (en droit commercial) a vieilli sous la concurrence de
location mais reste courant à propos de la redevance pour l'usage temporel d'un local. L'expression
être, ou
vivre à loyer s'emploie au Québec pour « être locataire », et
un loyer peut signifier « un logement loué ».
Le syntagme administratif français habitation à loyer modéré a donné le sigle H. L. M., d'emploi usuel (→ habiter).