L LUMIÈRE n. f. ne remonte à aucun des deux noms du latin classique désignant la lumière, lux (→ lucide) et lumen, mais à un mot tardif du même groupe qui les a remplacés en héritant de leurs sens : il est issu (1080) de luminaria, neutre pluriel de luminare, nom et adjectif dérivé de lumen et qui a donné luminaire*. Luminaria, d'abord employé pour les cierges, les flambeaux et les astres, est devenu féminin singulier en latin populaire et en latin d'Église au sens d'« éclairage, illumination », spécialement « cierge » et, au figuré « étoile, guide ». Il a alors supplanté lux et lumen dont il a repris les sens : le premier, lux, nom racine de genre animé, désignait la lumière en tant que force agissante, parfois divinisée, notamment la lumière du jour. Lux survit dans les prénoms Luce, Lucie, Lucien, dont le sens est « qui est né(e) avant ou à la lumière du jour », le premier élément de Lucifer*, ainsi que dans lucide, luciole et luire. Le second, lumen, analysable en °leuk-s-men, lui aussi de la racine °leuk- « briller, éclairer », devait d'abord désigner une lumière d'éclairage, et au pluriel des lumières. Il était employé dans des acceptions techniques, comme terme d'éloge (de même que lux) à l'imitation du grec phaos, et son pluriel lumina désignait particulièrement les yeux (qui nous éclairent).
❏  Le premier sens attesté en français, celui de « fenêtre (laissant passer le jour) » semble avoir été inconnu du latin. Après avoir désigné en ancien français l'embouchure d'un cor (1080) et l'œillère d'un casque (v. 1228), le mot, dans cet emploi, s'est maintenu dans une série technique : on nomme lumière l'ouverture dans le canon d'une arme à feu (1475), dans un tuyau d'orgue (1680), dans un corps de pompe (1694), dans le fût d'un outil à corroyer le bois (1803), dans le cylindre d'une machine à vapeur (1873).
Attesté au XIIe s., le sens beaucoup plus courant de « clarté, jour » est d'abord réalisé dans un contexte théologique avec la valeur figurée de « rayonnement divin, source de vérité » (v. 1120), dans des expressions comme ange de lumière, fils de lumière, enfant de la lumière, puis également avec sa valeur physique (v. 1176). ◆  Avant la fin du XIIIe s., le mot s'applique concrètement à une source de lumière artificielle, continuant d'abord le premier sens du latin luminaria dans le syntagme lumière de cire (v. 1225) « bougie », puis s'étendant à diverses lampes (1260) et, au XIXe s., à l'électricité, lumière électrique* (1864 ; l'expression elle-même est plus ancienne : 1749, Nollet) désignant plutôt la clarté que la source lumineuse.
Cet emploi n'est plus vivant, en français d'Europe, que pour une source de lumière non identifiée, lampe, ampoule, etc. le remplaçant le plus souvent. Cependant, en français du Québec, en partie par influence des emplois de l'anglais light, lumière peut désigner une ampoule électrique et surtout, un feu de circulation (passer sur la lumière rouge). Au Québec encore, ainsi qu'en français du Liban, les lumières peut s'employer pour « les phares » ou « les feux arrière » d'un véhicule.
■  Si le sens de « vue, yeux » (v. 1225) ne s'est répandu que dans le style précieux et poétique, la valeur figurée de « lucidité » (XIIIe s.), devenue archaïque, s'est prolongée d'une part sur la métonymie pour « personne d'un mérite éminent dans un certain domaine » (v. 1400), dans un contexte religieux puis, de nos jours, dans l'usage plaisant (ce n'est pas une lumière !), d'autre part sur le sens de « connaissance, capacité intellectuelle innée ou acquise » (1637).
■  Cette dernière valeur, surtout au pluriel les lumières (1665), parfois écrit avec la majuscule, a acquis une acception philosophique (1761, Voltaire : les lumières d'un siècle éclairé) correspondant à l'Aufklärung allemand et à l'Enlightenment anglais. L'expression, ainsi que celle de siècle des lumières pour désigner le XVIIIe s., ou philosophie des Lumières, s'est imposée par référence au programme laïc des philosophes et hommes de science qui travaillaient selon l'expression employée par Descartes à la « seule lumière naturelle » (non plus théologique et surnaturelle).
❏  L'usage n'a pas retenu le composé ENLUMIÈRER v. tr. « rendre la vue à » (v. 1120), le dérivé LUMIÈRETÉ n. f. (1495) ni CONTRE-LUMIÈRE n. m., employé au XVIe s. au sens de « reflet ».
■  Le syntagme année de lumière (1877) « distance parcourue en une année par la lumière » a reçu une variante contestée avec ANNÉE-LUMIÈRE n. f. (1946) unité de distance astronomique.
■  Le sens technique premier de lumière se maintient dans le terme d'artillerie COUVRE-LUMIÈRE n. m. (déb. XXe s.) en passe de sortir de l'usage.
❏ voir LUMIGNON, LUMINAIRE, LUMINEUX ; ALLUMER, ILLUMINER.
L LUMIGNON n. m. est une variante de l'ancien limignon (1393), attesté dès le XIIe s. sous la forme limeignon (1165-1174) avec l'acception de « mèche de chandelle ». Pour en arriver à celle-ci, il convient de retracer l'évolution à partir du latin populaire °lucinium, qui est passé en italien dans lucignolo « lumignon ». Ce mot serait l'altération d'après lux, lucis « lumière » (→ lucide) du bas latin licinium (XIe s., glose), lequel serait une forme altérée du latin ellychnium, emprunt du grec ellukhnion. Ce dernier est le préfixé de lukhnion « lampe », dérivé de lukh « torche, lampe que l'on porte », lequel contient la racine indoeuropéenne °leuk- (→ lucide) avec un suffixe °-sno. Ce °lucinium aurait été refait en °luminium sous l'influence de lumen (→ lumière)lux ayant disparu dans la France du Nord — et aurait donné un latin populaire °luminio dont lumignon représenterait l'accusatif °luminionem.
❏  Lumignon désigne le bout de mèche allumé d'une bougie ou d'une lampe à huile ; par extension, il se dit (1851) d'une lampe de faible intensité, le premier sens tendant à disparaître avec la diffusion de l'éclairage électrique.
LUMINAIRE n. m., apparu sous la forme plurielle luminaries (v. 1120), est emprunté au latin chrétien luminare, adjectif tiré de lumen « lumière » au sens de « qui éclaire, produit de la lumière », substantivé au sens d'« astre ». Le latin chrétien employait surtout en ce sens le pluriel luminaria (→ lumière), ce qui explique la forme luminaries.
❏  Luminaire a d'abord signifié « astre », sens qui ne s'est conservé que par allusion biblique (spécialement pour le soleil et la lune). Depuis le XIIe s. (1176), il désigne l'ensemble des lumières servant à l'éclairage, tant dans l'usage courant qu'en liturgie, à propos des sources d'éclairage dans une église lors d'une cérémonie (le luminaire) et des sources artificielles de lumière (un, des luminaires). ◆  Comme lumière, le mot a connu le sens figuré d'« yeux », vivant au XVIIe s. dans l'usage des précieux.
❏  Son dérivé LUMINARISTE n. (1859) est un terme d'histoire de l'art qui désigne un peintre attaché à rendre des effets de lumière ; on dit aussi LUMINISTE, ce dernier formé sur le latin lumen (v. 1877). ◆  Dans l'argot ancien du théâtre, luminariste désignait un allumeur de lampes (1867).
LUMINEUX, EUSE adj. est un emprunt (v. 1278) au latin luminosus « brillant, remarquable », et dans les textes chrétiens « clair, source de lumière », dérivé de lumen (→ lumière).
❏  Le mot qualifie ce qui répand de la lumière et, métaphoriquement, ce qui répand la vérité dans l'esprit ; il a éliminé l'ancien adjectif lumiéreux, formé sur lumière, et a développé progressivement un sens figuré (1486). Il est spécialement employé en optique (1801) au sens de « qui appartient à la nature de la lumière » (rayons lumineux). ◆  Par ellipse d'un syntagme comme voyant lumineux, il est substantivé au masculin pour désigner le dispositif lumineux fixé sur le toit d'un taxi (appelé familièrement bidule).
❏  Lumineux a produit LUMINOSITÉ n. f. (v. 1200), de formation savante et de sens exclusivement physique ainsi que LUMINEUSEMENT adv. (1470), surtout employé au figuré.
■  Le latin lumen ou le radical de lumineux ont servi à former quelques termes d'usage didactique (optique, physique) au XIXe et au XXe s., tels LUMINESCENT, ENTE adj. (1897), et LUMINESCENCE n. f. (1895), créé d'après phosphorescence pour désigner une émission de lumière déterminée par un facteur physique extérieur. ◆  Ce sens, par spécification, a entraîné la formation de composés, dont PHOTOLUMINESCENCE n. f. (v. 1930), RADIOLUMINESCENCE n. f. (1932). ÉLECTROLUMINESCENCE n. f. (1930).
■  LUMINANCE n. f. (1948) désigne le quotient de l'intensité lumineuse d'une surface par son aire apparente ; il a remplacé brillance et il est probablement formé d'après ce mot.
LUMP n. m. est emprunté (1776) à l'anglais lump (XVIe s.), mot d'origine incertaine, peut-être du moyen bas allemand lumpen, correspond au moyen néerlandais lumpe (sur lequel on a formé le latin scientifique moderne lumpus). Ce mot pourrait être, par allusion aux formes lourdes du poisson, le même que le terme germanique désignant une masse compacte informe : norvégien et suédois dialectaux lump « bloc, masse, rondin », néerlandais lomp, bas allemand lump « rude, grossier », à l'origine de l'allemand Lumpen « haillon, chiffon ». Ce dernier a été emprunté en français dans l'expression lumpen prolétariat, reprise à K. Marx, en allemand Lumpenproletariat (1850), qui l'applique à la partie la plus dégradée du prolétariat. — Il serait alors de la famille de l'anglais lump « morceau » (XIIIe s.) que le français a emprunté au pluriel lumps (1791) avec sa spécialisation « pains de sucre de qualité inférieure ».
❏  Le mot, qui désigne un poisson de forme massive, a d'abord eu deux formes, lump et lompe, ce dernier (1799) obtenu par traduction du latin scientifique lumpus (Linné, Cyclopterus lumpus). Les œufs de lump, teints en noir à l'imitation du caviar, ont répandu le mot, diversement prononcé.
❏ voir LUNCH.
LUNAIRE, LUNATIQUE → LUNE
LUNCH n. m., sous cette forme lunch, attestée en 1817 dans une description de l'organisation anglaise des repas, a précédé de peu launcheon (1823), luncheon, aujourd'hui archaïques. Ces formes sont respectivement empruntées à l'anglais lunch et luncheon : lunch, à l'origine « morceau, tranche épaisse » (XVIe s.) est peut-être une altération de lump « masse informe », mot d'origine germanique désignant des morceaux de sucre de petite taille et qui a donné lump*. On a aussi proposé d'y voir un emprunt à l'espagnol lonja (XIVe s.) « morceau de viande », emprunté au français longe*. Luncheon, attesté en anglais bien avant lunch au sens de « léger repas pris entre le petit déjeuner et le dîner », semble en être le dérivé selon un mode de formation discutée, avec une spécialisation de sens que lui a reprise lunch au XIXe siècle.
❏  En français, le mot est appliqué au repas du milieu de la journée dans un contexte anglo-saxon et, depuis 1860, à une collation servie lors d'une réception. Sous le second Empire et la troisième République, par anglomanie, il était aussi employé pour désigner une collation prise entre deux repas, généralement à la place du déjeuner et en début d'après-midi.
❏  LUNCHER v. intr. (1856) « faire un repas léger », adaptation de l'anglais to lunch (1823, même sens), et LUNCHEUR, EUSE n. (1896), ont vieilli.
BRUNCH n. m. est un emprunt (v. 1970) à un « mot-valise » américain, de breakfast* et lunch.
L LUNDI n. m., d'abord lunsdi (v. 1119), puis lundi (1160-1174), est issu d'un latin populaire °Lunis dies, altération du latin classique Lunae dies, proprement « jour de la lune » de luna (→ lune) et dies (→ jour). Les jours de la semaine étaient désignés à Rome par les noms des sept planètes : Saturnus, Sol, Luna, Mars, Mercurius, Juppiter et Venus, le christianisme réussissant à éliminer Saturnus et Sol (maintenus en germanique, par exemple dans l'anglais Saturday « samedi », Sunday « dimanche ») au bénéfice de sabbatum (→ sabbat, samedi) et de dominicus (→ dimanche). L'ordre courant des mots en latin paraît avoir été dies Lunae, concurrencé de bonne heure par Luna dies et par lunae, auxquels s'ajoute le type chrétien secunda feria « seconde fête » conservé par le portugais segunda feira. Le type dies lunis s'est maintenu dans le catalan dil(l)uns, l'occitan et le franco-provençal diluns puis dilun, l'ancien français deluns (du XIIIe au XVe s. en Wallonie, Hainaut et Picardie). Le type lunis dies vit en français, dans l'italien lunedi ; la variante lunis, employée seule, est conservée par l'espagnol lunes, le provençal et le franco-provençal luns devenu lun, ainsi qu'en roumain, en sarde.
❏  Le mot désigne le premier jour de la semaine de travail, après le dimanche. ◆  L'expression ça va comme un lundi « ça ne va pas très bien », fait allusion à la reprise de travail hebdomadaire.
❏ voir MARDI, etc.
L + LUNE n. f. est issu (1080) du latin luna qui appartient à un important groupe de mots issus de la racine indoeuropéenne °leuk « être lumineux, éclairer » (→ lucide, luciole, lueur, luire, lumière, lustre). Luna provient d'un °leuk-s-na, féminin substantivé d'un ancien adjectif en -no, féminin -na, signifiant proprement « la lumineuse », épithète qui, comme le grec selênê, s'applique à une puissance active. Il a remplacé l'ancien nom masculin de la lune (auquel s'attachait un tabou, la lune ayant pour les Anciens une action dangereuse) que l'on retrouve dans mois*, menstrues*. La lune était divinisée chez les Romains : un temple lui était consacré sur l'Aventin (il fut brûlé par Néron) et un jour de la semaine lui était voué (→ lundi). Plus tard, elle a été confondue avec Diane, elle-même absorbée par l'Artemis grecque. Luna désignait à la fois l'astre, la divinité, le mois lunaire, entre autres sens.
❏  Lune, apparu en français pour « astre satellite de la Terre », a pris le sens de « mois lunaire » (1556) mais l'a perdu au bénéfice de son dérivé lunaison (voir ci-dessous), sauf dans des évocations culturelles traditionnelles (notamment en emploi qualifié, dans certains décomptes chronologiques). ◆  Le mot exprime encore l'idée de « période » dans les syntagmes pleine lune (plaine lune, fin XIIe s.), nouvelle lune (1530), et les expressions figurées lune de miel (1748, lune du miel), calquée sur l'anglais honeymoon (1546), vieilles lunes « temps passé complètement oublié » (1873).
■  Les anciennes croyances quant à l'influence de la lune sur le comportement humain sont à l'origine de l'ancien sens métonymique « époque des menstrues d'une femme » (1585) et de nombreuses locutions comme être dans la lune, avoir ses lunes « être mal luné » et, anciennement tenir un quartier de lune (1495) ou tenir de la lune, sujet à la lune « être insensé ». Dans le même registre, coup de lune « action soudaine, imprévisible ou irréfléchie » (avant 1738), qui semblait sorti d'usage, est à nouveau attesté au XXe siècle. Voir ci-dessous lunatique.
◆  À partir du XVIe s., on relève une abondante phraséologie tenant la lune pour le symbole de l'impossible avec promettre la lune (1537, sous une variante) et prendre la lune avec les dents « tenter l'impossible » (1532) qui annonce décrocher la lune et demander la lune (1867).
■  Par analogie de forme, lune est employé populairement pour désigner un visage joufflu (pleine lune, 1640), ainsi que le derrière (1872), avec taper dans la lune « sodomiser » (1943 dans Jean Genet), et, plus innocent, voir la lune en plein jour, en plein midi « voir les fesses de quelqu'un ». ◆  Il entre aussi dans la dénomination d'espèces animales et végétales de forme ronde : poisson-lune, lune d'eau « nénuphar » (1529). ◆  Le sens initial a été étendu à « satellite (d'une planète autre que la Terre) », par exemple dans les lunes de Jupiter, éliminant lunule.
❏  Lune a immédiatement servi à former LUNAISON n. f. (v. 1119) sur le modèle du bas latin lunatio de même sens.
■  Ultérieurement, il a donné l'adjectif LUNÉ, ÉE (1579), vieilli avec son sens propre « influencé par la lune », mais conservé pour son sens figuré dans bien luné, mal luné (1867) « de bonne, de mauvaise humeur » (→ lunaire, lunatique), et techniquement, pour qualifier un bois atteint de lunures.
■  LUNURE n. f. (1842) désigne un défaut sous la forme de couches ligneuses, de couleur différente de celle du bois environnant.
■  Les autres dérivés de lune sont limités à un usage poétique rare LUNEUX, EUSE adj. « éclairé par la lune », LUNERIE n. f. chez Verlaine « folie », le verbe impersonnel LUNER.
Lune entre dans la formation de DEMI-LUNE n. f. (1553) qui a aussi quelques sens analogiques, comme « espace en demi-cercle » et s'emploie adjectivement (1925), par exemple dans table demi-lune, et dans LUNI-SOLAIRE* adj. (1732).
ALUNIR v. intr. et ALUNISSAGE n. m. (1923) ont été formés sur le modèle d'atterrir, atterrissage, à propos du fait de se poser sur la lune (l'Académie française recommandant de leur préférer ces derniers).
LUNAIRE adj. a été emprunté (XIIIe s.) au latin lunaris « de la lune », dérivé de luna. D'abord employé dans le domaine de l'astronomie (an lunaire), le mot a pris par extension le sens de « qui semble appartenir à la lune, l'évoque par sa forme » (1752). Il est devenu l'adjectif de lune et, d'après la valeur figurée de ce dernier, a reçu (1887, Verlaine) le sens figuré de « chimérique, rêveur » (→ lunatique), la lune étant associée traditionnellement à la poésie et à la folie (Cf. aussi jovial, saturnien).
■  Par composition, on a formé les adjectifs SUBLUNAIRE (1548) « au-dessous de la lune », réservé à monde sublunaire « la Terre » (employé pour traduire le concept aristotélicien d'un monde soumis à la génération et à la corruption, et opposé au monde céleste), peuple sublunaire (1680) « les Terriens », et SEMI-LUNAIRE (1721) « qui a la forme d'une demi-lune » (ganglions semi-lunaires).
LUNATIQUE adj. est emprunté (v. 1277) au dérivé bas latin lunaticus qui, outre le sens temporel « qui ne dure qu'un mois », signifiait « qui vit dans la lune », « maniaque, épileptique », et, substantivé, « fou ». Cet emploi latin correspond à celui du grec selêniakos « épileptique », de selênê « la lune ».
■  En ancien et moyen français, lunatique, qui a évincé le terme plus ancien lunage (XIIIe-XVe s.), reste très lié à l'idée de l'influence pernicieuse de la lune (« fou périodiquement »), idée à demi oubliée dans l'usage moderne du mot au sens atténué de « fantasque, capricieux » (1611). Depuis 1690, lunatique qualifie un cheval atteint d'ophtalmie, maladie autrefois associée au cours de la lune. Il est substantivé depuis 1718 (un, une lunatique) ; Cf. l'évolution de fanatique.
LUNULE n. f. est un emprunt (1694) au latin lunula « petite lune, petit croissant », diminutif de luna (→ lune).
■  Le mot a quelques sens spécialisés, en géométrie, en liturgie (1867), en anatomie (1859), en description zoologique, tous par référence à la forme d'un petit croissant. ◆  Le sens de « satellite d'une planète autre que la Terre » (1704) a disparu.
❏ voir LUNETTE.
LUNETTE n. f. est le diminutif (v. 1200) de lune*, progressivement démotivé à mesure que sa spécialisation en optique a pris de l'importance.
❏  Le sens propre et initial de « petite lune » survit dans les emplois analogiques s'appliquant à des objets circulaires comme la plaque de verre ou de métal poli d'un miroir circulaire (v. 1280), concurrençant et évinçant lune en ce sens. Le mot s'est spécialisé en optique pour désigner un instrument grossissant la vue d'objets lointains avec des syntagmes rendus nécessaires par le succès de lunettes (ci-dessous) tels que lunette astronomique, lunette d'approche.
■  Depuis 1676, il s'applique également à une ouverture plus ou moins ronde, désignant une fenêtre dans les toits, le siège d'aisance (lunette de cabinets) ainsi que la partie de la montre dans laquelle se met le cristal (1680). Il désigne aussi (1872) la partie évidée de la guillotine dans laquelle le condamné passait la tête et (XXe s.) la vitre (ronde à l'origine) placée à l'arrière de la voiture.
Le pluriel LUNETTES n. f. pl. est attesté depuis 1398 au sens d'« instrument destiné à améliorer la vue ». L'invention d'un tel instrument a eu lieu en Italie vers la fin du XIIIe ou au début du XIVe s., peut-être à partir des travaux d'optique du moine Roger Bacon qui, dans son traité Opus Majus, propose l'usage d'un segment d'une lunette (sphère de verre) pour faciliter la lecture. Lunettes a tendu très rapidement à se séparer de lunette et à devenir un terme autonome. Plus général, il a évincé les autres termes employés en ce sens : le latin spectacula (1416) attesté en français sous la forme expectacle vers 1305 (anglais spectacle-glass, spectacles « lunettes »), et béricle, bésicle, qui s'est maintenu pour ce qu'on a appellé les verres de lunettes. Lunettes est très usuel, entre dans de nombreux syntagmes (étui à lunettes, verres de lunettes, lunettes de soleil... et, en français d'Afrique, lunettes anti-soleil) et a des connotations figurées (mettre des lunettes « mieux voir »). Par analogie de forme, le mot entre dans les locutions descriptives, telle serpent à lunettes (1765, serpent à lunette).
❏  Il a produit LUNETIER ou LUNETTIER n. et adj. (1508) qui sera éliminé par opticien en emploi substantif mais utilisé comme adjectif (1907, industrie lunetière), et LUNETTERIE n. f. (1873).
❏  Les adjectifs LUNETTEUX, EUSE (familier et péjoratif) et LUNETTÉ, ÉE (XXe s. ; dès 1867, en zoologie) signifient « porteur de lunettes ».
LUPANAR n. m. est emprunté (1532) au latin lupanar « lieu de débauche, maison de prostitution », dérivé de lupa « louve » (→ loup), dont le sens de « courtisane, prostituée », est attesté avant même celui de « femelle du loup ».
❏  Le mot, attesté depuis Rabelais, est d'usage littéraire pour désigner une maison de prostitution.
LUPERCAL, ALE, AUX adj. et n. f. pl. est emprunté (1541) au latin lupercalis « de Lupercus, des Luperques », substantivé comme nom du lieu consacré au dieu Lupercus dans l'ancienne Rome où, selon la légende des origines de Rome, la louve aurait nourri Romulus et Rémus. Le mot est dérivé de Lupercus « le dieu-loup », et au féminin Luperca « la déesse-louve », le pluriel Luperci désignant les prêtres chargés de célébrer le culte du dieu dans les lupercalia (neutre pluriel de lupercalis), fêtes annuelles célébrées à Rome le 15 février, comportant un sacrifice et un banquet. L'épisode le plus important était une course des prêtres. Ceux-ci, nus, revêtus d'une peau de loup, puis de bouc couraient autour du Palatin, flagellant les passantes avec des lanières de cuir, pratique censée assurer leur fécondité. Le dieu-loup romain correspond au Zeus Lukaios (de lukos « loup », → lycée) et se range parmi les dieux « thériomorphes » (de thérion « bête sauvage »). L'étymologie de Lupercus est contestée. On y reconnaît indubitablement lupus (→ loup), mais certains évoquent arcere « contenir » (→ exercer) pour le second élément ou une formation juxtaposant lupus et hircus « bouc », mot d'origine inconnue.
❏  Le mot a été repris par les historiens de l'antiquité avec tous les emplois du mot latin, comme adjectif, comme nom féminin pluriel pour les fêtes consacrées à Lupercus (1605) et comme nom masculin singulier pour le lieu voué au culte de ce dieu (1721), ce dernier emploi étant beaucoup plus rare.
LUPIN n. m. est emprunté (v. 1256) au latin lupinus, littéralement « (herbe) aux loups », cette plante devant peut-être son nom à l'amertume de ses graines. C'est la substantivation de l'adjectif lupinus « du loup », dérivé de lupus (→ loup). L'ancien français a eu, par évolution populaire, le type louvin « qui appartient au loup », d'où « horrible, menaçant », lui-même substantivé comme terme de botanique (lovain), et attesté jusqu'au XVIIe siècle.
❏  Lupin a été repris comme nom de plusieurs plantes contenant le nom du loup sous sa forme latine à côté du moyen français lupule « houblon » (XVe s.), et dans des syntagmes formés avec la forme française loup*.
■  L'adjectif correspondant, LUPIN, INE (fin XIIe s.), emprunt à l'adjectif latin appliqué à un païen « à tête de loup », puis à ce qui est fait comme par un loup (1556), est relatif au loup (1840) ; il est resté quasiment inusité.
LUPULIN n. m. est dérivé par les botanistes (1822) du latin médiéval lupulus « houblon », diminutif de lupus, qui prend ce sens dans Pline, et fait partie des mots de la famille de lupus « loup », employés pour désigner des plantes. Le mot désigne la substance pulvérulente, jaunâtre, qui apparaît entre les écailles des cônes du houblon à maturité et donne sa saveur à la bière. ◆  Le même latin botanique lupulus a servi à qualifier une variété de luzerne, la luzerne lupuline (1778), d'où le n. f. LUPULINE (1800). Depuis 1845, le mot, dérivé de lupulin, désigne l'alcaloïde tiré de cette substance du houblon.
LUPUS n. m. est un latinisme (1363, réattesté en 1823), le latin lupus « loup » ayant pris ce sens figuré, « maladie de peau envahissante ». Au XIXe s., le mot prend en médecine la valeur, plus précise, de « maladie cutanée due au bacille de la tuberculose », et aussi d'une autre affection aux symptômes voisins (nodules ulcérés laissant des cicatrices profondes).
LURETTE n. f. est une forme corrompue de heurette (v. 1119, hurete), diminutif d'heure*, signifiant « petite heure ». Dans le nord et l'est de la France, on emploie encore il y a belle heurette (1875). Le mot étant transmis oralement, dans les dialectes et patois, les attestations écrites, trop tardives, ne rendent pas compte de l'évolution.
❏  Lurette est aujourd'hui exclusivement employé dans l'expression familière il y a belle lurette (que) (1877), quelquefois depuis, voici belle lurette, et dès 1807 dans un parler local avec il y a belle lurette « il y a longtemps ».
LUREX n. m. est emprunté (av. 1968) à l'anglo-américain lurex, nom déposé en 1945 d'un fil à tricoter gainé de polyester, ce qui lui donne un aspect métallique. Ce mot est formé, avec le suffixe publicitaire -ex, de lure « charme, attrait », également et originellement « leurre », emprunté comme terme de chasse à l'ancien français luere, français leurre*.
LURON, ONNE n., mot populaire attesté vers 1500, se rattache, comme sa variante lureau (1532), à une série de formes régionales dont à lurelure « au hasard, sans intention précise » (1785, à lure-lure), le picard lures, lurettes « sornettes » et lurer « dire des sornettes ». Tous ont pour base des refrains de chanson populaire, tel Avant lure, lurete, Avant lure, luron, Mon Dieu que je suis vrai luron (v. 1500), et dégagent un radical onomatopéique lur- (également dans turelure). P. Guiraud propose de rattacher ce radical au mot latin technique et populaire lura « outre ».
❏  Luron « joyeux compère, bon vivant » (généralement en emploi qualifié par gai, joyeux) et « homme hardi, gaillard » (sens aujourd'hui vieilli) a développé au XIXe s. la spécialisation « hardi en amour » (1829). Cette valeur est également réalisée par son féminin luronne (1832). L'emploi le plus vivant est joyeux luron.
❏  Sainte Beuve emploie (1864) le dérivé LURONNERIE n. f. « qualité de luron ».
LUSITANIEN, IENNE adj. est tiré (1584) du latin Lusitania, nom de la province romaine qui comprenait le León, une partie de l'Estrémadure et le Portugal actuels. Le nom latin est dérivé de Lusitanus, lui-même formé sur un radical lus-, lusu- (Cf. Aquitanus), d'origine inconnue. Le mot s'emploie en histoire antique, et aussi pour qualifier les pays de langue portugaise. En géologie, le lusitanien (1885) est un étage du jurassique.
❏  LUSOPHONE adj. et n. qualifie et désigne les locuteurs de la langue portugaise, au Portugal, en Afrique, au Cap-Vert et au Brésil. ◆  On parle aussi de LUSOPHONIE n. f.
LUSTRATION n. f., écrit lustracion v. 1355, est un emprunt au latin lustratio, du verbe lustrare, de lustrum (→ 1 lustre), pour désigner, dans l'Antiquité romaine, une purification rituelle, souvent avec procession, sacrifice et spécialement, aspersion (→ lustral).