NATCHAVER v. intr. et SE NATCHAVER v. pron. font partie du lexique rom (souvent manouche) passé en argot français. En rom, natchav signifie « je pars » (apparenté à adjas : mettre les adjas). Ce verbe argotique (1937 dans Esnault) signifie « partir, s'en aller », d'où faire natchave (dans A. Boudard, 1974).
NATIF, IVE adj. et n. est emprunté (v. 1125) au latin nativus qui, par voie populaire, a aussi donné naïf*.
❏  Le mot a d'abord le sens d'« originaire d'un lieu », en franco-provençal (natiz) puis en français central (1409, natif de), comme adjectif et depuis 1560 comme nom.
■  Au XVIIIe s. apparaît le sens de « que l'on apporte à sa naissance » (1762, Rousseau), par adaptation de l'italien natio, natia « inné, naturel » (XIIIe s.), issu du latin nativus. ◆  Dans l'usage didactique, natif signifie aussi « brut, à l'état pur » en minéralogie (1762, or, argent natif), sens anciennement réalisé par naïf.
■  Comme nom, natif est spécialement employé pour une personne originaire d'un pays peu civilisé, un indigène : c'est alors un emprunt (1829) à l'anglais native de même origine, qui correspond à « celui qui est dans la servitude » (1450) et à « celui qui appartient à une race peu civilisée ».
❏  De natif sont dérivés NATIVEMENT adv. (1554), peu employé, et les didactiques NATIVISME n. m. (1876) et NATIVISTE adj. et n. (1888), ou NATIVISTIQUE chez Bergson (1889), d'après l'allemand, employés en physiologie et en philosophie dans une théorie considérant la perception de l'espace comme une donnée immédiate de la sensation.
❏ voir NATIVITÉ.
NATION n. f. est emprunté (v. 1120, naciuns) au latin natio, -onis, nom d'action, à côté de natus, us (→ nature) qui correspond au verbe nasci (→ naître) : « naissance » puis, par métonymie et spécialisation, « ensemble d'individus nés en même temps dans le même lieu ». À l'époque chrétienne, le mot est pris au pluriel nationes pour désigner les populations païennes, par opposition au « peuple de Dieu ». Au moyen âge, natio présente aussi le sens de « division de l'université de Paris ».
❏  En français, le mot connaît d'abord la graphie naciuns (pl.), puis nascion (1175) et enfin nation par latinisme (1470). Le premier sens, chronologiquement, est, au pluriel, celui de « païens » (par opposition aux juifs et aux chrétiens dans l'Ancien Testament). ◆  Le mot signifie aussi « naissance » (v. 1165), en particulier « nativité », valeur propre à l'ancien français, et « extraction, rang, famille, lignée » (XIIIe s.), acception sortie d'usage au XVIIe s., et employé par archaïsme chez La Fontaine, qui l'applique à une race animale (1668).
■  Avec un autre sens du latin, nation renvoie à un ensemble d'êtres humains caractérisés par une communauté d'origine, de langue, de culture (1175), en concurrence avec race, gent. ◆  En moyen français, il se dit aussi, d'après le latin médiéval, de la division de l'université de Paris, faite selon un découpage linguistique (1470) en « Anglais » (incluant les Allemands), Picards, Normands et « Français » (incluant les Espagnols et les Italiens). Le mot est aussi appliqué à une colonie de marchands se trouvant en pays étranger (v. 1475).
■  Au XVIIe s., par extension, nation englobe l'ensemble des individus unis par une communauté d'intérêts, de profession (1651-1657), avec une connotation péjorative que souligne Furetière (1690). ◆  La notion moderne de « nation » émerge véritablement au XVIIIe s. : avec la Révolution, la nation devient une entité politique identifiée au tiers état (1789, Sieyès), au peuple révolutionnaire, et prend sa définition de « personne juridique constituée par l'ensemble des individus composant l'État » (arrêté du 23 juillet 1789, avec l'expression crime de lèse-nation où le mot se substitue à royauté). La nation ne se confond cependant pas avec l'État dans la mesure où elle n'implique pas une institution juridique, où elle implique une idée de spontanéité, et la volonté de vivre en commun, sentiments qui s'affirment au XIXe siècle. Nation suppose une détermination spatiale, psychosociologique, économique et culturelle, parfois linguistique et ethnique. Les connotations du mot le rapprochent de patrie, mais, au XXe s., l'évolution des emplois de national modifient ses contenus, selon qu'il est question de politique intérieure ou extérieure, domaine où le mot est plus neutre. Il s'emploie en droit international dans l'expression clause de la nation la plus favorisée (1790) pour une clause stipulant que l'État signataire d'un traité s'engage à accorder aux ressortissants de son cocontractant tous les avantages déjà accordés à un pays tiers. Il est entré dans les dénominations Société des Nations (1919) et Organisation des Nations Unies (1945).
❏  De nation est dérivé NATIONAL, ALE, AUX adj. et n. (1534), employé dans les premiers textes avec le sens de « relatif à une nation » en référence à une organisation religieuse (concille national). ◆  Le sens général, attesté au XVIe s. (1550), se répand au XVIIIe s., dans la période prérévolutionnaire, puis pendant la Révolution. Les ressortissants d'une nation reçoivent le nom de NATIONAUX n. m. pl. (1769), emploi qui n'est entré dans la langue courante que dans le français d'Afrique, de Madagascar, de Nouvelle-Calédonie, pour toute personne ayant la nationalité du pays où elle réside. ◆  L'adjectif national assume en général le sens de « qui concerne l'ensemble de la nation », entrant dans l'expression assemblée nationale pour désigner les états généraux (1756), puis l'assemblée proclamée le 17 juin 1789. À la même époque, garde nationale désigne le corps des citoyens armés chargés de maintenir l'ordre et de veiller à la défense du territoire (1789-1791). Une valeur dérivée pour « qui représente la nation, en est l'émanation » est également attestée depuis 1789 (volonté nationale).
■  Au XIXe et au XXe s., le mot entre dans nombre de syntagmes avec le sens de « qui appartient à l'État, est géré par lui » (et non par une collectivité territoriale comme le département), dans route nationale (1875), elliptiquement une, la nationale n. f. (1933).
■  Les valeurs ironiques et familières du mot, en parlant d'une chose ou d'un être adopté par une communauté, datent du XIXe s. (1866 ; 1922, après un nom propre, notre Jean national, etc.).
■  En relation avec nationalisme, l'adjectif, en politique, connote une attitude de sauvegarde ou de revendication par rapport à la nation. Dans le second cas, national, comme pendant la Révolution, est en rapport avec une politique d'indépendance et d'identité ; dans le premier, lorsque la nation correspond déjà à un État souverain, national peut correspondre à une idée conservatrice de la nation, parfois liée à une défense contre les éléments extérieurs ou jugés indésirables. Cette opposition se manifeste surtout après 1870, en relation avec la valeur que prend alors nationalisme. L'adjectif entre dans des désignations de partis (en France, Front national, 1972, correspondant à la notion de droite nationale).
■  L'adverbe NATIONALEMENT « d'une façon nationale » est attesté depuis 1739 et répond aussi au sens de « par ordre de la nation » (1821, Saint-Simon).
Trois autres dérivés de national sont apparus pendant la période révolutionnaire.
■  NATIONALITÉ n. f. est relevé (av. 1778) au sens de « sentiment national », après l'anglais nationality et l'espagnol nacionalidad qui existent depuis le XVIIe siècle. ◆  Il désigne au XIXe s. l'état, la situation d'une personne qui appartient à une nation (1835), évinçant de cet emploi naturalité (mais naturaliser a conservé cette acception ; → naturel).
■  NATIONALISME n. m. (1798) se confond d'abord avec la conscience nationale révolutionnaire, et, au XIXe s., développe le sens d'« exaltation du sentiment national », dans une acception tantôt valorisante (1836, Lamartine), tantôt péjorative (1849, Proudhon). Cependant, il est relevé pour la première fois chez Proudhon avec une autre valeur laudative, celle d'« aspiration à l'indépendance politique, économique, d'une communauté opprimée » (av. 1865). ◆  Après 1870, et surtout aux approches de 1914, nationalisme suggère en France une attitude de défense patriotique et souvent de conservatisme politique. Dès lors, le nationalisme, qui était révolutionnaire, puis populaire, enfin, autour de 1848, lié à la requête d'indépendance, devient essentiellement bourgeois et petit bourgeois ; il est revendiqué par les partis de droite.
■  NATIONALISTE adj. et n. désigne à la fois le partisan du nationalisme (1830, n. ; 1874, adj.) et celui qui lutte pour l'indépendance de son pays (1878, à propos des nations serbes et roumaines).
■  Par préfixation, on a formé les antonymes ANTINATIONAL, ALE, AUX adj. (1743), ANTINATIONALISME n. m. (1914, Jaurès) et ANTINATIONALISTE adj. (1927), le superlatif ULTRANATIONALISTE adj. et n. qui prend les connotations d'extrémiste réactionnaire souvent attachées aux mots en ultra-.
Autre dérivé attesté depuis la Révolution, NATIONALISER v. tr. (1792) correspond à « rendre national, identifier avec la nation » et « déclarer propriété de l'État » (1793, à propos des biens du clergé). Cependant le fait d'assimiler une personne à une nation est rendu par naturaliser (→ naturel). ◆  Son emploi en économie est relevé une première fois en 1842 (socialiser et nationaliser tous les instruments de travail) et de nouveau à partir de 1948, à l'actif comme au participe passé (entreprise nationalisée).
■  Le nom correspondant, NATIONALISATION n. f. a connu la même évolution, du sens premier « fait de rendre national » (1796, à propos des biens des émigrés), emploi disparu, à « action de transférer du privé au public un secteur de l'appareil productif, du système bancaire ou financier » (1869, nationalisation du sol). ◆  Depuis le milieu du XXe s., on emploie NATIONALISABLE adj.
■  Le préfixé antonymique DÉNATIONALISER v. tr. a d'abord eu le sens de « priver de sa nationalité » (1808 ; peut-être fin XVIIIe s.) avant de devenir comme le verbe simple un terme d'économie (1918). ◆  Il en va de même de son dérivé DÉNATIONALISATION n. f. (1848), employé depuis 1918 en économie (l'anglais a denationalization dès 1814 et l'italien denazionalisazione dès 1812, avec le premier sens).
NATIONAL-SOCIALISME n. m. est la traduction littérale (1932) de l'allemand Nationalsozialismus, composé de national (de même origine) et de Sozialismus (→ socialisme), NATIONAL-SOCIALISTE adj. et n. (1923) correspondant à l'allemand Nationalsozialist « membre du Nationalsozialistiche Deutsche Arbeitpartei (Parti ouvrier allemand national-socialiste) », nom donné lors de sa fondation (1920) à ce parti dirigé par Hitler. L'abréviation allemande nazi (pour Nationalsozialist) a été empruntée par le français NAZI, IE n. (1931) et adj. (1933). ◆  La même décennie 1930-1940 a vu apparaître les dérivés NAZISME n. m. (1933), NAZISTE adj. (1934) qui n'a pas vécu, NAZIFIER v. tr. (1940) puis ANTI-NAZISME n. m. (1934), ANTI-NAZI, IE adj. et n. (1936), qui témoignent de la lutte, interne pour les Allemands, puis internationale, contre le régime nazi et ses actions. Après la victoire des Alliés et la disparition de ce régime, apparaît DÉNAZIFIER v. tr. (v. 1945). ◆  NÉO-NAZI, IE adj. et n. (1952) correspond à la réapparition de tendances politiques et idéologiques du même type.
■  NAZILLON n. m. est un dérivé plaisant et péjoratif de nazi, d'après le verbe nasiller. ◆  Toute la série, courante immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, est concurrencée par les dérivés de fascisme-fasciste, qui ont un sens plus général et plus vague.
En français, probablement d'après national-socialisme, national sert de premier terme à quelques composés en politique, du type NATIONAL-POUJADISME n. m. (1973).
INTERNATIONAL, ALE, AUX adj., de inter-*, apparaît au début du XIXe s. (1802) dans la traduction d'un ouvrage de Jeremy Bentham, publié en Angleterre en 1780. L'adjectif français est donc un anglicisme ; il s'applique à ce qui concerne les rapports des nations entre elles, puis qualifie (1836) ce qui a lieu de nation à nation entre plusieurs nations. Le mot entre dans la dénomination Association internationale des travailleurs, abrégée (1868) en INTERNATIONALE n. f. ; cette association, fondée à Londres en 1864 sous la présidence de Karl Marx, désigne le groupement de prolétaires de diverses nations, unis pour défendre leurs revendications. Après sa dissolution en 1876 ont été fondées la IIe Internationale (à Paris, 1889) à laquelle se rattachait en France la Section française de l'Internationale ouvrière (abrév. S. F. I. O.), ancêtre du Parti socialiste, puis la IIIe Internationale (à Moscou par Lénine, 1919), enfin la IVe Internationale (par Trotski, 1939). ◆  Dans ce cadre, international, ale, n. a désigné (1871, n. m.) un partisan de la première Internationale et l'Internationale n. f. est le titre (1871) d'un hymne révolutionnaire, écrit sur des paroles d'Eugène Pottier et mis en musique par Pierre Degeyter ; exécuté pour la première fois en 1888, ce chant est resté l'hymne des partis socialistes et communistes.
■  L'adjectif s'applique aussi (1870) à une réunion qui rassemble les représentants de plusieurs nations, acception d'abord relevée en sports ; par extension il se dit de lieux (territoire international) et de personnes, notamment dans joueur international ou international (1901).
■  Plusieurs dérivés avaient été proposés par Richard de Radonvilliers (1845) ; INTERNATIONALISER v. tr., effectivement employé en 1911, peut-être d'après l'anglais to internationalize (1864), son dérivé INTERNATIONALISATION n. f. (repris en 1902) et INTERNATIONALEMENT adv., attesté en 1870. Ces mots sont devenus courants après 1945, avec la création d'institutions qui engagent l'ensemble des nations et l'interdépendance des économies.
■  INTERNATIONALITÉ n. f. (1845, Radonvilliers ; puis 1871) est un terme de droit.
■  INTERNATIONALISME n. m., lui aussi proposé par Richard de Radonvilliers, effectivement employé depuis 1876, peut-être d'après l'anglais internationalism (1851), et INTERNATIONALISTE, attesté comme nom en 1871 et comme adjectif en 1872, sont d'abord relatifs à la doctrine qui préconise l'union des peuples par-delà les frontières (internationalisme prolétarien). ◆  Ils s'opposent ensuite (fin XIXe s.) à nationalisme en économie et en politique.
SUPRANATIONAL, ALE, AUX adj. (1901, écrit supra-national) s'applique en droit à ce qui est placé au-dessus des institutions nationales et qualifie ce qui concerne le regroupement de plusieurs nations. ◆  Répandu avec les débats sur la formation de l'Europe, le mot a fourni en politique SUPRANATIONALISME n. m. (1964), SUPRANATIONALISTE adj. et n. (v. 1970) et SUPRANATIONALISATION n. f. (1968), rare. SUPRANATIONALITÉ n. f., terme administratif (1963), formé sur nationalité, se rattache à supranational pour le sens.
Enfin, par adjonction de l'élément multi-, a été formé MULTINATIONAL, ALE, AUX adj. et n. f. (1928). Employé dans le vocabulaire diplomatique pour qualifier ce qui englobe plusieurs nations ou nationalités, cet adjectif est entré dans le domaine économique au sens de « qui exerce ses activités dans divers pays » (1966). ◆  Entreprise multinationale est substantivé au féminin en une multinationale (1972) pour « très grande entreprise à caractère multinational (par le financement, les activités) », symbole du grand capitalisme. ◆  PLURINATIONAL, ALE, AUX adj. (1931) est demeuré rare.
NATIVITÉ n. f. est emprunté (v. 1120) au bas latin nativitas « naissance », dérivé de nativus (→ naïf, natif). En latin chrétien, le mot a pris le sens particulier de « génération » (spécialt en parlant de la génération du verbe), « production » d'où par métonymie « récolte », et en religion « anniversaire de la naissance du Christ » dans l'expression nativitas Domini.
❏  Nativité a concurrencé et éclipsé l'ancien doublet populaire naïté (1175) « lieu de naissance » et « naissance, origine » (1200), issu de nativitas par évolution phonétique.
■  Il signifie d'abord « action de produire, production, récolte », valeurs propres à l'ancien français, mais prend rapidement celui de « jour de naissance », dans le contexte religieux de la naissance du Christ ou de la Vierge (1130-1140). Par métonymie, nativité désigne le jour où l'on célèbre la naissance du Christ (1140) (→ noël). Plus tard, il s'emploie pour la fête de la naissance de saint Jean-Baptiste (1375-1379, la veille de la nativité Sainct Jehan Baptiste).
■  À côté de ces emplois religieux et de la métonymie pour « représentation picturale de la naissance du Christ » (1699), le sens commun de « naissance, anniversaire » (1176-1181) ne s'est pas maintenu, sinon dans quelques emplois du langage médical et, en astrologie, dans l'expression thème de nativité (XVIe s.) pour thème de naissance (on dit aussi thème natal).
NATRON ou NATRUM n. m., d'abord natron en français (1665), est pris à l'arabe natrūn, passé par l'espagnol, désignant la substance, un carbonate de sodium naturel hydraté et cristallisé, servant à la conservation des momies dans l'antiquité égyptienne.
❏  L'espagnol natron a fourni le latin des chimistes natrium, passé en français (NATRIUM n. m., 1842) pour désigner pendant un temps le sodium. C'est ce nom natrium qui explique le symbole chimique Na, resté celui du sodium.
NATRONNÉ, ÉE adj. se dit des sols, des terres contenant du natron, notamment dans le Sahel.
❏ voir aussi NITRE.
L NATTE n. f. est issu (1050, écrit nate) d'un latin °natta : celui-ci n'est pas attesté chez Grégoire de Tours comme on l'a cru, mais on trouve le latin médiéval natta au début du IXe s., et l'espagnol, le catalan et le portugais nata « crème du lait », spécialisation du sémantisme de la surface plane, qui postulent bien une forme °natta. Celle-ci serait issue du latin chrétien matta (déb. Ve s.), mot d'origine sémitique, probablement punique, que les Romains auraient donc reçu des Carthaginois. Matta a en effet des correspondants dans l'hébreu miṭṭāh « lit », de nāṭāh « incliner, être penché ».
❏  En ancien français, natte a seulement le sens de « pièce de tissu formée de végétaux entrelacés ». ◆  À partir du XVIe s., par extension, il s'applique à une tresse de fils, de soie (1525) et de là, au XVIIe s., à une tresse de cheveux (1690), avec sa graphie moderne. Au XVIIIe s., se sont développés quelques sens particuliers, en pêche (1769), en botanique (1773, bois de natte ; puis, 1874, natte) et en zoologie (1786), emplois métaphoriques (« surface plane » ou « apparence nattée ») aujourd'hui disparus. ◆  D'autres valeurs apparues au XIXe s. se sont maintenues : « ornement architectural » (1856) ; « petit pain formé de trois bandes tressées » (1874 ; 1872, « petite pâtisserie en forme de natte »). Ce dernier sens est surtout vivant (depuis 1874) en français de Lorraine et d'Alsace, pour un pain brioché en forme de tresse.
❏  Natte a donné NATTIER, IÈRE n. (1536 ; 1292, natier) « artisan qui fabrique et vend des nattes ».
■  NATTER v. tr. (1505 ; 1344, nater) a suivi la même évolution que le nom : « revêtir (un sol, un mur) d'une natte », puis « tresser du jonc, des fils ou fibres » (1606), enfin « mettre en nattes les cheveux » (1654, cheveux nattez), les crins des chevaux (1741).
■  Son participe passé adjectivé NATTÉ, ÉE sert particulièrement à qualifier un nom de tissu (1902, soie nattée) ; il est quelquefois employé comme nom masculin (1970) pour le petit pain en forme de tresse aussi appelé natte.
■  Le nom tiré du verbe, NATTAGE n. m. (1834), est peu utilisé ; il est doté de l'antonyme DÉNATTER v. tr. (1771 ; 1606, desnater).
■  NATTEUR n. m. s'est employé dans les prisons en parlant de celui qui tissait la toile destinée à fabriquer les chaussons.
NATURALISER, NATURALISTE → NATUREL
NATURE n. f. est emprunté (1119) au latin natura « naissance », formé sur le nom d'action plus ancien natus, -us, de même sens. Ces noms, de même que natio, -onis (→ nation) correspondent au verbe nasci (→ naître). Natura signifie proprement « fait de naître, action de faire naître » et de là « origine, extraction, caractère inné, naturel » (également au figuré). Par suite, le mot désigne aussi plus largement l'ordre des choses (dans l'expression natura rerum employée par Lucrèce) traduisant alors le grec phusis (→ physique). En philosophie, natura traduit également le grec phusis au sens d'« élément, substance ». Enfin, il est employé par métonymie pour désigner les organes de la génération.
❏  Nature, dans les premiers textes, a le sens de « force active qui a établi et maintient l'ordre de l'univers », souvent personnifiée avec une majuscule ainsi que dans certains emplois, comme la locution payer le tribut à la nature « mourir » (1668). Le mot entre en philosophie avec cette valeur active dans l'expression nature naturante (1253), calquée sur le latin scolastique natura naturans (XIIe s.) chez les traducteurs d'Averroès, par opposition à nature naturée (1253), de sens passif, du latin scolastique natura naturata dans les mêmes sources. ◆  Dès le XIIe s., le mot désigne l'ensemble des caractères, des propriétés qui définissent les objets (v. 1120) et les attributs propres à l'être (1165). C'est en ce sens qu'il entre dans l'expression nature humaine (XIIIe s.) qui servira de modèle au XVIIIe s. à nature animale (1755) et à nature végétale (1761).
■  Dès le XIIe s. et en parlant de l'être humain, le mot se réfère à la tendance innée (1170, par nature) ; par suite, il désigne plus particulièrement la complexion, le tempérament propre à chacun (1480) et, par métonymie, la personne elle-même (1559), sens vieilli, sauf dans quelques expressions comme une de ces natures, quelle nature ! et familièrement une petite nature (XXe s.).
■  Au début du XIIIe s., nature commence à se dire, sur le plan physique, de la constitution du corps humain, du principe de vie qui l'anime et le soutient ; depuis le XVe s., le mot désigne l'organisation physique propre à chaque individu, le mouvement qui le porte vers les choses nécessaires à sa conservation.
C'est surtout à partir de la Renaissance que le concept de nature s'enrichit, entraînant pour le mot de nouveaux emplois. C'est d'une part à cette époque que nature acquiert le sens théologique d'« état naturel de l'homme » (en opposition à grâce), notamment dans l'expression état de nature (XVIIe s.) qui sera reprise au XVIIIe s. avec une autre valeur (ci-dessous). D'autre part, c'est au XVIe s. que se fait jour la conception moderne de la nature comme « ensemble du monde, des êtres et des choses, univers ordonné par des lois » (1580). Les concepts de loi* et de nature évoluent d'ailleurs parallèlement, de la théologie à la science, de la volonté (divine) à la nécessité. ◆  À la même époque (1580), le mot est quelquefois pris avec la valeur normative de « modèle », et en particulier de modèle artistique en peinture dans d'après nature (peindre d'après nature, 1663) — voir nature morte, à la fin de cet article —, ainsi que de modèle moral dans l'expression contre nature (1535), dans une perspective où il prend la valeur de « faculté innée de discerner le mal et le bien » (1580). ◆  Au XVIIe s., nature s'applique spécialement aux affections naturelles créées par les liens du sang (1603), usage propre à la langue classique. Il prend aussi le sens de « productions de la nature (et non de la culture ou de la civilisation) » (1690) et de « monde physique excluant l'homme et ses œuvres » (1696), surtout en tant que spectacle offrant un paysage, emploi resté très vivant. Ces usages se développent au XVIIIe s., dans une perspective confondant les idées d'instinct inné et d'ordre (ou loi) extérieur à l'action humaine, les valeurs morales et esthétiques. L'expression état de nature s'y laïcise (1738), envisagée par les philosophes et l'anthropologie naissante par opposition à l'état de société.
■  C'est également au XVIIIe s. qu'on commence à employer l'expression en nature « en objets réels, dans un échange », par opposition à en espèces, dans un échange économique puis, par extension, familièrement, en parlant d'une femme qui accorde ses faveurs en échange d'un service rendu (1874).
L'emploi adjectivé du mot, propre à l'usage familier, est relevé à partir de 1808 ; il correspond à « conforme à la nature », objet d'une valorisation ambiguë en « spontané, authentique » en parlant d'une personne (1860) : il, elle est nature. L'argot, puis l'usage populaire, l'a rendu synonyme de « naïf, facile à tromper » (1867). ◆  Depuis 1865, il est attesté dans le domaine culinaire, en parlant d'une préparation. ◆  Depuis 1914, le mot est aussi employé adverbialement dans l'usage populaire comme synonyme de naturellement, adverbe d'opinion (→ naturel).
❏  Nature, dont le groupe s'est enrichi d'emprunts au latin (→ naturel) et de formations savantes (naturaliser à naturel), a lui-même produit NATURISME n. m. (1778) pour désigner une doctrine philosophique d'après laquelle on considère la nature comme auteur d'elle-même. Au XIXe s., le mot a pris d'autres sens didactiques en médecine (1821) et en esthétique, à propos de l'art qui prône une fidélité absolue dans la reproduction de la réalité (1896) (→ naturalisme).
■  Depuis 1930, naturisme désigne aussi un système d'hygiène qui recommande de vivre aussi près de la nature que possible, notamment en pratiquant le nudisme.
■  Sur le même modèle, on a formé NATURISTE n. et adj., en médecine (1821), en philosophie (1842) et en art (1896). ◆  Après 1930, club naturiste et le substantif un, une naturiste concernent surtout le nudisme.
■  Plus récemment, l'adepte du traitement par des moyens naturels a reçu, mal à propos, le nom de NATUROPATHE adj. et n. (1972), -pathe* désignant ici le thérapeute et non le patient.
Tandis qu'il n'existe pas de verbe naturer, sinon épisodiquement dans quelques textes des XIIIe et XIVe s., on a formé de bonne heure, par préfixation et suffixation sur nature, le verbe DÉNATURER v. tr. (apr. 1174, desnaturer), d'abord employé à la forme pronominale pour « avoir une attitude contraire à la nature, changer de nature, dégénérer ». En ancien et moyen français, ce verbe a signifié particulièrement « renier l'hommage fait à son seigneur, à son pays ». Le sens normatif et moral de « gâter les sentiments naturels de qqn » est enregistré en 1611. Au XVIIIe s., le verbe actif prend les sens de « changer la nature de (qqch.) » (av. 1718), « changer l'apparence de (qqch.) » (1735-1743) et spécialement en chimie « modifier la nature d'une substance » (1779). ◆  Au XIXe s., par rapport à la fonction technique d'un instrument, il signifie aussi « rendre impropre à la destination ordinaire » (1845-1848).
■  Son participe passé DÉNATURÉ, ÉE est adjectivé et substantivé avec le sens de « dépouillé de sentiments naturels » (fin XIIIe s.). Il acquiert une valeur concrète en chimie (1873, adj. ; 1927, n.) et en parlant d'un produit rendu impropre à sa destination ordinaire (1863). Les coutumiers du XVIe s. l'appliquaient déjà à un objet détourné de sa destination. ◆  En ce sens, son participe présent DÉNATURANT, ANTE adj. et n. est substantivé (1964).
■  DÉNATUREMENT n. m., attesté au XVe s. au sens de « déshéritement, félonie », a été repris avec le sens général d'« action de dénaturer » (av. 1878) mais reste peu usité.
■  DÉNATURATION n. f. (1846), outre les sens correspondant à ceux du verbe, est employé spécialement en physique nucléaire pour l'opération par laquelle on dénature le combustible d'un réacteur (1959).
NATURE MORTE n. f., expression employée d'abord dans les milieux académiques du XVIIIe s. (1752), désigne la représentation d'objets inanimés en peinture et, par métonymie, les tableaux les représentant. On a dit aussi nature inanimée (1763) et antérieurement vie coye (→ coi), traduisant les expressions néerlandaise still leven, et anglaise still life, littéralement « vie immobile, paisible », formules utilisées par les peintres flamands et anglais. À l'origine, la composition représente des animaux morts (surtout des gibiers), puis par extension des objets inanimés pouvant avoir une valeur symbolique. L'histoire de la nature morte remonte aux tableaux religieux qui, dès le XIIIe s. et surtout aux XIVe et XVe s., accordent une place privilégiée à l'observation de l'objet. La Hollande a grandement participé au dégagement du genre hors des cadres religieux de la peinture gothique. Ce sont souvent des « vanités » (Cf. vanité). La découverte à Rome de la Domus Aurea de Néron, en révélant la nature morte antique, a donné l'impulsion au développement du genre. Celui-ci reçoit sa dignité de l'exaltation de la nature (XIIIe-XIVe s.), de la possession enthousiaste du monde par les artistes de la Renaissance et, au XVIIe s., de l'idée cartésienne que l'homme doit se rendre maître de la nature. La pratique s'étend à toute l'Europe, mais le débat académique sur la valeur du genre se poursuit au XVIIIe s. en France, époque où le genre trouve sa dénomination moderne, trouvant en Diderot (salon de 1763, sur Chardin) un de ses partisans. Le XIXe s. la pratique assidûment et y expérimente ses recherches sur la couleur, la lumière et la forme.
■  Le dérivé NATUREMORTISTE n. (1886) est didactique.
❏ voir NATUREL, SURNATUREL.
NATUREL, ELLE adj. et n. m. est emprunté (1119, naturalz) au latin naturalis « de naissance », « qui appartient à la nature » et « inné, conforme aux lois de la nature », dérivé de natura (→ nature).
❏  Naturel signifie d'abord « qui est le fait de la nature », dans jour naturel « jour astronomique » emploi disparu, puis dans mort naturelle « qui se produit selon l'ordre de la nature » (1256). Dès le XIIe s., l'adjectif exprime l'idée de « produit par la nature sans l'intervention humaine » (v. 1120), s'appliquant ultérieurement à un vin non frelaté (XIVe s.), à la musique, au paysage (1721) avec l'idée accessoire souvent valorisée de « qui n'a pas subi d'altération ».
■  Dès le XIIIe s., il est employé avec le sens d'« inné, natif » (1210), en opposition aux notions d'« acquis » et de « cultivé » (1510). Comme nature, il est pris individuellement pour qualifier ce qui est particulier au caractère de chacun (v. 1278). ◆  Dans l'expression enfant naturel (1398), il s'oppose juridiquement à légitime.
■  Au XVIe s. apparaît le sens normatif de « conforme à la raison, à l'usage commun » (1538), réalisé dans l'emploi usuel de Il est naturel de (1580), c'est naturel, tout naturel. ◆  L'adjectif est spécialisé en héraldique, où il correspond à « avec des couleurs naturelles » (1581).
■  À la même époque, le mot développe les sens de « qui concerne la nature » (1549) et « qui vient de soi-même à l'esprit, qui exclut la réflexion, qui se trouve dans la nature » (1580) ; c'est la valeur qu'il a en mathématiques dans nombres naturels (1675) et logarithmes naturels (1765).
■  Le XVIIe s. insiste sur l'opposition entre naturel et artificiel à propos d'un caractère humain franc, sans affectation (1664, La Rochefoucauld), et de la toilette, de l'aspect physique (1690).
L'emploi du mot substantivé au masculin, le naturel, date de la fin du XIVe siècle. Il exprime l'idée de « complexion corporelle », puis aussi de « propriété inhérente à la nature d'une chose ». Il entre dans l'expression au naturel (1540) « d'après nature », surtout réservée au domaine culinaire dans l'usage moderne.
■  Un naturel a désigné un habitant originaire d'un lieu (1587), avant d'être supplanté en ce sens par natif ; cet emploi est parfois conservé (Les Naturels du Bordelais, pièce de J. Audiberti).
■  Au XVIIe s., en relation avec l'adjectif, le naturel commence à exprimer l'idée d'« absence d'affectation, état de choses normal » (1671).
❏  L'adverbe dérivé NATURELLEMENT (1130-1140, naturalment) a pour premier sens « selon les principes de la nature ». En ancien français il signifie ensuite « conformément au caractère d'une chose » (1160), « de façon à imiter la nature » (1210).
■  Au XVe s., il correspond à « spontanément » (1480) et, depuis le XVIIe s., à « comme il est normal » (1681), ou à « sans artifice » (1694), en relation avec l'évolution de nature et naturel.
■  Pris couramment comme adverbe d'énonciation au sens de « bien sûr » (1874), il est plaisamment doublé par nature*, adverbe et par NATURLICH adv., emprunté à l'allemand natürlich, lors de la guerre de 1914-1918 et attesté par écrit en 1928.
■  Le composé ANTINATUREL, ELLE adj. se dit de ce qui est contraire à la nature (1789) et de ce qui est contre nature (av. 1838).
Le latin naturalis, outre naturel, a donné naissance à trois autres mots.
■  NATURALISER v. tr. est un dérivé savant (1471) du latin naturalis (→ naturel) dans son sens juridique « rendre légalement citoyen d'une nation ». Le rapport entre natura et natio (idée de « naissance ») est ainsi conservé (nationaliser eût été normal). ◆  Par extension, le verbe est également employé à propos d'une forme du langage (1553, en parlant de la nécessité de franciser un mot latin). ◆  Depuis la fin du XVIe s. (1599), il est employé avec une autre valeur, « acclimater (une espèce végétale, puis aussi animale) ». ◆  L'emploi de la forme pronominale se naturaliser avec, « se familiariser avec » (av. 1704), a disparu. ◆  Le participe passé NATURALISÉ, ÉE est employé comme adjectif (1552, estranger naturalisé) et, depuis 1874, comme nom.
■  De naturaliser est dérivé NATURALISATION n. f. (1566) avec son sens juridique correspondant à naturaliser et virtuellement à nationalisation. Depuis le XIXe s., le nom, comme le verbe, est employé à propos d'un mot (1835), de plantes et d'animaux (1845) et se dit spécialement de l'opération consistant à empailler des animaux morts (1893).
■  L'antonyme DÉNATURALISER v. tr. (1834) est essentiellement réservé au sens juridique, de même que DÉNATURALISATION n. f., formé antérieurement sur naturalisation au sens ancien de « fait de changer de naturel » (attesté de 1578 à 1613), et repris (1743) avec son sens moderne.
NATURALISTE adj. et n., formé savamment sur le latin naturalis au moyen du suffixe -iste, est un mot de la Renaissance (1527) : son premier sens est « personne qui étudie l'histoire naturelle ». Il se rapporte aussi à celui qui suit la nature, l'instinct (1571). Au XVIIe s., il est employé par l'Académie des beaux-arts à propos d'une personne qui estime nécessaire l'imitation de la nature en toutes choses. ◆  Il entre dans le vocabulaire de la philosophie matérialiste en même temps que naturalisme au XVIIIe s. et devient au XIXe s. un terme d'histoire littéraire chez Zola (1866), consacré par la création de l'école naturaliste, le 16 avril 1877 à Trappe, au cours d'un dîner réunissant Zola, Flaubert, Ed. de Goncourt et le futur groupe de Médan.
■  Quant à NATURALISME n. m., c'est un dérivé savant (1719) du même radical latin avec le suffixe -isme, au sens ancien d'« interprétation mythologique des faits de la nature ». ◆  Dans le contexte de l'histoire des idées du XVIIIe s., il désigne le système qui considère la nature comme principe fondamental, pour lequel rien n'existe en dehors de la nature (1746, Diderot), concept voisin de celui de matérialisme. ◆  Le XIXe s. en a fait un terme d'esthétique picturale (1839) puis littéraire (1858, Taine à propos de Balzac). C'est un peu plus tard, avec Zola et le groupe de Médan (Cf. ci-dessus naturaliste), que le mot prend son acception littéraire stricte de « doctrine caractérisée par la volonté de peindre la réalité sociale dans tous ses aspects et en recourant aux méthodes de la science ».
❏ voir SURNATUREL.
NAUFRAGE n. m. est emprunté (naffrage, 1414) au latin naufragium « perte d'un vaisseau en mer » et au figuré « ruine, destruction », formé de navis (→ nef) et frangere « briser » (→ enfreindre, fraction). Le mot latin s'emploie spécialement dans le langage juridique médiéval au sens de « droit d'épave » (881).
❏  Naufrage « ruine d'un vaisseau en mer » est pris spécialement dans l'expression juridique droit de nauffraige (1461) mais est noté comme mot rare par Calvin. Il redevient usuel au XVIIe s., et le reste. ◆  Au XVIe s. se développe le sens figuré, peut-être repris du latin, de « destruction, ruine complète » (1501-1504), avec lequel le nom entre dans l'expression figurée faire naufrage au port (1643) « échouer quand toutes les difficultés paraissent vaincues ». On a dit de même que la vieillesse est un naufrage.
❏  NAUFRAGER v. intr. date probablement du XVIe s. (av. 1526) ; on l'a cru attesté dès 1300 par le participe passé nauffragé « qui a fait naufrage (d'une personne) ». Cependant, l'ancienneté de l'attestation incite à lire cette forme comme le substantif nauffrage, emprunté au latin naufragus « naufrage » et fréquent au XVIe siècle. Le pronominal se naufrager (1530) reste moins courant dans l'usage moderne que la locution faire naufrage. ◆  Le verbe a pris au XIXe s. la valeur correspondant à naufrageur (ci-dessous). La forme la plus courante du verbe semble être le participe passé NAUFRAGÉ, ÉE, adjectivé (1600, navire naufragé) et substantivé.
■  Au XIXe s. est apparu NAUFRAGEUR n. m. (1874) désignant un habitant des côtes qui provoquait le naufrage d'un navire pour s'emparer des épaves ; ce mot est également employé au figuré (1886) et en apposition avec une valeur adjective par laquelle le féminin naufrageuse est attesté.
❏ voir NAVRER (hypothèse).
NAUMACHIE n. f. est un hellénisme du XVIe s., passé par le latin naumachia (Suétone), avec le sens du grec naumakhia, de naus « navire » et makhê « combat ».
❏  Ce terme d'antiquité désigne le simulacre de combat naval, dans un bassin remplaçant l'arène d'un cirque ou d'un amphithéâtre.
NAUSÉE n. f. est emprunté (1494) au latin nausea « mal de mer », d'où en général « envie de vomir », mot qui a donné noise* par voie populaire. Nausea est, dans le groupe de navis (→ nef), un emprunt au grec nautia ou nausia « mal de mer », « vomissement » (Aristote), dérivé de naus « bateau ». Il fait partie de ces termes de navigation empruntés par le latin au grec, les Latins ayant appris la navigation des Grecs et des Étrusques.
❏  Nausée désigne proprement l'envie de vomir due au mal de mer (1573) pour laquelle on recourt aujourd'hui plutôt à la périphrase mal de mer. Il s'étend plus généralement à toute envie de vomir. ◆  Depuis 1752, le mot est employé au sens figuré de « sensation de dégoût insurmontable », suscitant quelques locutions usuelles. Une valeur philosophique de « malaise devant l'être » lui a été conférée par Sartre (1938, La Nausée).
❏  En est dérivé NAUSÉEUX, EUSE adj. (1793) « qui donne la nausée », au propre et au figuré (1824).
■  NAUSÉABOND, ONDE adj. est un emprunt tardif (1762) au composé latin nauseabundus « qui éprouve le mal de mer, qui a des nausées », dérivé de nauseare « avoir le mal de mer » avec le même type de suffixe que moribundus (→ moribond). ◆  Le mot signifie proprement « qui cause des nausées » (d'abord en parlant du goût de l'eau des marais), d'où par métonymie « qui a de mauvaises odeurs ». ◆  Dès 1773, cet adjectif est employé au sens figuré de « qui rebute » (personnes), puis (1831) « qui excite le dégoût » (choses).
NAUTES → NAUTONIER
NAUTILE n. m. est emprunté (1562) au latin impérial nautilus « mollusque céphalopode à coquille cloisonnée ». Celui-ci est emprunté au grec de même sens nautilos, proprement « marin », de naus « navire », correspondant au latin navis (→ nef), parce que ce mollusque étend ses tentacules comme une voile pour naviguer.
❏  Le mot, introduit en zoologie, est également pris par métonymie pour désigner un vase fait d'une conque marine polie et montée sur pied d'argent (1664, notille). Autrefois, il désignait aussi un autre céphalopode appelé aujourd'hui argonaute ; au XIXe s., il s'est dit (1846) d'une ceinture gonflée d'air servant de bouée. ◆  Jules Verne a pris le nom latin nautilus pour désigner le sous-marin du Capitaine Nemo dans Vingt Mille Lieues sous les mers.
NAUTIQUE adj. est emprunté (déb. XVIe s.) au latin nauticus, lui-même emprunté au grec nautikos « qui concerne les marins, les bateaux », de naus « navire ». Ce mot a des correspondants dans de nombreuses langues indoeuropéennes : le sanskrit náuḥ, le persan nāv, l'arménien naw, en celtique l'ancien irlandais nau, en germanique le vieux norrois nor « navire », naust « garage de bateaux », l'anglo-saxon nowend « marin » ; enfin, en latin même, le groupe de navis (→ nef).
❏  Nautique a signifié « des marins » (clameur nautique) ; cet emploi a disparu au XVIIe siècle. ◆  Il prend au XVIe s. (1556) sa valeur moderne, « qui appartient à la navigation, concerne la navigation ». ◆  Ultérieurement, il a pris le sens de « qui concerne les sports de l'eau » (1779, joutes nautiques), valeur devenue usuelle au XIXe s. (avec le canotage, par exemple) et surtout au XXe s. avec la navigation de plaisance.
❏  On en a tiré récemment, par changement de suffixe, NAUTISME n. m. (1966) « ensemble des sports nautiques », en particulier « navigation de plaisance ».
L'élément -NAUTIQUE, tiré du grec nautikos, sert à former des noms et adjectifs relatifs à différents types de navigation.
■  Il entre dans le nom et l'adjectif composé AÉRONAUTIQUE (1784) par transposition du syntagme nautique aérienne sous la forme inversée et savante aéro-nautique, d'après aérostat et aérostatique (→ aérer).
■  Cet adjectif, d'abord lié à l'aérostation et aux premiers ballons ou montgolfières, a été rattaché plus tard au domaine de l'aviation (→ aviateur, aviation).
❏ voir NAUSÉE, NAUSÉABOND, NAUTONIER, NOCHER, NOISE, -NAUTE dans ASTRONAUTE (art. ASTRO-), COSMONAUTE (art. COSMOS).
NAUTONIER, IÈRE n. dont le féminin est artificiel, étant donné les contextes antique et médiéval qui sont ceux du mot, est emprunté (1119) à l'ancien provençal nautanier « personne qui conduit une barque » (déb. XIIe s.), lequel est dérivé d'une forme °nauto supposée d'après l'ancien français noton « matelot » (1200). Il est formé sur °nautonem, accusatif d'un latin populaire °nauto, -onis, doublet du latin de même sens nauta (décliné nauta, -anis), d'où le -a- de l'ancien provençal. Celui-ci, représenté en français dans l'élément -naute (→ argonaute, astronaute, cosmonaute [à astro- et à cosmos]), est emprunté au grec nautês « matelot », de naus « navire », correspondant au latin navis (→ nef).
❏  En français, tandis que la forme noton et, par évolution phonétique régulière, noon (v. 1120) a disparu au sens de « matelot », nautonnier (1494), après notunier (1119) et notonier (1188-1191), s'est maintenu comme terme poétique. Il est employé dans l'expression nautonier des Enfers comme surnom de Charon, personnage de la mythologie grecque chargé de faire traverser aux morts le fleuve des enfers, l'Achéron (Cf. nocher).
❏  Par un nouvel emprunt au latin nauta, on a formé NAUTES n. m. pl. (1810, Chateaubriand), employé par les historiens pour désigner les bateliers des fleuves de la Gaule romaine (aussi naute, au singulier).
❏ voir NAUTIQUE.
NAVAL, ALE, ALS adj. est un emprunt (déb. XIVe s.) au latin navalis « de navire, de vaisseau », dérivé de navis « navire » (→ nef).
❏  En français, le premier sens du mot est « qui concerne les bateaux ». À côté de nautique et de maritime, cet emploi se retrouve dans chantier naval, construction navale. Il se distingue par le sens de nautique, comme navire de navigation. ◆  Au cours du XIVe s., l'adjectif s'est spécialisé en parlant de la guerre sur mer, entrant dans le syntagme bataille navale (1542). C'est avec ce sens que le mot entre dans École navale (1842) « école qui forme les officiers de la marine nationale », substantivé par ellipse du nom en Navale n. f. (1879). Ainsi, l'usage courant a spécialisé naval, nautique et maritime, sans éviter toutefois les chevauchements d'emploi.
❏  Le dérivé de naval, NAVALISER v. tr. (v. 1950), est employé techniquement au sens d'« adapter (un appareil) à une utilisation sur les navires », d'où le nom d'action NAVALISATION n. f. (v. 1950).
Avec l'élément aéro- (→ aérer), naval entre dans AÉRONAVAL, ALS (1861) adj., substantivé au féminin dans AÉRONAVALE n. f. (1956), probablement à cause du genre féminin des mots désignant la plupart des autres corps militaires (artillerie, infanterie, marine), ou par condensation des syntagmes aviation navale, aéronautique navale.
NAVARIN n. m., terme de cuisine, est un calembour (1847) qui transforme en un dérivé de navet le nom propre Navarin, ville grecque auprès de laquelle eut lieu une bataille célèbre en 1827, à moins qu'il ne s'agisse de plat de la Navarre, l'étymologie navale n'étant pas des plus sûres.
❏  Le mot est attesté en 1847 en argot au sens de « navet ». Par métonymie, il a pris son sens moderne de « ragoût de mouton » (1866), ce plat étant préparé avec des navets, des pommes de terre, des carottes et des oignons.
NAVEL n. m. est un emprunt (mil. XXe s.) à l'anglais navel « nombril », qui se rattache à la même racine germanique que le néerlandais navel, l'allemand Nabel et repose sur le radical indoeuropéen du latin umbilicus (→ nombril, ombilic).
❏  Le mot désigne une variété d'orange de table caractérisée par un ombilic très marqué.
NAVET n. m. est dérivé à l'aide du suffixe -et (fin XIIe s., navez) de l'ancien français de même sens nef (1174-1176), issu du latin napus « navet », terme méditerranéen d'origine obscure qui rappelle rapum (→ rave) de sens voisin. Un emprunt au grec napu « moutarde » (→ sinapisme) est peu vraisemblable, du fait de l'éloignement de sens. Nef n'a pas survécu à l'homonymie avec nef* « navire ».
❏  Navet « plante à racine pivotante comestible », désignant par métonymie cette racine (v. 1398), est resté usuel en cuisine (canard aux navets, etc.).
■  Le mot est employé très tôt (v. 1278) pour exprimer une valeur figurée de « nullité, valeur minime », entrant en moyen français dans des locutions péjoratives comme pet de navet. ◆  Cette idée est reprise au XIXe s., quand le mot désigne familièrement un très mauvais tableau (1853) et, aujourd'hui, un mauvais film (XXe s.). ◆  Elle est également sensible dans l'expression familière sang de navet « anémique, sans énergie » (1920).
❏  Un autre diminutif de l'ancien français nef, navel (1200), refait en NAVEAU n. m. d'après le pluriel naviaus (1260), s'est maintenu dans les parlers régionaux (Centre, Canada), la toponymie (Nièvre, Naviau) ainsi que l'anthroponymie (Navel, Naveau). Au XVIe s., navel désignait particulièrement les gros navets et était employé au sens figuré de « très peu de chose », servant également à indiquer la négation dans des naveaulx ! (la langue populaire du XIXe s. atteste aussi des navets ! comme expression de refus ; Cf. des raves, des nèfles, etc.).
■  1 NAVETTE n. f. (1323, Artois), diminutif féminin de l'ancien nef, désigne une plante voisine du colza, et surtout sa graine oléagineuse.
■  Par apocope, navet a donné NAVE n. f. (1872), terme argotique pour désigner un niais. Dans fleur de nave (1901, dictionnaire de Bruant), fleur joue sur la valeur figurée intensive (Cf. fleur de farine). Nave a été repris récemment au sens de « mauvais film » (navet). On doit rattacher NAVEAU n. m. à cette série, bien qu'il vienne du largonji de cave* en nave-du-ca (années 1950).
■  NAVETON n. m., dérivé de navet, a les mêmes emplois que nave.
❏ voir NAVARIN.