2 NAVETTE n. f. est dérivé de nef* d'après l'étymon latin navis au moyen du suffixe diminutif -ette (XIIIe s.).
❏
Le mot, par l'image du « petit bateau », désigne la pièce mobile, allongée en forme de bateau, qui fait passer le fil de la trame entre les fils de la chaîne puis, dans une machine à coudre, la pièce qui contient la canette (1868).
■
Par une autre analogie, il a servi à désigner un petit récipient allongé en matière précieuse (navette à sel, à encre, à épice) et spécialement, en liturgie (XIVe s.), le petit récipient qui contient l'encens.
◆
Il se dit aussi pour un petit pain au lait (1754) acception courante en français régional de Provence, de Marseille pour un petit gâteau en forme de barque, parfumé à la fleur d'oranger.
■
D'autres sens exploitent l'idée d'un mouvement de va et vient, par allusion à la navette de fils : l'expression jouer de la navette, d'abord relevée avec un sens libre pour « faire l'amour » (1566), est passée dans l'usage courant au sens de « faire des allées et venues » (1718) et est devenue faire la navette (1740-1755) dans l'usage moderne.
Navette est appliqué ultérieurement, par métonymie, à un véhicule ou à un service de transport en commun reliant régulièrement deux points assez proches (1801, par métaphore ; répandu XXe s.), puis à un engin (navette spatiale) assurant la liaison entre la Terre et des stations orbitales. Dans le domaine politique français, la navette désigne l'aller et retour d'un projet de loi entre l'Assemblée nationale et le Sénat (1935).
❏
En français de Belgique, on emploie le dérivé NAVETTEUR, EUSE n. (XXe s., att. 1971) à propos d'une personne qui voyage régulièrement en chemin de fer entre son domicile et son lieu de travail, mot qui pourrait traduire l'anglais commuter.
NAVICULAIRE adj. est un emprunt du moyen français (1363) au latin navicularis, adjectif dérivé du diminutif navicula de navis « navire » (→ nef). L'adjectif qualifiait ce qui avait la forme allongée d'une nacelle (Cf. 2 navette) en anatomie humaine et animale.
NAVIGUER v. intr. est emprunté (fin XIVe s.) au latin navigare « voyager sur mer, sur eau », dérivé de navis (→ nef) qui a donné le doublet nager* par évolution phonétique.
❏
Le verbe est attesté dès les premiers textes, plus tardifs que ceux qui attestent
navigation, au sens de « voyager sur mer, sur les rivières », le sujet désignant un navire ou ses occupants. Employé avec le même sens en construction transitive comme
marcher, courir... (1516,
naviguer la mer), il a vieilli puis disparu.
■
Naviguer se rapporte particulièrement à l'art de diriger le bateau (1678, naviguer au nord), notamment en parlant du pilote (1704), de pratiquer la navigation (1661, art de naviguer) et, en parlant d'un bâtiment, de se comporter sur mer (1718), avec des adverbes comme bien et mal.
■
Comme la plupart des termes de marine, le verbe est employé en aéronautique, à propos d'un avion (aéronef) ou d'un aérostat (1863). Cf. ci-dessous les dérivés.
■
Au XVIe s., hors du domaine de la navigation, apparaît le sens figuré de « diriger les affaires habilement en évitant les périls » (1550), valeur qui se répandra surtout au XIXe siècle.
◆
C'est aussi au XIXe s. que naviguer prend le sens familier d'« aller et venir » (1842), « se promener, aller quelque part avec un véhicule » (1874), et par image « se dandiner » (en parlant des oies, 1899 ; puis d'un véhicule, 1926).
◆
Le sens de « se déplacer, voyager sur terre » est surtout vivant en français de Louisiane.
❏
Le nom correspondant,
NAVIGATION n. f. est emprunté plus tôt que le verbe (1284) au latin
navigatio « voyage sur mer, sur les eaux », dérivé du supin de
navigare.
◆
Le mot se dit d'un voyage sur mer et, depuis le
XVIe s. (1538), sur toutes les eaux, ainsi que du métier de navigateur (1538).
◆
Dès 1742 (Rousseau), il est entré dans le syntagme
navigation aérienne, d'abord en parlant d'un aérostat, puis d'un aéroplane (1875). Au
XXe s., il suit les progrès de l'aéronautique et entre dans
navigation interplanétaire (1932),
navigation spatiale (1962).
■
Naviguer a donné quelques dérivés. NAVIGABLE adj. (1448) est formé sur le modèle du latin impérial navigabilis, de navigare. Il signifie « où l'on peut naviguer » mais n'a pas gardé son sens de « qui peut naviguer » (1542).
◆
Par préfixation, on a formé l'antonyme INNAVIGABLE adj. (1530), demeuré rare (on dit non navigable).
■
Au XIXe s. est apparu NAVIGABILITÉ n. f. (1823) à propos d'un cours d'eau sur lequel on peut naviguer, puis activement, d'un navire (1863) et d'un avion (1870).
■
NAVIGABILISER v. tr. est d'usage très rare (1833).
■
NAVIGANT, ANTE n. et adj., employé en ancien français au sens de « navigateur » (1473), est repris (1812) en marine, puis (XXe s.) en aviation, notamment en fonction d'adjectif (personnel navigant).
◈
Navigation et
navigant, dans le domaine de l'aviation, ont des préfixés.
RADIONAVIGATION n. f. (début des années 1930) concerne les techniques de navigation aérienne utilisant les signaux de réseaux de balises fixes (radiobalises, radiophares).
◆
RADIONAVIGANT n. m. (attesté en 1931 dans Saint-Exupéry) désigne le spécialiste des liaisons radio, sur un avion, assurant la radionavigation. Les deux mots correspondent à une époque précise de l'aviation.
■
CIRCUMNAVIGATION n. f. « navigation en circuit » a entraîné CIRCUMNAVIGATEUR, TRICE.
◈
NAVIGATEUR, TRICE n. (1529) a été formé d'après le latin impérial
navigator « celui qui navigue », fait sur le supin de
navigare.
◆
Il est employé en particulier à propos de celui qui fait un voyage au long cours (1557), comme nom et comme adjectif (1770), avec pour féminin
navigatrice.
◆
Il désigne aussi la personne qui voyage en aéronef (av. 1834). Au
XVIIIe s., se développe le sens particulier de « marin apte à conduire un navire » (1718) et, transposé dans le contexte de la navigation aérienne, de « personne qui fait suivre à un appareil aérien un itinéraire précis » (mil.
XXe s.).
◆
Il se dit aussi pour l'appareil permettant de déterminer automatiquement le point d'un navire ou d'un avion (1959,
navigateur par inertie).
◆
Depuis 1990 environ, le mot s'applique à un logiciel permettant de consulter de manière unifiée un ensemble d'informations sur un réseau télématique, un cédérom, etc.
◈
NAVISPHÈRE n. f., formé (1879) sur l'initiale de
naviguer avec
sphère*, est le nom d'un instrument servant à la navigation.
■
Pendant la Seconde Guerre mondiale, est apparu le terme juridique NAVICERT n. m. (1940, de Gaulle), « sauf-conduit en temps de guerre pour un navire de commerce », emprunté à l'anglais navicert (1923), de navi- pour navigation et -cert pour certificate, tous deux d'origine française (→ certificat).
NAVIRE n. m. est la simplification (1140) de l'ancien français navirie (1080), lui-même altération de navilie (1080) « flotte », emprunté au latin populaire °navilium, altération du latin classique navigium « flotte », de navigare (→ naviguer). L'ancien provençal a aussi navili « flotte, navire » ; en outre, le latin navigium a donné au français les anciens termes navoi (n. m.) et navie (n. m. et f.) « flotte » et aussi « navire ».
❏
Navire présente en ancien français la même ambiguïté sémantique que le latin entre les sens de « flotte » (1140) et de « vaisseau » (1160). Le genre du mot est resté indécis jusqu'au
XVIIe s., l'usage du masculin devenant prépondérant au
XVIe siècle. On a voulu voir dans l'usage féminin une spécialisation sémantique,
la navire réalisant plutôt le sens de « flotte » et déclinant avant le
XVIIe s. avec ce sens. Au sens de « bateau », le mot s'est peu à peu substitué à
nef.
■
Navire est consacré par l'usage pour désigner un bateau d'un certain tonnage ; il est souvent déterminé par un adjectif (navire marchand, 1690) ou un complément introduit par de (navire de guerre, 1690). En français moderne, il est en concurrence avec bateau.
❏
Il entre dans quelques noms composés dont NAVIRE-HÔPITAL (1868), NAVIRE-ATELIER (1868), NAVIRE-USINE (1932), NAVIRE-CITERNE (1973), tous noms masculins.
◆
On le trouve au premier terme de quelques composés sous la forme abrégée navi- : NAVIPORT n. m., NAVIPLANE n. m. (1965), nom déposé créé sur le modèle de aéroplane, aquaplane.
❏ voir
NEF.
?
NAVRER v. tr. est la forme altérée (1130) de l'ancien français nafrer « blesser en transperçant, en coupant » (1080), mot d'abord attesté dans les anciens textes normands et anglo-normands, et dans les parlers de l'Ouest. Nafrer est entré, comme terme de chevalerie, en provençal et franco-provençal (nafrar, fin XIIe s.). Son origine est incertaine : il est peut-être emprunté, par les dialectes normands, à l'ancien norrois °nafra « percer avec une tarière », que l'on postule d'après l'ancien norrois nafarr « tarière ». Le glissement de sens en gallo-roman s'expliquerait par une mauvaise compréhension du verbe, en raison de l'absence de nom correspondant. Le point faible de cette hypothèse est que le nom de l'ancien norrois n'a pas de représentant en gallo-roman, alors que, réciproquement, le verbe exigé par la reconstruction manque en ancien norrois.
◆
Selon une autre hypothèse, nafrer est issu du latin naufragare « faire naufrage » (→ naufrage) qui avait pris les sens figurés de « ruiner, endommager » (VIIe-VIIIe s.), d'où « subir un dommage corporel » (fin IXe s.). Cette évolution de sens a eu lieu dans l'ancien espagnol nafregar(e), navargar « désoler, détruire » (v. 950), « blesser (un cheval) » (1129), « maltraiter » (XIIe s.), ainsi que dans l'ancien portugais ana(u)fragar (1123). L'évolution phonétique conduisant de naufragare à nafrer s'expliquerait par une réduction de naufragus (analogue à celle qui aboutit à rêver) ou par une formation régressive de nafregare, issu de naufragare par changement de suffixe (le cas se présentant en espagnol avec doblar / doblegar, desdentar / desdentegar). On pourrait aussi l'expliquer par l'influence des formes verbales accentuées sur la syllabe initiale (naufragat). En français, la sonorisation de nafrer en navrer s'explique aisément par le passage du mot normand au parler de Paris où le groupe -vr- est fréquent.
❏
Ce verbe a connu le même type d'évolution sémantique que mortifier ou meurtrir : transposition au figuré et affaiblissement de sens. Il est passé du sens premier de « blesser en transperçant, en coupant » au sens figuré d'« atteindre (qqn) », le sujet désignant un sentiment vif, notamment l'amour (1176), puis de « causer une très grande peine, affliger » (1538 ; 1562 au participe passé).
◆
Par affaiblissement de sens, navrer s'emploie aussi au sens de « contrarier, décevoir (qqn) », surtout au passif et au participe passé (1773, navré), notamment dans les formules de politesse : je suis navré ; navré, désolé, etc.
❏
Seuls les dérivés les plus récents du mot sont encore en usage.
■
Le participe présent NAVRANT, ANTE est adjectivé (1787) au sens de « qui cause une profonde affliction », également « contrariant, ennuyeux » (1856).
■
NAVREMENT n. m., nettement plus littéraire, désigne l'état d'une personne navrée (1831 ; une fois en 1773) ; il existait en moyen français avec le sens figuré de « mal, comparé à une blessure » (1624).
■
NAVRANCE n. f. est signalé par Littré (1868) comme ayant été proposé mais non adopté ; c'est un mot littéraire et précieux que l'on rencontre par exemple chez Gide.
1 NAZARÉEN, ENNE adj., employé depuis le XVIe s. (traduction de l'évangile selon Matthieu) en latin rend le grec nazarênos « de Nazareth », et nazaraios qui semble qualifier ce qui se rapporte à la secte de Jésus. Le mot grec n'est plus rattaché à l'hébreu nâzi « consacré », mais à nâçir « sauvé », du verbe nasar.
2 NAZARÉEN, ENNE adj., mot d'histoire de l'art, est pris à l'allemand pour qualifier une école allemande de peinture, précurseur des préraphaélites anglais, et qui peignait des hommes à longs cheveux, comme en représente Raphaël, cette mode portant à Rome le qualificatif alla nazarea « au nazaréen, le Christ ».
NAZI adj. et n. → NATION (NATIONAL-SOCIALISTE)
L
NE adv. de négation est issu (842) du latin non (→ non) avec un développement particulier dû à la position proclitique de ce mot accessoire. Non s'est affaibli en nen (1050) devant voyelle, forme qui ne s'est maintenue après le moyen âge que dans nenni*. Non a aussi perdu sa finale nasale, donnant no (881) et ne (av. 950) : c'est cette dernière forme qui est restée, remplaçant peu à peu les autres et devenant la négation usuelle.
❏
Dès le XIe s. (1050), le simple ne (il ne vient) a été senti comme trop faible pour exprimer la négation et, par besoin d'expressivité, il a été renforcé par des noms positifs signifiant une quantité minime, devenus peu à peu des mots grammaticaux teintés de négativité (Cf. goutte, mie, pas, mot, point, rien, néant), et par des adverbes de temps et de quantité (Cf. guère, jamais, plus). L'usage de la négation simple s'est toutefois maintenu dans certains cas ; au contraire, dans l'usage familier, ne tend à disparaître au profit de ces particules, qui sont plus expressives et qui portent l'accent (notamment pas). Tous les emplois du mot sont fixés dès le XIIe siècle.
❏ voir
NENNI, NI, NON.
NÉANDERTHALIEN, IENNE adj. est tiré de Néanderthal, calque de l'allemand, où le mot désigne la vallée (thal) de la Neander, en Rhénanie, où fut trouvé en 1856 le premier crâne connu d'un Homo sapiens spécifique, dit en latin des préhistoriens Homo neanderthalensis. L'importance de cette espèce, les Néanderthaliens, qui semblent avoir été victimes du contact avec l'Homo sapiens sapiens dont descend l'être humain moderne, est considérable dans l'étude de la préhistoire. Le mot est employé en français depuis 1908. On écrit aussi néandertalien.
?
NÉANT n. m. apparaît en ancien français, écrit neient, noient et nient, la forme actuelle néant, attestée dès 1050, l'emportant au XVe siècle. On a proposé pour origine un latin nec entem, formé de la particule négative nec (→ ni) et de ens, participe présent de esse « être », mais il est peu probable qu'un terme créé dans la langue philosophique soit devenu populaire, surtout à la fin de l'Empire. Il faut plutôt supposer un latin tardif °ne gentem « pas un être vivant », de gens (→ gens). Ce syntagme est à rapprocher des syntagmes classiques formés avec gens, comme ubique gentium « partout », ubinam gentium « en quel endroit », nusquam gentium « nulle part », minime gentium « pas le moins du monde, très peu ». Cet emploi d'un nom désignant des êtres vivants pour former une négation se rapportant à des choses a son parallèle dans l'allemand nicht « ne... pas », du moyen allemand niht, contraction de l'ancien haut allemand niwiht (composé de ni et de wiht « démon »), et dans l'espagnol nada « rien », issu du latin nata, participe passé féminin de nasci « naître ».
❏
En ancien français, le mot était employé comme pronom indéfini marquant à lui seul la négation totale au sens de « nulle chose, rien », souvent en renforcement de
ne. Comme
rien, il était employé dans des locutions prépositives avec les prépositions
de et
à : il en reste quelques traces dans le langage juridique et dans la locution usuelle
réduire à néant (1155,
metre a nient).
Néant pouvait, comme
goutte, mie, rien, etc., avoir une valeur positive lorsqu'il était employé sans
ne, notamment dans une complétive ou une hypothétique.
■
Son ancien emploi adverbial a reculé au profit de rien, sauf dans le style administratif ou familier, et son ancien emploi adjectif au sens de « sans valeur, inexistant » (1174-1176) a totalement disparu, sauf dans quelques parlers régionaux du Nord et de la Normandie, au sens de « paresseux » (→ fainéant).
■
En tant que nom, néant (1160-1174) a le sens figuré moral de « vanité, illusion » ; par extension, il exprime l'idée de mensonge, chose sans fondement. Il est spécialement employé dans un contexte religieux pour désigner tout ce qui n'est pas Dieu, le vide absolu (fin XIIe s.), en particulier l'homme dans son infime petitesse (1608, saint François de Sales).
◆
Depuis le XVIIe s., il exprime l'idée philosophique de « non-être » (1647, Descartes), spécialement en parlant de ce qui précède l'être (1646) ou de la mort considérée comme l'aboutissement de l'être (1670). Le concept a été étudié dans le cadre de l'ontologie, s'articulant avec non-être (→ être), notamment dans la philosophie existentialiste (voir les dérivés).
❏
Sur
néant, on a fait
NÉANTIR v. tr. (fin
XIVe s.,
niantir) « réduire à néant », verbe très rare avant qu'il ne soit repris au
XXe s. dans le langage philosophique (1931) pour traduire l'allemand
nichten, spécialisé comme terme de philosophie chez M. Heidegger (1929).
■
En ce sens, on dit aussi NÉANTISER v. tr. (1936), employé également pour traduire l'allemand nichten, à la forme pronominale se néantiser (1943, Sartre, L'Être et le Néant).
◆
C'est chez Sartre que l'on relève également les dérivés NÉANTISATION n. f. (1943), NÉANTISANT, ANTE adj. (1943), NÉANTISATEUR n. m. ou adj. (1940, L'Imaginaire) et NÉANTITÉ n. f. (1943), à peu près inusité.
◈
L'usage courant dispose depuis l'ancien français de
ANÉANTIR v. tr. (1260), antérieurement sous les formes
anientir (1170-1180),
anoiantir (1236) et
aniantir (1190-1200).
◆
Ce verbe est d'abord attesté en emploi intransitif au sens ancien de « retomber au néant (des créatures) » et, au figuré, « prendre conscience de son néant devant Dieu » (1190-1200), en contexte religieux. La construction transitive exprime l'idée de « réduire à néant » (av. 1188), y compris dans un cadre religieux (1236).
◆
Depuis le
XVIIIe s. (1731-1741), le verbe signifie également au figuré « plonger (qqn) dans l'abattement ».
■
Le dérivé ANÉANTISSEMENT n. m. (1309) a d'abord été un terme juridique se rapportant à l'action d'annuler un accord, sens attesté jusqu'en 1680.
◆
Au cours du XIVe s., le mot prend le sens de « destruction, réduction à néant », d'abord à propos d'une nation, d'un peuple, puis aussi d'une réalité physique, d'une créature (1585).
◆
À la différence du verbe anéantir, l'emploi religieux est attesté plus tard (1648), en même temps que le sens figuré d'« état d'abattement, de fatigue extrême » (av. 1654), antérieur à l'attestation du sens correspondant chez le verbe.
◈
Néant entre aussi dans
NÉANMOINS adv. « malgré ce qui vient d'être dit » (apr. 1250,
nenmains ; 1304,
neemains), lexicalisation du syntagme
niënt meins « pas moins » (1165) de
néant et de
moins*.
■
Le mot, qui correspond à cependant avec plus de force adversative, est littéraire ou didactique.
◆
Il a eu de nombreuses variantes en ancien français et on a employé néantmoins du XVe au XVIIe siècle. La locution ce néanmoins « malgré cela » (1544) appartient à l'usage classique.
NEBKA n. f. est emprunté à l'arabe nabaka, nabka « monticule » (1931) pour désigner l'amas de sable qui se forme autour d'un obstacle, dans un désert.
NÉBULEUX, EUSE adj. est emprunté (1270, nebuleus) au latin nebulosus « où il y a des brouillards », « qui ressemble à un nuage », au figuré « obscur, difficile à comprendre », dérivé de nebula « brouillard, brume », « fine substance » et au figuré « style brumeux, obscur ». Nebula est à rapprocher de nombreux termes indoeuropéens : le grec nephelê « nuée », en germanique le vieil islandais niól « obscurité », l'ancien haut allemand nebul « brouillard » (allemand Nebel), en celtique l'irlandais nel, le gallois niwl et, sous une autre forme, le sanskrit nábhas- « nuage », le grec nephos « nuage » et le vieux slave nebo « ciel ». Une racine indoeuropéenne commune en n-b, pour « nuage », est donc très vraisemblable.
❏
Nébuleux est d'abord attesté au sens propre de « chargé de nuages » et plus tard de « qui rappelle les nuages » (1478).
◆
Aux XVIe et XVIIe s., se développent les sens figurés de « confus » (av. 1565) et dans l'usage classique « assombri, triste (du visage) » (1651, Scarron) ; seul le premier a survécu.
❏
On en a tiré
NÉBULEUSEMENT adv. (1736) de sens propre et figuré (v. 1870).
■
Le féminin NÉBULEUSE n. f. est substantivé en astronomie (1642) par ellipse du syntagme étoile nébuleuse (1642), pour désigner un objet céleste présentant un aspect diffus et nuageux, par analogie un amas flou, diffus et, au figuré, ce qui constitue l'atmosphère de qqch.
◆
Depuis la découverte des nébuleuses spirales, immenses amas d'étoiles analogues à la Galaxie* où se trouve le Soleil (nébuleuse, 1921, in Revue gén. des sc.), le mot a donc deux valeurs très différentes ; la série galaxie, galactique... l'a emporté avec cette valeur.
■
Par changement de suffixe, nébuleux adj. a servi à former NÉBULAIRE adj. (1877) « relatif aux nébuleuses » (l'anglais a nebular depuis 1856, mais pour « ce qui se rapporte aux nuages »).
■
Quelques termes didactiques sont empruntés ou issus du latin nebula : NÉBULOSITÉ n. f. est un emprunt (1488) au dérivé bas latin nebulositas « obscurité, nuage » (IIIe-IVe s.). Attesté une première fois au sens de « nuage sans contour défini », il est repris au sens de « nuage, obscurcissement » (1684) et employé en météorologie (1890).
◆
L'emploi figuré, attesté depuis 1495 en parlant de ce qui obscurcit la conscience, correspond de nos jours (1845-1846) à l'idée de « ce qui manque de clarté ».
■
Au XXe s., on a formé NÉBULISER v. tr. (av. 1970) « disperser en fines goutelettes » et NÉBULISATION n. f. (1970).
◆
Ce verbe et ce nom d'action pourraient procéder de NÉBULISEUR n. m. (1963) « appareil pour vaporiser sous pression un liquide médicamenteux » (l'anglais a nebulizer dès 1874 et, du reste, la série semble empruntée à l'anglais), avec des substitutions de suffixes.
■
Antérieurement, on relève NEBULIUM n. m. (1911, chez Poincaré), formé sur le radical de nébuleuse avec le suffixe -ium pour désigner l'élément imaginaire auquel on a cru attribuer deux raies du spectre des nébuleuses. L'anglais a eu nebulium dès 1898. Ce terme a disparu, sauf en histoire des sciences.
❏ voir
NIMBE.
NÉCESSAIRE adj. et n. m. est emprunté (1119) au latin necessarius « inévitable, inéluctable, pressant », et aussi « indispensable », substantivé d'une part au pluriel neutre necessaria pour désigner l'ensemble des choses nécessaires et, de l'autre, au masculin singulier pour désigner un proche, un ami intime. Le nom latin vient de necesse, forme neutre d'un adjectif non attesté °necessis, surtout employé dans la locution impersonnelle necesse est « il est nécessaire, indispensable ». On a avancé l'idée qu'il s'agirait d'une formation de la négation ne (→ ne) et de °cessis, nom dérivé de cedere « marcher » (→ céder) : en ce cas, la notion de « nécessité » serait issue de celle d'« immobilité » ou d'« impossibilité de se mouvoir ou d'être mû », à moins qu'en ne prenant cedere au sens de « s'en aller », on ne parte de la notion d'« impossibilité de reculer ».
❏
Nécessaire signifie dès le
XIIe s. « dont on a absolument besoin ». Il est substantivé en ce sens au féminin pluriel (v. 1190, in
F. e. w.), puis au masculin singulier
un nécessaire (1530) pour l'ensemble des choses essentielles dans un mode de vie déterminé. Ultérieurement (1718), le nom sert, par affaiblissement et spécialisation, à désigner un assortiment ou un coffret renfermant ce qui est nécessaire pour une activité donnée, celle-ci étant précisée par un complément (1835,
nécessaire à toilette, puis
de toilette ; 1890,
nécessaire à ouvrage).
■
Depuis le moyen français, l'adjectif entre dans des locutions impersonnelles analogues à celles du latin : il est nécessaire de (1436), il est nécessaire que (1495) puis il est nécessaire de avec un nom (1692).
■
Il est appliqué aussi à un être vivant (1480) et, dans la langue classique, était substantivé pour désigner un laquais et, par dérision, une personne qui se croyait indispensable (1655), d'où faire le nécessaire « faire l'important ».
■
Dès l'ancien français, il signifie également « qui ne peut pas ne pas être » (1220) d'où « inévitable, inéluctable » (1554). Ce sens est réalisé dans un mal nécessaire (1676) et, depuis le XVIIe s., dans l'acception philosophique du mot (1657-1662, Pascal). Depuis le XVIIIe s. (1743), nécessaire est employé spécialement en logique (vérité nécessaire).
❏
Le dérivé NÉCESSAIREMENT adv. (1150) possède toutes les valeurs de l'adjectif ; elles se développent du XIIe au XVIIe s., où il prend son sens philosophique « d'une manière qui interdit le libre arbitre » (1657-1662, Pascal).
❏ voir
NÉCESSITÉ.
NÉCESSITÉ n. f. est emprunté (v. 1120) au latin necessitas « nécessité, l'inévitable, l'inéluctable », « besoin impérieux, obligation de faire une chose » et au sens logique « caractère nécessaire », dérivé de necesse (→ nécessaire) à côté d'un autre nom, necessitudo, surtout employé pour les relations de parenté, d'amitié.
❏
Le premier sens de
nécessité est celui de « misère, pauvreté », réalisé dans la locution
être en nécessité (1540) et dans le dérivé
nécessiteux (voir ci-dessous), la notion de « manque » s'entendant en moyen français dans
nécessité de qqch. (v. 1360).
■
Dès 1155, nécessité signifie également « besoin impérieux, caractère de ce dont on ne peut se passer », dans la locution de nécessité (1370-1372), de toute nécessité (1694), de première nécessité (1776).
◆
Le mot désigne aussi les besoins naturels tels que manger, dormir (v. 1278) et l'on disait autrefois aller à des nécessités par euphémisme (1300), en correspondance avec un nécessaire « cabinet d'aisances » (1230), là où le français moderne emploie aller faire ses besoins, avec le même sémantisme.
◆
Au moyen âge, le mot s'appliquait aussi au besoin d'argent éprouvé par une corporation, un gouvernement (1333, au pluriel) et à l'ensemble des choses nécessaires pour vivre.
■
En moyen français (1480), il commence à désigner la fatalité, un événement inéluctable, quelquefois avec une majuscule pour la personnification de la déesse antique, fille de Fortune représentée avec des mains de bronze tenant des chevilles et des coins de fer. L'idée de « contrainte », liée à la précédente, est réalisée dans la locution proverbiale faire de nécessité vertu (v. 1278) et dans nécessité est mère d'industrie (1740), proverbe archaïque.
■
Au XVIIe s., nécessité, comme nécessaire, entre dans le vocabulaire de la philosophie et de la logique avec deux valeurs différentes : « état de contrainte qui restreint ou annule le libre-choix de l'homme » (1656, Pascal) et « enchaînement nécessaire des causes et des effets » (par opposition à hasard, contingence). C'est dans ce sens que les hommes de sciences, tel J. Monod, l'opposent à hasard.
❏
Son dérivé
NÉCESSITEUX, EUSE adj. (déb.
XIVe s.) est d'abord attesté au sens ancien de « dénué de ». Depuis 1422, il a le sens de « qui est dans la misère, dans le besoin », avec lequel il est substantivé (1546).
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On a aussi tiré de nécessité un autre adjectif, NÉCESSITAIRE (1857, n. ; 1864, adj.) employé spécialement en philosophie, sur lequel a été formé NÉCESSITARISME n. m. (1907).
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Quant au verbe
NÉCESSITER v. tr., il est emprunté (
XIVe s.) au latin médiéval
necessitare « contraindre, obliger », dérivé de
necessitas. Aujourd'hui vieilli avec le sens hérité du latin, il est employé en philosophie au sens d'« impliquer nécessairement » (1694), et dans l'usage courant avec celui de « rendre nécessaire » (1757).
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Son participe présent NÉCESSITANT, ANTE est employé comme adjectif en philosophie et en théologie (1544) dans l'expression grâce nécessitante à propos d'une grâce qui contraindrait l'homme à suivre son inspiration.
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Le nom d'action NÉCESSITATION n. f. (1787 ; déb. XVIIIe s. selon Féraud), didactique, s'applique au fait de déterminer logiquement qqch.
❏ voir
NÉCESSAIRE.
NEC PLUS ULTRA n. m. inv., attesté v. 1714, est une expression du latin scolaire moderne qui signifie littéralement « pas plus loin au-delà, rien au-delà » (→ plus, ultra). Elle aurait été gravée, selon la légende, sur les Colonnes d'Hercule, c'est-à-dire les monts Calpé et Abyla qu'Hercule sépara pour joindre l'Océan à la Méditerranée, et qui étaient considérées dans la mythologie comme les bornes du monde. Les expressions anglaises non plus ultra (1608), ne plus ultra (1638), ainsi que l'expression française non plus ultra (1638), sont reprises à d'autres formes latines.
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Le mot, rarement employé au sens littéral de « degré, limite à ne pas dépasser », exprime généralement l'idée intensive de la qualité insurpassable. Il est relativement courant.
NÉCRO- est l'élément formant tiré du grec nekros « mort, cadavre ». Il existe en grec une forme archaïque nekus « mort, cadavre », surtout employée dans le langage poétique, notamment chez Homère, mais le terme courant est nekros, qui, dans les textes anciens, ne se dit que d'êtres humains, en particulier de soldats tués au combat. Nekros a produit dès le grec un certain nombre de composés. Il vient d'un vieux nom racine °nekes, auquel répondent exactement des formes de sens différent : le latin nex, necis « mort violente » (→ pernicieux), l'avestique nas- « malheur ». Il existe aussi des verbes correspondant au verbe grec nekrousthai : le latin necare « tuer » (→ noyer), le sanskrit náśyati, l'avestique nasyeiti.
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Nécro- sert à construire des noms et des adjectifs du vocabulaire savant en minéralogie, biologie et pathologie.
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NÉCROLOGIE n. f. est composé (1704) de
nécro-* et
-logie*. Le mot a désigné le livre conservé dans les églises où l'on écrit les noms des bienfaiteurs et le temps de leur mort. Par extension, il a pris le sens de « courte notice biographique consacrée à une personne morte récemment » (1797) et, dans le cadre d'un journal, « liste des personnes notables décédées en un temps déterminé » (1918). En argot ancien des carabins, il a eu le sens d'« autopsie » (par abrègement de
nécropsie, variante disparue d'
autopsie), pourtant mieux motivé que ce dernier.
On l'abrège familièrement en
NÉCRO n. f. (att. 1968).
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On en a tiré
NÉCROLOGIQUE adj. (1784) et
NÉCROLOGUE n. (1828).
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NÉCROLOGE n. m., mot très didactique, est emprunté (XVIe s.) au latin de la Renaissance necrologium « nécrologie » (XVIe s.), de necro- et -logium sur le modèle d'elogium (→ éloge).
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Le mot désignait le registre où l'on inscrivait le nom des morts d'une communauté religieuse, ainsi que la date de leur décès. Au XVIIIe et au XIXe s., il a pris deux sens assez voisins de ceux de nécrologie, s'appliquant à un ouvrage consacré à la mémoire d'hommes célèbres récemment disparus (1762) et à la liste des personnes mortes dans une catastrophe (1868). Il est cependant moins courant que nécrologie.
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NÉCROSE n. f., terme de pathologie, est l'adaptation (1695) du grec médical
nekrôsis « mortification », dérivé de
nekros « mort ».
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Il est employé en pathologie animale et humaine pour un processus d'altération aboutissant à la destruction d'un tissu, d'une cellule, puis (1825) en pathologie végétale pour la nielle des grains de céréale.
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Dans le même domaine, a été formé NÉCROSER v. tr. (1780) « frapper de nécrose », également à la forme pronominale se nécroser (1840). Les participes passé et présent de ce verbe sont employés comme adjectifs (respectivement 1814 et 1897).
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NÉCROSIQUE adj. (1853) et NÉCROTIQUE adj. (1892) sont rares.
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NÉCROMANCIE n. f. est emprunté (1546, Rabelais) au latin
necromantia, lui-même emprunté au grec tardif
nekromanteia, de
nekro- « mort » et
manteia « divination », qui entre dans plusieurs noms de sciences divinatoires
(→ cartomancie). À date plus ancienne, le français atteste
nigromance n. f. (1119), emprunté au bas latin
nigromantia (
VIe s.,
adj. ; XIe-
XIIe s.,
n.), issu de
necromantia sous l'influence de
niger (→ noir) ; Cf. en français magie noire.
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Nécromancie, proprement « divination par l'évocation des morts », recouvre parfois plus largement la magie (1701).
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De nécromancie est dérivé NÉCROMANCIEN, IENNE n. (1546, Mellin de Saint-Gelais) « personne qui pratique la nécromancie », par extension « personne qui se livre à la magie ».
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Avec le même sens et à la même époque, apparaît NÉCROMANT n. m. (1565), emprunté au grec nekromantis. À date plus ancienne, on rencontre nigromancien n. m. (1245), dérivé de nigromance et, par emprunt au grec, nigromant (av. 1442) et negromant (1543), influencé par les mots en nigro-.
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NÉCROPHORE n. m. (1802), d'abord
nicrophore (1790), est emprunté au grec
nekrophoros, de
phoros « qui porte »
(→ phosphore).
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Le mot désigne un insecte coléoptère qui enfouit des charognes pour y pondre ses œufs. On l'a utilisé par plaisanterie (apr. 1850) pour un employé des pompes funèbres.
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NÉCROPOLE n. f. est emprunté (1828 ; var.
nécropolis) au grec
nekropolis, proprement « ville des morts », de
nekro- et
polis « ville »
(→ police). Nekropolis est employé par le géographe Strabon à propos de la nécropole d'Alexandrie.
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En français, le mot est employé comme terme d'antiquités pour désigner un vaste cimetière antique de caractère monumental (d'abord à propos de la nécropole d'Alexandrie, à l'occasion de la campagne de Napoléon en Égypte). Il s'est acclimaté avec le sens de « cimetière de grande ville, important groupe de tombes » (1834) et, dès cette époque, il est employé par métaphore (1844) pour un lieu où la mort a frappé de façon massive, un lieu qui manque de vie ou est rempli de choses oubliées.
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Au
XIXe s. sont aussi formés, après
NÉCROPHOBIE n. f. (1793) « crainte phobique de la mort et des cadavres »,
NÉCROPHILIE n. f. (1863), d'où
NÉCROPHILE adj. et n. (1884, Maupassant), concernant une perversion sexuelle qui consiste à éprouver une attirance pour les cadavres.
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NÉCROPHAGE adj., créé en zoologie (1802), s'emploie aussi, d'après NÉCROPHAGIE n. f. (1891), en psychiatrie, pour « sadique qui mange la chair des cadavres ».
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NÉCROPHAGIQUE adj. (1891) est attesté dans ce contexte.
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D'autres composés, comme nécrose (ci-dessus), concernent la biologie, par exemple NÉCROBIOSE n. f. (in Littré, 1867) et NÉCROBIOTIQUE adj. (id.) ou plus récemment NÉCROHORMONE n. f. (attesté 1941), NÉCROBACILLOSE n. f. (mil. XXe s.).