L +
NET, NETTE adj. et adv. est issu par évolution phonétique (v. 1120) du latin nitidus, adjectif correspondant au verbe nitere « être luisant, brillant, éclatant », souvent employé à propos de l'éclat de la santé, de la propreté, de l'embonpoint, de l'aspect riant ou plaisant d'un corps, d'un objet, d'un paysage. Ce mot semble induire une racine indoeuropéenne °nei- « briller », que l'on retrouve dans l'irlandais niam « éclatant » et peut-être dans le latin renidere « briller, resplendir, sourire (briller de joie) ». Nitidus signifie « luisant, resplendissant, pur, limpide » (en emplois concrets et abstraits), « paré, élégant » et « soigné, poli (du style) ». De la notion de « brillant » procède en roman celle très voisine de « propre ». À basse époque, nitidus développe le sens de « pur, limpide », surtout dans la langue chrétienne (déb. VIe s.) où il s'oppose à corruptus (→ corrompu, à corrompre) et à falsus (→ 1 faux).
❏
En ancien français,
net a d'abord ce sens moral de « pur, sans souillure », d'où « loyal, intègre, droit » (1174-1176), en parlant d'une personne ou d'une chose, de la pensée, de l'expression (v. 1120). Il signifie également « sans ambiguïté, parfait, sans détour » (1195). Ce sens a disparu, mais on peut y rattacher l'emploi familier moderne du mot dans
il (n')est pas net, pas très net « louche, pas franc ».
◆
De même, le sens physique de « pur, non altéré, sans trouble » (1160-1174), appliqué à l'air (fin
XIIe s.) et à des objets concrets exempts de tout mélange (poivre, sel, riz, vin) a disparu, cette valeur étant assumée aujourd'hui par
pur.
■
Le premier sens encore vivant du mot est celui de « non souillé » (1170), en concurrence avec propre : il est d'abord employé à propos d'une réalité physique (les mains) avant d'être aussi employé au figuré (1552) ; il est substantivé dans la locution mettre au net (1475) « faire une copie lisible ».
◆
L'idée de netteté intellectuelle et morale est exploitée à partir des années 1980 dans la négation pas net s'appliquant à des personnes suspectes, ou encore sous l'effet de l'alcool, sinon un peu dérangées.
■
On passe à l'idée de « qui produit sur les sens une impression claire, précise », dans le domaine de l'intelligence qui conçoit (1535), de l'expression (1608), ainsi qu'en parlant d'un dessin aux contours précis (1645), de la vue (1679 au figuré) et de la voix (1690) : certains de ces emplois sont aujourd'hui réservés à clair.
■
Au XVe s., net prend également le sens privatif de « débarrassé, délivré de (ce qui encombre) », au propre (XVe-XVIe s.), spécialement en commerce (XVIIIe s.) dans poids net « ce qui reste une fois enlevée la tare du poids brut de la marchandise ». Cette acception est parfois opposée à brut (par exemple à propos d'un salaire).
◆
Depuis le XVIIe s., ce sens est aussi réalisé au figuré dans en avoir le cœur net « délivré d'un souci », et dans net de « exempt de, délivré de ».
Net est employé adverbialement (déb. XIIIe s.), avec une valeur intensive, d'abord avec le sens de « tout à fait, complètement », sorti d'usage, puis avec la valeur moderne de « tout à coup, brusquement » (1530), parfois renforcé en tout net.
◆
Appliqué à une réalité langagière, il signifie « catégoriquement » (1636, refuser net ; 1642, trancher net).
◆
C'est un usage du même type qui s'est developpé en français de Nouvelle-Calédonie, dans l'usage oral spontané, c'est net !, ou net ! s'employant pour « c'est sûr, bien sûr ! ».
◆
En français commercial, net apparaît aussi dans des locutions comme payer net et comptant (1665), marchandise pesée net (1748).
❏
NETTETÉ n. f. (v. 1120,
neteted) réalise d'abord l'idée de propreté, de pureté, sur un plan physique et moral.
◆
Depuis le
XVIIe s. (1645), il exprime la qualité de ce qui se perçoit de manière claire, sans confusion (dans le domaine intellectuel et sensible) et (1653) de ce qui est clair, brillant, sans tache (de l'eau et, par analogie [1680], du cristal).
■
L'adverbe dérivé en -ment, NETTEMENT (1174-1176), d'abord au sens moral ancien de « sans péché, conformément à la morale », est rarement en concurrence avec net, adverbe.
◆
Il signifie « avec propreté, avec soin » (1210), « clairement, sans ambiguïté » (1306), emploi très usuel, et « sans détour, franchement » (1651).
◈
Le verbe correspondant à
net est
NETTOYER v. tr. (fin
XIIe s.,
nattïer ; XIIIe s.,
netoiier), réfection, d'après l'adjectif, de l'ancien français
noiier « débarrasser, délivrer » (v. 1120), issu, de même que le catalan
nedejar, d'un latin tardif
°nitidiare, dérivé de
nitidus.
◆
Les sens développés par
nettoyer sont dérivés de l'adjectif ; ils sont tous attestés avant la fin du
XIIIe s., exceptions faites de celui de « vider, dépouiller en emportant » (1538) et du sens moderne, d'abord argotique, d'« éliminer en tuant » (1844).
■
En sont issus NETTOIEMENT n. m. (1413 ; fin XIIe s., nattiement), NETTOYAGE n. m. (1419-1420), réfection de nestiage (1344), qui s'emploie au concret et aussi au figuré (1924 pour « épuration », puis dans l'expression nettoyage ethnique qui semble un calque du serbe).
◆
NETTOYEUR, EUSE n. (1508-1517 ; XVe s., nettoieur au figuré) désigne en général la personne qui nettoie. En français du Québec, il s'emploie là où le français de France utilise l'anglicisme pressing, et aussi pour « teinturier ».
◆
Le participe présent adjectivé NETTOYANT, ANTE est substantivé (1949) par ellipse de produit nettoyant. Ce dernier entre dans AUTONETTOYANT, ANTE adj. (1973) qualifiant les appareils ménagers susceptibles d'un nettoyage automatique (four autonettoyant).
■
À l'adjectif NETTOYABLE (1546) correspond l'antonyme rare INNETTOYABLE adj. (1538).
L
1 NEUF, NEUVE adj. et n. m. est issu (v. 980) du latin novus « nouveau », « récent », substantivé au neutre en novum « chose nouvelle » et au masculin pluriel en novi « écrivains nouveaux, modernes ». Novus répond au grec neos (→ néo-), au hittite newas, à l'avestique nava-, au sanskrit nava-, au vieux slave novŭ, au lituanien navas, et fait supposer une racine indoeuropéenne °nu- « nouveau » (Cf. anglais new). En français, le mot est d'abord attesté sous les formes nous, nuef (1170) puis neuf (1480).
❏
Dès les premiers textes,
neuf a le sens toujours usuel de « qui n'a pas encore servi ». Il entre dans la locution
de neuf (1170) pour « avec qqch. de neuf », comme dans
habiller de neuf (1636), puis aussi, de 1339 et jusqu'à la fin du
XVIIe s., « de manière à donner l'aspect du neuf », sens que l'usage moderne réserve à
à neuf (1585).
◆
Le mot a le sens de « nouveau par rapport à ce qui existait déjà » (1200), avec lequel il empiète sur le sémantisme de
nouveau, dans l'expression
terre neuve, à comparer avec
nouveau monde.
◆
Dès le
XIIIe s., il signifie aussi « original, fait pour la première fois » (1208) ; de là, aux
XVIe-
XVIIe s., l'émergence des sens aujourd'hui archaïques de « qui n'a pas encore subi l'atteinte des passions » (1560) et « sans expérience, novice » (1606). Le mot est substantivé au masculin avec le sens de « ce qu'il y a de nouveau » (1480), dans la locution
quoi de neuf ?, et avec la valeur neutre de « ce qui est neuf » (1808).
Une francisation de new, suffixée en -asse a pu donner la forme NEUILLASSE n. en Acadie, pour « jeune bovin, en âge de se reproduire », au masculin ou au féminin selon le sexe de l'animal.
❏ voir
INNOVER, NOUVEAU, NOVA, NOVATEUR, NOVICE.
L
2 NEUF adj. numéral et n. m. inv. est issu, d'abord sous la forme nof (v. 1119), du latin novem « neuf », qui répond à l'irlandais noin, au gotique niun, au sanskrit náva et, avec altération, au grec ennea que le français a dans ennéasyllabe « vers en neuf syllabes ». La finale nasale de novem était originellement -n (dans nonus « neuvième ») et non -m.
❏
Neuf, adjectif numéral, est aussi employé comme nom (1690). Il entre dans la locution sortie d'usage
être dans son neuf (1675) « être dans le neuvième mois de sa grossesse » avec une valeur ordinale.
◆
Dans l'usage ancien, le
-f ne se prononçait pas quand
neuf était suivi d'un mot à initiale consonantique.
Dans la numérotation des départements français, ceux qui vont de 91 (Essonne) à 95 (Val-d'Oise), tout en se prononçant classiquement quatre-vingt-onze, -douze..., -quinze (on dirait nonante en français de Belgique et de Suisse), ont reçu une prononciation en neuf-un, -deux, ...-cinq à partir des années 1980. Ce procédé donne une certaine unité à l'ensemble des banlieues situées autour de Paris, aux dépens de désignations géographiques traditionnelles. Le plus courant est le NEUF-TROIS, pour la Seine-Saint-Denis, parfois appelé le NEUF CUBE, trois étant traité comme un exposant (on peut voir là l'irruption de la terminologie arithmétique de l'école dans l'usage du « langage des jeunes des banlieues »).
❏
Neuf entre dans les noms de mesures musicales à trois temps :
NEUF-QUATRE (1803),
NEUF-HUIT (1803),
NEUF-DEUX (1874),
NEUF-SEIZE (1874), tous
n. m. inv.
■
On en a tiré NEUVIÈME adj. et n. (1140) qui a supplanté l'ancien français de même sens nuefme, noefme (de 1080 au XIIIe s.), encore usuel au XVIIIe s. en Bretagne pour désigner le droit qu'avaient les recteurs de prélever un neuvième sur les biens de leurs paroissiens décédés. Celui-ci était le représentant d'un latin populaire °novimus, réfection du latin classique nonus (→ none), d'après decimus « dixième » (→ décime).
◆
Neuvième s'est d'abord écrit novime puis nuevieme (fin XIIe s.), neufiesme (1611) et neuviesme (1721). Il est employé comme adjectif ordinal et aussi comme nom, spécialement dans le sens de « personne occupant le neuvième rang » (av. 1530), dans le syntagme juridique ancien droit de neufiesme, neufiesme (1611) et en musique (1721, n. f.) pour désigner l'intervalle séparant neuf degrés.
■
Neuf a aussi produit NEUVAINE n. f. (fin XIIIe s., nofaine) qui, avec son sens de « groupe de neuf personnes » (surtout en parlant des muses, de même que novénaire), est considéré comme burlesque depuis 1680.
◆
Depuis le moyen français (1377-1378), il a le sens religieux toujours vivant d'« exercices de piété que l'on répète pendant neuf jours consécutifs pour obtenir une grâce particulière ou honorer Dieu, un saint ».
■
NEUVAIN n. m., précédé par l'adjectif de neuf, novain (v. 1160), et d'abord écrit neufvain (1548), novain, désigne en poétique un poème ou une strophe de neuf vers.
❏ voir
NONAGÉNAIRE, NONANTE, NOVEMBRE.
NEUME n. m. et f. est emprunté (v. 1250) au latin médiéval neuma « note », « phrase musicale, en particulier mélodie sans paroles » (av. 1100), à côté du verbe neumatizare « munir de notations musicales » (1050). Le mot est l'altération du bas latin pneuma « souffle » (VIe s.), emprunté au grec pneuma de même sens (→ pneumatique).
❏
Neume a été repris par les musiciens : affecté à une partie du chant d'église émise d'un seul souffle (Règle cistercienne, 1465), il désigne comme nom féminin, dans le chant liturgique, la mélodie brève vocalisée sur la dernière voyelle du dernier mot à la fin de l'alleluia d'une antienne ou d'un répons (1606).
◆
L'emploi dans la notation musicale médiévale, cette fois comme nom masculin, est repris au XIXe s. : le mot désigne le signe final (1840), puis chacun des signes divers (lettres, traits, points) servant à noter le plain-chant (1847).
❏
NEUMATIQUE adj. (1868) est emprunté au dérivé latin médiéval neumaticus « des neumes ».
NEUNEU adj. semble être un redoublement de l'initiale de plusieurs mots, tels niais, nigaud, peut-être influencé par des sens figurés de nœud, tête de nœud « imbécile ». Le mot n'a rien à voir avec Neuneuille (1906), puis Neuneu (1923, Esnault) pour Neuilly(-sur-Seine) : la fête à Neuneu. On peut penser à une variante de nunu, suffixé en -uche dans nunuche*.
NEUR-, NEURO-, NÉVR-, NÉVRO- est un élément savant tiré du grec neuron « tendon » qui se disait aussi du sexe de l'homme et, par métonymie, d'une corde (faite avec des nerfs ou des boyaux), du lien qui fixe la tête de la flèche, de la corde d'une lyre, des fibres d'une plante. Ce n'est que tardivement et dans le vocabulaire médical qu'il a pris le sens moderne de « nerf » en tant qu'organe de sensation. Avec son correspondant latin nervus (→ nerf), il repose sur une racine indoeuropéenne °sne-, induite par le nom sanskrit snāvan- « tendon », l'avestique snāvara de même sens. La variante névro- repose sur la prononciation byzantine de l'u grec adoptée par le latin médiéval.
❏
Les deux éléments, qui servent à construire des termes en anatomie, médecine, embryologie, pathologie, sont rarement en concurrence du fait que les composés récents dont le premier élément est libre sont généralement faits sur neuro-. Le sens est celui de « nerf », « système nerveux », sauf dans quelques formations plus rares en botanique et en zoologie où c'est celui de « fibre » et plus particulièrement de « nervure » qui est retenu.
❏
Le plus courant est
NEUROLOGIE n. f. (1691) défini depuis le
XVIIe s. jusqu'au
XIXe s. comme la science étudiant les nerfs (au sens ancien du terme, c'est-à-dire les tendons, les ligaments), puis redéfini (1890) comme la branche de la médecine traitant les maladies du système nerveux.
■
Ce dernier emploi a produit NEUROLOGISTE n. (1888), NEUROLOGUE n. (1907) et NEUROLOGIQUE adj. (1893). Tous ces mots ont évincé leur doublet en névro- (névrologie n. f., 1805 ; névrologiste n. et névrologue n., 1824 ; névrologique adj.).
◈
D'autres composés, parmi de très nombreux, ont une certaine importance :
NEUROBIOLOGIE n. f. (1913) et
NEUROBIOLOGIQUE adj. (1920) concernent la biologie appliquée aux cellules et aux tissus nerveux ;
NEUROPSYCHIATRIE n. f. (1910),
NEUROPSYCHIATRE n. (1913) et
NEUROPSYCHIATRIQUE adj. (1918) s'appliquent aux aspects physiologiques et aux impacts du fonctionnement nerveux dans les perturbations psychologiques, qualifiés de
NEUROPSYCHIQUE(S) adj. (1908).
◆
NEUROMUSCULAIRE adj. (1881) s'emploie en physiologie, ainsi que
NEUROMOTEUR, TRICE adj. (1907) « des fonctions motrices des nerfs ».
NEUROPHYSIOLOGIE n. f. (1896) et
NEUROPHYSIOLOGIQUE adj. s'appliquent à la physiologie du système nerveux.
◆
NEUROTOXINE n. f. (1909) désigne une toxine agissant sur le tissu nerveux.
◆
NEUROTROPE adj. (1914) correspond à « qui se fixe sélectivement sur les tissus et les centres nerveux », par la propriété appelée
NEUROTROPISME n. m. (1907).
■
NEUROLEPTIQUE adj. et n. m. (1955), de -leptique « qui affecte en calmant », tiré du grec lêptikos « qui prend », désigne et qualifie en médecine et couramment un médicament à effet sédatif. NEURODÉPRESSEUR n. m. (1961), tiré de dépression, désigne en pharmacologie un médicament qui ralentit ou atténue certaines fonctions cérébrales. Son sens interfère avec celui de neuroleptique et de tranquillisant, mot plus courant.
◈
Une autre série a conservé la forme en
v.
■
NÉVRITE n. f. « lésion inflammatoire des nerfs » (1824), de -ite, a fourni NÉVRITIQUE adj. (1864), employé auparavant comme nom (1694) pour « remède contre les nerfs », et POLYNÉVRITE n. f. (1889).
■
NÉVROPATHIE n. f. (1845) a été remplacé en médecine par neurasthénie* et névrose*.
◆
NÉVROPATHE adj. et n. (1873) a eu une valeur médicale en psychiatrie, avant de passer dans l'usage général pour « personne présentant des troubles “nerveux” », puis de devenir désuet, se spécialisant en histoire littéraire à propos d'une école décadente, NÉVROPATHIQUE adj. (1834) demeurant un terme de psychiatrie, aujourd'hui archaïque.
❏ voir
NEURASTHÉNIE, NEURONE, NÉVRALGIE, NÉVROSE ; et aussi CHIRURGIE.
NEURASTHÉNIE n. f. est formé (1880) de l'élément neur(o)-* et de asthénie*, d'après l'anglais neurasthenia (1856).
❏
Le mot est d'usage psychiatrique et courant, reprenant en partie le champ sémantique traditionnellement réservé à langueur. Il désigne un état de fatigue, d'abattement, en particulier une tendance au pessimisme, aux idées noires (1893).
❏
Son dérivé NEURASTHÉNIQUE n. et adj. (peut-être d'après l'anglais neurasthenic, 1876) est attesté depuis 1880 comme adjectif et depuis 1893 comme nom. Il est aussi d'usage médical et est employé dans l'usage général au sens d'« abattu » (1905, adj. ; 1909, n.), le plus souvent remplacé par d'autres termes (par exemple autour de l'idée de dépression* nerveuse).
NEURONE n. m. est le dérivé savant (1896) du grec neuron « nerf, fibre, tendon » sans qu'on puisse nettement tracer les voies d'emprunt (→ neur-, neuro-). L'anglais a neuron en 1884 et l'allemand Neuron, chez Waldeyer, en 1891, interprété au sens moderne de nerf.
❏
Le mot désigne la cellule des centres nerveux qui est l'unité fondamentale du tissu nerveux, formée d'un corps cellulaire et de prolongements.
❏
Il y a concurrence entre NEURONIQUE (1905) et NEURONAL, ALE, AUX adj. (1914, d'après l'anglais neuronal, 1901) pour l'adjectif de détermination, « qui se rapporte au neurone », la seconde forme l'ayant emporté.
NEUTRE adj. et n. m. est emprunté (v. 1360) au latin neuter « aucun des deux », spécialement en grammaire « ni féminin ni masculin », mot formé de la négation ne (→ ni) et du pronom interrogatif indéfini uter « lequel des deux », « celui des deux qui... ». Uter peut être rapproché, dans d'autres langues du groupe indoeuropéen, du grec poteros, du sanskrit katarā, du gotique hwapar, etc.
❏
Le mot a été introduit au sens de « qui ne prend pas parti dans un conflit, une guerre », d'où « au-dessus de tout, indifférent » (1626), spécialement dans le langage du droit international (
lieu neutre, 1652 ;
pavillon neutre, 1835).
◆
Il est substantivé au pluriel
(les neutres) en parlant des nations non belligérantes (1835).
◆
Plus couramment, il est employé à propos d'une personne impartiale (1550), qui ne prend pas parti (1626).
◆
Il a pris au
XIXe s. le sens figuré et assez péjoratif de « fade, sans éclat, sans passion » (1853).
■
Depuis le XIVe s., peut-être par emprunt au latin, l'adjectif compte quelques acceptions spéciales en grammaire (XIVe s., à propos du latin, aussi substantivé), ensuite en zoologie à propos d'insectes (1754) et en botanique (1766) avec l'idée d'« asexué », réalisée dès 1380, puis en chimie en parlant d'un corps ni acide ni basique (1743), en physique électrique (1821).
◆
Le sens qualificatif moral de « ni bon ni mauvais » (v. 1370) ne s'est pas maintenu.
❏
Le nom correspondant,
NEUTRALITÉ n. f. (fin
XIVe s.), est un dérivé savant du latin
neutralis « neutre » (
neutralitas n'est attesté qu'en 1408 en latin médiéval).
◆
En relation avec l'adjectif, il recouvre d'abord l'état d'une personne ou d'un groupe qui ne prend aucun parti, spécialement en droit international (1500 ; 1812, dans
neutralité armée). Il est spécialement employé en chimie (1789) au sens de l'adjectif.
◆
Il renvoie, couramment, au caractère de ce qui manque d'éclat (1869, Mallarmé), spécialement dans le domaine littéraire et artistique.
■
Le verbe NEUTRALISER v. tr. a été dérivé savamment (1564) du latin neutralis comme pronominal et au sens ancien de « rester neutre ».
◆
Il n'a développé ses sens modernes qu'à partir de la seconde moitié du XVIIIe s. : « annuler » (1776) en chimie, puis « rendre inoffensif » dans l'usage général (1789, Sieyès) et, au pronominal, « s'annuler mutuellement » (1803).
◆
Dans un contexte militaire ou guerrier, il signifie « empêcher d'agir » (1812) et, en droit, « assurer la neutralité à (un territoire) » (1812).
◆
Depuis 1939, il est employé en linguistique.
■
On en a tiré NEUTRALISATION n. f. (1783), d'abord en chimie, puis en politique internationale (1795) et au sens général d'« action d'annuler » (1939-1942).
■
NEUTRALISANT, ANTE, le participe présent, est adjectivé (1800) et substantivé (1812) en chimie, puis employé également au figuré (1852).
■
Au XXe s. sont apparus NEUTRALISABLE adj. (1922), NEUTRALISATEUR, TRICE (1929, n. ; 1951, adj.) et deux termes de doctrine politique préconisant la neutralité, le refus d'adhésion à une alliance militaire : NEUTRALISME n. m. (1915) et NEUTRALISTE (1915, adj. ; 1955, n.).
◈
NEUTROPHILE adj. est un mot de biologie créé en allemand (P. Ehrlich, 1880) et passé en plusieurs langues, dont le français. Il qualifie les cellules, organites, etc. qui retiennent le mélange de colorants acides et basiques (d'autres étant
acidophiles et
basophiles). Les leucocytes polynucléaires du sang ont été appelés
les neutrophiles.
❏ voir
NEUTRON.
NEUTRON n. m. est emprunté (1912) à l'anglais neutron, formé par contraction de l'adjectif neutral « neutre » (→ neutre), employé spécialement en électricité depuis 1896, avec le suffixe -on, sur le modèle d'electron (→ électrique). Le mot anglais a été créé par W. Sutherland (1899) avec la valeur vague de « particule neutre mais instable existant dans un gaz ».
❏
C'est en ce sens qu'il est d'abord passé en français. Neutron a été repris en anglais par Glasson et Rutherford (1920), par Harkins, de Chicago (1921), puis par Chadwick en 1932 comme terme de physique nucléaire : à la suite d'un débat (1932) et des expériences menées en 1931 par les Français Irène et Frédéric Joliot, celui-ci fit prévaloir l'existence d'une particule dénuée de charge électrique dans tous les noyaux atomiques, à l'exception du noyau d'hydrogène normal. Le terme fait désormais partie du vocabulaire international de la physique nucléaire.
❏
On a aussi emprunté à l'anglais
ANTINEUTRON n. m. (1956).
■
Auparavant, a été créé NEUTRONIQUE adj. et n. f. (1935), substantivé au féminin pour la branche de la physique nucléaire qui s'attache à l'étude des neutrons (1957), peut-être d'après l'anglais neutronic (1937).
■
Le composé NEUTROGRAPHIE n. f. « radiographie effectuée à l'aide de neutrons » est attesté depuis 1950 environ (le terme recommandé officiellement est neutronographie).
◈
NEUTRINO n. m. est emprunté (1935, Joliot-Curie) à l'italien
neutrino, création du physicien italien Enrico Fermi par dérivation diminutive
(-ino) de
neutro « neutre » ; le sens étant « le petit neutre ». Le mot désigne une particule élémentaire légère (comme l'électron), de masse très petite et de charge neutre.
◆
Il a servi à former
ANTINEUTRINO n. m. (1958).
NÉVÉ n. m. est un mot (1840) d'origine provençale. Dans cette aire géographique, il a été dérivé de la forme dialectale représentant le latin nix, nivis « neige » (→ neiger). On rencontre également névat « chute, amas de neige » (1707) ; le latin a l'adjectif nivatus « rafraîchi avec de la neige ».
❏
Le mot est à la fois régional (Alpes) et géographique ; il désigne un amas de neige durci.
L
NEVEU n. m. vient de l'ancien cas régime nevuld (1080), également nevold, nevod, nevolz, correspondant à l'ancien cas sujet niés (1080). Ces formes sont respectivement issues de l'accusatif nepotem et du nominatif nepos en latin : « petit fils, descendant de parenté indirecte », qui, à basse époque, a pris le sens de « fils du frère ou de la sœur » (→ népotisme, nièce). En outre, nepos signifie « rejeton » en arboriculture et, avec une valeur péjorative, « débauché, prodigue, dissipateur d'héritage », soit selon le même phénomène que fils à papa, soit qu'il y ait eu confusion avec un homonyme nepos « débauché », peut-être d'origine étrusque. Nepos est un terme indoeuropéen désignant la parenté indirecte, et s'appliquant à tout descendant autre que le fils, donc le neveu, le petit-fils ou même le descendant d'une sœur. Il est bien représenté en sanskrit, vieux perse, avestique, vieux lituanien, en germanique occidental dans le vieil anglais nefa (mais le moyen anglais a neveu, par emprunt à l'ancien français d'où l'anglais nephew) ancien haut allemand nevo, irlandais nia. Les deux sens du latin coexistent en français, en italien et en sarde mais seul celui de « petit-fils » est usuel dans le domaine ibéro-roman où celui de « neveu » est attesté sporadiquement (l'espagnol dit sobrino, du latin sobrinus « cousin germain »).
❏
Neveu « fils du frère ou de la sœur » (1080) désignait aussi le petit-fils (1165) en ancien et moyen français. Le pluriel neveux (1500, nepveux) s'est employé spécialement (XVIe-XVIIe s.) au sens de « descendants », par calque de l'emploi poétique du pluriel nepotes en latin classique. Depuis le XVIIe s., cet emploi est limité à l'usage poétique ou littéraire.
◆
Neveu entre dans le syntagme neveu à la mode de Bretagne (1690) « fils du cousin germain ou de la cousine germaine » et dans la locution familière un peu, mon neveu !, réponse affirmative emphatique fondée sur l'assonance et à l'origine (1823, dans la pièce de Désaugiers et Nombret Saint-Laurent, les Couturières) sur un comique de situation (« Comment ? celle que j'aime [...] c'est ma tante ? – un peu, mon neveu... », cité dans Bernet et Rézeau, On va le dire comme ça). L'expression correspond à et comment !
❏
Il entre dans les composés PETIT-NEVEU n. m. (1598), ARRIÈRE-PETIT-NEVEU n. m. (1751).
❏ voir
NÉPOTISME, NIÈCE.
NÉVRALGIE n. f. est formé (1801), en médecine, des éléments névr(o)- (→ neur-) et -algie* « douleur ».
❏
Le mot désigne une douleur siégeant sur le trajet d'un nerf sensitif.
❏
L'adjectif correspondant,
NÉVRALGIQUE (1801,
Tableau synoptique de la névralgie), entre dans
migraine névralgique (1821) et
point névralgique « endroit d'un nerf où la douleur est particulièrement aiguë ». Ce dernier est employé couramment au sens figuré de « point sensible » pour une situation, un lieu, un phénomène, une personne (1932).
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Le contraire ANTINÉVRALGIQUE adj. et n. m. (1850) s'emploie en médecine.
NÉVROSE n. f. est un dérivé savant (1785, neurose) du grec neuron « nerf » (→ neuro-) à l'aide du suffixe -ose, tiré du grec -ôsis servant à former des noms de maladies non inflammatoires. Le mot est l'adaptation de l'anglais neurosis, terme créé par le médecin écossais William Cullen et qui figure dans le titre de la deuxième partie (Neurosis or Nervous Diseases) de son traité de médecine paru en 1777. C'est Pinel qui introduit en français le terme neurose ou névrose dans sa traduction de Cullen (Institutions de médecine pratique, tome II, p. 493).
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Chez Cullen, Pinel et jusqu'à la fin du
XIXe s., le terme englobe tous les symptômes nerveux sans base organique connue. Gilbert Ballet, dans un ouvrage classique de la fin du
XIXe s., range ainsi dans les névroses la maladie de Parkinson, l'épilepsie, les troubles mentaux des chorées.
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Le sens moderne du mot (1895) vient de l'allemand Neurose et de Freud qui élabora sa théorie des névroses à partir de l'observation des hystériques, dans le service du professeur Charcot, en reprenant certaines des intuitions de P. Janet. Cette théorie se dessine depuis Obsessions et Phobies (1895), Psychonévroses de défense (1895) jusqu'à Inhibition, Symptôme et Angoisse (1926). À la suite de la classification freudienne des névroses (en phobies, hystérie, obsessions et angoisse), d'où névrose obsessionnelle, névrose d'angoisse (les deux chez Freud en français, 1896), et de l'opposition entre névroses et psychoses, la psychanalyse moderne décrit d'autres types de névroses correspondant à des attitudes particulières : névrose actuelle (1924), traumatique (1900 ; allemand Schreckneurose), caractérielle, dépressive.
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La même évolution sémantique se retrouve dans
NÉVROTIQUE adj. (1764), d'abord employé comme épithète avec les noms de remèdes bons pour les nerfs, attesté dans son sens freudien en 1922 (
Introduction à la psychanalyse, mais antérieur) et pour
NÉVROSÉ, ÉE adj. et n. (1857), qui appartient à l'usage général.
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Névrose fournit le second élément de PSYCHONÉVROSE n. f. (1895) en se soudant au mot auquel il s'oppose dans la théorie freudienne — d'où PSYCHONÉVROTIQUE adj. (1900) et n.
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PSYCHONÉVROSÉ, ÉE adj. et n. (1908) n'a pas vécu.
❏ voir
APONÉVROSE.
NEW-LOOK n. m. et adj. faux composé anglais lancé par Christian Dior en 1947, d'après l'anglais new « nouveau », et look « apparence », désignait et qualifiait ce qui était d'un style innovant, en mode, puis en politique. Le mot a été très courant dans les années 1950 et 1960, puis a vieilli.
NEWS MAGAZINE n. m. et NEWS n. m. (1978) est un emprunt à l'anglais désignant un hebdomadaire d'informations, une émission télévisée d'actualités. Cet anglicisme de pure mode n'apporte rien par rapport aux mots français décrivant ce domaine. Son emploi complaisant s'est étendu pour « nouvelles », en général, toujours prononcé niouze pour suggérer une connaissance de la langue anglaise qui, souvent, ne va pas beaucoup plus loin.
L
NEZ n. m. est issu (1080, nés) du latin nasus (anciennement nassus avec géminée expressive) « nez humain », par métonymie « sens de l'odorat, finesse du goût » et, avec une valeur souvent satirique, « moquerie », également dit par analogie de forme d'un goulot de vase, d'une anse. Comme nares (→ narine), il contient la racine indoeuropéenne °nas- « nez », bien représentée dans les langues germaniques : allemand Nase, anglais nose, et slaves : russe nos.
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Nez, comme les autres noms des organes des sens, a inspiré de nombreuses locutions. Dès le début du
XIIe s. (1121-1134), il entre dans
pendre devant le nez « menacer », forme archaïque de
pendre au nez (
XIIIe s.). Fin
XVe-
XVIe s., apparaissent
tirer les vers du nez à qqn « le faire parler malgré lui » (fin
XVe s.),
ne pas regarder plus loin que le bout de son nez (1585), locutions toujours usuelles, et
se laisser mener par le nez (1559), remplacé par
mener qqn par le bout du nez (1808). Un autre syntagme familier est
trous de nez pour « narines ». De là
jusqu'aux trous de nez pour « au niveau extrême », exploité dans
être enceinte jusqu'aux trous de nez, une des variantes de la série
jusqu'aux yeux, aux dents...
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La longueur du nez, dotée de valeurs symboliques, fournit le
nez long d'une aune et le
pied de nez (où
pied est l'unité de longueur), d'où
faire un pied de nez (1640), geste culturel de dérision qui consiste à poser le pouce sur son nez et à écarter les doigts (le pied de nez, comme le fait de tirer la langue, fait partie du répertoire enfantin).
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Au
XIXe s., on commence à relever
à vue de nez « approximativement » (1821),
se manger le nez « se disputer » (1857),
avoir le nez long (1858), fin, creux, « être perspicace ». Quant au belgicisme
faire de son nez (1949), il est probablement calqué sur le néerlandais du Sud
van zijn neus maken, mot à mot « de son nez faire », pour exprimer une attitude hautaine.
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Le mot entre également dans des locutions exprimant le fait de s'enivrer :
se piquer le nez (1872) et surtout
avoir un verre dans le nez (1934).
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Beaucoup d'autres locutions, attestées à partir du XVIe s., contiennent nez au sens métonymique de « visage, ensemble du visage », voire « personne » : fourrer le nez quelque part (1550), fermer la porte au nez (1579), au nez de (qqn) (1608), renforcé dans à son nez et à sa barbe (1852), nez à nez (1660).
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Avoir dans le nez (1821) « détester, ne pas supporter » fait allusion à l'odorat (Cf. ne pas pouvoir sentir). Ce sens familier de « flair, odorat » s'est d'abord réalisé dans le domaine de la vénerie (1572) et particulièrement dans la locution courante avoir du nez (anciennement avoir bon nez, 1587). En se pinçant le nez, « avec réticence », évoque avec des pincettes. Froncer, plus souvent tordre le nez ou tordre du nez correspondent à peu près à « faire le dégoûté ».
Par analogie, nez se dit d'un mufle d'animal (1671-1681) et de différents objets ou parties d'objets saillants : proue d'un navire (1572), cap, en géographie (1831), petit bec soudé sur un tuyau de descente de gouttière (1903).
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En marine, il est entré dans la locution piquer du nez, également transposée en aéronautique (1911) et dans l'usage commun, pour « tomber la tête en avant ».
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L'équivalent très familier 2 NASE n. m., seulement employé pour l'organe des sens, reprend le provençal ou l'italien naso (de nasus). Il est écrit naze en 1835.
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Des dérivés plaisants ont eu cours, comme nazareth (1808, Dictionnaire du Bas Langage), nazicot (1835) ; nazbroque (1925) est encore connu.
❏ voir
NASAL, NASARD, NASARDE, NASEAU, NASILLER, NASIQUE, ainsi que NARGUER et RENÂCLER.