2 NIELLER v. tr. est dérivé à la fin du XIe s. (neeler dans les gloses juives) de l'ancien français neel « émail noir », attesté un peu plus tard et issu par substantivation du latin nigellus « noirâtre », diminutif de niger (→ noir). Après la forme du participe passé nieslé (1532), la forme actuelle de l'actif nieller n'est attestée que depuis 1676.
❏  Le mot s'emploie en orfèvrerie pour « orner d'émail noir ».
❏  Au XIXe s., nieller a servi à former quelques dérivés techniques : d'abord 2 NIELLURE n. f. (1812), qui correspond à l'ancien français neelüre (XIIe-XVe s.), ensuite nelleure (1611), puis NIELLEUR n. m. (1826). Le déverbal 3 NIELLE n. f. (1826) a comblé le vide laissé par l'ancien français neel et le nom d'action NIELLAGE n. m. (1843). L'homonymie entre nielle et les termes de botanique et d'agronomie 1 nielle*, 2 nielle* n'est pas sentie comme gênante, étant donné l'éloignement des domaines d'emploi.
L NIER v. tr. est issu (v. 980, neier) du latin negare « dire non » (par opposition à aiere) et « dire que... ne... pas », « refuser une chose à qqn », enfin « nier l'existence de, ne pas reconnaître ». Ce verbe est dérivé d'une forme neg de la négation nec (→ ni), que l'on retrouve dans négoce* et négliger*. En français, ni- l'a emporté à l'initiale (v. 1265) sur la forme régulière en ney- pour éviter toute confusion avec noyer, neyer et parce qu'elle rappelait ainsi la négation ni.
❏  Nier est d'abord employé dans un contexte théologique au sens de « déclarer qu'on ne reconnaît plus Dieu ou que l'on n'admet pas son existence », valeur où il est proche de renier. ◆  Répandu dans l'usage profane avec le sens de « démentir, déclarer qu'une chose n'est pas » (v. 1160), il a longtemps eu le sens de « refuser qqch. à qqn » (1180), condamné en 1704 par Trévoux comme « n'étant pas du bon usage », et réservé depuis à dénier*. Son emploi en droit a souvent la nuance « refuser de reconnaître sa responsabilité » (nier une dette, 1538 ; nier un dépôt, 1718).
❏  Son dérivé NIABLE adj. (1662, Arnauld, Logique de Port-Royal) a un antonyme formé sur dénier*, indéniable, et s'emploie surtout en construction négative (ce n'est pas niable). Un calembour populaire sur le nom de la ville de Niort, a donné lieu depuis le XVIIe s. à des expressions valant nier, comme envoyer à Niort, aller à Niort.
❏ voir ABNÉGATION, DÉNIER, RENÉGAT, RENIER.
? NIGAUD, AUDE adj. et n., attesté à la fin de la Renaissance (1611 ; 1564, Nigauld), est d'origine controversée : une première hypothèse y voit le dérivé, avec le suffixe péjoratif -aud, du prénom Nicodème (forme populaire Nigodème), nom d'un personnage biblique, membre influent du Sanhédrin qui, à propos de la régénération spirituelle, posa au Christ des questions d'apparence ingénue (Jean, III, 4). Ce personnage étant mentionné dans le récit de la Passion (Jean, XIX, 39), son nom se transmit dans la littérature médiévale et il fut notamment représenté dans le Mystère de la Passion d'Arnoul Gréban (1458) comme un personnage borné. On relève également Nicodème, un peu plus tard (1662, ce pauvre Nicodème ; 1690, un Nicodème), en parlant d'un homme simple et niais (→ niquedouille). Cette hypothèse assez anecdotique s'appuie sur le fait que les premières attestations de nigaud le donnent comme nom propre. La seconde hypothèse, plus simple, en fait le doublet de niais, formé sur °nidicare (→ nicher), et attesté dans les dialectes sous les formes nigeot, nigon.
❏  Nigaud désigne une personne qui fait preuve de maladresse, par sottise ou inexpérience. Il s'emploie en interjection (1881), souvent avec une nuance affectueuse.
■  Il a aussi dénommé un petit cormoran lourd et maladroit (1781).
❏  Nigaud a donné NIGAUDERIE n. f. (1547) « action de nigaud » et « caractère de nigaud » (av. 1787), le verbe intransitif NIGAUDER (1587), sorti d'usage, et NIGAUDEMENT adv. (1780), peu employé.
■  Il entre dans ATTRAPE-NIGAUD n. m. (1798), formé avec le verbe attraper.
❏ voir NIQUEDOUILLE.
NIGELLE n. f. est un emprunt (1588) au latin nigella et correspond à un latinisme par rapport à la forme populaire 1 nielle, issu du même mot latin. Le mot désigne une plante différente de la nielle, dont les graines étaient utilisées comme condiment (ce dernier était appelé toute-épice).
NIGÉRIEN, IENNE adj. et n. est dérivé du nom géographique Niger, nom d'un grand fleuve d'Afrique qui vient de sa désignation, dans la partie nord de son cours, par le berbère gher ou ghir « fleuve », dans l'expression Ghir-n-gheren « le fleuve des fleuves », autrement dit « le grand fleuve ». La forme Ger dans Pline, Nigeir dans Claude Ptolémée (IIe s.) a été interprétée, s'agissant de l'Afrique, par le latin niger « noir », qui n'est pas en cause. Le nom du fleuve a été donné à la région devenue colonie française, puis pays indépendant en 1960. La même année, la région située au sud du Niger, colonie anglaise, devenait le Nigeria (voir ci-dessous nigérian). Nigérien qualifie et désigne ce qui est relatif à la république du Niger, à ses habitants, à ses cultures. Les principales langues du Niger sont le haoussa, le tamachek des Touaregs au Nord, le peul... L'adjectif NIGÉRO-CONGOLAIS, AISE qualifie des langues comme le mandé, le gir, des langues bantoues, parlées plus au sud. ◆  De nigérien, après l'indépendance, sont dérivés NIGÉRIANISER v. tr. et NIGÉRIANISATION n. f. qui concernent, comme dans d'autres États décolonisés, le transfert des responsabilités à des Nigériens.
❏  NIGÉRIAN, ANE, emprunt à l'anglais nigerian, est l'adjectif correspondant à Nigeria, État fédéral situé au sud du Niger. Le nom anglais vient, en 1897 de l'expression Royal Niger Company's TerritoriesNiger est le nom du fleuve. S'ensuivirent en 1900 les protectorats britanniques appelés Northern et Southern Nigeria, réunis en 1914 dans la colonie dite Nigeria, devenue indépendante en 1960.
NIGHT-CLUB n. m. est emprunté (1930) à l'anglais night-club (1894 en parlant de Londres), composé de night « nuit », mot se rattachant, comme ses correspondants germaniques, l'allemand Nacht, le néerlandais nacht, à la même racine indoeuropéenne que le latin nox (→ nuit), et de club (→ club).
❏  Le mot est attesté en français chez P. Morand, à propos des boîtes de nuit américaines puis de diverses villes étrangères. Il s'est étendu à la France.
NIHILISME n. m. est formé (1787) au moyen du suffixe -isme sur le latin nihil « rien », forme réduite habituelle de nihilum, lui-même de °ne-hilom, forme renforcée de la négation ne au moyen de hilum. Ce nom s'employait pour « tant soit peu », et il est d'étymologie inconnue. Nihil, mot expressif ancien signifiant « rien », a perdu de sa valeur au profit d'autres mots passés en roman (Cf. néant, rien).
❏  En français, nihilisme, « négation de toute croyance », est introduit en philosophie et employé spécialement à propos de la doctrine qui nie toute vérité morale et spirituelle (1838). ◆  Le sens politique de « doctrine n'admettant aucune contrainte de la société sur l'individu », en référence à une réalité russe (1866), est emprunté au russe niguilism (1829), répandu par le roman de Tourgueniev, Pères et Fils (1862) et lui-même probablement emprunté au français.
❏  NIHILISTE adj. et n., formé (1761) sur le latin nihil au moyen du suffixe -iste, a d'abord été employé dans le sens religieux, aujourd'hui archaïque, de « hérétique qui croit que Jésus-Christ en tant qu'homme n'a pas eu d'existence véritable ». Au XIXe s., il a pris le sens d'« adepte du nihilisme philosophique » (1801, n. ; 1823, adj.) puis, dans un contexte russe, celui de « adepte du nihilisme politique » (1866, n. ; 1871, adj.), en relation avec la notion de terrorisme.
❏ voir ANNIHILER, NICKELÉ dans PIEDS NICKELÉS, art. NICKEL.
NILGAUT ou NILGAU n. m. est un emprunt (1666) à l'hindi nilgaû, lui-même pris au persan, et composé de nil « bleu » et gaû, « bœuf ». ◆  Le mot désigne un mammifère ongulé proche du bœuf.
L NILLE n. f., d'abord neille (1328), nille au XVIIe s., est l'aphérèse de anille, issu du latin analicula, diminutif de anas « canard ». Ce « petit canard » métaphorique a désigné une pièce de métal fixant une meule (aussi anille), le piton de fer fixant les panneaux d'un vitrail, la bobine de bois mobile autour d'un manche de manivelle.
NILOTIQUE adj. est un dérivé didactique du latin nilotus, emprunt au grec neilotês « des rives du Nil », du grec Neilos, le Nil. C'est un mot didactique (1842) qui qualifie ce qui a rapport au Nil, à son delta et à ses rives.
■  NILO-SAHARIEN, IENNE adj. se dit d'un groupe de langues englobant les langues nilotiques, le songhaï, et d'autres.
❏  NILOMÈTRE n. m. (1743), formé sur Nil et -mètre, désigne un puits en communication avec le Nil, et permettant de mesurer son niveau, notamment pour l'évaluation des crues.
NIMBE n. m. est emprunté (1692) au latin nimbus, proprement « pluie d'orage », « nuage de pluie ». De là, le mot latin a pris le sens général de « nue, nuée » et, par une autre spécialisation de sens, celui de « nuage doré qui enveloppe les dieux, auréole » pour les divinités païennes (Virgile) et pour les saints (Isidore de Séville). Il s'agit d'un terme surtout poétique apparenté au groupe de nebula (→ nébuleux) et de nubes (→ noce, nue).
❏  Nimbe est d'abord employé pour désigner le cercle qui figure sur les médailles autour de la tête de certains empereurs (principalement ceux du Bas-Empire). À partir de 1740, il est aussi employé à propos du cercle de lumière entourant la tête de Dieu et de saints, dans le vocabulaire de l'iconographie religieuse.
■  Par extension, nimbe se dit de la zone lumineuse qui entoure une personne, une chose (1852, Leconte de Lisle), en emplois abstraits et poétiques.
❏  Son dérivé NIMBER v. tr. (1876, 1852 au participe passé) signifie proprement « entourer d'un nimbe » ; il est aussi employé par analogie au sens d'« entourer comme un nimbe » (1863), dans le style littéraire.
La forme latine nimbus a été reprise comme terme de météorologie, NIMBUS n. m. (1804), pour un nuage pluvieux d'un gris uniforme. ◆  Il entre en composition dans les noms de nuages FRACTO-NIMBUS, rare, CUMULO-NIMBUS (1891), NIMBO-STRATUS (1932 ; → strate), tous noms masculins invariables.
NIOBIUM n. m., attesté en 1845 en français, est un mot latin moderne créé par le chimiste H. Rose, et passé en allemand (1844), tiré du nom grec Niobé, fille de Tantale. Le mot désigne un élément chimique, métal d'un blanc brillant, toujours associé au tantale dans ses minerais (d'où son nom).
? NIPPE n. f., qui apparaît dans la traduction d'un ouvrage espagnol (1605), semble issu de guenipe au sens de « guenilles, vieux habits », peut-être forme dialectale de guenille*, avec chute du groupe initial gue-, fait inhabituel en français.
❏  Le mot, employé au pluriel dès les premières attestations, désignait anciennement l'ensemble des objets de toilette et de parure (linge, bijoux, habits). Par spécialisation, il a pris le sens de « vêtements vieux et usagés » (1611). L'usage familier lui donne le sens général de « vêtements », en concurrence avec frippe. ◆  Son emploi en parlant de choses de peu de valeur (1611) relève de la langue classique et a disparu.
❏  Le dérivé NIPPER v. tr. (1718) est un verbe d'usage familier signifiant « procurer des vêtements » ; il est surtout employé à la forme pronominale se nipper (1770) et au passif, être (bien, mal) nippé (av. 1755).
NIPPON, ONE adj. et n., vient du nom d'une des trois grandes îles de l'archipel japonais, étendu à l'ensemble national, d'abord sous la forme Niphon (Encyclopédie, 1765). Le nom est un emprunt au japonais ni-hon signifiant « soleil levant ». Le mot est synonyme de japonais, aise.
NIQUE n. f. est un terme expressif (fin XIIIe s.) issu du radical nik- exprimant l'indifférence, le dédain et la moquerie, représenté également en sicilien, dans la locution négative plaisante nicheja « offense, dispute ». P. Guiraud invoque un croisement de la racine nik- avec le verbe issu du latin negare (→ nier). Par métonymie, on passe au sens d'« objet suscitant le dédain, la moquerie, l'indifférence » à celle d'« objet sans valeur » : on peut évoquer ici le composé plaisant triquenique « balivernes, bagatelle » et le portugais nica « choses insignifiantes, bagatelles ».
❏  En français, le mot est d'abord écrit nic dans l'expression ancienne dire nic « ne pas se soucier de, se moquer de », puis nique dans la locution familière encore usuelle faire la nique à (1370) « se moquer avec mépris de ». ◆  Son emploi au sens de « chose nulle, sans aucune valeur » (XIVe-XVe s. : une sauce faite de nique por l'amor de quiqueliquique), et son emploi argotique dans la locution être nique de mèche « n'être nullement complice », sont archaïques.
❏  Le dérivé 1 NIQUER v. intr. (1792) ne s'employait qu'au jeu de dés pour « amener au premier jet le point que l'on a annoncé », le joueur chanceux semblant narguer son adversaire. Ce verbe est sorti d'usage ; l'homonyme 2 niquer en rend l'emploi impossible.
❏ voir PIQUE-NIQUE (PIQUER).
NIQUEDOUILLE, NIGUEDOUILLE adj. et n. est probablement l'altération (1654) du nom propre Nicodème (→ nigaud) au moyen du suffixe -douille, de douillet* (avec influence possible d'andouille* comme le montrent les variantes dialectales niquedandouille, niguedandouille).
❏  Comme nicodème et nigaud, le mot est d'abord attesté comme nom propre d'un personnage sot et ridicule, dans la bouche d'un paysan parlant patois (Niquedoüille), puis comme nom commun (1690), avec la variante niguedouille (av. 1763).
2 NIQUER v. est un emprunt (1890) à l'arabe maghrébin i-nik (troisième personne de l'indicatif présent), du verbe nāka, passé en sabir de l'armée d'Afrique, puis dans le français d'Afrique du Nord. Ce verbe, en arabe classique (il est employé dans le Coran), s'applique aux relations sexuelles légitimes entre époux. Le radical sémitique du mot arabe a été rapproché d'un mot égyptien ancien.
❏  Le verbe signifie « posséder sexuellement », en argot et dans la langue vulgaire, emploi toujours vivant mais très marqué. ◆  Il a pris très vite (1898) le sens figuré d'« attraper » comme ses synonymes baiser, avoir et posséder. D'abord fortement marqué comme nord-africain — usage « pied-noir » —, le verbe s'est répandu en France au figuré, sur le modèle de baiser et de foutre, notamment au participe niqué « foutu ». ◆  Sa valeur initiale en français a pu être favorisée par la paronymie avec forniquer. ◆  Le verbe a perdu en français très familier ses connotations érotiques et s'emploie pour « tromper, se jouer de (quelqu'un) » (1928), comme baiser et avoir et, beaucoup plus tard, « endommager ». Le participe passé NIQUÉ, ÉE est devenu un adjectif courant, dans ce sens, pour « endommagé, usé, en mauvais état », équivalant à peu près à nase.
NIRVANA ou NIRVÂNA n. m. est emprunté (1826, nirwana) à un mot sanskrit nirvāṇa qui signifie littéralement « extinction », spécialisé dans le bouddhisme pour désigner un état échappant à la fatalité du devenir, où toute pensée, toute volonté et toute sensation sont abolies. C'est le neutre de l'adjectif verbal tiré de nirvā « souffler », « cesser de souffler, s'éteindre », de la racine vā- « souffler » que l'on retrouve à la base des noms du vent dans l'ensemble du domaine indoeuropéen (→ vent).
❏  En français, le mot s'est étendu de son acception religieuse au sens philosophique, « état de délivrance affective et intellectuelle obtenu par le renoncement au vouloir vivre », par l'emploi qu'en fait Schopenhauer en allemand. ◆  La doctrine freudienne l'a repris pour désigner la tendance de l'appareil psychique à supprimer toutes les tensions en vue d'atteindre la constance parfaite comme plaisir dernier.
❏  Il a produit NIRVANISME n. m. (1890) « doctrine du nirvana », et les adjectifs NIRVANIEN, IENNE « qui croit au nirvana » (1907) et NIRVANIQUE « propre au nirvana » (1912, Élie Faure), fort peu employés.
NISTON, ONNE n. (1918 au féminin) est un emprunt au provençal nistoun et vaut pour « gamin, gamine » (→ aussi miston). Mot du français de Provence, connu dans d'autres usages familiers.
NITESCENT, ENTE adj. est un dérivé savant du latin nitescere « briller », et ne s'emploie (attesté 1845) que dans un registre très littéraire ou scientifique (alors archaïque), pour « qui émet un rayonnement » et « très brillant ».
❏  NITESCENCE n. f., qui est dans Balzac (Séraphita, 1835), est formé sur le même verbe latin, pour « lueur, clarté » et « rayonnement ».