NITOUCHE (SAINTE) n. f. est issu par contraction (1534 en interjection ; 1545 une Saincte Nytouche) de la locution n'y touche (pas) (→ toucher).
❏  Le mot désigne familièrement une personne qui affecte l'innocence, et spécialement une femme de mœurs faciles qui affecte la pruderie.
NITRE n. m. est emprunté (fin XIIe s., nytre) au latin nitrum, nom donné à divers alcalis (en particulier soude et potasse) mais rarement, semble-t-il, au « nitre » des chimistes modernes. Nitrum est emprunté au grec nitron « natron, soude, carbonate de sodium », emprunté à l'égyptien ntr. Il s'agit d'un mot voyageur qu'ont également emprunté l'hébreu neter, l'arabe naṭrun (d'où le français natron n. m., 1653), le hittite nitri.
❏  En français, nitre, nom usuel du salpêtre, pris quelquefois poétiquement pour « poudre à canon », a été évincé par nitrate de potassium. Il est surtout vivant à travers ses nombreux dérivés et composés, apparus à partir de la fin du XVIIIe siècle.
❏  On relève d'abord , NITRIQUE adj. (1787), NITRITE n. m. (1787), NITRATE n. m. (1787), devenu courant de par l'usage de nitrates en technique agricole (engrais), NITRIFIER v. tr. (1797) et NITRIFICATION n. f. (1797), tous concurrencés au XIXe s. par des mots dérivés de azote. ◆  Nitrate a donné NITRATÉ, ÉE adj. (1797), qui correspond à l'anglais nitrated (dès 1694), puis NITRATATION n. f. (1840) et NITRATER v. tr. (1878). ◆  Au XIXe s. sont aussi apparus NITRÉ, ÉE adj., attesté une première fois en 1601, NITRILE n. m. (1844 ? ; 1848, nitryle) qui a introduit le suffixe -ile dans la nomenclature chimique et NITRURE n. m. (1832), d'où NITRURER v. tr. (1932) et NITRURATION n. f. (1932).
■  Il faut ajouter à cette abondante famille de nombreux termes de chimie (adjectifs et surtout noms) formés avec le premier élément NITRO-, qui indique d'abord simplement la présence d'azote dans un composé puis (XIXe s.) un dérivé nitré du corps dont le nom suit, comme NITROGLYCÉRINE n. f. (1854), nom d'un explosif puissant, ou NITROCELLULOSE n. f. (1905).
■  Il faut en outre mentionner des termes où nitro- prend des valeurs différentes comme NITROGÈNE n. m. archaïque pour « azote », NITROMÈTRE n. m., NITROJECTION n. f., NITROPHILE adj.... On note une certaine concurrence de nitro- avec l'élément azoto-.
■  Quant à NITREUX, EUSE adj., il est emprunté dès le XIIIe s. (1265, eau nitreuse) au latin nitrosus, dérivé de nitrum. En français, le mot est employé spécialement dans la nomenclature chimique depuis 1787 (en anglais, nitrous dès 1676). ◆  Par changement de suffixe, on a formé NITROSÉ, ÉE adj. (1903) et NITROSATION n. f. (1894).
NI-VANUATU adj. et n. inv. est l'adjectif qui correspond à l'archipel des Vanuatu (anciennes Nouvelles-Hébrides) et à l'État (république) regroupant ces îles situées au nord-est de la Nouvelle-Calédonie. Le nom Vanuatu signifie « notre terre » vanua (fenua en tahitien) désignant la terre. Ni est un préfixe marquant la substantivation. Dans le français du Pacifique, il est abrégé en NI-VAT adj. et n. inv.
NIVÉAL, ALE, AUX adj. est un dérivé savant, comme terme de botanique (1831), du latin nix, nivis « neige » (→ neiger) avec le suffixe -al. Antérieurement, on relève nivial « froid comme la neige » (1540).
❏  Nivéal signifie « qui fleurit en hiver » et aussi « que l'on trouve dans la neige » (1840) en parlant d'une plante. ◆  Il est plus rare au sens de « qui évoque la neige ».
❏  Ce sens est réservé à l'adjectif NIVÉEN, ENNE (1840) d'usage littéraire, dérivé savamment du latin niveus « qui a la blancheur de la neige », de nix, nivis.
■  En géographie, on emploie NIVAL, ALE, AUX adj. (1532), emprunt du latin nivalis « neigeux, couvert de neige », pour ce qui est formé de neige, qui concerne la neige (1949, régime nival en hydrographie).
L'élément NIVÉO-, variante NIVO-, tiré du dérivé latin niveus « de neige », entre dans la composition de quelques termes didactiques formés au milieu du XXe s., comme NIVO-GLACIAIRE adj., NIVO-PLUVIAL, ALE, AUX adj. et NIVOSITÉ n. f., d'après pluviosité, NIVOMÈTRE n. m., NIVOMÉTRIE n. f., d'après pluviomètre, -métrie.
❏ voir aussi NÉVÉ, NIVÔSE.
NIVEAU n. m. est la réfection assez tardive (1637) de nyviel (1311), nevel (1343), nivel (1429), altération, par assimilation de l'n- initiale à l'-l finale, de livel, liveau, attesté du XIIIe au XVIe s. (d'où l'anglais level). Livel est lui-même issu du latin populaire °libellus, dérivé du latin classique libella « instrument servant à mettre au niveau, à niveler », diminutif de libra « balance à deux plateaux ou à contrepoids » puis « instrument qui sert à donner l'horizontale » (→ 1 livre).
❏  Le mot apparaît avec le sens technique d'« instrument servant à mesurer un plan horizontal par rapport à un autre plan », seul puis, dans la seconde moitié du XIXe s., dans niveau d'eau (1868), niveau à équerre (1874), niveau de pente (1874), puis niveau à bulle, niveau de pointage (1903).
■  Par métonymie, il désigne le degré d'élévation, par rapport à un plan horizontal, d'un plan qui lui est parallèle (1429), dans les locutions mettre à niveau (1429) et au niveau de « à la hauteur de » (1546). Ce sens donne lieu aux XIXe et XXe s. à des acceptions techniques en géologie, géodésie, hydrographie et pétrochimie ; le mot désigne notamment la cote d'une galerie de mine et, couramment, l'étage d'un bâtiment (1965, probablement par calque de l'anglais level). Le niveau des liquides nécessaires au bon fonctionnement d'un moteur suscite refaire les niveaux, au figuré, « remplir les verres pour une autre tournée » (après 2000).
■  Au XVIIe s., niveau commence à exprimer l'idée d'une valeur comparative dans le domaine intellectuel, artistique (1637, Descartes), valeur mesurée au XXe s. par des tests en psychologie (niveau mental, 1941) et souvent estimée spontanément comme « valeur moyenne d'un ensemble » (1896, Proust). ◆  Les écrivains classiques appliquent déjà le mot niveau à une position sociale (1688, La Bruyère) et, au XVIIIe s., Condillac l'emploie en économie politique (1776), domaine où le mot a servi à former les expressions niveau de vie (1932), niveau des prix. ◆  Les locutions au niveau (1688), au niveau de (av. 1778) suivent ces emplois abstraits. Elles sont devenues au XXe s. des emplois passe-partout, diffusés par le langage des ingénieurs, pour « dans le domaine de », « pour », et sont critiquées.
■  D'autres acceptions didactiques apparaissent au XXe s., qui font souvent intervenir la notion d'un « degré d'intensité » (1874), en physique et acoustique. La stylistique et la linguistique confèrent à niveau la valeur de « place dans la hiérarchie », l'une dans l'expression niveau de langue (mil. XXe s.), l'autre dans une perspective structurale à propos d'un élément occupant une certaine place dans la structure hiérarchique de la langue (1968).
❏  La forme ancienne nivel a donné dès 1220 (avant la première attestation que l'on ait du nom) 1 NIVELER v. tr. au sens ancien et très général de « mesurer, estimer ». ◆  Depuis 1339, ce verbe s'emploie pour « mettre de niveau, rendre horizontal » au propre, à l'aide du niveau (1549), et au figuré, d'abord en économie (1775), puis en parlant des conditions sociales (1784) quelquefois avec une nuance péjorative.
■  Le verbe a lui-même produit un certain nombre de dérivés : NIVELLEMENT n. m. (1538) reçoit également un sens figuré à la fin du XVIIIe s. (1793, nivellement des fortunes).
■  NIVELAGE n. m., attesté au XVIIe s. (1636 à 1677), a été repris au XIXe s. (1863) et concerne exclusivement le fait de rendre plane une surface en comblant les creux.
■  NIVELEUR, EUSE n. (1546) « géomètre, celui qui nivelle » désigne aussi une petite herse destinée à aplanir le sol (1903, n. m.). ◆  Au XVIIIe s., dans le contexte prérévolutionnaire, il a pris le sens figuré de « partisan du nivellement social » (1767) par emprunt sémantique à l'anglais leveller (1644), employé à l'origine en parlant d'un parti politique partisan de l'égalitarisme sous Charles Ier. Comme niveler, niveleur est généralement senti comme péjoratif en ce sens. ◆  Son féminin NIVELEUSE a été créé pour désigner un engin de terrassement automoteur servant à profiler la surface du sol (1948 dans les dictionnaires ; dès 1914 en apposition).
■  Plus récemment sont apparus les dérivés NIVÉLATEUR, TRICE adj. « qui sert à faire des nivellements » (1914, nivellateur comme nom d'une espèce d'instrument) et NIVELÉE n. f. (v. 1950) « établissement d'un niveau ».
Le verbe 2 NIVELER, par un cheminement sémantique obscur, qui pourrait être analogue à celui de la locution figurée moderne coincer la bulle, tout en profitant des caractéristiques prêtées traditionnellement à la figure folklorique de Jean de Nivelle, a eu au XVIIe s. le sens figuré d'« hésiter » (v. 1610), « perdre son temps à des bagatelles ». ◆  Ce sens a donné deux adjectifs, nivelier et nivelleux, et un nom, nivellerie, que l'on trouve chez La Fontaine. Il se maintient dans les dialectes de l'Ouest.
Par préfixation, on oppose à 1 niveler DÉNIVELER v. tr. (1845) « provoquer une différence de niveau, rendre inégal », mot de sens concret sur lequel on a formé DÉNIVELLATION n. f. (1845) « inégalité de terrain », usuel, et par métaphore, « différence de niveau, de degré » (1870), plus rare.
NIV(O) → NIVÉAL
NIVÔSE n. m. est le dérivé savant (1793) du latin nix, nivis « neige » (→ neiger). Fabre d'Églantine, auteur de cette réforme du calendrier, a mis un accent circonflexe au mot, anormalement (Cf. aussi ventôse, pluviôse), pour éviter la prononciation méridionale du -o- ouvert (lui-même était originaire de Carcassonne).
❏  Nivôse est le nom du quatrième mois du calendrier républicain, commençant, selon les années, le 21, 22 ou 23 décembre.
❏ voir aussi NÉVÉ, NIVÉAL.
NIXE n. f., terme de mythologie germanique et scandinave, est emprunté (1832 nix, n. f.) à l'allemand Nix « génie des eaux » et Nixe « nymphe des eaux », issus du moyen haut allemand nickes (n. m.), nickese (n. f.), antérieurement nichus, nihhus (n. m.) et nicchessa (n. f.). Le mot repose sur le thème indoeuropéen °nigw- « laver » représenté dans le grec nizein « nettoyer en frottant », le sanskrit nénekti « il lave », l'ancien irlandais nigid.
❏  En français, la forme masculine, répertoriée dans plusieurs dictionnaires du XIXe s., a été éliminée par le féminin (1852), suscité par le sens dominant « nymphe des eaux ». Cf. ondine. Le mot doit sa diffusion à l'engouement des écrivains romantiques (Gautier, Nerval) à l'égard des mythologies nordiques.
NÔ n. m. est emprunté (1874) au japonais no, nom d'un drame issu de spectacles liturgiques et devenu un divertissement intellectuel à la formule esthétique raffinée. Le genre a été créé à la fin du XIVe s. par Kan-ami et son fils Motokyio (le futur Zeami, auteur d'un traité de composition du nô) : les personnages y sont ceux de l'histoire de l'Extrême-Orient et de la religion bouddhiste ; les acteurs, primitivement au nombre de deux, le shite (exécutant, à la fois chanteur et danseur) et le waki (celui qui donne la réplique), plus tard accompagnés de zure (suivants, confidents), portent un masque sobre sur une scène elle-même nue et d'une forme particulière, comportant un élément d'accès en longueur, parcouru rituellement par le protagoniste. Un chœur prend part au déroulement de l'action. L'anglais a emprunté noh, no à la même époque que le français (1871). L'esprit du nô a été exprimé en français par Paul Claudel.
? NOBERTE n. f., mot attesté en 1668 à Reims, est peut-être une altération du nom de saint Norbert. ◆  Le mot en français régional du nord-est de la France (surtout en Champagne) désigne une petite prune violette.
NOBILIAIRE adj. et n. m. est dérivé savamment (1673) du latin nobilis (→ noble) au moyen du suffixe -aire.
❏  D'abord employé comme nom pour désigner le registre contenant le relevé des familles nobles, nobiliaire a été adjectivé (1796) au sens de « qui appartient à la noblesse, lui est propre, la concerne ». Synonyme de noble, il est d'usage plus didactique, en particulier dans les syntagmes titre nobiliaire (1801), caste nobiliaire (1801), particule nobiliaire.
NOBLE n. et adj. est emprunté (1050) au latin nobilis, dérivé de noscere « commencer à connaître, connaître », d'où vient cognoscere (→ connaître). L'adjectif latin signifie proprement « connaissable », d'où « connu », puis, avec une restriction dans un sens favorable « très connu, fameux, illustre (d'un être, d'une chose) ». Par extension, il a signifié « bien né » et s'est employé au pluriel substantivé nobiles pour les gens bien nés, membres de la nobilitas, classe comprenant les patriciens et les plébéiens arrivés aux magistratures curules, ainsi que leurs descendants. En bas latin et en latin médiéval, le mot est employé en parlant de l'aristocratie de sang chez certains peuples germaniques (501-518, Lex Burgundionum) et devient synonyme de liber (→ libre), et de ingenuus (→ ingénu) [720], avant de s'appliquer ensuite à la noblesse féodale (1012-1023).
❏  En ancien français, noble a évincé la forme ancienne nobile (1135), d'abord nobilie (1080), elle-même issue par voie demi-savante d'une variante latine °nobilius, ou bien issue de nobilis avec un changement d'accentuation en gallo-roman. Le premier sens attesté est le sens qualitatif « qui l'emporte sur les autres par sa qualité, sa valeur, son mérite », en parlant d'un être vivant (1050), sens où l'adjectif est substantivé (un noble, v. 1475), en parlant d'un animal (1160-1174, d'un cheval) et aussi d'un abstrait humain (1165, noble chevalerie).
■  Il se dit en particulier d'un organe qui joue un rôle prépondérant dans l'organisme (1314, membre noble), d'une parole, d'une action inspirée par la grandeur morale (1210), d'un art et d'une science (1370-1372). Aujourd'hui noble art, d'après l'anglais, désigne la boxe, et la publicité fait grand usage du mot (matériaux nobles, etc.), comme de prestigieux.
■  Noble est aussi employé spécialement pour qualifier un langage (1370-1372), puis un style (1674, Boileau) et un genre littéraire élevé, dans le cadre classique de la hiérarchisation des genres (par opposition à bas).
■  Son emploi substantivé en numismatique est un emprunt (1360) fait à l'anglais noble, nom d'une monnaie d'or établie par Edouard III vers 1340-1343. En ce sens, le mot a d'abord pénétré le français du Sud-Ouest et l'occitan des pays sous domination anglaise, ainsi que les régions limitrophes.
■  Depuis 1580, noble est aussi employé comme nom avec une valeur de neutre pour désigner ce qui est beau et majestueux, renvoyant davantage à un concept esthétique qu'à une notion morale, ce qui était le cas chez Montaigne.
L'autre sens du mot, « qui appartient à la classe de la société réputée éminente » (1216, adjectif ; 1369-1372 comme nom), est emprunté au latin médiéval. ◆  Par extension de ce sens, noble signifie aussi « qui appartient à la noblesse, lui est propre » (1495, en parlant d'une terre) et, autrefois, « qui est composé de nobles, occupé par les nobles ».
❏  Le double sens de noble se retrouve dans NOBLEMENT adv. (1140) « de façon digne » et « à la manière des nobles » (XVe s.), et dans NOBLESSE n. f. Ce dernier, apparu en 1140 au sens ancien de « fête, réjouissance pompeuse », a aussi en ancien français (1155) la valeur correspondant à l'adjectif, « valeur, dignité », et (fin XIIIe s.) « qualité d'être noble par la naissance ». Noblesse a aussi le sens collectif d'« ensemble des nobles » (1490) ; il entre dans quelques syntagmes (1607, noblesse de robbe longue ; 1615, petite noblesse ; 1678, haute noblesse, etc.).
■  Noble et noblesse ont longtemps joué de l'ambiguïté entre appréciation morale et rang social, la « naissance » étant interprétée, dans les hiérarchies de l'Ancien Régime, et souvent encore au XIXe s., comme le « sang », garantie biologique d'une valeur supérieure. Ainsi le lion Noble dans le Roman de Renart allie la puissance à la noblesse morale, mise en doute dans ce contexte satirique.
■  Deux termes péjoratifs ont été créés au XIXe s. pour désigner une personne de petite noblesse : NOBLAILLON, ONNE n. (1874) [dont la variante noblilion est antérieure (Stendhal)], par l'intermédiaire de noblaille « noblesse abâtardie » (1823) qui a également donné noblaillerie, n. f. (1937) « prétention à la noblesse », et NOBLIAU n. m. (1841), terme relevé notamment en Picardie, Normandie, Anjou et Sologne, formé avec le suffixe -iau, variante dialectale de -eau.
■  Le composé ENNOBLIR v. tr. (1260) « rendre plus digne » et « rendre noble » (1456) a été supplanté, sauf au sens moral, par ANOBLIR v. tr. (1326) « conférer la noblesse à qqn ». ◆  De même, le dérivé du premier de ces verbes ENNOBLISSEMENT n. m. (1345), attesté une première fois au sens d'« embellissement » et repris avec un sens moral au XVIIe s., a signifié « action de rendre noble » (1508), valeur éliminée par ANOBLISSEMENT n. m. (1345). ◆  Le participe passé ANOBLI, IE a été substantivé (1690) pour désigner une personne à qui l'on a conféré la noblesse.
■  Noble est le second élément de GARDE-NOBLE n. m. (1509), ancien terme juridique désignant le droit accordé au survivant des époux nobles de jouir du bien de leurs enfants jusqu'à la majorité de ces derniers et synonyme d'un emploi de l'adjectif avec le nom garde.
❏ voir IGNOBLE, NOBILIAIRE.
L NOCE n. f. est issu (déb. XIIe s.) d'un latin populaire °noptiae (n. f. pl.), altération du latin classique nuptiae « noces, mariage » et « commerce charnel » (→ nuptial) sous l'influence du latin tardif °novius « nouveau marié », de novus (→ neuf). Nuptiae est dérivé du supin de nubere « voiler (la tête) » d'où nubere (marito) : « se marier, pour une femme », littéralement « prendre le voile à l'intention du mari ». Cette prise de voile, aujourd'hui réservée au mariage mystique que constitue l'entrée des femmes en religion, était en effet le rite le plus important du mariage romain, qui soustrayait l'épouse à la puissance de sa famille d'origine et symbolisait pour elle la perte de la liberté et la réclusion dans la demeure du mari. Nubere contient probablement la même racine que nubes « nuage » (→ nue), nebula (→ nébuleux) et nimbus (→ nimbe), en supposant à celle-ci le sens de « couvrir, voiler ».
❏  Le mot est presque toujours au pluriel, noces, avant le XVIe s., époque où le singulier l'emporte peu à peu dans le langage courant. Il apparaît avec les sens religieux issus du latin ecclésiastique médiéval : « mariage spirituel, noces mystiques du Christ et de l'Église » (VIIIe s.), d'« une créature avec le Christ » (1091-1092). ◆  Il désigne depuis le XIIe s. (1150) la cérémonie du mariage et les réjouissances qui s'en suivent et entre dans la locution épouser (espouser) en seconde noce (1680). ◆  Le sens métonymique de « couple de mariés » (1200) a disparu avant l'époque classique.
■  Une autre métonymie donne à noce la valeur de « grande fête, réjouissance » (1200), emploi qui prend une certaine autonomie, notamment dans la locution faire la noce (1834 ; dès 1690 faire nopces « faire de grandes réjouissances », et faire sa noce de qqch. « dévorer », apr. 1250). Il exprime quelquefois plus particulièrement une idée de « débauche » (1719), la langue populaire ayant d'ailleurs adopté (fin XIVe s.) un sens du latin dans faire les noces « faire l'amour ». ◆  Inversement, la locution ne pas être à la noce (1829) exprime, par litote, le fait d'être dans une situation pénible. ◆  Une autre extension de sens donne à noce, en français d'Afrique, le sens général de « fête ».
❏  Le dénominatif NOCER v. intr. (1170) signifiait autrefois « unir par le mariage » et en construction transitive « épouser » (1175). ◆  Son sens moderne familier de « faire la noce » est attesté depuis 1836 ; il vient probablement d'un emploi antérieur, régional et oral dans l'ouest de la France, pour « aller à une noce » (1743-1744 en français du Canada). ◆  En français d'Afrique, d'après les emplois de noce pour « fête », nocer signifie simplement « s'amuser » sans idée de débauche.
■  NOCEUR, EUSE n. apparaît vers la même époque (1834, n. f. ; 1836 au masculin), devenant un mot typique des « folies bourgeoises » du XIXe s. (aussi comme adjectif, 1841).
■  NOCEUX, EUSE adj., « personne qui est du cortège d'une noce », est limité à un usage régional tout comme l'archaïsme NOPÇAGE n. m., figé sous sa forme ancienne, pour la rétribution qu'exige le clergé lors de la célébration d'un mariage (Bretagne) et le droit féodal du seigneur d'assister au mariage de ses vassaux.
NOCHER n. m. est emprunté, d'abord sous la forme nochier (1246), au génois, dialecte italien où l'on trouve la forme latinisée naucherius, naucherus dans les chartes latines dès le XIIe s. et nozher aux XIIIe-XIVe s. (en italien nocchiero). Le mot génois est issu du latin nauclerus « patron d'un navire », emprunté au grec nauklêros « armateur, propriétaire d'un navire » (celui-ci loue son bateau pour transporter personnes et marchandises et peut également le commander). Nauklêros est issu de naus « navire », mot appartenant à une importante famille indoeuropéenne (→ nef). L'élément final serait béotien (°kraros) et se rattacherait à la racine signifiant « commander » (-crate → aristocrate, etc.).
❏  Nocher, attesté sous sa forme actuelle depuis le début du XVIe s. (1515-1522), désigne encore quelquefois le patron d'un navire dans la Méditerranée. ◆  C'est surtout un terme poétique employé en concurrence avec nautonnier, spécialement pour désigner Charon, le passeur de l'Achéron dans la mythologie grecque des Enfers.
NOCIF, IVE adj. est emprunté (déb. XVIe s. ; 1495 sous la forme noxif) au latin nocivus « nuisible, dangereux », dérivé de nocere (→ nuire).
❏  Le mot, attesté fin XVe-déb. XVIe s., est absent des dictionnaires jusqu'au XIXe s. et n'a guère été employé à l'époque classique. Introduit en médecine avec le sens physique de « nuisible pour la santé », il est employé au sens figuré de « nuisible pour la santé morale, intellectuelle » (XXe s., Gide).
❏  Son dérivé NOCIVITÉ n. f. est attesté depuis 1876.
■  Nocif entre sous la forme courte noci- dans deux termes de physiologie modernes : NOCICEPTEUR n. m., de (ré)cepteur, et NOCICEPTIF, IVE adj., de (ré)ceptif (XXe s.).
❏ voir NOCUITÉ.
NOCTAMBULE adj. et n. est formé (1701) à partir du latin nox, noctis « la nuit » (→ nuit) et ambulare « marcher, se promener », que l'on retrouve dans déambuler, ambulance, somnambule.
❏  Les deux mots noctambule et somnambule, sont d'ailleurs synonymes, à l'origine, avant que noctambule n'en vienne à désigner la personne qui a l'habitude de se promener la nuit de manière délibérée (1720) et, par extension, qui se distrait la nuit. ◆  Il est également employé adjectivement (1736) pour une personne, un animal, une chose en activité la nuit.
❏  On a formé dessus NOCTAMBULER v. intr. (1866) d'usage littéraire, qui a disparu.
■  NOCTAMBULISME n. m. (1765) viendrait d'un latin médical moderne noctambulus. Le mot est passé de l'idée primitive de « somnambulisme » à « habitude de se promener la nuit » (1878), « de se distraire la nuit ».
NOCTILUQUE adj. et n. f. est la francisation (1722) du latin moderne noctiluca, masculin, mot créé par Kunckel en 1678, par emprunt au bas latin noctilucus, de lucere « luire » et nox, noctis « nuit ». Il qualifie les organismes (insectes, vers) capables d'émettre une lueur, visible dans l'obscurité : le lampyre noctiluque est appelé couramment ver luisant. Le nom a été donné (1845) à un protiste marin luminescent.
NOCTUELLE n. f. est dérivé savamment (1792) du latin noctua « chouette, hibou », lui-même dérivé de nox (→ nuit), au moyen du suffixe diminutif -elle.
❏  Le nom de chouette était encore donné au XVIIIe siècle à ce papillon de couleur terne.
❏  Le même mot latin a servi à former NOCTULE n. f. (1760) pour désigner une chauve-souris d'assez grande taille, originaire d'Europe et d'Asie.
NOCTURNE adj. et n. est emprunté (1250) au latin nocturnus « de la nuit », « qui agit la nuit, dans les ténèbres » par opposition à diurnus (→ diurne), dérivé de nox, noctis (→ nuit) sur le même modèle.
❏  Dès 1250, un nocturne a le sens spécial, dans la liturgie catholique, de « chacune des trois parties de l'office des matines ». ◆  Comme adjectif, nocturne, « qui a lieu la nuit, se fait la nuit » (1355), a pris aussi le sens de « propre à la nuit » d'où « sombre, ténébreux » (1581, en parlant de l'enfer). Il est particulièrement employé en zoologie et en botanique à propos de ce qui agit, vit la nuit (1767).
■  Au XVIIIe s., on rencontre le mot italien nottúrno et l'allemand Nacht-musik pour désigner, en musique, des suites instrumentales, divertissements, cassations, conçus pour la haute société, mais ce n'est qu'au XIXe s. que nocturne commence à désigner une pièce d'intimité essentiellement destinée au piano. Le premier à utiliser le terme en ce sens a été le pianiste irlandais John Field (1782-1837) qui eut une carrière internationale. Plus tard, Chopin a brillamment contribué à la diffusion de ce sens. Nocturne a également servi à désigner une pièce vocale à deux voix (1812) interprétée la nuit.
■  Depuis le XIXe s., le nom désigne aussi un oiseau rapace nocturne (1805, les nocturnes).
■  Au XXe s., par ellipse de réunion nocturne (1896), un ou une nocturne se dit de réunions sportives en soirée (1924 ; 1932, en nocturne) puis de l'ouverture d'un magasin en soirée (1967).
❏  NOCTURNEMENT adv. « de nuit, pendant la nuit » (v. 1550) est rare.
■  L'ancien adjectif NOCTURNAL, ALE, AUX « qui a lieu la nuit » (1118-v. 1590), repris pendant la Révolution (v. 1792), mais supplanté par nocturne, s'emploie substantivé au masculin pour désigner une des parties des matines (XIVe s.).
NOCUITÉ n. f. est formé savamment (1823) sur le latin nocuus « nuisible », dérivé de nocere (→ nuire).
❏  Ce synonyme peu employé de nocivité s'est maintenu du fait de la plus grande vitalité de son antonyme innocuité (ci-dessous).
❏  INNOCUITÉ n. f. est formé (1806 ; 1783 selon Bloch et Wartburg) sur le latin innocuus « qui n'est pas nuisible ».
■  Le mot est employé dans le domaine médical et quelquefois, dans l'usage littéraire ou soutenu, en parlant de la qualité d'une chose qui ne cause aucun dommage, et qui est inoffensive.
❏ voir NOCIF.