-NOME, -NOMIE sont des éléments formants tirés du grec -nomos, -nomia issus de nomos « ce qui est attribué en partage, ce que l'on possède, usage, coutume, loi », lui-même dérivé de nemein « attribuer, répartir selon l'usage ou la convenance » (→ nomade).
❏
Les noms en -nomie, formés avec un premier élément généralement issu du grec, désignent une discipline, une fonction, une caractérisation. Les termes en -nome correspondants (noms et adjectifs) désignent ou qualifient le spécialiste de la discipline, le détenteur de la fonction ou de la caractéristique. S'il existe fréquemment un terme en -nomie en l'absence d'un terme en -nome correspondant, la réciproque est beaucoup plus rare. Aux noms en -nome et -nomie peuvent correspondre des adjectifs en -nomique et en -nomiste ainsi que des noms masculins en -nomisme. On note des emprunts au grec à côté de formations en français.
❏ voir
AGRONOME, ANTINOMIE, ASTRONOME, AUTONOMIE, ÉCONOME, GASTRONOME, MÉTRONOME ; BINÔME (et MONÔME) ont probablement une autre origine.
NOMENCLATURE n. f. est emprunté (1559) au latin nomenclatura « inventaire des termes employés pour désigner les objets d'une étude ou d'une collection », de nomenclator (voir nomenclateur, ci-dessous), lui-même formé de nomen (→ nom) et calare « appeler, proclamer » (→ intercaler).
❏
Le mot français, apparu avec le sens du latin, est employé (av. 1718) dans le cadre d'une science, d'une technique, pour désigner un ensemble de termes classificateurs (taxinomie), surtout lorsque le système de classement n'est pas conceptuel (lorsqu'il l'est on parle de terminologie). Par métonymie, il est appliqué à la méthode de classement de ces termes elle-même (1758).
◆
En lexicographie, il était employé au sens de « catalogue des mots les plus ordinaires d'une langue » (1690), avant de recouvrir l'ensemble des mots faisant l'objet d'articles de dictionnaire (1798).
❏
Son dénominatif
NOMENCLATURER v. tr. (1794), « inclure dans une nomenclature », est peu employé.
■
Quant à NOMENCLATEUR, TRICE n. m. et adj., il est lui aussi emprunté au XVIe s. (1541) au latin nomenclator, proprement « celui qui s'adresse à qqn en l'appelant par son nom », spécialement à propos de l'esclave qui accompagnait le candidat à une magistrature et qui devait lui désigner discrètement les citoyens qu'il avait intérêt à saluer. Nomenclateur, emprunté avec le sens du latin en histoire romaine, a pris celui de « personne qui donne les noms aux choses et aux êtres vivants » (1674, La Fontaine, Adam le Nomenclateur), emploi sorti d'usage, puis désigne l'auteur d'une nomenclature scientifique (1749, Buffon). Il a également désigné (1845) un recueil de mots classés, présentés sans définitions ni exemples.
◆
Comme adjectif, le mot qualifie (1762) ce qui est relatif à une nomenclature.
◈
La forme
NOMENKLATURA n. f. (v. 1980 attesté 1988) est un emprunt au russe
nomenklatura de même origine, au sens spécialisé de « liste des personnages du régime ayant droit à des prérogatives exceptionnelles ». Il est quelquefois francisé en
nomenclature.
NOMINAL, ALE, AUX adj. est emprunté (1520) au latin impérial nominalis « qui concerne le nom, se rapporte au nom », spécialisé en latin médiéval comme terme de scolastique (au pluriel substantivé nominales, XIIIe s.), dérivé de nomen (→ nom).
❏
Le mot est entré en français au sens de « qui se rapporte au nom et pas à la chose » et spécialement « dont l'existence se réduit à la désignation verbale » (par opposition à
réel), valeur reprise au latin scolastique. Il est substantivé au pluriel
nominaux, synonyme de
nominalistes, sorti d'usage (1500), par opposition à
réaux (« réalistes »).
◆
Nominal a développé un sens spécialisé en grammaire (1521), se rapportant au nom et à sa catégorie, par opposition à
verbal (d'où
phrase nominale).
◆
Au
XVIIIe s. sont apparus d'autres sens, également didactiques, « qui concerne le nom, est relatif au nom » (1770) et « relatif aux noms de personnes ou d'objets individuels » (1732,
prières nominales ; 1789,
appel nominal).
■
À la même époque, nominal est entré dans le vocabulaire des économistes (1770), dans valeur nominale appliqué à une valeur exprimée dans une unité monétaire courante, qui ne tient pas compte de la valeur réelle. Il est passé en technologie (XXe s.) avec la même notion de « déterminé théoriquement », en parlant d'une grandeur, d'une puissance.
❏
Nominal a produit les termes de doctrine philosophique
NOMINALISTE adj. et n. (1590) et
NOMINALISME n. m. (av. 1739), qui s'appliquent à plusieurs doctrines selon lesquelles les idées générales n'ont d'existence que dans les noms dont ils sont les signes, et plus spécialement à celle de Guillaume d'Ockham au
XIVe siècle. Les deux mots sont aussi employés dans le cadre du débat scientifique moderne (
XXe s.).
■
Le dérivé NOMINALEMENT adv. est relevé pour la première fois dans une phrase de Sieyès qui l'oppose à réellement (1789). Il signifie aussi « à un prix nominal » (1838) et s'emploie spécialement en grammaire (1959).
◈
Nominal a donné le terme de linguistique récent
NOMINALISER v. tr. (1929 ; une première fois en 1585) d'où sont tirés
NOMINALISATEUR n. m. et
NOMINALISATION n. f. (v. 1967).
■
Nominal entre dans UNINOMINAL, ALE, AUX adj. (1874) à propos d'un scrutin.
1 NOMINATIF n. m. est emprunté par les grammairiens (fin XIIe s.) au latin des grammairiens nominativus « cas exprimant la fonction de sujet et d'attribut du sujet dans les langues à flexion », dérivé du verbe nominare (→ nommer).
❏
Le mot renvoie au cas du sujet et de l'attribut dans les langues flexionnelles.
2 NOMINATIF, IVE adj. est dérivé savamment par suffixation (1789) du latin nominare (→ nommer) pour servir d'adjectif à nom (→ nominal).
❏
Le mot relève de l'usage didactique avec ses différents sens, d'abord « qui contient des noms, qui dénomme », puis également « qui porte le nom de, qui est destiné à la personne ou à la chose nommée », spécialement en économie (action nominative, 1849 ; titre nominatif, 1868). Il tend dans une certaine mesure à entrer en concurrence avec nominal, surtout de nos jours.
❏
NOMINATIVEMENT adv. (1547) semble, vu la date de sa première attestation, avoir été formé sur le nom 1 nominatif ; il signifie « en nommant expressément » et spécialement (1789), alors reformé sur 2 nominatif, « en nommant les personnes ou les choses dont on parle ».
NOMINATION n. f. est emprunté (1305) au latin nominatio, -onis « action de nommer à une fonction » et, à époque impériale, « appellation, dénomination », dérivé de nominare (→ nommer).
❏
Le mot désigne l'action qui consiste à nommer qqn à un poste (1305) et, plus particulièrement, le droit de faire cette désignation, d'où, par métonymie, le document qui notifie à l'intéressé sa désignation à une fonction (1813) et le fait d'être nommé (fin XIXe s.).
◆
Depuis 1376, il fournit un synonyme didactique de nom, sens où il a été éliminé par dénomination, et se rapporte, avec une valeur active, au fait de désigner par un nom (XVIIe s., repris dans la langue philosophique contemporaine). Cf. nomenclature ; désigner, désignation.
❏
Il a produit deux termes juridiques :
NOMINATEUR n. m. « celui qui a droit de nomination à un bénéfice » (
XVIe s., latin
nominator) et, réciproquement,
NOMINATAIRE n. et adj. (
XVIIe s.) « celui qui était nommé par le roi à un bénéfice ».
■
Quant aux récents NOMINER v. tr. « désigner comme candidat à un prix cinématographique » et NOMINÉ, ÉE adj., du participe passé, ce sont deux américanismes condamnés par l'Académie française (séance du 7.2.1985). Comme l'emploi correspondant de nomination (de l'anglo-américain nomination), qui coïncide à peu près avec le sens du mot français, nominer est emprunté au verbe anglais to nominate, qui vient du latin, et correspond au français nommer*. On a remarqué à partir des années 2000 un recul de cet anglicisme au profit d'un emploi spécial de nommer.
L
NOMMER v. tr. est issu, sous la forme nomner (v. 980), du latin nominare « désigner par un nom », « citer », « proposer pour une fonction », dérivé de nomen (→ nom).
❏
En français, le verbe signifie « donner un nom à (qqn) », spécialement au baptême (1549). Au
XIIe s., il prend aussi les sens secondaires de « mentionner (qqn) en citant son nom » (1130), « désigner (une personne, une chose) par son nom » (1150), « donner un nom à (une chose nouvellement créée) » (1155), « désigner (une personne, une chose) par une appellation qui qualifie » (1195) et enfin « faire connaître (qqn) en révélant le nom » (fin
XIIe s.).
◆
Au
XIIIe s. est apparu le sens, également connu en latin, de « désigner à une charge, à une fonction » (1225), par extension « instituer en qualité de, déclarer » (1636,
nommer qqn son héritier universel).
■
L'usage moderne a éliminé d'autres acceptions, « énumérer » (v. 1119), « fixer (le montant d'une somme, un terme) » (1050), « dicter » (v. 1360), « annoncer » (v. 1465) au profit de verbes d'énonciation spécifiques.
■
Au XVIIe s., nommer signifiait aussi « donner sa voix en faveur de (qqn), dans une élection », sens qu'il a perdu au profit d'élire. C'est une valeur très voisine qu'exprime l'anglais to nominate (voir l'emprunt nominer, sous nomination*) et que reprend (années 2000) le verbe, dans ce contexte (être nommé à telle distinction, dans le monde du spectacle).
❏
Le participe passé
NOMMÉ, ÉE est adjectivé, en particulier dans la locution
à point nommé (1559), d'abord employée avec le sens spatial de « exactement à l'endroit désigné », témoin de l'ancien sens de
nommer « convenir, déterminer », puis avec le sens temporel (1580) qu'il a gardé. On disait aussi, autrefois,
au jour nommé (v. 1200) « au jour fixé ».
◆
Le substantif renvoie à la personne qui répond au nom de qqn, dans l'usage courant (fin
XVe s.) et dans les documents juridiques et administratifs (1535).
■
Sur nommé, on a fait NOMMÉMENT adv. (XIVe s. ; 1170, nomeement) « en nommant par son nom la personne dont il est question », qui a eu également le sens de « notamment, précisément » (1174-1176).
■
L'antonyme de l'adjectif, INNOMMÉ, ÉE adj. (1370-1372), est spécialement employé en droit romain dans l'expression contrat innommé « sans dénomination particulière » (1661).
◈
À côté de
prénommer, dérivé de
prénom*, on a créé le terme juridique
PRÉNOMMÉ, ÉE n. « personne précédemment nommée dans un acte ou un document » (1869 ; v. 1570 « déjà cité »), synonyme de
SUSNOMMÉ, ÉE adj. et n. (
XVe s.)
[→ sus].
◈
De
nommer sont dérivés
NOMMEUR n. m. (1380) « personne qui nomme », à peu près sorti d'usage, et qui semble avoir été repris récemment au sens spécial de « personne qui nomme à une place » (1973), et
NOMMABLE adj. borné à quelques emplois didactiques.
◈
L'antonyme de
nommable, INNOMMABLE adj. est plus courant : attesté une première fois en 1584, il a été repris fin
XVIIIe s. pour « à qui, à quoi on ne peut donner de nom ».
◆
Il est surtout employé au sens intensif de « que l'on ne peut pas nommer pour des considérations d'ordre esthétique ou logique », c'est-à-dire « trop abject » (1854), valeur passée dans l'usage courant pour « très mauvais, infect ».
❏ voir
DÉNOMMER, NOMINAL, 1 NOMINATIF, 2 NOMINATIF, NOMINATION, RENOMMER ; SURNOMMER (sous NOM).
NOMO-, élément tiré du grec nomos « loi » (→ nome), a plusieurs composés : NOMOTHÈTE n. m. (1605, pris au grec nomothetês, de tithenai « poser »), « législateur » ; NOMOLOGIE n. f. (1829) « science des lois et de la législation », rare puis archaïque ; NOMOGRAPHE n. m. (1750 ; grec nomographos) « auteur d'un recueil de lois ou d'une étude sur des lois ». Seul NOMOGRAPHIE n. f. (1819 au sens de « traité sur les lois », pris au composé grec nomographia) a reçu un sens nouveau (1891) « traitement de certains problèmes de calcul par des graphiques cotés », appelés NOMOGRAMMES (1905).
L
NON adv. de négation est issu (842) de l'adverbe de négation latin non en position accentuée (→ ne, par affaiblissement en position atone). En latin non vient d'un renforcement de la négation ne par l'addition du neutre de unus (→ un) anciennement écrit °oinos : on a dû avoir une forme primitive °ne oinom, identifiable dans les formes anciennes attestées noenum, noenu. La formation de non est exactement comparable à celle de nullum (→ nul) issu d'un °ne oinolom, et de nihil « rien » (→ nihilisme), issu d'un °ne hilum. La chute de la finale -um, constatée aussi chez ce dernier, s'explique par la même raison. Quant au passage de -oe- à -ō- (long) entre deux n, il se retrouve dans nonus issu de novenos.
◆
En latin, non est surtout la négation du mode de la réalité, l'indicatif, et de la proposition principale, mais on le rencontre aussi devant le subjonctif à valeur conditionnelle. À l'époque impériale, il tend à se substituer à ne. Il peut aussi porter sur un mot particulier et exprimer une réponse négative.
❏
En français, les principaux emplois de l'adverbe
non sont fixés avant la fin du
XIIIe s., exception faite de la locution conjonctive
non pas que (+ subjonctif) attestée au
XIVe s., et de son emploi détaché devant une phrase négative pour annoncer ou souligner la négation (1666).
■
Depuis le XIIIe s., non est également employé comme nom avec un déterminant, en particulier dans la locution usuelle pour un oui, pour un non (1690).
❏
Non, employé comme élément de formation devant un nom ou un adjectif, est productif dès l'ancien français avec non-sens n. m. (1210), non-valeur n. f. (1295) puis non-être n. m. (1325), non-croyant, ante n. (av. 1350) (→ croire, être, sens, valeur) et bien d'autres (→ être ; fumeur, à fumer ; 1 sens, tisser [non-tissé], etc.). Sa productivité est toutefois surtout remarquable aux XVIIIe-XIXe s. et depuis le milieu du XXe siècle. Généralement, les formes composées appartiennent à des vocabulaire spécialisés, notamment le droit, la philosophie, la linguistique. Plus généralement, elles apparaissent spécifiques du vocabulaire d'analyse théorique.
◆
En ce qui concerne les adjectifs, les composés en non- se différencient fondamentalement de ceux en in- et a- par le fait qu'ils peuvent être employés comme attributs. On relève quelques cas de concurrence (non recevable / irrecevable). En ce qui concerne les noms, la dérivation en non- est normale à la différence de celle en in- sentie comme artificielle.
NONAGÉNAIRE adj. et n. est emprunté (1660) au latin nonagenarius « de quatre-vingt-dix » et, à basse époque, « de quatre-vingt-dix ans » (déb. Ve s.), dérivé de nonageni « au nombre de quatre-vingt-dix chacun », de nonaginta (→ nonante). Le premier sens du latin avait été emprunté par le moyen français nonagénaire (1380).
❏
Le mot, comme adjectif (1660) puis aussi comme substantif (1808), se rapporte à une personne âgée de quatre-vingt-dix à cent ans.
❏
Le latin nonaginta se trouve aussi dans NONAGÉSIME n. m. et adj. (1762), qualifiant et désignant un degré de l'écliptique, en astronomie de position.
L
NONANTE adj. numér. card. est issu (v. 1112, nunante) du latin nonaginta « quatre-vingt-dix », dérivé de novem (→ neuf).
❏
En 1680, Richelet note que nonante a été remplacé généralement par quatre-vingt-dix, déjà prescrit par Vaugelas (1642) ; au XIXe s., Littré (1868) signale que le mot reste très usité en Suisse, en Savoie, dans le midi de la France ; de nos jours, seuls les usages belge et suisse le conservent, mais il y est très vivant et quatre-vingt-dix y est senti très logiquement comme une anomalie (→ septante, octante).
❏
Il a pour dérivés NONANTIÈME adj. numér. ord. (1200, nounantisme quart ; apr. 1250, nonantiesme quarte dans les traductions de la Règle de saint Benoît ; v. 1300, nonentiesme), mot qui a vieilli dans l'usage de France, de la même manière, au profit de quatre-vingt-dixième ; NONANTAINE n. f. « période de nonante ans ».
❏ voir
NONAGÉNAIRE, NONE.
NONCE n. m. est emprunté (1527 ; 1521, nunce) à l'italien nunzio, proprement « messager » (1304), puis spécialement « prélat que le pape envoie comme ambassadeur auprès d'une Cour ou d'un État catholique ». Ce mot est emprunté au latin nuntius « messager », à l'origine de nuntiare (→ annoncer). La forme nuncius (1518) est directement empruntée au latin médiéval, où le sens de « légat du pape » est attesté dès le XIIIe siècle.
❏
Le mot désigne l'ecclésiastique ambassadeur du Saint-Siège auprès d'un gouvernement étranger.
❏
NONCIATURE n. f. reprend (1623) le dérivé italien
nunziatura pour désigner la charge de nonce, puis l'exercice de cette fonction (1690), la résidence du nonce et les services administratifs qu'elle abrite (fin
XVIIe s.). En histoire, le mot désigne (fin
XVIIe s.) un territoire administré par un nonce apostolique.
◈
INTERNONCE n. m. est un emprunt (fin
XVIe s.) au latin ecclésiastique
internuntius « messager, intermédiaire » (
IXe s. au figuré), en latin classique « messager, négociateur, parlementaire », composé de
inter- (→ inter-). Désignant d'abord une personne qui sert d'intermédiaire, sens disparu, il s'applique (1648) à un prélat chargé des affaires de Rome dans un pays où il n'y a pas encore de nonce, probablement d'après l'italien
internunzio. Au
XIXe s. (1832, Balzac), il s'est dit du ministre chargé des affaires autrichiennes à Constantinople, pendant l'absence d'un ambassadeur.
◆
Le mot est repris dans le vocabulaire ecclésiastique (1902) pour « auditeur de nonciature ou secrétaire de légateur auprès du Saint-Siège ». Par figure du sens étymologique, A. France l'a employé au féminin pour « entremetteuse » (1908).
■
Le dérivé INTERNONCIATURE n. f. apparaît au XVIIIe s. (1752).
NONCHALOIR n. m. est l'infinitif substantivé (v. 1160) de l'ancien verbe nonchaloir « négliger, tenir peu de compte de », composé de non* et chaloir « importer ». Chaloir est sorti d'usage en dehors de la locution archaïque peu me chaut et du participe présent substantivé chalant (→ 2 chaland). Nonchaloir, relevé à la fin du XIe s. dans les Gloses de Raschi (nonchalayr, nonchaloyr), était surtout employé au participe passé adjectivé nonchalu « méprisé » (1240-1280) et au participe présent adjectivé (ci-dessous, nonchalant) ; la forme personnelle (v. 1428, vous nonchalez « vous négligez ») était exceptionnelle.
❏
Nonchaloir, d'abord dans l'ancienne expression mettre en nonchaloir « laisser à l'abandon », exprime le manque d'intérêt ou de zèle, l'indifférence (1160-1174) ; abandonné au début du XVIIe s. sous la concurrence de nonchalance (ci-dessous), il a recouvré une certaine vitalité au début du XVIIIe s. en style poétique et littéraire.
❏
Le participe présent
NONCHALANT, ANTE est attesté en emploi adjectif au
XIIIe s. (v. 1278), mais l'existence de
nonchalance dès le milieu du
XIIe s. indiquerait qu'il était déjà répandu à cette époque.
◆
Le mot se dit d'une personne qui manque de conviction, de zèle, par insouciance. La construction
nonchalant de « indifférent à » (v. 1370) a disparu. L'accent est parfois mis, par métonymie, sur la caractéristique de « lent, sans entrain » (1668).
◆
Le mot qualifie aussi une chose qui dispose à la nonchalance (v. 1770) ou qui est empreinte de nonchalance (1838) avec la même insistance stylistique sur la lenteur d'un mouvement (1837).
■
NONCHALANCE n. f. (v. 1150) a connu la même extension, de l'idée de manque d'énergie, d'ardeur à celle de mollesse, lenteur naturelle ou affectée (av. 1784), quelquefois avec une notion d'indolence gracieuse (av. 1784) ; l'idée de manque d'intérêt, d'indifférence (1541, Calvin), surtout dans un contexte religieux (nonchalance du salut, Pascal), a été oblitérée.
■
NONCHALAMMENT adv. est relativement tardif (1429) et a évincé la forme nonchalentement (XVe s.) faite sur le féminin.
NONE n. f. est emprunté précocement (980, nona) au latin nona (hora) « neuvième heure du jour » (soit l'équivalent de 15 h), dérivé de nonus « neuvième », de novem (→ neuf).
❏
Le mot a été emprunté une première fois comme terme d'antiquités romaines et une seconde fois (v. 1119, nune) comme terme de liturgie catholique, cette fois au latin ecclésiastique nona « office de la neuvième heure » (déb. Ve s.), par spécialisation de sens du mot classique.
L
NONNE n. f. est issu (1155, nune) du latin ecclésiastique nonna « religieuse », parallèlement au masculin nonnus « moine » (déb. Ve s.), mot employé par les moines pour s'adresser aux plus anciens d'entre eux, et qui signifie également « père nourricier », dans les inscriptions. Il s'agit sans doute d'un mot enfantin qui évoque le grec nennos (variante nonnos), nannas « oncle » et nannê « tante » (en grec moderne nonnos, nonna « grand-père, grand-mère » et, avec accent sur la dernière syllabe, « parrain, marraine »). En grec, c'est un mot de caractère familier qui répond à mêtrôs dans le vocabulaire noble. Il a des correspondants (essentiellement des féminins) dans le sanskrit nanā « petite mère », le persan nana, le serbo-croate nana « mère », le russe njánja « nourrice ».
❏
Nonne, « religieuse vivant dans un couvent », à en croire Richelet (1680), ne se disait plus au
XVIIe s. que dans le style burlesque le plus bas, de même que son ancien cas régime médiéval
NONAIN n. f. (1080,
nunein), mot normal en ancien français.
◆
De fait,
nonne est marqué comme archaïque ou ironique par rapport à
moniale, didactique et à
sœur ou
bonne sœur, familier.
■
Le sens argotique disparu de « complice du voleur à la tire » (1828-1829) serait un emprunt à l'italien argotique nonno « compère, parrain » (1731), parce que le rôle de complice était dévolu à des associés âgés ne pouvant plus jouer un rôle actif ; le terme italien existe antérieurement comme terme de bienveillance à l'égard d'un homme (1728) et au sens de « grand-père » (XVIe s.). Le mot est issu lui aussi du latin nonnus (qui n'a donné en français que l'ancien nunne, 1200).
❏
Le dérivé diminutif de nonne, NONNETTE n. f. (1263, nonnete) « jeune religieuse » (« burlesque », selon Richelet, 1680), a donné son nom à une mésange brune (1512), par analogie de couleur avec le vêtement de certaines religieuses.
◆
Il désigne aussi (1803) un petit pain d'épice rond, originellement fabriqué par des religieuses (→ pet*-de-nonne).
NONOBSTANT prép. et adv. est composé (1336) de l'adverbe de négation non* et de l'ancien français obstant (1377 dans l'ancienne locution conjonctive ostant ce que ; 1398 en emploi prépositionnel) employé jusqu'au XVIIe s. dans une phrase négative ou avec un verbe à valeur négative, essentiellement dans le langage juridique. Obstant est emprunté au latin obstans, participe présent de obstare « faire obstacle », de ob « devant » (→ objet, obliger, etc.) et stare « être debout, se tenir devant » qui a donné plusieurs formes du verbe être (→ ester, obstacle).
❏
Nonobstant est d'abord employé comme préposition au sens de « malgré » ; il entre dans la locution adverbiale nonobstant ce (fin XIVe s.), ou ce nonobstant (XVe s.) « malgré cela » ; il était aussi employé en locution conjonctive (1374, non obstant que ; 1344, non obstant ce que) et comme adverbe (1480, non obstant). Ces emplois ne subsistent (à l'exception du dernier) que dans le langage juridique, et se rencontrent quelquefois par plaisanterie, par allusion au « style gendarme ».
NONON n. m., attesté en 1879 en Champagne, est une formation expressive enfantine analogue à tonton, pour exprimer l'idée d'« oncle » (aussi comme appellatif) en français régional de Champagne et de Lorraine (parfois aussi dans la Nièvre, la Saône-et-Loire).
NOO- Élément initial de mots philosophiques, tiré du grec noos « esprit, capacité de penser » (→ noumène).
❏
NOOLOGIQUE adj. créé par Ampère (1834), s'oppose dans sa classification à cosmologique dans sciences noologiques « sciences étudiant l'esprit », du grec archaïque noos pour noûs « esprit ». Chez Teilhard de Chardin, le composé NOOSPHÈRE n. f. correspond au monde de la pensée, superposé à la biosphère.
NORADRÉNALINE → ADRÉNALINE
NORD n. m., d'abord attesté en Normandie (1140, north) et de là passé dans l'usage des autres régions, est emprunté au vieil anglais north désignant la direction marquée par l'étoile polaire (IXe s.), conservé en anglais moderne. Celui-ci appartient à une famille germanique d'étymologie inconnue. Il est à l'origine de l'espagnol et de l'italien norte.
❏
En français, le mot, qui conserve le sens de l'anglais, s'est écrit
norht (emploi adverbial, in
T. L. F.),
north (1155),
nort (1174-1176) puis
nord (1549). D'abord adverbe, il est employé comme nom (1155) et entre dans la locution figurée usuelle
perdre le nord (1572) « ne plus pouvoir s'orienter » puis « s'affoler, perdre la tête » (
XIXe s.).
◆
Dès le
XIIe s.,
nord est aussi employé comme adjectif (1155).
◆
Par métonymie, il désigne le vent du nord (1160-1174), emploi aujourd'hui archaïque mais qui survit dans
noroit (ci-dessous), de même que le sens de « contrées, pays nordiques » (1160-1174), dont il reste une trace dans la dénomination
le Grand Nord, attestée en 1874 et qui s'emploie à propos du Canada, de l'Alaska.
■
Depuis le XVIIe s., le mot désigne plus précisément la région septentrionale d'un pays, par opposition à Sud et à Midi en parlant de la France, alors écrit avec une majuscule.
❏
Nord a pour dérivés
NORDIQUE adj. et n. (1898,
adj. ; 1927,
n.) pour « relatif au nord (d'une région géographique) », appliqué seulement à l'Amérique et à l'Europe, spécialt à propos des pays scandinaves et de leurs langues (du groupe germanique), et le terme d'histoire américaine
NORDISTE n. (1865 ;
Cf. sudiste), qui désigne au Canada une personne qui vit dans les régions boréales, en rapport avec le dérivé de
nordique NORDICITÉ n. f. « caractère nordique », en usage chez les géographes et au Québec.
◆
Outre son emploi premier, qui concerne les yankees, opposés aux sudistes lors de la guerre de Sécession,
nordiste s'emploie pour « personne vivant dans la partie nord (d'une entité géographique ou nationale) » dans d'autres régions qu'au Canada. En français du Maghreb, il se dit des habitants du littoral, en français d'Afrique subsaharienne, au nord du golfe de Guinée, des habitants des savanes (opposés aux gens de la forêt, au sud). En Nouvelle-Calédonie, les
nordistes sont les gens du nord de la Grande-Terre, des broussards.
◈
Nord fournit le premier élément de plusieurs composés : les termes géographiques
NORD-OUEST n. (1155), d'où régionalement
NOROÎT n. m., nom donné au vent du nord-ouest, et
NORD-EST n. m. (1175), auquel correspond
NORDET n. m., noroît et
nordet étant des termes maritimes.
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Nord-Ouest s'emploie dans l'expression géographique et politique
Territoires du Nord-Ouest (North West Territories), région du Canada septentrional entre le Yukon et la baie d'Hudson, placés en 1890 sous le contrôle direct du gouvernement fédéral canadien.
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Nord sert aussi à former des noms de peuples : NORD-AMÉRICAIN, AINE adj. et n. (1877, adj. ; 1906, n.) est le calque de l'anglais North American adj. et n. (1766), dérivé de North America « Amérique du Nord ». Darmesteter relève nord-américain en même temps que sud-américain, terme dont la création s'imposait pour distinguer ce qui a trait à l'Amérique du Sud et au sud des États-Unis. Nord-Américain se dit de tout habitant de l'Amérique du Nord (Américain, Canadien, et plus rarement Mexicain).
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Sont attestés ensuite NORD-AFRICAIN, AINE adj. et n. (1900) « d'Afrique du Nord » et « appartenant aux populations autochtones, arabophones et berbérophones du Maghreb » (→ maghrébin) ; abréviation familière (raciste) NORDAF.
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On trouve aussi NORD-CORÉEN, ENNE adj. et n. (1950), NORD-VIETNAMIEN, IENNE adj. et n. (v. 1955) « de la Corée du Nord », et, avant la réunification, « du Viêtnam du Nord », NORD-EUROPÉEN, ENNE adj. et n. (v. 1960) qui n'a qu'une valeur géographique relative, l'Europe « du Nord » n'étant pas clairement délimitée. NORD-CÔTIER, IÈRE adj. et n. se dit en français du Québec de ce qui concerne la région administrative du Québec appelée Côte Nord (au nord du Saint-Laurent, à l'est du Saguenay-Lac Saint-Jean).
❏ voir
NORMAND.