RAMIER, IÈRE n. m. et adj. est dérivé (av. 1173) de l'ancien et moyen français ram, raim « branche » (→ rameau) avec le suffixe -ier.
❏
D'abord employé adjectivement avec le sens de « touffu » en parlant d'une forêt (Cf. rameux), le mot prend son sens actuel dans l'expression colon remier (v. 1215), coulon ramier (XIIIe s.) « pigeon vivant dans les branches ».
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De nos jours, le substantif un ramier (v. 1440) et l'expression pigeon ramier (1531) sont les seuls emplois vivants.
❏
Ramier a produit RAMEROT n. m. (1552) ou RAMEREAU (1611) n. m. « jeune ramier », peu usité. On rencontre rarement le féminin RAMIÈRE n. f. (XVIe s., puis av. 1885) « femelle du ramier ».
❏ voir
RAMAGE, 1 RAME, RAMEAU, RAMÉE, RAMEUX, RAMURE.
RAMIFIER v. tr. pron., d'abord se remifier (1314) puis se ramifier (v. 1560), est la francisation, d'après les verbes en -fier, du latin médiéval médical ramificare « partager en rameaux », du latin classique ramus « branche » (→ 1 rame, rameau) et facere (→ faire).
❏
Le pronominal, attesté le premier, se dit d'une artère, d'une veine ou d'un nerf qui se partage en plusieurs rameaux.
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Le verbe, en botanique, se dit de branches, de racines, de nervures qui se séparent en plusieurs parties (1762), et par extension, d'un objet complexe, abstrait (1724) ou concret (v. 1750, Buffon), qui se sépare en plusieurs parties. L'emploi transitif (1875) est peu répandu.
❏
RAMIFIÉ, ÉE, le participe passé, est adjectivé avec les acceptions correspondant à celles du verbe.
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Le nom d'action RAMIFICATION n. f. (1541) paraît emprunté au dérivé du latin scolastique ramificatio, -onis.
◆
Son évolution est parallèle à celle du verbe : terme de description anatomique, il est passé au XVIIIe s. en botanique pour « rameau provenant de la division d'une branche plus grande » (1721) et « disposition des branches d'un arbre » (1771), retrouvant ainsi le domaine d'emploi de son étymon ramus.
■
Par extension, il sert à désigner la subdivision d'un objet, concret (1875, du réseau ferroviaire) et abstrait (1755).
❏ voir
RAMAGE, 1 RAME, RAMEAU, RAMÉE, RAMEUX, RAMIER, RAMILLE, RAMONER, RAMURE, RINCEAU.
RAMILLE n. f. est dérivé (v. 1205) de l'ancien français ram, raim « branche » (→ rameau) par suffixation diminutive en -ille.
❏
Le mot désigne collectivement les petites branches que l'on coupe pour divers usages. Il est aussi employé au pluriel en parlant des plus petites et dernières divisions des rameaux (1802).
❏
De ramille dérive RAMILLON n. m. (1876, in Littré, Supplément) dont le sens diminutif ne se distingue pas du second sens de ramille.
❏ voir
1 RAME, RAMEAU.
RAMONER v. tr., d'abord rammoner (v. 1220) puis ramoner (XIVe s.), est dérivé de ramon « balai fait de branches », lequel n'est attesté qu'au début du XIVe s. et sorti d'usage, sauf dans certains parlers régionaux. Ramon est lui-même dérivé de l'ancien français ram, raim « branche, rameau » (→ rameau).
❏
Le verbe a d'abord signifié « balayer », sens encore enregistré en 1688 par Miège. En moyen français, il avait développé, par des images liées au balayage, des sens figurés aussi divers que « piller » (v. 1360), « purifier moralement » (
XIVe s.), « s'agiter, s'évertuer » (1381), « rosser » (v. 1350), « chasser devant soi » (v. 1460) et « rabâcher, répéter la même chose » (v. 1550), l'image étant ici moins évidente, probablement celle d'une opération lassante, toujours à recommencer, comme le balayage.
■
Une spécialisation est à l'origine du sens actuel, « déboucher le conduit d'une cheminée » (attesté 1530 mais antérieur, Cf. ramonage). En alpinisme il signifie par métaphore « se hisser dans une cheminée en poussant contre les parois » (1886). Par extension, il a pris le sens général de « déboucher le conduit d'un objet quelconque » (1920).
■
Dans l'usage populaire, se ramoner vaut pour « se purger l'estomac » (1874) et le transitif correspond à « pénétrer sexuellement », sens ou allusion qui remonte au XVIe s., notamment dans l'expression ramoner la cheminée à (une femme) [v. 1580, A. Chrestien].
❏
Le dérivé
RAMONAGE n. m. (1317,
ramonnage) a perdu le sens de « balayage » au cours du
XVe s., et désigne l'action de nettoyer une cheminée (1439 dans le Nord), sens dont procède la spécialisation métaphorique en alpinisme (1927).
■
RAMONEUR n. m. (v. 1470), d'abord employé avec une équivoque sexuelle, a remplacé RAMONEUX n. m. (v. 1520) employé comme nom d'ouvrier. Du XVIIe au XIXe s., le personnage du petit ramoneur savoyard, avec sa marmotte, confère au mot une valeur sentimentale et symbolique.
◆
Le féminin ramoneuse désigne spécialement une machine chargée de ramoner (1875), le masculin se disant spécialement d'un appareil nettoyant les tubes de chaudières (1847).
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Par substitution de la voyelle a au suffixe -eur, on a dérivé RAMONA n. m. « petit ramoneur » (1808), employé au XIXe s. dans la langue populaire. Le sens érotique de ramoner et ramoneur (ci-dessus), après le succès d'une chanson américaine très populaire (1927), traduite en français, interprétée par des célébrités, notamment Tino Rossi (1935) et où Ramona était un innocent prénom féminin hispanique (équivalant à Raymonde), a conduit à la locution chanter Ramona, qui équivaut à « réprimander » ; Cf. plus tard remonter les bretelles. Entendre et chanter ramona s'emploient aussi pour « entendre, répéter un refrain lassant ».
❏ voir
1 RAME, RAMEAU.
G +
RAMPER v. intr. est issu (v. 1120) du francique °hrampon, °rampon « grimper », dérivé de °hrampa, °rampa « crochet, courbure ». Ce nom relève de la racine germanique °hramp- désignant un objet crochu, représentée dans l'ancien haut allemand rimpfan « courber, rider » et le moyen néerlandais ramp « crampe » ; en roman, l'italien a rampa « griffe », rampo « crochet », le catalan et l'espagnol rampa « crampe », le provençal et le franco-provençal rampa, rampo. Le fait que le français n'a pas fr- mais r- à l'initiale indique une introduction assez tardive.
❏
Ramper a d'abord signifié, conformément à son sens étymologique, « grimper » (v. 1150). Ce sens, encore répertorié en 1611, existe encore en blason où le mot se dit de quadrupèdes représentés dressés sur les armoiries (
XIIIe s.), surtout sous la forme du participe présent adjectivé (ci-dessous,
rampant). L'évolution sémantique s'est opérée très tôt par la valeur de « s'accrocher de tout son corps à une surface pour grimper » (
XIIIe s.) bien que le rapport ne soit plus senti ; le verbe s'applique notamment à des plantes pourvues de tiges et de rameaux qui s'étalent sur un support en s'y accrochant au moyen de vrilles (
XVIe s.), la notion de verticalité ayant disparu au profit de celle d'adhérence. Le verbe s'emploie en médecine ancienne en parlant d'affections cutanées, de veines qui s'étendent (1314).
■
Ce changement d'accent est peut-être à l'origine du sens courant, « se déplacer sur une surface, sur le sol par un mouvement d'ensemble du corps » en parlant de certaines espèces animales, pressenti dès les premières occurrences (v. 1120, choses rampantes « reptiles »), notamment les reptiles (→ reptation, reptile) et, par extension, de l'homme et de quadrupèdes se déplaçant lentement le corps appuyé au sol (v. 1250).
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Diverses extensions figurées sont apparues à partir du XVIe s. : ramper a signifié « manquer de distinction, d'élévation » (1549, Du Bellay à propos d'un auteur) ; à l'époque classique, il a eu le sens de « vivre dans une condition obscure, abjecte » (1580) ; de nos jours, il signifie « faire preuve de bassesse par complaisance ou intérêt » (1680) dans un usage littéraire.
❏
Très tôt,
1 RAMPANT, ANTE, le participe présent de
ramper, a été adjectivé pour qualifier un animal qui se traîne à terre (v. 1120). En parlant des plantes, il s'oppose (1690) à
grimpant. La notion étymologique de « grimpant » (v. 1175), évincée de l'usage courant, reste vivante en blason (v. 1200) et dans le domaine de la construction où l'adjectif, probablement d'après le nom
2 rampant, signifie « incliné, en pente » (1694).
◆
En relation avec le verbe, l'adjectif prend à l'époque classique des valeurs figurées : « dans une position humble » (1660), « qui s'abaisse » (1670).
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Dans l'argot de l'aviation, d'après le sens concret de « collé au sol », il qualifie le personnel employé au sol (1918), par opposition au personnel navigant ; il est substantivé dans ce sens.
■
2 RAMPANT n. m. réalise encore aujourd'hui la notion étymologique de verticalité. Le nom s'applique en blason à un animal à fourrure qui grimpe dans les arbres (XVe s.). Il a désigné le penchant d'une colline, d'une montagne (1671) et se dit aujourd'hui, en construction, d'une partie ou de la surface d'un édifice qui n'est pas horizontale (1640), spécialement d'une galerie de mine inclinée réunissant le puits de retour au ventilateur principal (attesté 1964, dans les dictionnaires généraux).
■
RAMPEMENT n. m. (1538) s'est imposé au sens d'« action de ramper sur le sol » aux dépens du sens étymologique, « action de grimper », attesté (par hasard) un peu plus tard (1596).
◆
Par métonymie, ce nom désigne le mouvement de ce qui rampe, spécialement en technique le mouvement des rails de chemin de fer qui paraît dû à la succession des déformations élastiques entre les traverses (mil. XXe s.).
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Le déverbal
RAMPE n. f. (1584) a conservé, comme
rampant n. m., le sémantisme originel de « grimper » ; de ce fait, il est détaché de son origine. C'est d'abord un terme de construction désignant une volée d'escaliers et, par métonymie, la partie d'un escalier entre deux paliers (1669) (en français du Québec, on dit
bras d'escalier).
◆
Par un autre développement métonymique,
rampe a pris son sens actuel et courant de « balustrade d'escalier » (1690), d'où les locutions figurées
tenir bon la rampe « conserver une activité, résister » et
lâcher la rampe « mourir » (1860) et « abandonner, céder ».
■
Par analogie, il s'est appliqué à la balustrade bordant la scène du côté de l'orchestre (1821), prenant, avec l'abandon matériel de cette balustrade, le sens de « rang de lumières disposés au bord de la scène » (1821), spécialement dans les feux de la rampe « le théâtre, le spectacle » et passer la rampe (1867) « avoir un effet sur le public ». Par extension, rampe sert à désigner un dispositif présentant une suite de sources lumineuses (1889), spécialement sur un aéroport. Rampe au néon est attesté en 1927.
◆
La notion de « suite » a totalement évincé celle de « balustrade » dans l'expression technique rampe de culbuteurs (XXe s.) désignant l'ensemble des culbuteurs et de leurs supports dans un moteur d'automobile.
■
Parallèlement, l'idée initiale s'est spécialisée dans « plan incliné tenant lieu d'escalier dans les jardins et places fortes » (1694) et « pente (d'un terrain, d'une route, d'une voie) » (1875) et, par métonymie, « partie inclinée (d'une voie) », notamment « partie montante, côte ». Par extension, rampe de lancement (1945) s'applique au plan incliné lançant des avions catapultés, des fusées et autres engins propulsés ; l'expression est passée dans l'usage courant avec le sens figuré de « ce qui donne de l'importance, de la notoriété », d'après un sens figuré de lancer.
■
Rampe a produit RAMPISTE n. (1836) « menuisier ou serrurier qui fait des rampes d'escalier », terme technique.
RAMPON n. m., mot du français de Savoie, de Suisse, du val d'Aoste, correspondant à un mot dialectal italien du Piémont, appartient à la famille du latin rapum. Il désigne (XVIIIe s.) une plante dont les petites feuilles rondes se mangent en salade, appelée ailleurs mâche et doucette (qui se dit aussi en Suisse). Salade de rampon.
RAMPONNEAU n. m., d'abord dans la locution à la Ramponneau (v. 1760), puis sans majuscule (1780), vient du nom de Jean Ramponneaux (1724-1802), cabaretier français dont l'établissement de la Courtille, à Paris, devint célèbre. Après avoir accepté de vendre son fonds, Ramponneaux se ravisa, provoquant un procès que raillèrent les moqueurs parmi lesquels Voltaire. La vogue de ce personnage bedonnant et pittoresque inspira les chansonniers, libellistes et faiseurs d'almanachs et le nom du cabaretier s'attacha plaisamment aux modes nouvelles au point que pendant quelque temps, tout fut à la Ramponneau, par exemple une tabatière en forme de petit tonneau et incrustée d'écaille (1780), un couteau très long (1790).
❏
Le mot passa dans l'usage, où il est d'abord relevé comme adjectif pour « ivre » (1780) avant d'être substantivé :
ramponneau devint le nom d'un petit couteau (1802) d'après le
couteau à la Ramponneau, puis (1832) d'un jouet constitué d'une petite figurine munie à sa base d'un plomb la faisant se relever quand on la renverse, autrement dit
poussah.
■
C'est de ce sens que vient la valeur la plus connue aujourd'hui, c'est-à-dire « coup, bourrade » (attesté 1914, F. Carco), par allusion aux coups infligés à ce jouet.
■
En technique, le mot a désigné un marteau de tapisserie dont l'une des branches se termine en arrache-clou (1904).
■
L'idée de « gros ventre » est peut-être à l'origine d'une autre acception, en français de Belgique, ramponneau prenant le sens de « filtre en forme de bourse introduit dans la cafetière » (1913).
RAMURE n. f., réfection suffixale (1307) de rameure (XIIIe s.), est dérivé de l'ancien ram, raim « branche » (→ rameau).
❏
Le mot désigne l'ensemble des rameaux et branches d'un arbre. Par analogie, il s'applique en vénerie à l'ensemble des bois d'un ruminant à cornes ramifiées (1524) et, en blason, au bois d'un ruminant figurant isolément sur l'écu (1690).
❏ voir
1 RAME, 1 RAMÉE, RAMEAU.
?
1 RANCART ou RANCARD n. m., attesté depuis 1755 dans mettre au rancart, est d'origine incertaine : selon Wartburg, la locution est l'altération du normand mettre au récart « se défaire », où récart est le déverbal de récarter « répandre du fumier, éparpiller » (Normandie, Berry), verbe préfixé de écarter*. On a évoqué, avec la même origine mais un autre développement, le terme poissard rencarter « écarter des cartes sans valeur », d'où rencart « cartes ainsi éliminées », formes parisiennes pour récarter, récart, de re- et écarter. P. Guiraud, mettant en doute le lien sémantique qui lie rancart à récarter, postule, en se fondant sur l'origine argotique du mot, une dérivation de quarre, carre* « coin », d'où sont issus le moyen français se jeter à quart « se jeter de côté », l'argot encarre « entrer, introduire » et décarrer « s'enfuir, partir ». Selon lui, rencart pourrait représenter le déverbal d'un verbe °rencarrer au sens de « mettre dans un coin ». On peut aussi, avec M. Heron, établir un rapport entre rang et rancart, comme entre plaquer et placard. Quant à l'hypothèse faisant de rancart un mot de la famille de carte*, elle manque de fondement.
❏
Le mot est employé dans la locution mettre (rarement jeter) au rancart, qui signifie « mettre au rebut » au propre, puis au figuré (av. 1857, Musset). On trouve aussi mise au rancart et au rancart employé adjectivement.
?
2 RANCARD ou RANCART n. m., mot d'abord argotique (1889, Esnault), est d'origine inconnue. On a songé à la première syllabe de renseignement (Cf. enseigner) qui ne rend pas compte de la forme du mot, à 1 rancart « rebut », mais cette hypothèse supposerait l'utilisation de la notion de mise à l'écart, qui est opposée, enfin à une altération d'un dérivé de l'ancien verbe racorder, recorder, « rapporter, rappeler » (→ recors, record par l'anglais), qui supposerait une nasalisation °rancord, puis une resuffixation d'après les mots en -ard, non attestées. Un croisement de ce racord et de 1 rancart est possible.
❏
Le mot signifie « renseignement » en argot, mais tend à vieillir sauf dans des expressions comme filer un rancard.
❏
Le dérivé
RANCARDER ou
RENCARDER v. tr. (1899, Nouguier), synonyme argotique de
renseigner, est également employé à la forme pronominale
se rancarder (1901).
■
Par changement de finale, sous l'influence d'un mot d'argot commercial, rembour, rembourre « fourniture de marchandises », dérivé de rembourrer*, rancard a produit RAMBOUR n. m. (1909), également attesté sous les variantes rembour, et par changement de finale, rambot, rembot qui sert de synonyme à la fois à 2 rancard « renseignement » et à 3 rancard* « rendez-vous ».
?
3 RANCARD ou RANCART n. m., synonyme populaire de rendez-vous (1898, Esnault), est d'origine incertaine, peut-être de la forme renque « rendez-vous », abréviation pour rencontre*, qui n'est cependant attestée qu'en 1926 par Esnault. Une dérivation du verbe rencarrer « rentrer chez soi, se mettre en lieu sûr », du radical de carre « coin » (→ 1 rencard), est possible. Une influence de rencontre* ou de rendez-vous* est certaine.
❏
Le mot signifie familièrement « rendez-vous », et s'emploie dans des syntagmes comme donner un rancard à qqn, filer (un) rancard. Le rapport étymologique avec 2 rancard est très probable, le rendez-vous servant souvent, notamment dans le contexte de la police et des activités délictueuses, à transmettre des informations, des renseignements. Quelles qu'en soient les modalités, le rapport entre 1 rancard au sens de « mise à l'écart » et rancard « rendez-vous secret » n'est pas à exclure.
RANCE adj. et n. m. est emprunté (av. 1350) au latin rancidus, proprement « avarié, qui sent », d'où « putréfié, infect » et, au figuré, « désagréable, déplaisant, insupportable ». Ce mot panroman est dérivé de rancere, verbe rarissime, attesté par un exemple de participe présent chez Lucrèce et par les Gloses ; le verbe signifie « mûrir, pourrir ». Le mot présente un vocalisme -a- et un suffixe °-ko- caractéristique de mots désignant des tares physiques (→ manchot, peut-être pécher) mais son étymologie est inconnue. L'ancien provençal a la forme ransa adj. f. « flétrie, fanée », en parlant de la peau, de la chair humaine, du XIIe au XIIIe siècle.
❏
Rance, d'abord nom, exprime proprement, avec une valeur de neutre, l'état d'un corps gras avancé en âge, sens rare avant 1580.
■
L'adjectif rance (av. 1350) a d'abord eu le sens figuré de « perdu, déchu moralement », sorti d'usage ; il est presque toujours appliqué à un corps gras, notamment au beurre, qui a pris une saveur âcre et forte due au développement d'acides gras (1546) et, par extension, à une substance comestible vieillie (1694, à propos de confitures). En procède un emploi métaphorique au sens de « vieux et désagréable », resté rare, alors que la locution sentir le rance, où rance est substantif (1927), est vivante avec une valeur identique.
❏
Rance a produit
RANCIR v. qui signifie « devenir rance », d'abord à la forme pronominale
se rancir (1538) et, plus couramment de nos jours, en construction intransitive (1636). Ultérieurement, le verbe s'emploie au figuré à propos d'un esprit, d'un talent qui se corrompt par l'effet du temps, à la forme pronominale (1801) et, plus souvent, en construction intransitive (1875). Le
Dictionnaire universel de P. Larousse enregistre en 1875 le sens spécial de « jaunir, pour une peinture, par l'effet des huiles qui ressortent », d'usage technique.
■
RANCI, IE, le participe passé de rancir, est adjectivé avec les sens propre (1539) et figuré (1867) correspondants. Il est substantivé pour caractériser une atmosphère aigre et désagréable, par métaphore littéraire (1867, Baudelaire), et désigne concrètement la partie rance d'un produit (1932).
■
Rancir a aussi produit RANCISSURE n. f. (1538) « état d'un produit rance », concrètement, « partie rance d'une chose », et, beaucoup plus tard, RANCISSEMENT n. m. (1877), seulement employé au sens propre.
■
Un autre nom, RANCIDITÉ n. f. a été dérivé savamment (1752) du radical du latin rancidus pour désigner la qualité de ce qui est rance ; le mot a pris le sens technique de « tache provenant de la mauvaise qualité de l'huile dont le peintre s'est servi » (av. 1872).
❏ voir
RANCIO ; RANCŒUR, RANCUNE.
RANCHO n. m. est un emprunt (1822) à l'espagnol d'Amérique rancho « maison de berger ou d'ouvrier agricole », emploi spécialisé de l'espagnol rancho « cabane », d'où « réunion » et « repas pris en commun par des militaires », lui-même dérivé de l'ancien provençal rancharse « se loger » (par la langue des soldats), lequel est emprunté du français se ranger*.
❏
Le mot désigne une exploitation d'élevage et de ferme où vivent les exploitants en Amérique du Sud et en Amérique centrale.
❏
Le français a aussi emprunté
RANCHERO n. m. (1907) à l'espagnol d'Amérique du Sud
ranchero « fermier tenant un rancho », dérivé de
rancho.
◈
RANCH n. m. est emprunté (1862) à l'anglo-américain
ranch (1808), lui-même repris de l'espagnol
rancho (→ rancho) « cabane », employé dans toute l'Amérique latine pour une modeste demeure, la plupart du temps isolée, une petite ferme. En anglo-américain,
ranch eut les sens de « village, habitation rustique », « taverne », « maison de ferme », puis « petite ferme » (1831) et « grande exploitation agricole ou d'élevage » (v. 1850). On emploie
ranch house (1862) pour une maison de ferme, et
ranch s'est spécialisé en parlant d'une grande ferme d'élevage des plaines de l'Ouest en Amérique du Nord.
■
Le français a repris ranch au sens général de « bâtiment isolé dans un lieu solitaire » (1862), mais l'emploie surtout pour désigner une habitation, des bâtiments de ferme dans la Prairie nord-américaine (1872), ou une exploitation agricole d'élevage dans le même contexte (pluriel, des ranchs ou des ranches). Par analogie, il se rencontre quelquefois appliqué, en France, à un établissement où l'on pratique l'équitation, comme dans un ranch (1944, Queneau).
◈
■
RANCHMAN n. m., emprunté (1885) à l'anglo-américain ranchman (1856) « personne possédant un ranch ou travaillant dans un ranch », formé de ranch et de man « homme » (Cf. barman, etc., et mannequin), au pluriel ranchmen, semble inusité.
◆
Lui correspond l'hispanisme RANCHERO n. m. (1838).
■
RANCHER n. m. est emprunté (1909) à l'anglo-américain rancher (1836) « fermier » (1884), dérivé de ranch avec le suffixe -er indiquant l'agent.
◆
RANCHING n. m. « méthode d'élevage extensif employé dans les ranchs ».
RANCIO n. m. est un emprunt (av. 1755, Saint-Simon) à l'espagnol rancio, spécialisation de l'adjectif rancio venu du latin rancidus (→ rance), dans vino rancio (1490) ainsi nommé à cause du vieillissement du vin. C'est le nom d'un vin de liqueur doux et doré par le vieillissement.
RANCŒUR n. f. est la réfection d'après cœur (v. 1460) de rancor (v. 1190), puis rancour (XIIIe s.), rancuer (1317), rankeur (XIVe s.), et remonte, comme l'italien rancore, l'espagnol rancor ou rencor, au bas latin rancorem, accusatif de rancor, -oris, proprement « rancidité, rancissure » et, au figuré, « rancune », de rancere (→ rance).
❏
Le mot est passé en français avec le sens figuré de « ressentiment tenace », spécialement « amertume que laisse une déception, une injustice » (1856, Baudelaire). Il n'a pas gardé les sens de « méchanceté, malice » et de « dégoût » qu'il avait aussi au XVIe siècle. Le sens concret est demeuré le fait de rance* n. m. et de rancidité.
❏ voir
RANCE, RANCUNE.
L
RANÇON n. f. est le doublet populaire de rédemption* : il est issu, d'abord sous les formes raençon (v. 1130), raançon (v. 1155), reanson (v. 1250) puis rançon (v. 1360), du latin redemptionem, accusatif de redemptio « action de racheter, de délivrer » d'où « rachat », spécialement « procès mené à la place de qqn contre rétribution » et, dans la langue ecclésiastique chrétienne, « rachat des hommes par le sacrifice du Christ ». Le mot est dérivé du supin (redemptum) de redimere « racheter une chose vendue, un prisonnier, un acquittement », « acheter en retour » (→ rédimer).
❏
Le mot est passé en français au sens de « prix exigé pour la libération d'un prisonnier », notamment dans la locution
mettre a raançon (v. 1155), devenue archaïque, puis dans la locution familière
c'est la rançon du roi (1690) « un prix trop élevé ».
■
Par l'intermédiaire d'un emploi métaphorique attesté très tôt dans le style biblique (v. 1138, pur raançun de nos pechez « pour le rachat de nos péchés » en parlant du sacrifice du Christ), mais réservé dès le XIIIe s. à rédemption, il a pris beaucoup plus tard le sens figuré de « contrepartie fâcheuse d'une chose agréable » (1723).
❏
Le dérivé
RANÇONNER v. tr. (
XIVe s.), d'abord écrit
ransonner (1260), signifie « exiger une certaine somme de (qqn) pour le remettre en liberté ». Par extension, le verbe a développé le sens, plus usuel, de « forcer (qqn) à payer une somme qu'il ne doit pas » (v. 1360). L'extension figurée pour « faire payer à (qqn) un prix exorbitant pour une chose » a vieilli.
■
À son tour, rançonner a produit RANÇONNEMENT n. m. (ranchonnement, XIVe s.), d'abord employé au sens de « pillage, rapine », sorti d'usage, et, depuis le début du XVIIe s., avec son sens actuel, au propre (1636) et au figuré.
■
RANÇONNEUR, EUSE n., d'abord écrit raensonneur (1409), désigne la personne qui, par la menace, extorque de l'argent à une autre et, par extension, la personne qui en exploite une autre en lui faisant payer des prix exorbitants (v. 1534) ; il est peu usité.
RANCUNE n. f. est l'altération (1080) de l'ancien français rancure (v. 1165), encore employé au XVe s. et à l'origine d'un verbe rancurer attesté jusqu'au XVIe siècle. Le changement de consonne est probablement dû à l'attraction d'amertune, forme ancienne à côté d'amertume : la variante rancume est attestée en normand. Rancure lui-même remonte à un latin populaire °rancura, forme altérée de rancor (→ rancœur) par croisement avec cura « souci » (→ cure) ; l'italien et l'espagnol archaïques rancura viennent du même étymon.
❏
Rancune, qui désigne le souvenir aigu et tenace que l'on garde d'une offense avec la volonté bien arrêtée de se venger, semble avoir été employé en ancien français avec les valeurs plus générales de « colère », de « contrariété, désagrément » (v. 1165), « querelle, révolte ». Sa valeur s'étant affaiblie de manière à désigner une hostilité due au souvenir d'un acte agressif, il entre dans l'expression sans rancune ! (1718) qui a évincé point de rancune (1670).
❏
En ancien français,
rancune a produit un adjectif
RANCUNEUX, EUSE (v. 1170) « qui a de la rancune », et « qui témoigne de rancune (d'un acte) » (1346), aujourd'hui cantonné à un usage littéraire ou régional (Belgique, Canada).
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Cet adjectif a été supplanté par RANCUNIER, IÈRE adj. (1718), quelquefois substantivé (1740), employé aussi pour qualifier une action, un caractère dénotant de la rancune (1756).
❏ voir
RANCE, RANCŒUR.