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Jusqu'au
XVIe s., le sens principal de
réduire était « ramener, rétablir (dans un lieu, un état), rapprocher » ; le verbe s'employait à la forme pronominale au sens de « se retirer, se réfugier » (v. 1175), probablement d'après l'emprunt
réduit*, ainsi qu'au figuré dans la locution
réduire à mémoire de qqn « rappeler » (1380, encore déb.
XVIIe s.). Ce sens a disparu en français central, mais se perpétue en chirurgie pour « remettre en place (un os, un organe déplacé) » (
XIVe s., puis v. 1560), soutenu par le substantif
réduction (ci-dessous).
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Ce sémantisme continue l'une des valeurs du latin
reducere « ramener à sa place » et s'est maintenu pour le substantif
réduit. Il s'est perpétué dans les dialectes franco-provençaux et dans le français des mêmes régions (Franche-Comté, Savoie, Velay...). L'usage le plus stable de
réduire pour « ranger, mettre à sa place » est celui du français de Suisse (attesté en 1611). Dans l'usage rural,
réduire s'emploie pour « mettre à l'abri (le bétail) » et « rentrer (le foin) ».
Réduire est courant pour « mettre en ordre, faire le ménage dans (un local) ».
Se réduire a pris le sens de « rentrer chez soi » et spécialement « se coucher ».
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L'usage moderne du verbe se fait jour dès le moyen français et s'établit au XVIe s. : la valeur figurée de « ramener (qqn, qqch.) à un état inférieur, à un état plus simple » donne une extension pour « anéantir » (XIIIe s.), sortie d'usage. Avec un nom de personne pour complément, réduire s'est d'abord employé sans complément indirect au sens de « soumettre, dompter » (v. 1460), d'où en langue classique « ramener (qqn) à la raison, à l'obéissance par la force ou l'autorité » (fin XVe s.).
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Plus usuel avec un complément indirect (fin XVe s.), il a pris le sens d'« amener (qqn) contre sa volonté à un état de dépendance, de soumission, à une situation fâcheuse » (1538), spécialement dans réduire qqn à l'extrémité (v. 1580), surtout au passif en être réduit à (1673), réduire qqn (au lait, au bouillon) « l'obliger à ne consommer que... » (1690), réduire au silence (v. 1695). La préposition utilisée pour introduire le complément indirect, généralement à ou en (fin XVe s.), pouvait être de (1665) dans la langue classique.
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Aux XVIe et XVIIe s., réduire s'employait aussi sans idée de contrainte pour « conduire (qqn) à un certain état » (1559), sens qui survit en religion dans réduire un clerc à l'état laïc « le renvoyer à la vie séculière ».
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Avec un nom de chose pour complément, le verbe s'est employé pour « limiter à » (v. 1370), « adapter, conformer à » (avec l'idée d'une difficulté à surmonter), sens vivant jusqu'au XVIIIe s., et « ramener (un objet de pensée) à une forme équivalente plus simple, plus compréhensible ou à ses éléments fondamentaux » (1538), sens resté vivant et qui a produit plusieurs spécialisations : en mathématiques réduire une fraction (1520), en géométrie (XVIIIe s., Buffon), en logique (1798, réduire à l'absurde).
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Avec un objet concret, réduire correspond à « faire passer d'un état à un autre plus simple » (1538), dans réduire en cendres (1665) et spécialement en chimie (1680), par exemple dans réduire un oxyde. Certains emplois (en dessin, en géométrie) correspondent à la valeur générale de « ramener (qqch.) à une quantité ou à une dimension moindre » (1538, une fois redurre au XVe s.), devenue le plus courant de nos jours, au propre (spécialement en art, 1690 ; en musique, 1870) et au figuré (réduire son train de vie, v. 1650).
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La forme pronominale se réduire a pris ses valeurs modernes au XVIIe s. et vaut absolument pour « se résumer » (1670).
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L'emploi intransitif du verbe est tardif (1808) et exprime, d'abord en cuisine, puis (1893) en chimie, en technique, le processus concret de « diminuer le volume, devenir concentré par évaporation », notamment en cuisine, surtout dans faire réduire.
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1 RÉDUIT, UITE, le participe passé de
réduire, est adjectivé depuis le
XVIIe siècle. Il qualifiait une personne rangée et vivant dans le recueillement, spécialement une personne soumise à son devoir, faisant preuve d'humilité (1651, Corneille). En français actuel,
réduit qualifie un objet dont les dimensions ont été diminuées (1770), notamment dans
modèle* réduit, s'employant parfois au figuré à propos d'une personne (1880), de sa taille. Il se dit de ce qui est inférieur en nombre à la normale (1644) et de ce qui a subi une diminution en valeur (
à prix réduits, 1874).
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RÉDUCTION n. f., réfection savante (v. 1300) de
redution (fin
XIIIe s.), est emprunté au dérivé latin
reductio, -onis « action de ramener ». Le mot, bien qu'il serve de nom d'action à
réduire*, n'a pas conservé dans son intégralité les sens du verbe. Le sens de « rapprochement » est sorti d'usage dès le moyen français, celui de « rétablissement, retour à l'état précédent » (v. 1300) ne survit que dans sa spécialisation en chirurgie (
XIVe s.).
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Presque tous les emplois du mot en parlant d'une personne sont sortis d'usage : « fait de soumettre par la force militaire, l'autorité » (v. 1450), « état d'épuisement, de pénurie (d'une collectivité) » (fin
XVIIe s.), « gêne, état de dénuement (d'une personne) » (1718).
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L'emploi métonymique pour un village chrétien établi par les missionnaires au Paraguay est un emprunt (1770) à l'espagnol redución ; Cf. rédemption.
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En parlant d'une chose, le mot désigne le fait de diminuer, de rendre moins nombreux, plus faible, sens qui semble apparaître avant l'emploi correspondant de réduire (v. 1350), mais ne se répand qu'au XVIIe s. ; au XXe s., réduction désigne par métonymie la quantité dont une chose est diminuée (1935) et, absolument, un rabais, une diminution de prix (1935), spécialement dans réduction d'impôt (1936).
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En biologie, réduction chromatique (1897) recouvre le mécanisme par lequel les chromosomes d'une cellule sont diminués de moitié.
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En relation avec réduire, réduction désigne l'action de changer en diminuant les proportions (1752), spécialement en géométrie (1762) et en arts.
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Dès l'ancien français, comme réduire, il se dit du fait de ramener une chose à un état plus élémentaire ou plus utilisable, d'abord en parlant d'une chose concrète (1300), d'un corps chimique (1680), puis aussi d'une construction de l'esprit (1690), avec des emplois spéciaux en mathématiques (1690), en logique (1701, réduction à l'absurde, calque du latin), en métrologie, en astronomie (1870), en psychologie, en cuisine (1807), lié au verbe réduire, intransitif, avant de se répandre dans l'usage courant avec une valeur générale au XXe s. (av. 1960, Camus).
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Au
XXe s.,
réduction a servi à former des dérivés didactiques.
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RÉDUCTIONNEL, ELLE adj. (1931) correspond à sa spécialisation en biologie.
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RÉDUCTIONNISME n. m. (1966), d'où est tiré RÉDUCTIONNISTE adj. et n. désigne la réduction systématique d'un ordre de connaissance à un autre plus formalisé et, spécialement, des mathématiques à la logique formelle (réductionnisme logique).
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Réduction a servi de base au composé OXYDORÉDUCTION n. f. (1904) désignant une réaction où un réducteur est oxydé et un oxydant est réduit (par échange d'électrons). Voir ci-dessous réductase et oxydoréducteur.
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RÉDUCTEUR, TRICE adj. et n., attesté isolément à la Renaissance au sens de « qui ramène » (1542) et comme mot de chirurgie (v. 1560, Paré) par emprunt au dérivé latin
reductor, -oris, a été repris comme nom (1813) et comme adjectif (1835) par dérivation savante du latin
reductum ou de
réduire.
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Le nom a d'abord désigné un appareil distillateur propre à réduire le titre de l'esprit-de-vin, et par la suite d'autres appareils et mécanismes techniques ayant pour fonction d'opérer une réduction. Puis il s'applique, comme dans son ancien emploi, à un appareil propre à réduire les luxations et fractures en chirurgie (1835).
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Il désigne aussi un mécanisme employé pour diminuer la vitesse d'un mouvement de rotation (1898), un appareil propre à réduire des dessins (1904, Larousse), un commutateur électrique (mil. XXe s.).
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Repris au XIXe s., l'adjectif, en chimie, qualifie ce qui a la propriété de ramener certains corps à un degré moindre d'oxydation (1835), supplantant dans cet emploi réductif (1680), d'où un réducteur n. m. (1904, Larousse). Le mot s'est répandu dans un usage courant pour qualifier ce qui opère une réduction (1875) et il a été repris en psychologie pour désigner, spécialement chez H. Taine, le phénomène psychique qui, en s'opposant à une représentation imaginaire, empêche qu'elle ne soit prise pour une perception (1870, Taine).
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L'emploi chimique a fourni le composé OXYDORÉDUCTEUR, TRICE adj. (1904) ; voir ci-dessus oxydoréduction.
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RÉDUCTASE n. f. (1902) est le nom donné à l'enzyme qui favorise l'oxydoréduction dans l'organisme.
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RÉDUCTIBLE adj. est le dérivé savant (1607) du latin
reductum, supin de
reducere.
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Formé comme terme de jurisprudence, au sens de « transformable », appliqué à une rente transformable en argent, l'adjectif a été repris à la fin du XVIIe s., subissant l'influence de réduire : en chimie il qualifiait ce qui est susceptible d'être réduit en chaux (1680), sens disparu, puis ce qui peut être ramené à un moindre degré d'oxydation (1812).
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D'après réduire et réduction, il s'emploie pour « qui peut être réduit à une forme plus simple, plus utilisable ou plus intéressante » (1690), sens spécialisé en mathématiques (1717), en géométrie et en logique. Il est passé en chirurgie après réduire et réduction à propos de ce qui peut être remis à sa place normale (1802).
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Enfin, il qualifie en droit ce qui peut être diminué (1804, Code civil).
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Le préfixé IRRÉDUCTIBLE adj. (1676) lui sert d'antonyme, d'abord dans les mêmes spécialisations en chimie, en algèbre (1690) et en chirurgie (1835). L'adjectif signifie dans l'usage général « qui ne peut être diminué » (1867, à propos d'une souscription, d'une propriété).
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Il se dit aussi d'une personne que l'on ne peut faire changer d'avis, correspondant à un emploi de réduire mais pas de réductible.
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Les deux adjectifs ont produit des noms didactiques en -ité, RÉDUCTIBILITÉ n. f. (1757) et IRRÉDUCTIBILITÉ n. f. (1762).