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Le mot signifie « femme d'un souverain », puis « souveraine exerçant effectivement le pouvoir (sans que son mari soit roi) » (
XIIIe s.). L'emploi ancien du mot seul pour désigner, par métaphore, la Vierge Marie (v. 1155), a cédé la place aux locutions
reine du ciel, reine des anges (v. 1530, Marot).
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Depuis le début du XIIIe s., reine s'applique, en rapport avec un nom abstrait féminin, à ce qui domine, s'impose. Dans la locution reine de la fève (1377), puis en emploi absolu, le mot désigne celle qui trouve la fève dans la galette des Rois ou que le roi (dans ce contexte) a élu.
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L'emploi figuré à propos d'une femme qui l'emporte en beauté, en esprit, en valeur sur toutes les autres apparaît au XVIe s. (1531) ; il est repris et spécialisé au début du XXe s. dans l'expression reine de beauté, dans un concours de beauté. Cet emploi a vieilli, puis disparu, concurrencé par l'anglicisme miss, nettement moins valorisant.
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À l'époque classique, le mot se rencontre dans le titre de reine mère donné à la mère du roi (1680) et s'étend, au figuré, à celle qui domine, dirige, conduit (1689, Mme de Sévigné). Par ailleurs, il s'emploie dans des locutions comparatives flatteuses comme avoir un port de reine (1690) d'où, plus tard (être, faire qqch.) comme une reine (1843), parallèle à comme un roi.
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Dans le vocabulaire des cartes, il désigne la figure représentant une dame couronnée (v. 1514 reyne), concurrencé par dame, car le discours révolutionnaire a (vainement) tenté d'éliminer cet emploi évocateur de l'Ancien Régime.
En français de Suisse (1887), le mot (aussi
reine à cornes) désigne, dans un troupeau de vaches d'Hérens, celle qui mène le troupeau, notamment dans la transhumance, après s'être imposée au combat. Le
combat de reines est aujourd'hui organisé par les syndicats d'élevage à des fins touristiques et commerciales, entre des
reines de différents alpages. On appelle parfois
reine à lait une vache ayant produit le plus de lait pendant l'estivage.
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Au XVIIIe s., reine désigne en zoologie l'unique femelle féconde chez les insectes sociaux (1751).
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Il entre dans la locution reine des bois, désignant le petit muguet (1791) [Cf. ci-dessous reine-des-prés].
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La locution à la reine (1680) caractérise des objets à la mode en principe lancés par une reine : fauteuils, chaises à la reine (1730) puis bouchée à la reine « petit vol-au-vent » (1870).
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L'expression petite reine (1911 ; aussi reine-bicyclette, 1907) a fourni une appellation aujourd'hui désuète, mais encore citée, de la bicyclette.
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En argot, au XIXe s., une reine s'est dit d'un homosexuel (1847).
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La dérivation, peu importante, consiste en quelques composés qui, si l'on excepte
VICE-REINE n. f. (1718), concerne des noms de plantes :
REINE-DES-PRÉS n. f. (1655), plante à fleurs des prairies (la spirée ulmaire),
REINE-MARGUERITE n. f. (1715), plante composée à fleurs blanches, roses ou mauves (le collistèphe).
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REINE-CLAUDE n. f., nom d'une prune verte à chair fondante et sucrée, est l'abréviation (1690) de la locution
prune de la reine Claude (1628) formée avec le nom de la femme de François I
er. Littré et l'Académie recommandent l'orthographe
reines-claudes au pluriel mais ce pluriel est incertain : Flaubert écrit
des reines-Claude, Colette
des reine-claudes (ce qui correspond à la tendance simplificatrice souhaitable), et Zola fait le mot invariable.
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REINETTE n. f. est tiré par ellipse (1680) de l'expression
pomme de renette (1536),
pomme renette (1549),
pomme de reinette (v. 1560), où
reinette est le diminutif de
reine employé pour désigner des fruits ou des plantes estimés
(Cf. roynette « spirée ulmaire »). Il est évident que
reinette ne peut pas se rattacher au latin
rana (→ rainette) comme on l'a cru ; l'orthographe
rainette vient d'une confusion plutôt que d'une comparaison entre la peau de la grenouille et celle du fruit.
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REINAGE n. m., mot encore vivant en Lozère, dans le Velay pour désigner une fête annuelle de village, a été beaucoup plus diffusé du
XVIe au
XVIIIe s. Au
XVIe s.,
reinage désigne le fait de donner le titre de « reine » (ou de « roi ») à une personne dans une confrérie. Au
XVIIe s., cet acte est associé à une célébration, à une fête patronale, dans le Limousin, en Auvergne, dans le Dauphiné, en Guyenne, dans le nord du Languedoc. Selon les régions, le mot est dérivé de
reine ou de l'occitan
reina, tous deux issus du latin
regina, de la famille de
regnare (→ régner).