RELIQUAT n. m. est emprunté (XIVe s., reliqua ; 1409, relicat) au latin reliqua « reste », neutre pluriel substantivé de l'adjectif reliquus « restant », dérivé du verbe relinquere « laisser derrière soi, abandonner ». Ce verbe est formé de re- (→ re-) à valeur intensive, et de linquere « laisser, abandonner, quitter » ancien, mais moins usité que la forme à préverbe. On rapproche linquere de différents termes indoeuropéens comme le lituanien lëkù « je laisse », le grec leipein et le gotique leihwa « je prête » (sens dû sans doute à un ancien nom de « prêt », dont le latin n'a pas gardé le représentant). En français, le mot a pris son -t final au XVIe s. d'après le latin des gloses reliquatum « ce qui reste après qu'un compte a été arrêté », participe passé neutre substantivé de reliquare « redevoir qqch. sur un compte » (533), lui-même dérivé de reliquus.
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Le mot est emprunté en comptabilité pour désigner la somme restant due après la clôture et l'arrêté d'un compte. Il a développé d'une part un sens général, « ce qui subsiste d'une chose » (1538,
les reliquats du dîner), d'usage littéraire, et d'autre part, un sens métonymique, « somme restante » (1856).
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Sa spécialisation médicale (1549) a disparu sous la concurrence de séquelles.
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Le dérivé RELIQUATAIRE n. (1566), terme juridique, désigne la personne redevable d'un reliquat.
❏ voir
RELIQUE.
RELIQUE n. f. est emprunté (1080) au latin reliquiae, désignant des restes, des débris, spécialisé en latin ecclésiastique pour désigner les restes du corps d'un martyr, d'un saint (fin IVe-Ve s.) et dérivé de reliquus « qui reste » (→ reliquat).
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Le mot a gardé le sens religieux chrétien puis, par analogie, s'applique à d'autres religions. En latin médiéval comme en français,
les reliques désigne une réalité religieuse importante et l'objet d'un culte populaire, d'un commerce et d'une symbolique qui seront vivement critiqués à partir de la Réforme ; le mot est très courant, d'où une phraséologie abondante, par exemple
garder qqch., qqn comme une relique (1698).
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L'emploi du pluriel au sens profane de « restes, débris » (v. 1393), littéraire, est devenu archaïque.
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Du sens religieux initial procède la valeur figurée, « chose à laquelle on attache moralement le plus grand prix, que l'on garde en souvenir d'un être cher » (av. 1553).
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Récemment, le mot s'applique aussi au dernier représentant d'un groupe zoologique ancien.
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Un emploi correspondant de l'adjectif relique, emprunté savamment au latin reliquus, est attesté en géomorphologie à propos d'une forme de relief qui ne correspond plus aux conditions climatiques actuelles (1964).
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Avec son sens religieux, relique a donné RELIQUAIRE n. m., d'abord reliquiaire (XIIIe s.) puis reliquaire (1328), désignant un coffret précieux, la boîte renfermant une ou des reliques, châsse s'employant plutôt lorsque le coffret contient l'intégralité des restes d'un saint, d'un martyr.
❏ voir
RELIQUAT.
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RELUQUER v. tr., attesté (v. 1730) dans un texte poissard, est d'origine discutée : selon Bloch et Wartburg, il serait emprunté, avec adjonction du préfixe re-* marquant l'intensité, au moyen néerlandais loeken « regarder », lequel avait donné en moyen français luquer « regarder » (fin XIIIe s.) et est apparenté à l'anglais to look (→ look). La voyelle u au lieu du ou attendu (liégeois riloukî, composé de loukî) s'explique peut-être par l'influence de luquet « œil de bœuf » (XVe s., Flandres), du moyen néerlandais lûke « fermeture » et par celle de lucarne*. P. Guiraud, s'appuyant sur le fait que le mot appartient à l'ensemble du domaine gallo-roman, y voit une forme préfixée du latin lucere « faire luire » (→ luire) par l'intermédiaire d'une forme °lucicare.
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Le mot appartient à l'usage familier pour « regarder avec intérêt et curiosité », d'où, au figuré, « considérer avec convoitise, envie » (1828-1829).
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RELUQUEUR n. m. a désigné (1881) un homme qui reluque les femmes.
REMAKE n. m. est un emprunt (1946) au jargon cinématographique américain to remake « donner une nouvelle forme à » et remake « nouvelle version », spécialisation de sens de l'anglais to remake « refaire », de re-, préfixe correspondant au français re-* dans sa valeur itérative, et to make « faire, confectionner » (→ 2 maquereau).
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Le substantif remake entre dans le vocabulaire français du cinéma après la Seconde Guerre mondiale, conservant sa prononciation d'origine (rimèque) ; on a proposé de le remplacer par copie, adaptation, révision, refonte, remaniement, reconstruction, mais sans succès. Employé avec une valeur active et au sens concret de « nouvelle version d'un film », il s'étend à la nouvelle version d'une œuvre, d'un texte (1954), avec un succès moindre.
RÉMANENT, ENTE adj. et n. m. est, dans son usage actuel (1832), la reprise d'un ancien substantif écrit remanant (v. 1119), désignant le reste, le surplus, le relief d'un repas, collectivement ceux qui restent, les survivants et, dans le nord de la France, un descendant, un héritier (XIIIe-XVIIe s.). Ce nom est la substantivation du participe présent de l'ancien verbe remaneir (1050), remanoir (1080) qui couvrait tout le champ sémantique de rester avant de céder la place à ce dernier, et qui remonte au latin remanere « s'arrêter, séjourner, demeurer », de re- (→ re-) à valeur intensive, et manere « rester, attendre » (→ manoir).
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Repris sous la forme
remanants puis
rémanents (1850), au pluriel, puis collectivement au singulier, le mot désigne le petit bois restant dans les coupes après l'exploitation, emploi dialectal devenu technique.
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Sous l'influence de rémanence et par emprunt au latin remanens, -entis, participe présent de remanere, il s'emploie en sciences (v. 1870), spécialement en parlant d'un phénomène magnétique qui persiste après la disparition du champ inducteur ; comme pour rémanence, le mot dépend alors de l'anglais remanent (1866).
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RÉMANENCE n. f. est aussi dans son usage moderne (v. 1870) un emprunt à l'anglais
remanence « reste, restant », spécialisé en sciences (1817), et lui-même emprunté à l'ancien et moyen français
remanence, antérieurement
remanance (v. 1112), dérivé de
remanoir qui désignait le fait de demeurer quelque part, le séjour, la demeure, et, concrètement, le reste, spécialement le reliquat d'un compte.
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Rémanence est réintroduit par anglicisme dans le langage scientifique pour désigner la persistance partielle d'un phénomène après la disparition de sa cause (appelé aussi hystérésis), spécialement à propos de l'aimantation après disparition de l'influence magnétique. Il a développé d'autres spécialisations scientifiques en optique (rémanence des images visuelles), en écologie et éthologie (rémanence d'un signal olfactif, chimique). Dans la langue littéraire, il fournit un synonyme recherché de persistance (fin XIXe s., Huysmans).
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Au XXe s., il désigne, au pluriel, les taxes sur la consommation qui ne sont pas payées directement sur les ménages.
REMANIER, REMANIEMENT → MANIER
REMARQUER v. tr. est la réfection d'origine normanno-picarde (1549) du moyen français remerchier (1376), remerquer (v. 1393) sous l'influence de marquer*, verbe de même provenance dialectale qui a supplanté merchier. Le préfixe re-* a ici une valeur intensive.
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Le mot signifie « arrêter son attention, son regard sur qqch. », redoublant et évinçant progressivement marquer dans cet emploi. L'accent est mis sur le fait de distinguer une personne ou une chose parmi d'autres (1585), la locution verbale se faire remarquer (1653) constatant d'abord objectivement un état de fait avant de prendre la valeur péjorative de « manquer de tenue » (1893).
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Par le même développement métonymique que observer, remarquer correspond à « porter verbalement à la connaissance d'autrui (un constat, une réflexion) » (1657-1662), souvent en incise dans un énoncé (remarqua-t-il) et dans la construction factitive faire remarquer que (1767) qui a remplacé l'emploi synonyme de remarquer (fin XVe s.) courant au XVIIe siècle. Le sens de « marquer de nouveau » (1611) ne s'est pas développé, gêné par l'expansion du sens usuel.
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Le déverbal
REMARQUE n. f., sous sa forme actuelle (1579), est la variante picarde qui a remplacé l'ancien français
remerche (v. 1505), aussi
remerque (1577) d'après
marque. Le sens dynamique, « action de remarquer », encore réalisé dans la locution
digne de remarque (1609), a disparu au profit des emplois métonymiques apparus au
XVIIe s. : « note écrite exprimant réflexions et commentaires » (1647, au pluriel,
remarques) et une opinion (1657-1662,
faire une remarque), « commentaire désobligeant » (dès 1577). Le mot s'applique notamment, dans la seconde moitié du
XVIIe s., aux ouvrages de réflexion sur le bon usage du français (Vaugelas, Bouhours), servant à former (
XXe s.) le dérivé
REMARQUISTE n. « auteur de remarques sur le langage ».
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Il a aussi le sens de « repère » dans un emploi technique en gravure où, après épreuve à la remarque (1864) « épreuve tirée avant que l'artiste ait fait disparaître un accident », il se réfère à une petite gravure faite en marge d'une planche gravée (1944).
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REMARQUABLE adj. (1547-1555) qualifie objectivement ce qui est susceptible d'être remarqué, d'attirer l'attention, sens réalisé spécialement en mathématiques à propos d'éléments possédant des propriétés que les autres ne possèdent pas (attesté mil.
XXe s.).
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La valeur caractérisante de « digne d'être remarqué » (1607), surtout sur le plan intellectuel, confère au mot le sens de « brillant, émérite », demeuré usuel.
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L'adverbe REMARQUABLEMENT (1616) correspond à la valeur subjective de l'adjectif et fournit un superlatif (très) dans le registre soutenu.
REMBALLER et RÉEMBALLER → 2 BALLE
REMBOBINER → BOBINE, EMBOBELINER