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Héritier des emplois du verbe latin,
remettre, senti rapidement comme un préfixé de
mettre, a acquis d'autres valeurs d'après le verbe simple. Il a eu le sens concret de « fondre, liquéfier » (intransitivement, « se liquéfier », v. 1120), continuation du sens latin d'« amollir ». Ce sens et son extension pour « affaiblir, détruire » (
XIIIe s.) sont sortis d'usage dès le moyen français.
Le groupe d'emplois au sens itératif de « mettre de nouveau » s'est immédiatement imposé : d'abord attesté dans la locution figurée
remettre en vie (v. 1145), il est réalisé avec une valeur concrète et un nom de personne pour sujet, au pronominal
se remettre (v. 1165) par exemple dans
se remettre à table (v. 1175), et transitivement (v. 1208). La locution
remettre (qqn) à sa place (1539,
en sa place) a acquis plus tard une valeur figurée désobligeante (1823).
Remettre en selle s'est chargé d'une signification imagée (fin
XVIIe s.).
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Secondairement, remettre, avec un complément second, a signifié « réprimander » (XVe s.), [Cf. reprendre].
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Remettre au pas (1793-1794, remettre dans le droit chemin) est une métaphore de sens locatif « mettre à l'endroit convenable ».
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Le sens de « reconduire » (1635), usuel avec un nom d'animal et un complément de lieu, a vieilli quand le complément désigne un être humain.
Le verbe s'emploie aussi avec un nom de chose pour objet (v. 1170), spécialement en médecine pour « remboîter, replacer (un os, un organe) », attesté une première fois au XIIe s. (1174-1187), puis à partir de 1564 (Paré, qui emploie aussi remettre une fracture, une luxation, 1575).
Au
XIVe s.,
remettre prend la valeur spéciale de « mettre, revêtir de nouveau (un habit) » (1306) et celle de « mettre en remplacement » (1306).
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Avec la valeur locative de « placer », apparaissent des constructions comme
remettre qqch. en face de qqn (v. 1470,
à) puis aussi
remettre qqch. devant les yeux de qqn (1561) et, abstraitement,
remettre qqch. dans l'esprit de qqn (1640),
remettre en mémoire « représenter qqch. à qqn, rappeler », valeurs qui existent aussi au pronominal :
se remettre en mémoire (1579),
se remettre dans l'esprit (1687). C'est d'elles que procède l'emploi de
remettre qqn pour « reconnaître en représentant devant ses yeux, dans sa mémoire » (v. 1475), usuel au
XVIIe s. (1688,
je te remets à présent), et aujourd'hui plutôt familier.
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Remettre le pied quelque part « y retourner » (1687) est aujourd'hui surtout employé négativement : ne plus jamais remettre le pied (1839) puis les pieds (1848) quelque part.
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Alors que le pronominal se remettre à assume dès l'ancien français l'idée de « recommencer à » (1306), il faut attendre le XXe s. pour voir se développer, d'abord en argot, le sens transitif correspondant de « redonner, recommencer » ; d'abord avec la valeur spéciale de « redonner des coups, répéter des propos désagréables » (1907), la formulation elliptique remettre ça s'entend pour « recommencer la bagarre » (1913) et aussi pour « servir de nouveau une consommation, une tournée dans un café » (1913). Un autre tour elliptique, en remettre, correspond à « en rajouter, exagérer » (1911).
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La locution remettre les gaz (1937), d'abord dans l'aviation, « accélérer à nouveau », se situe parmi les emplois de remettre pour « refaire fonctionner » (remettre en route, en marche, remettre sur les rails, aussi au figuré).
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Le sens de « ramener à un état antérieur » (v. 1175) a lui aussi engendré un grand nombre d'emplois usuels. Le verbe s'entend spécialement pour « rétablir (qqn, qqch.) dans un état physique ou psychique antérieur » (fin XIIe s.), que ce soit du point de vue de la santé, par exemple dans se remettre (1559, se remettre sus) et remettre sur pied (1651), ou dans la perspective d'un rapport social, avec remettre ensemble (XIIIe s.) et se remettre ensemble (1283) « (se) réconcilier », spécialement « recommencer à vivre ensemble ».
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Le verbe s'emploie aussi à propos du temps qui se rétablit (1659, se remettre au beau) ; au XVIIIe s. absolument (av. 1778). Remettre concerne aussi une affaire qui s'arrange (1697, transitivement), et le fait de réparer, de restaurer dans remettre à neuf (1797).
Au plus près du sens originel du verbe latin,
remettre recouvre aussi l'idée de « livrer, confier, transmettre » (v. 1155) avec un objet concret ou abstrait (
remettre une affaire à qqn, v. 1560), un nom de chose ou de personne, dans un contexte général ou spécialisé, par exemple en droit,
remettre entre les mains de la justice (1740),
remettre les sceaux « démissionner (pour le garde des Sceaux) » (1771).
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En français de Belgique et de Suisse (« louer », v. 1830),
remettre s'emploie pour « céder, vendre (un commerce, un siège d'activité) », surtout absolument, dans des tours comme
café, commerce à remettre.
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Remettre une chose à qqn pouvant être l'équivalent de
rendre, le verbe a pris en français de Belgique un sens particulier de
rendre « vomir » (
il a remis son repas, « rendu »).
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Spécialisation de sens pour
remettre à qqn « lui rendre », le verbe correspond, toujours en français de Belgique, à « rendre la monnaie »
(remettre tant sur une somme).
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Au pronominal,
se remettre réalise spécialement la valeur figurée de « se confier » dans
se remettre à Dieu (1553) et
se remettre entre les mains de Dieu (1694),
entre les mains de qqn, s'en remettre à qqn (1559),
se remettre à la discrétion de qqn (1559),
au jugement de qqn (fin
XVIe s.). Ces emplois font du verbe un synonyme de
en appeler à, se reposer sur.
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Emprunté au latin chrétien, le sens de « faire grâce de, épargner » apparaît à la fin du XIVe s., d'abord dans un emploi isolé pour « épargner la vie de qqn », puis dans une double spécialisation, juridique (1398) et religieuse (fin XIVe s.), cette dernière étant réalisée dans l'expression religieuse remettez, et il vous sera remis (1694), écho d'une formule du Pater.
Transposition temporelle du sens de « renvoyer », la valeur de « différer » (v. 1380) est réalisée en particulier dans l'expression remettre la partie, surtout employée au figuré (1580), vieillie à l'actif, mais demeurée vivante au passif (1690), surtout sous la forme ce n'est que partie remise (1838), aboutissement de c'est partie remise (1731-1741).
REMETTANT, ANTE n. (années 1960) désigne la personne qui remet une valeur (chèque, lettre de change) à sa banque. Un dérivé du verbe, REMETTEUR, EUSE n., au sens général, s'est employé au XVIIe s. (1616).
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REMIS, REMISE, le participe passé, a fourni au verbe toute sa dérivation : son adjectivation est constatée dès les premières occurrences du verbe (1118), au sens ancien de « liquéfié, fondu ».
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Les sens modernes datent du
XVIIe s. à propos d'une personne « qui a retrouvé la santé, l'équilibre » (1642), également « redevenu calme » (av. 1613), emploi disparu après l'époque classique et, d'une chose, « différé, reporté » (1690).
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La substantivation du féminin 1 REMISE n. f. (1260) a fourni au verbe un substantif d'action pour la plupart de ses sens. Après une première attestation obscure, le mot désigne le fait de mettre de nouveau quelque part (1311), emploi répandu au début du XVIe s. (1511) ; il s'applique ultérieurement au rétablissement de la position d'une chose (1876, remise à l'heure), spécialement en sports, au fait de réintroduire la balle dans la surface de jeu (1896), emploi explicité par l'expression remise en jeu (1935).
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Remise répond dès le moyen français à l'emploi juridique du verbe pour « réduction (d'une peine) » (1482), d'où remise de peine (remise de sa peine, 1876), mais ce n'est qu'au XIXe s. qu'on l'enregistre sur un plan religieux (1819, la remise des péchés).
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La valeur temporelle de « renvoi à une date ultérieure » (1513) est réalisée spécialement dans l'expression juridique remise de cause « renvoi des débats d'une affaire à une audience ultérieure » (1765).
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De l'idée d'« abandon, fait de renoncer », également de nature juridique et liée au sort d'une dette (1611), procède le sens moderne de remise de dette « réduction totale ou partielle de dette » (1765) et l'emploi d'une remise pour « rabais sur un prix consenti par le vendeur » (1680).
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Remise, « action de confier, de mettre qqn en possession de (qqch.) » (1611), concerne surtout l'attribution officielle d'une distinction, et, en religion, l'abandon de soi à Dieu.
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Enfin, le mot correspond à l'action de faire de nouveau qqch., autrefois spécialement à la reprise d'un spectacle (1769).
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En marge de ces emplois actifs, remise a développé un sens local, aujourd'hui senti comme un autre mot. 2 REMISE n. f. est d'abord attesté en vénerie pour l'endroit où l'animal se remet pour se réfugier ou se reposer (av. 1525). Par extension, il s'est dit de la partie d'un port où l'on mettait les bâtiments désarmés (1654), du local où l'on abritait des voitures à chevaux (1659), emploi disparu sous la concurrence de garage, mais encore vivant dans voiture de remise et remise « voiture de louage » (av. 1747), surtout dans grande remise avec une connotation de luxe, par allusion à l'endroit fermé et abrité où l'on entreposait ce véhicule.
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Au XIXe s., remise dans ce sens acquiert de nouveaux emplois, s'appliquant au local où l'on abrite les locomotives (1876) et à un abri, un hangar où l'on range les outils et autres objets (1879).
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À son tour, remise a suscité un verbe correspondant à ce sens local, REMISER v. (1761), « mettre à l'abri dans une remise ». Ce verbe, supplanté en ce sens par garer, s'est maintenu avec le sens large de « mettre à l'abri, de côté (une chose peu employée) » (1788). Il s'est spécialisé en vénerie où il redouble un emploi de se remettre « se réfugier, s'arrêter », à la fois au pronominal (1834) et absolument (1869). D'après un sens actif de remise en sports, remiser exprime le fait de riposter instantanément en escrime (1906) et en boxe (1931). En argot, remiser qqn s'est dit (1881) pour « rabrouer ».
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REMISAGE n. m. (1867), pour l'action de ranger les véhicules, a connu le même déclin que remise et remiser.