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Lié à
muer, l'emploi du verbe pour « opérer un changement » (1080), usuel jusqu'au
XVIe s. avec les spécialisations « changer (de vêtement) » (1174-1176,
remuer son habit), « permuter » (1130-1140) et « remplacer, renouveler (des personnes, des objets) », a décliné puis disparu au profit de
changer, échanger.
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Le sens figuré correspondant, de nature psychologique, « changer de conduite, de sentiment » (1174-1176), en emploi transitif et intransitif, a lui aussi disparu au profit de
changer.
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Remuer s'est imposé avec le sens de « mettre en mouvement » : d'abord avec le nom d'une partie du corps pour objet, dans ne remuer ne les mains ne les piez (v. 1135), reprise dans la forme moderne et familière ne remuer ni pied ni patte (av. 1660). Avec un complément désignant un être animé, personne ou animal, remuer correspond à « faire se déplacer » (1160-1174), surtout à la forme pronominale (v. 1131), valeurs disparues avec leurs connotations anciennes. En revanche, l'emploi intransitif, en parlant des êtres vivants (v. 1175), est demeuré usuel, avec une extension pour « entrer en action » (v. 1200), tandis que se remuer « s'activer, faire des efforts pour atteindre un but » (1668) est devenu de nos jours familier.
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Avec une notion supplémentaire d'agitation, d'effervescence, l'emploi intransitif (v. 1170) et transitif, pour « ébranler, troubler, émouvoir » (v. 1270), conserve au verbe sa valeur psychologique. Une valeur voisine, « susciter le trouble, la sédition chez qqn » (1607) et « soulever, appeler à la révolte » (1681, remuer l'Orient), est devenue archaïque, par rapport à soulever, la forme pronominale (1691), propre à la langue classique, étant sortie d'usage.
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Avec un nom de chose pour complément, remuer vaut pour « déplacer, bouger » (1160), « agiter en tous sens, tourner et retourner (une substance) » (v. 1398), par exemple dans remuer la terre (déb. XVe s.). Un sens voisin, « changer de position, de place » d'où « déménager » (v. 1213, remuer hostel), a disparu mais remuer mesnage a donné naissance à remue-ménage (ci-dessous). Le verbe a développé les valeurs figurées de « ressasser, agiter (des pensées) » (1610), « mettre en branle, en alerte » (1588, dans une variante de la locution conservée remuer ciel et terre) et « brasser (de l'argent) », notamment dans remuer les écus (1640), l'argent à la pelle (fin XVIIe s.) ou remuer beaucoup d'argent (1798).
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Se remuer, pronominal, s'emploie pour « s'agiter » et a pour quasi synonyme familier se remuer le cul, en concurrence avec se bouger, pour « s'activer, se mettre à la tâche ».
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REMUEMENT n. m., substantif d'action (1155), a d'abord le sens de « modification », disparu au
XVIIe s. au profit de
changement et
mutation. D'autres sens correspondant au verbe, « bouleversement » (v. 1165), « transport d'une dette » (v. 1283), « trouble soulevé dans un pays » (fin
XVIe s.), « émotion morale » (
XVIIe s.), ont disparu après l'époque classique.
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Seul le sens physique, « action de remuer, de déplacer », « résultat de cette action » (v. 1170), a conservé une certaine vitalité, parfois avec l'idée du bruit accompagnant l'action. Mais le mot est relativement rare.
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REMUANT, ANTE, adjectivation du participe présent du verbe au sens de « vif, rapide, actif » (1174-1177, dans le Roman de Renart, à propos de Renart), a développé dans cet axe différentes nuances, dont la valeur figurée d'« indocile, séditieux » (1636) qui est sortie d'usage. Le sens de « changeant, variable » (v. 1170) à propos d'une chose a disparu au XVIe s. ; une valeur psychologique « de nature à émouvoir » (1870) a été supplantée par émouvant. L'adjectif continue à s'employer à propos d'une personne qui bouge, s'agite, fait preuve de vitalité parfois encombrante (un enfant remuant).
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REMUEUR, EUSE adj. et n. a dénommé l'ouvrier chargé de remuer le grain dans un grenier pour éviter qu'il ne s'échauffe (1275).
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REMUEUSE n. f., d'après l'ancien sens de remuer « panser, soigner », a désigné la femme chargée d'assister la nourrice d'un enfant de haute naissance et de changer ses langes (1571, remueuse de l'enfant).
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De nos jours, remueur se rapporte à la personne chargée d'effectuer le remuage (ci-dessous) des bouteilles de champagne (1909).
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Le mot, en emploi général, désigne la personne qui met en mouvement, remue quelque chose, et celle qui met en branle les personnes et les choses (fin XVIe s.), entrant dans des syntagmes déterminés qui correspondent à mainte locution verbale (1581, remueur de ménage ; 1615, remueur d'affaires [disparus] ; 1862, remueur d'idées).
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REMUABLE adj. (v. 1265) est passé du sens de « changeant, variable » à « susceptible d'être déplacé » (1596), très rare jusqu'en 1834 ; la valeur psychologique, « susceptible d'être ému » (1796), est devenue archaïque.
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REMUAGE n. m., équivalant à « droit de mutation » en droit médiéval (1314-1487), a été repris à propos du droit perçu pour le transport des vins (1720, billet de remuage). Remuage est le substantif d'action de remuer pour deux emplois spéciaux du verbe, concernant l'opération consistant à remuer le blé afin d'éviter la moisissure (1347, remuage des blés) et, dans la fabrication du champagne, celle qui consiste à secouer quotidiennement les bouteilles (on parle aussi de remueur, ci-dessus) pour éviter la formation d'un dépôt (déb. XXe s.).
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Le déverbal REMUE n. f. (1410), tombé en désuétude pour « action de mettre en œuvre » et « changement » (1553-1562), a été repris au XXe s. avec des spécialisations techniques rurales : il désigne la migration saisonnière dans les régions alpines pour assurer au bétail une nourriture venant des différents étages de pâturages, par métonymie, chaque lieu de séjour temporaire du bétail sur un haut pâturage et un abri rudimentaire du haut pâturage (ces valeurs, certainement anciennes régionalement, sont enregistrées dans les dictionnaires généraux depuis 1949).
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Quant au participe passé REMUÉ, ÉE qui avait été adjectivé dès le XIIIe s. dans la locution cousin remué de germain « issu de germain » (v. 1265), il ne s'emploie guère qu'avec la valeur psychologique du verbe, pour « profondément ému » (1731).
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REMUE-MÉNAGE n. m., d'abord
remuemesnage (1585), peut être considéré comme le déverbal de l'ancienne locution
remuer mesnage « s'agiter, produire du désordre, intriguer » et concrètement « déménager » (1551). Le mot, éliminant
remuement de mesnage « trouble » (1578), a été synonyme de « déménagement » et a désigné le changement de résidence et de poste de plusieurs personnes en même temps (1684). Il reste une trace de ce sens dans l'emploi conservé de
remue-ménage à propos d'un déplacement de meubles, d'objets divers créant un état de confusion momentané. L'accent étant porté sur l'idée d'« agitation confuse » (1648). Le mot s'applique aussi, au figuré, à un état de trouble intérieur et à une situation sociale et politique confuse (1690).
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Le composé ingénieux REMUE-MÉNINGES n. m., paronyme du précédent, a été proposé par Louis Armand (probablement en 1965 ; attesté en 1973) pour remplacer l'anglicisme brainstorming (recommandation officielle en 1983).