RETAPISSER → TAPIS
RETARDER v. est emprunté (v. 1175) au latin retardare « arrêter, ralentir », au figuré « arrêter, réprimer, empêcher », de re- (→ re-) à valeur intensive, et tardare « ralentir, gêner dans sa marche, son processus » (→ tarder).
❏  Le mot a été repris avec l'une des valeurs du latin, « négliger, omettre de, s'abstenir », qui implique l'annulation du processus.
■  L'idée d'une gêne provisoire de l'action entraînant un délai par rapport aux prévisions, également connue du latin, a été reprise simultanément et s'est seule maintenue. Elle a été réalisée par la construction intransitive, avec le sens de « tarder » (1540), avant d'être supplantée par le verbe simple tarder*. L'emploi transitif correspond à « remettre à un temps ultérieur » (v. 1175), « ralentir (un mouvement, un processus) » (1278), « faire arriver ou faire se produire plus tard que prévu » (1538).
■  Au XVIIe s., retarder a pris la valeur particulière de « faire indiquer à (une horloge, une montre) une heure moins avancée » (1690).
■  La construction transitive indirecte retarder de et infinitif (1671, Mme de Sévigné) est usitée au XVIIe s. là où le français moderne emploie différer de et infinitif.
■  La construction intransitive a été reprise pour « arriver plus tard que la fois précédente » en parlant de la lune, des marées (1690) ; elle s'emploie aussi pour une horloge marquant une heure moins avancée que l'heure exacte (1694). De là, par transfert du sujet, elle se dit d'une personne dont la montre indique une heure moins avancée (av. 1834).
■  Au XIXe s., le mot a commencé, dans la construction retarder sur qqn, qqch., à s'employer au figuré pour « avoir des idées désuètes, par rapport à (qqn) » (1834). Il est employé absolument avec le même sens et, familièrement, avec la valeur d'« ignorer une nouvelle que tout le monde connaît » (1935).
❏  RETARDÉ, ÉE participe passé de retarder, a été adjectivé avec le sens courant de « différé » (1283). ◆  En français contemporain, il a pris le sens d'« arriéré par rapport au temps, à une évolution » (déb. XXe s.), spécialement en parlant d'un enfant dont le niveau de développement est inférieur au niveau moyen des autres enfants du même âge, en concurrence avec arriéré (attesté milieu XXe s.). ◆  En physique, il se dit d'un mouvement dont la vitesse décroît.
RETARDATION n. f. (déb. XIVe s.) s'est éteint aux sens d'« obstacle » et de « retard » (1396), mais a été repris au sens technique d'« accélération négative » (on dira décélération) [1748, Diderot].
■  RETARDEMENT n. m. (1345) a eu la valeur de substantif d'action de retarder et s'est employé, par métonymie, pour le résultat de cette action, l'atermoiement (1384), le retard (ci-dessous). Sous la concurrence de retard, le mot est sorti d'usage, se maintenant dans la locution à retardement (1923) à propos de ce qui se manifeste après un certain délai notamment dans bombe, engin à retardement et, adverbialement, pour « avec un certain retard » (1931).
Le déverbal RETARD n. m. a été formé en français préclassique (1629) pour exprimer l'état, mesuré ou non en unités de temps, d'un être ou d'une chose qui arrive ou agit plus tard que prévu. Il est entré dans la locution courante en retard (1704). Par ailleurs, il désigne un mécanisme d'horlogerie permettant de régler le mouvement en le portant à avancer ou à retarder (1765).
■  Le mot s'est répandu au début du XIXe s., s'étendant, au figuré, à l'état d'une chose ou d'un être moins développé qu'il ne conviendrait (1808) et désignant la différence entre l'heure marquée par une pendule qui retarde et l'heure réelle (1893). Il a pénétré les langages spécialisés de la musique où il désigne la prolongation d'une note constitutive d'un accord sur l'accord suivant (1842), et de la pyrotechnique où il désigne le détonateur d'un artifice appelé artifice à retard (1875), ou à retardement. ◆  Au XXe s., retard, en sports, désigne l'intervalle (en espace, en temps) séparant un coureur de celui qui le précède.
■  Un emploi adjectivé, souvent en apposition, qualifie le mode de préparation d'un médicament qui permet de prolonger son action (1954), par exemple dans insuline retard.
RETARDATEUR, TRICE adj. est un dérivé savant de retarder (1743) qualifiant ce qui provoque un retard, ce qui ralentit (1757), surtout dans l'usage technique. Il est substantivé (1875) pour désigner collectivement l'ensemble des dispositifs servant à la conservation des aliments en retardant la fermentation. ◆  De nos jours, il désigne aussi un corps dont l'addition retarde une réaction chimique, spécialement la prise du ciment ou du plâtre (1964, dans les dictionnaires généraux).
■  RETARDATAIRE adj. et n. qualifie couramment la personne qui arrive, qui est en retard (1808) et se dit, au figuré, de la chose ou de la personne en retard sur l'évolution des techniques, des idées, des mœurs (1875).
■  RETARDANT, ANTE, le participe présent de retarder, a été adjectivé tardivement (1904) pour « qui prolonge l'action d'une substance, d'un produit d'effet naturellement fugace » ; il est didactique.
RETENIR v. est formé en français (1050) de re-* et de tenir* sur le modèle du latin retinere, formé de re- indiquant le mouvement en arrière (→ re-) et de tenere (→ tenir), avec les sens d'« arrêter » au propre et au figuré, « garder, conserver », « maintenir dans les bornes », « empêcher de ».
❏  Retenir, d'abord employé au sens de « prendre possession de (qqch.) », signifie aussi dès le XIe s. « garder en sa possession (ce qui appartient à autrui) et ne pas vouloir s'en dessaisir » (v. 1090). Le sens d'« avoir en sa possession, continuer à posséder », qui en procède (fin XIIe s.), s'est maintenu jusqu'à l'époque classique, puis est sorti d'usage, éliminé par garder.
■  Dès les premiers textes, le verbe signifie également « réserver (qqch.) pour qqn », sens dont procède celui de « se réserver (une chose) afin d'être sûr d'en disposer ensuite » (1553) et, avec un complément désignant une personne, « se réserver par avance les services de (qqn) » (1553). L'ancien sens lié à la valeur initiale « prendre (qqn) à son service » (1080) a disparu.
■  Au XIIe s., retenir qqn signifie « empêcher d'aller librement » (v. 1155), sens dont procèdent des emplois toujours vivants, dans le vocabulaire de la civilité : « garder (qqn) près de soi en l'invitant à déjeuner ou à dîner » (1548, retenir à souper) et la formule je ne vous retiens pas pour donner congé (1667).
■  Dès le XIIe s. le verbe signifiait aussi « empêcher (qqn) d'agir, d'accomplir ce qu'il est sur le point de faire » (v. 1155).
Une valeur importante et ancienne est abstraite : « fixer dans sa mémoire » (v. 1155) avec l'idée d'une connaissance intellectuelle ; ne rien retenir correspond à « ne pas avoir de mémoire », mais retenir est d'emploi plus restreint que se souvenir de.
■  Le pronominal se retenir se rencontre (déb. XIIe s.) avec le sens concret de « s'accrocher pour éviter une chute, freiner un mouvement de glissade », précédant l'emploi correspondant de retenir : « empêcher (qqn, qqch.) de tomber » (1538). Avec un sujet nom de personne, se retenir a aussi la valeur abstraite de « s'empêcher par un effort de volonté de faire qqch. » (v. 1265) notamment « de se battre », d'où la formule plaisante retenez-moi ou je fais un malheur !.
■  Le sémantisme du verbe est donc riche au propre et au figuré dès le XIIe s., sur le modèle du latin retinere. Cependant, par nombre d'emplois, retenir est mal distingué en ancien et en moyen français du simple tenir et, surtout, il empiète sur l'aire d'emploi (moderne) d'autres composés de tenir comme maintenir*, soutenir* (au sens figuré de « prétendre »), entretenir* (aux sens de « conserver en bon état » et de « pourvoir aux besoins de »). Enfin, retenir peut aussi correspondre en ancien et moyen français à « mettre à l'écart, écarter » et à « concevoir », avec une disparité qui sera réduite au XVIe s. par retour à une structure plus proche de celle du mot latin.
■  Au XVIe s., retenir prend le sens psychologique de « maîtriser (des réactions qui manifesteraient des sentiments) » (1538), et retenir son haleine (1538) correspond à « s'empêcher de respirer ». La locution retenir sa langue (1553) a cédé la place à tenir sa langue.
■  C'est aussi au XVIe s. que le verbe commence à s'employer avec un sujet désignant une chose au sens de « fixer dans une position », d'abord abstraitement (1559), dans retenir l'attention, puis aussi au concret (1690). ◆  Au XVIIe s., retenir une cause (1690) signifie « se juger compétent pour un procès », retenir prenant au XIXe s. en droit l'acception de « maintenir (un procès) au rôle pour le juger aussitôt que possible » (1835) et « garder contre qqn (un chef d'accusation) » (1877).
■  Retenir a aussi le sens de « prélever une partie de (une somme due) » (1738) et, en mathématiques, « réserver (un chiffre) pour le reporter dans une colonne située à gauche dans la catégorie d'unités qui est la sienne » (1740, déjà au XIIIe s.). Cf. ci-dessous retenue.
■  Retenir un cheval (1835) « empêcher un cheval de donner tout son effort » est précédé par se retenir (du cheval) [1762].
■  L'idée de « contenir (une chose qui s'écoule au passage) » est attestée chez Rousseau (v. 1770).
■  Retenir qqn, qqch. « prendre en considération pour un emploi, une application ultérieure », qui paraît récent (1891), peut être rapproché du sens de « prendre à son service », fixé antérieurement, comme l'emploi familier par antiphrase de je vous retiens ! (1870) compris au sens de « je ne vous garde pas » et aussi de « je me souviens de vous ».
■  La langue familière moderne emploie se retenir par euphémisme pour « différer de satisfaire ses besoins ».
❏  Les anciens dérivés de retenir ne se sont pas maintenus, parfois évincés par la concurrence d'emprunts comme rétention* et rétenteur*.
■  Cependant, le participe passé féminin RETENUE reste bien vivant dans son emploi substantivé (v. 1160). ◆  En ancien français, sous l'influence de l'ancien sens de retenir qqn « garder prisonnier », il a désigné le fait de garder qqn en captivité.
■  Comme substantif d'action de retenir, il ne désigne l'action de retenir qqn ou qqch. (XIVe s.) que dans certains contextes : avec la valeur métonymique de « résultat de l'action de retenir », il s'emploie dans un contexte fiscal pour ce qui est prélevé sur une somme due (1765, déjà en 1573 dans l'expression brevet de retenue à propos d'une grâce royale assurant au titulaire d'une charge une somme payable par son successeur). ◆  Avec une valeur active (« action de retenir un élève ») et résultative, il se dit d'un type de punition scolaire (1835) où l'on garde l'élève (Cf. consigne) en retenue (1816) en lui imposant un travail supplémentaire. Il s'applique au fait de retenir des marchandises en douane (1836) et, surtout avec une valeur résultative, du chiffre réservé dans une opération mathématique (1904, Larousse).
■  Des sens métonymiques techniques du mot, pour « ce qui retient » autrefois synonyme de « digue » (1572), correspondent à « espace s'étendant entre deux écluses et où l'eau s'est maintenue à un niveau constant » (1812), « assujettissement des extrémités d'une poutre » (1676), « cordage maintenant un objet que l'on hisse, à bord d'un navire » (1694).
■  D'après le sens psychologique de retenir, retenue désigne la qualité d'une personne faisant preuve de modération dans ses sentiments, ses élans (1611), sens qu'il a repris à l'ancien masculin substantivé retenu (XVIe s.).
■  Enfin, au XXe s., un sens technique de retenir (un fluide, etc.) aboutit pour retenue à « fait de contenir l'eau dans un barrage » et, par métonymie, « hauteur d'eau emmagasinée dans un réservoir, un bief » (1962 dans les dictionnaires).
❏ voir RÉTENTION.
RETENTER → TENTER
RÉTENTION n. f. est emprunté (1291) au latin retentio, -onis « action de retenir », spécialement en médecine (urinae retentio) et en droit (retentio dotis « retenue de dot »), également « maintien », de retentum, supin de retinere (→ retenir).
❏  Le mot fut repris par les clercs au sens juridique d'« action de réserver ses droits », sorti d'usage au XVIIe siècle. En ancien et moyen français, il correspondait assez précisément à retenir, désignant l'action de retenir qqn (1315), qqch. (1530) et exprimait l'action de maintenir, d'entretenir (1312, retension en picard), le fait de conserver ses cheveux.
■  Parallèlement, il a été emprunté en médecine pour désigner un processus de conservation pathologique d'un liquide ou d'un solide destiné à être évacué (1314).
■  Au XVIIe s., il se dit, en droit, de la faculté donnée à un créancier de refuser la restitution d'un objet au débiteur tant que celui-ci ne s'est pas intégralement acquitté (1690).
■  Son emploi actuel en psychologie (1632) à propos de la dissimulation d'une information, et (XXe s.) de la période pendant laquelle ce qui a été mémorisé se trouve conservé de façon latente, réactive l'ancien sens de « mémorisation » (1580, Montaigne).
■  Le mot a partiellement souffert de la concurrence de retenue*, par exemple au sens de « fait de retenir un chiffre en mémoire dans une opération mathématique » (1645, Pascal), emploi sorti d'usage.
■  Au XXe s., il s'est spécialisé en hydrologie, en relation avec retenue, pour le pouvoir (par exemple de la neige ou de la glace) ou l'action de retenir l'eau des précipitations un certain temps avant qu'elle ne rejoigne les cours d'eau (1964, Larousse).
❏  Les dérivés, peu nombreux, se rattachent aux spécialisations du verbe.
■  RÉTENTIONNAIRE n. m. (1681), terme de droit, désigne la personne exerçant un droit de rétention sur une chose.
■  RÉTENTIONNISTE n. (1923) s'emploie en médecine pour un malade affecté de rétention d'urine.
■  RÉTENTAT n. m. (v. 1970) est dérivé du radical de rétention, en physique, pour désigner la partie d'une solution qui ne passe pas à travers la membrane (par opposition à osmosat).
■  RÉTENTEUR, TRICE adj. et n. (1552) est dérivé savamment du radical du supin du verbe latin selon un type savant °retentor (le bas latin atteste retentor « celui qui retient »). ◆  Le mot s'emploie dans les vocabulaire de l'anatomie, de la physiologie et du droit.
RETENTIR v. intr. est formé en français (v. 1155) de re-* et de l'ancien français tentir (v. 1138) « résonner », « faire entendre un son » et, transitivement « faire entendre, proférer », lui-même issu d'un latin populaire °tinnitire, fréquentatif expressif du latin classique tinnire « tinter, rendre un son clair » (→ tinter, issu d'une autre forme).
❏  Le verbe, démotivé dès que tinter se substitue à tentir et en l'absence d'un °retinter, se dit d'un lieu, d'un espace qui est rempli de bruit (v. 1175), fréquemment suivi d'un complément construit avec de. Il est plus courant en parlant d'un bruit qui se fait entendre avec force (v. 1210). Il a développé une valeur figurée très comparable à celle de la locution faire du bruit et, dans un style didactique, signifie « avoir des répercussions, une action sur » (XVIe s.), emploi comparable à celui de trouver un écho.
❏  Le dérivé RETENTISSEMENT n. m. (v. 1160) désigne proprement le fait de retentir et, plus souvent, le son ainsi produit (XIIIe s.), répercuté par un écho mais cet emploi est devenu secondaire par rapport aux figurés. Il concerne la manière qu'a un individu de parvenir à la notoriété (1615), sens disparu.
■  À partir du XIXe s., le mot désigne l'ensemble des répercussions, des conséquences (av. 1830) et les réactions suscitées par un événement notoire (1870). Il est employé spécialement pour un des traits constitutifs du caractère (à côté de émotivité et activité) dans la caractérologie de Heymans, Wiersma et Le Senne, désignant la manière plus ou moins rapide et profonde dont les événements de la vie psychologique affectent un sujet.
■  RETENTISSANT, ANTE, participe présent adjectivé de retentir (1546), qualifie un lieu rempli de bruit, ce qui produit un son puissant (1690). ◆  Il a quelquefois le sens dévalorisant de « creux, vide » (1825, Lamartine : mots retentissants), puis le sens figuré de « qui a de grandes répercussions, dont on parle beaucoup » (1824). Mais, à la différence de retentissement, c'est pour l'adjectif le sens concret ou métaphorique qui l'emporte.
RÉTIAIRE n. m. est emprunté (1611, puis v. 1620) au latin retiarius, nom donné au gladiateur sans cuirasse, armé d'un trident, d'un poignard et d'un grand filet avec lequel il cherchait à envelopper son adversaire (généralement le mirmillon). Le mot est dérivé de rete « filet » (→ rets).
❏  Le mot français est resté didactique et n'a pas eu la diffusion de gladiateur.
RÉTICENCE n. f. est emprunté (v. 1552) au latin reticentia « action de taire qqch., silence », en rhétorique « figure consistant à s'arrêter avant d'avoir exprimé toute sa pensée mais en laissant entendre ce que l'on tait ». Le mot est dérivé de reticere « taire, garder (une chose) par devers soi » et, absolument, « garder le silence », de re- (→ re-) à valeur intensive et de tacere « se taire, taire » (→ taire).
❏  Le mot désigne l'action de taire à dessein ce que l'on pourrait, que l'on devrait dire, désignant spécialement, comme en latin, une figure de rhétorique consistant à ne pas terminer un énoncé dont le contenu reste pourtant clair (1671). Il a développé par métonymie le sens d'« omission volontaire » (1774). En droit, il désigne la dissimulation volontaire, donc délictueuse, des faits que l'on s'est engagé par serment ou contrat à révéler (1807, Code civil).
■  Par métonymie encore, il désigne l'attitude, le comportement de la personne qui se garde d'exprimer ouvertement sa pensée mais marque par sa réserve une désapprobation (1751). Cet emploi, condamné par les puristes, se rencontre chez beaucoup d'écrivains (Gide, Valéry, Maurras, au figuré Proust) et s'est répandu dans l'usage commun.
❏  RÉTICENT, ENTE adj., d'abord proposé comme néologisme par Richard de Radonvilliers (1845), s'est répandu à la fin du XIXe s., qualifiant ce qui dénote une attitude réservée, voire réprobatrice (1897), une personne ayant un tel comportement (1914, Gide, qui s'en sert aussi pour qualifier ce qui comporte des manques, des omissions volontaires 1934).
RÉTICULE n. m. est un emprunt savant (1682) au latin reticulum, employé pour désigner un réseau, un filet à petites mailles, une résille, un sachet. Le mot latin est le diminutif de rete « filet » (→ rets).
❏  Le mot est employé en optique pour le disque percé d'une ouverture circulaire coupée par deux filets très fins se croisant à angle droit au centre et servant à la visée dans les lunettes astronomiques et terrestres. ◆  La forme latine RETICULUM n. m. (1765) désigne une résille, puis (1817) la gaine fibreuse qui entoure la base des feuilles dans les palmiers, avant d'être remplacée par réticule dans ces deux sens (respectivement 1842 et 1845).
■  Le mot a subi la concurrence de l'hispanisme résille* mais reste employé pour désigner une coiffure féminine antique (1842), puis un petit sac à main en filet à la mode sous le Directoire et la Restauration (1800 ; 1834) sens étendu plus tard à « très petit sac à main de dame ».
■  Reticulum est resté vivant en histologie pour « réseau formé par les fibres de certains tissus ou les anastomoses des petits vaisseaux » (1878).
❏  Réticule a produit, peut-être sous l'influence du latin reticulatus, RÉTICULÉ, ÉE adj. (1784) « fait en forme de réseau, croisé » et, par extension, « qui supporte un réseau » (av. 1848, Chateaubriand). ◆  Le mot, d'un usage littéraire ou didactique, qualifie aussi une porcelaine à deux enveloppes (1870), un sol polygonal, et, en anatomie, un tissu conjonctif constitué de cellules et de fibres réunies en réseau. Cet emploi correspond à celui du composé RÉTICULO-ENDOTHÉLIAL adj. (v. 1930), avec un premier élément productif en médecine et en biologie, RÉTICULO-, et endothélial, pour qualifier le tissu de trame d'organes tels que le foie, la rate, les glandes endocrines et aussi l'ensemble des cellules aptes à la phagocytose, formant un système de défense de l'organisme. ◆  RÉTICULOCYTE n. m. formé sur -cyte (vers 1930) désigne un globule rouge formé depuis peu, et présentant encore un réseau de mitochondries visible.
RÉTICULAIRE adj. formé savamment (1610) sur le latin moderne reticulum, est un terme didactique désignant l'état d'une surface réticulée, spécialement en minéralogie (1763 pierre réticulaire) et à propos du plissement de la gélatine d'un phototype provoqué par la trop grande différence de température ou d'acidité de deux bains successifs ; le mot s'applique aussi à la formation de liaisons additionnelles entre les chaînes d'atomes de macromolécules qui provoquent un durcissement de la substance (1968 dans les dictionnaires généraux).
■  RÉTICULATION n. f. (1812) se dit de l'état d'une surface réticulée, en chimie de la formation d'un réseau de relations additionnelles entre molécules, notamment de la formation de certains polymères à liaisons transversales.
■  Le radical de réticulaire et de réticulation a aussi produit RÉTICULER v. tr. (v. 1974) « provoquer la réticulation de (un polyèdre) », en chimie.
L RÉTIF, IVE adj. et n., d'abord restif (1080), remonte à un latin populaire °restivus, forme surprenante dans laquelle on est amené à voir une haplologie de °resitivus, proprement « qui s'arrête », du latin classique restare « s'arrêter » (→ rester). Le lien sémantique avec rester s'affaiblissant, le s s'est amuï, conformément au développement du s en français devant consonne ; de là rétif (fin XIIe s.) alors que le nom propre Restif conservait son s.
❏  D'abord employé dans La Chanson de Roland dans la locution faire restif « forcer à s'arrêter, vaincre », sortie d'usage, le mot qualifie encore aujourd'hui une monture qui s'arrête ou recule au lieu d'avancer (v. 1130), puis s'applique, par analogie, à une personne difficile à entraîner ou à conduire (début XIIIe s.). Il est perçu de plus en plus comme un caractérisant psychologique et qualifie spécialement une personne qui s'oppose à une tentative amoureuse (1690). ◆  Par métonymie, il qualifie une chose qui ne répond pas facilement aux sollicitations, notamment sur un plan intellectuel, la mémoire et, plus rarement, l'esprit (1726).
❏  De rétif est dérivé RÉTIVITÉ n. f., d'abord restiveté (XIIIe s.) avant l'amuïssement du s conduisant tardivement à la forme actuelle (1868) ; le mot désigne le refus d'avancer d'une monture. Par analogie, il se dit du caractère d'une chose qui ne répond pas facilement aux sollicitations (1853, Flaubert parlant de sa plume). Il est resté littéraire et assez rare.
RÉTINE n. f. est emprunté (1314) au latin médical médiéval retina « membrane du fond de l'œil », lui-même du latin classique rete « rets, filet » (→ rets), la rétine présentant un réseau de vaisseaux sanguins.
❏  Terme de physiologie devenu assez usuel, rétine s'emploie par analogie dans rétine électrique pour l'ensemble des cellules photosensibles d'un lecteur optique (1973), d'ailleurs rare par rapport à œil électrique, qui a un autre sens.
❏  Au XIXe et au XXe s., le mot a produit une dizaine de termes scientifiques : RÉTINITE n. f. (1830) « inflammation des tissus de la rétine », RÉTINIEN, IENNE adj. (1854) le plus usuel, « de la rétine » (pourpre rétinien) ou « formé par la rétine » (image rétinienne). ◆  RÉTINAL n. m. semble emprunté à l'anglais retinal, de retin et -al de aldehyde (v. 1970) pour dénommer un aldéhyde de la vitamine A qui entre dans la composition du pourpre rétinien. RÉTINOL n. m. est emprunté un peu antérieurement à l'anglais retinol (1969), de retin et -ol, pour une vitamine A sous forme d'alcool provenant des carotènes et dont l'oxydation produit le rétinal (ci-dessus). RÉTINOÏDE n. m. est pris à l'anglais retinoid (1976), « substance qui s'oppose au développement des tumeurs malignes ».
■  Des composés sont employés en médecine, tel RÉTINOBLASTOME n. m. « tumeur maligne de la rétine », maladie assez fréquente en Afrique chez les enfants. RÉTINOSCOPIE n. f. (1932), de -scopie, RÉTINOPATHIE n. f. (1964), de -pathie, RÉTINOGRAPHIE n. f. (1975), de -graphie, ont les significations attendues.
RETIRER v. tr. est formé (v. 1155) du préfixe re- et de tirer*, mais sa fréquence et sa polysémie l'ont en partie démotivé.
❏  Dans ses premiers emplois connus, il signifie « raccourcir la bride d'un cheval », sens sorti d'usage au profit de tirer. ◆  Depuis le XIIIe s., où il commence à être employé pour « enlever (une arme, un avantage à qqn) », il réalise dans de nombreux emplois l'idée d'« enlever, ôter », assumée à la même époque par l'ancien français détirer, entre autres sens. À partir du XIVe s., retirer exprime aussi l'idée de « recueillir (de l'argent) d'une charge ».
■  Les principales extensions apparaissent à partir de la Renaissance ; quant aux sens différents, comme « faire aller dans une retraite » (XVIe s.), et retirer à, retirer sur (1538) « ressembler », ils sont sortis d'usage (Cf. tirer sur, avec un nom de couleur). Dans le dernier emploi cité, le verbe laisse toutefois un dérivé régional, retirance « ressemblance », fréquent chez G. Sand (Berri). ◆  Toujours en moyen français (XVe-XVIe s.), retirer a pris le sens d'« extraire d'un lieu » (v. 1485), spécialement « délivrer (qqn) d'un péril, d'un lieu où il était mal » (1553) également vieillis au profit de tirer. En revanche, les nuances de la notion d'extraire pour « ramener à soi (sa main) » (1559), au figuré « cesser d'accorder (son amitié) » (1553), « faire quitter à qqn une place » (v. 1580, retirer des soldats), restent vivantes, de même que « reprendre (ce qu'on avait déposé) » (1636) « se dégager (d'une promesse) » (1664). À ce titre, on a longtemps dit retirer son épingle du jeu (1585) avant de lui préférer tirer. D'autres spécialisations, « faire cesser les représentations de (une pièce) » (1742), aussi retirer de l'affiche, et « rétracter (un mot, un compliment) » (1798), restent usuelles.
■  Depuis 1611, retirer, itératif de tirer, exprime le fait de tirer à nouveau un coup de feu et, dans un tout autre domaine, un imprimé (1886), puis aussi une photographie.
La forme pronominale se retirer signifie d'abord (XVe s.) « s'en aller d'un lieu » ; elle est employée spécialement dans le contexte de la guerre pour « battre en retraite » (1606) [Cf. retraite] ; cet emploi est archaïque. Se retirer « rompre la liaison que l'on avait avec qqn » (1553) et « abandonner un sentiment » (1538) est sorti d'usage. Cependant les emplois au sens de « se réfugier, rentrer chez soi » (1530), « quitter la profession qu'on exerçait » (1538) et, en parlant de l'eau, « rentrer dans son lit après avoir débordé » (v. 1500) restent vivants, ainsi que « être tiré, rétréci par une contraction » (1530) plus rare. ◆  Un emploi concret s'est spécialisé dans un contexte érotique, pour « retirer le pénis du vagin ».
■  L'emploi de se retirer au sens spécial de « quitter le commerce du monde, mener une vie moins dissipée » (1669), préparé par les sens de « s'en aller pour s'isoler » (v. 1485) et « rentrer en soi-même » (v. 1580), remonte à l'époque classique et appartient à la thématique janséniste ; il est sorti d'usage, mais on comprend encore se retirer du monde.
■  Depuis 1740, on rencontre se retirer, absolument, pour « prendre sa retraite » dans un contexte professionnel (Cf. retraite).
❏  Les divers sens du verbe se retrouvent dans le participe passé adjectivé RETIRÉ, ÉE, surtout ceux de la forme pronominale ; l'adjectif qualifie une personne qui vit loin du commerce des hommes (1580), un endroit éloigné de tout (fin XVIe s.), une vie qui s'écoule dans la retraite (XVIe s.) et l'expression retiré en soi-même (1701) correspond à « qui fuit la société ».
■  Le verbe a donné plusieurs noms d'action : le plus ancien, RETIRADE n. f. (1465) a désigné une retraite militaire puis le retranchement d'une armée dans le corps d'un ouvrage fortifié (1611). Il a disparu.
■  RETIREMENT n. m. (1488) est peu usité avec sa valeur générale « action de retirer, de se retirer » ; il est passé dans le langage technique de la poterie, désignant un défaut par contraction de la glaçure (1844).
■  RETIRATION n. f. (1564) est employé en technique pour une opération par laquelle on imprime le verso d'une feuille et dans machine, presse à retiration.
■  RETIRAGE n. m., créé avec le sens d'« action de retirer la teinture » (1753), disparu, a été repris d'après retirer « tirer de nouveau » dans le domaine de l'impression (surtout d'une gravure, d'un livre) pour « nouveau tirage » (1874).
■  À la même époque apparaît l'adjectif RETIRABLE adj. (1788), d'abord pour un fonctionnaire amovible.
■  Les noms RETIRURE n. f. (1803) « défaut d'une pièce coulée », et RETIRONS n. m. pl. (1812) « bourres de laine restées dans les peignes après le peignage » sont d'emploi technique.
■  Au XXe s., un nouveau nom d'action, RETIRAISON n. f., d'abord régional (1923), puis technique, s'applique en commerce à l'enlèvement d'une marchandise (1973).
RETIRO n. m., mot espagnol pour « lieu retiré », s'est employé en argot des maisons closes (1877) pour « cabinet particulier », et BUEN RETIRO n. m. pour « cabinets d'aisance ».
RETOMBER → TOMBER
RETORDRE v. tr. est la francisation d'après tordre* (attestée v. 1160, mais antérieure, Cf. retort ci-dessous) du latin retorquere « tourner en arrière » qui a donné rétorquer* par emprunt. Il est rapidement senti comme un préfixé intensif de tordre.
❏  D'abord employé intransitivement pour « se tordre » (en parlant d'un fil), retordre est devenu un verbe transitif signifiant « donner un mouvement de torsion à (un ou plusieurs fils) pour leur donner plus de solidité » (v. 1268). La locution figurée donner du fil à retordre s'est d'abord employée, par une image obscure, au sens de « se prostituer » (av. 1633) puis pour « donner du mal, causer des difficultés » (1680).
■  Comme dérivé itératif de tordre, le verbe a pris le sens de « donner une nouvelle torsion à » (1606) et, ultérieurement, « déformer de nouveau en pliant, en courbant » (1875).
❏  L'ancien participe passé (retort, déb. XIIe s.), s'est dit d'un bâton tordu puis a été adjectivé sous la forme retuert (fin XIIe s.), retort (v. 1250) et RETORS, ORSE adj. (v. 1268) avec le sens propre de « soumis à l'action de retordre (en parlant de fils) », substantivé (1904) pour le fil obtenu. Le sens concret de « courbé, fortement crochu » (v. 1250) ne s'est pas imposé.
■  Le sens psychologique « rusé, d'une habileté tortueuse » (v. 1740), qui procède d'un développement analogue à celui de tordu, tort, tortueux, est devenu le plus courant, donnant lieu à un emploi substantivé (1743-1744 au Canada).
■  Les autres dérivés ont une valeur concrète souvent technique. RETORDAGE n. m. (1372), après avoir désigné un atelier où l'on tord le fil, est devenu le substantif d'action de retordre (1798), rôle dans lequel il concurrence RETORDEMENT n. m., plus tardif (1606) et sorti d'usage.
■  RETORDEUR, EUSE n., d'abord au féminin retorderesse (XIVe s.), puis au masculin retordeur (1459), désigne l'ouvrier qui, dans une filature, retord les fils ou, depuis la mécanisation, la machine appelée RETORDEUSE n. f. (1874).
■  RETORDOIR n. m. (1803) et RETORSOIR n. m. (1721) désignaient l'appareil chargé de retordre les matières filamenteuses.
■  RETORDERIE n. f. s'applique à l'atelier de retordage (1870).
RETOQUER → TOC
RÉTORQUER v. tr., d'abord retorquer (v. 1355) puis avec accent rétorquer (1549), est emprunté au latin retorquere « tourner en arrière » d'où « friser les cheveux », et, au figuré, « se reporter en arrière », « changer ses dispositions d'esprit », « faire retomber la faute sur (qqn) » et « retourner contre qqn l'argument dont il s'est servi ». Le verbe est formé de re- (→ re-) indiquant un mouvement en retour, et de torquere (→ tordre).
❏  Les premiers sens, « ramener, rapporter, attribuer » (v. 1355) et « renvoyer, rejeter (une balle) » (1552) sont sortis d'usage rapidement.
■  Le sens actuel, qui correspond à « tourner contre son adversaire les arguments dont il s'est servi » (1549), autre latinisme, est resté d'usage littéraire, le verbe se répandant dans l'usage courant avec la valeur plus vague de « répliquer, répondre » (1840 ; 1910 rétorquer que). Töpffer a forgé par plaisanterie un verbe simple torquer (torquer et rétorquer, dans les Voyages en zigzag).
❏  Les dérivés relèvent d'un usage didactique ou littéraire, RÉTORQUABLE adj. (1580, Montaigne) a suscité IRRÉTORQUABLE adj., formé ultérieurement (1840) pour lui servir d'antonyme ; les deux sont rares.
■  RÉTORQUEMENT n. m. (v. 1460) et RÉTORQUATION n. f. (1704 dans rétorquation de crime) sont sortis d'usage.
RÉTORSION n. f., attesté vers 1300, est soit emprunté au latin médiéval retorsio, -onis, soit dérivé en français de rétorquer, d'après torsion*, nom d'action de tordre*.
■  Il n'a pas gardé le sens physique isolé de « retroussement des lèvres », « retournement », s'alignant sur la valeur rhétorique de rétorquer pour désigner l'action de retourner un argument (1607). ◆  Il s'est spécialisé dans le langage diplomatique avec un sens voisin de « représailles », dans mesures de rétorsion (1845), seul emploi vivant.
■  Son dérivé RÉTORSIF, IVE adj. (1764, Rousseau) n'a pas eu de succès.
RETOUCHER v. tr. est dérivé (1176-1181) de toucher* avec le préfixe re-*, mais s'est spécialisé, ce qui l'a rendu indépendant.
❏  Après une occurrence isolée au sens moral, « aller droit au cœur », le verbe est repris avec la valeur itérative de « toucher de nouveau », suivi d'un complément direct (v. 1225) ou introduit par à (1655).
■  Au XVIIe s., il développe par extension le sens de « reprendre en modifiant, en corrigeant », dans ces deux mêmes constructions (1663 ; 1688 à), en parlant d'une œuvre littéraire, d'une œuvre d'art. ◆  Des spécialisations de ce sens apparaissent en photographie (1850) et en couture (1860) au XIXe siècle.
❏  Le déverbal RETOUCHE n. f. apparaît en moyen français (1507, restouche) et s'est imposé plus lentement ; après un emploi isolé au sens d'« action de retoucher », il est repris au XVIIIe s. à propos d'une correction, spécialement en peinture (1751) et en gravure (1765). Comme le verbe, il s'emploie au XIXe s. en photographie (1860) et en couture (1857).
■  RETOUCHABLE adj. « qui peut être retouché » remonte au XIXe s. (1853), tout comme RETOUCHEUR, EUSE n. spécialisé en photographie (1877) et en confection (1882).
RETOURNER v., d'abord returnar (842), retorner (v. 980), est dérivé de tourner* avec le préfixe re-, mais s'est en partie détaché du verbe simple.
❏  Employé transitivement, le verbe a signifié « détourner (qqn) de qqch. » avant de céder ce sens à détourner*. Dans plusieurs emplois, il exprime l'idée de « tourner en sens inverse » (v. 1165) ; il correspond à « rendre, renvoyer », encore de nos jours pour « réexpédier » (1832 retourner le manuscrit), à « orienter dans le sens opposé » (1170-1183) et à « utiliser ses propres armes contre qqn » (XIVe s.). Ce dernier sens est riche d'emplois abstraits dans le domaine de la parole, avec retourner un compliment (av. 1564), et comporte souvent un valeur ironique (1872), par exemple dans retourner le compliment « rendre une insulte, une remarque désagréable » (1918) ; on dit aussi, familièrement, retourner une gifle (dès 1878 en ce sens, retourner atout).
■  Le verbe signifie « faire changer qqn d'opinion » (déb. XIIIe s.) et « changer d'opinion » ; la locution figurée retourner sa veste (1870), préparée par l'ancienne variante retourner sa robe (fin XVe s.) correspond à la même valeur.
■  La locution retourner la situation (1862) réalise l'idée d'un changement général.
■  Plus concrètement, retourner se dit pour « tourner en sens contraire, à l'envers » (déb. XIVe s.), en particulier aux jeux de cartes où retourner une carte, de manière à ce qu'on en voie la figure (1680), est à l'origine de la locution figurée de quoi il retourne (1739) « de quoi il est question ». ◆  Le mot exprime aussi l'idée d'un bouleversement sens dessus dessous (fin XIVe s.) et, ultérieurement, avec une valeur familière, un bouleversement psychologique, une violente émotion (1851) plus courante au passif et participe passé. ◆  Parallèlement, il correspond à une opération volontaire dans retourner la terre (1660), retourner la salade (1761), etc.
■  Dès l'ancien français, le préfixe re- se charge d'une valeur itérative qui donne au verbe le sens de « tourner de nouveau, en tous sens » (v. 1320 tourne et retourne) d'où, au figuré, « revenir en esprit sur qqch., débattre, examiner » (fin XVIe s. ; 1573 également dans tourner et retourner).
■  Le pronominal se retourner (v. 980) a signifié « revenir à son point de départ » avant de céder ce sens à la construction s'en retourner (v. 1050), prise avec une valeur figurée dans s'en retourner comme on était venu (1690). ◆  Se retourner correspond à « faire demi-tour » ou à « tourner la tête vers l'arrière » (v. 1130) et, de manière moins précise, à « changer de position » (1188). Au figuré, le sens de « se rapprocher de nouveau de qqn » (v. 1200), réalisé de nos jours avec la préposition vers, coexiste avec « s'opposer à » (1563 se retourner contre ; rare avant 1794). ◆  Absolument, se retouner indique un changement d'opinion (fin XVe s.-déb. XVIe s.) et de comportement (1723 se retourner comme on peut) pour s'adapter aux circonstances. Moralement et spirituellement, il exprime le fait de regarder mentalement le chemin parcouru (1834), de redescendre en soi-même (1835).
L'intransitif retourner s'emploie d'abord comme verbe de mouvement pour « aller de nouveau là où l'on est déjà allé » (1080) et « revenir sur ses pas » (v. 1160), avec un complément de lieu, « regagner l'endroit d'où l'on vient et où l'on devrait se trouver » (v. 1170).
■  Avec un nom de chose pour sujet, il signifie « être restitué à, redevenir la propriété de » (1276). Dès l'ancien français, le verbe exprime abstraitement le fait de retrouver son état initial, de revenir à un état antérieur (v. 1180) et de se remettre à une activité (v. 1180), à une conviction (v. 1200, dans un contexte religieux), de reprendre un sujet de conversation (v. 1200), par exemple dans retourner à ses moutons (v. 1480).
■  Dans le sens voisin de « recommencer à faire, faire de nouveau » (1376), retourner a été supplanté par d'autres verbes.
❏  Le déverbal RETOUR n. m., d'abord return (v. 1118) et retor (v. 1165), exprime d'abord le fait de repartir pour l'endroit d'où l'on vient et, par métonymie, le chemin parcouru à cet effet (v. 1165). Dans les transports en commun (XIXe s.) retour s'oppose au premier trajet, dit aller, d'où billet d'aller et retour (1874) elliptiquement un aller-retour. Retour désigne aussi le moment où l'on arrive, le fait d'arriver (1172-1190), dans la locution usuelle être de retour (1549), de retour (1636).
■  Dès le XIIe s., il décrit simplement un mouvement en sens inverse d'un mouvement précédent (1170-1183) : la notion exprimée est à la fois spatiale, comme dans retour de marée (1691 ; 1649 retour de la marée) et temporelle (1866 le retour de l'hiver). Elle inspire à partir du XIXe s. des emplois techniques eux-mêmes générateurs d'emplois figurés, dans les expressions choc en retour (1842 ; 1884 au figuré), retour de flamme (1890 ; 1926 au figuré), retour de manivelle (1906 ; 1945 au figuré). La phraséologie figurée s'est accrue avec retour de bâton (1860) qui a le même sémantisme que choc en retour, retour de flamme et retour de manivelle, et retour en force (1946). ◆  Le langage technique du XXe s. a introduit le mot en cybernétique avec la valeur de « rétroaction » (1951) appelée aussi action en retour (1964), et en biologie où croisement en retour (1970 de retour) concurrence rétro-croisement.
■  Par métonymie, le mot s'applique, de manière analogue à détour, à un coude, un virage, une sinuosité (v. 1210) ; ce sens, supplanté par détour, se maintient dans une spécialisation technique en architecture en parlant de l'angle formé par une construction, un élément naturel (1671 ; 1694 retour d'équerre).
■  Le mot est quasiment synonyme de « renvoi » en commerce (1669) et dans le domaine postal (1679 retour de la lettre), où il est entré dans les expressions usuelles par retour du courrier (1857 ; 1794 par le retour) d'où par retour, et retour à l'envoyeur (1946), ainsi que dans le domaine de la librairie à propos des invendus retournés à l'éditeur appelés les retours (1897).
■  L'expression cheval de retour (1690) concerne proprement un vieux cheval utilisé pour ramener un équipage au lieu de louage ; elle a pris le sens métaphorique de « forçat évadé ramené au bagne » (1828-1829), puis de « politicien discrédité » (début XXe s.).
■  L'ancien sens de « changement, revirement » (v. 1155) disparut, l'idée de changement n'étant pas sentie comme compatible avec la notion dominante qui concerne le fait de revenir à un état antérieur ; l'histoire du mot révolution atteste le même conflit d'idées. ◆  Cependant, dans l'axe des retours de fortune (1569), on parle encore de juste retour des choses (1669).
■  L'accent étant mis sur la restitution, la compensation à l'intérieur d'un échange, retour s'est spécialisé en droit (1270) avec retour conventionnel, légal (1765), droit de retour (1755).
■  Avec la même valeur temporelle que retourner, le mot exprime le recommencement, le fait de se produire (fin XIIIe s.), spécialement la répétition, la reprise (1751), d'où en philosophie, l'éternel retour (1829, Sainte-Beuve), aujourd'hui appliqué à Nietzsche qui a emprunté aux stoïciens cette doctrine du retour cyclique des mêmes événements dans l'histoire humaine, autrement appelée palingénésie. ◆  En ce qui concerne le cours de la vie humaine, il comporte une idée de « déclin » sensible dans les expressions sur le retour (1685 ; 1611 sur son retour) et, en médecine, retour d'âge (1842) « ménopause ». ◆  Au XVIIe s., appliqué plus spécialement à la vie morale et affective, il commence à exprimer le fait de retourner à un état habituel (1660 retour à la joie), de se recueillir en Dieu (1672) ou de méditer en « revenant sur » soi-même (av. 1662, retour sur soi-même). ◆  Il s'applique aussi à une vue mentale rétrospective (1672), notamment dans l'expression retour en arrière (1876), passée dans la description d'un procédé du récit littéraire (1899) et cinématographique (1949) [Cf. flash-back].
L'autre substantif d'action dérivé de retourner, RETOURNEMENT n. m. (fin XIIe s., retornement), a pâti de la concurrence de retour, mot auquel il a abandonné le sens d'« action de revenir sur ses pas, de retourner quelque part » au XVIe siècle. Le sens de « fait de se détourner de » (fin XIIe s.), solidaire d'un ancien emploi du verbe, a lui aussi disparu, mais au profit de détournement.
■  Le mot a évolué selon deux axes sémantiques : le premier, depuis le XVIIIe s., à partir de l'action qui consiste à retourner quelque chose (1754), conduit à des emplois spécialisés en astronomie (1812), géodésie, mathématiques (1870) et aviation (1913). Le second exploite l'idée de « bouleversement, renversement d'une situation » (1859), par exemple dans retournement de situation (1911).
■  RETOURNEUR, EUSE n., attesté une première fois avec le sens de « porteur de message » (XVe s.), puis de « personne qui ressasse des idées, des paroles » (1770), a une vitalité limitée. ◆  Il a été repris en technique à propos de la personne qui retourne les vêtements, en couture (1875) et de l'appareil employé en brasserie pour retourner automatiquement l'orge en germination (1934).
■  RETOURNAGE n. m. a modelé son évolution sur retourneur. Il a signifié « action de retourner » (1715), puis s'est spécialisé techniquement en couture (1927) et en brasserie (1934).
NON-RETOUR n. m., calque de l'anglais, dans point of no return « endroit sans retour », a donné lieu (années 1960) à l'expression point de non-retour d'abord à propos du point à partir duquel un avion ne peut plus revenir à son point de départ, faute de carburant, et s'emploie au figuré, pour « situation où il n'est plus possible de revenir en arrière, d'arrêter ou d'inverser une évolution ».
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