REVOLVER n. m. est emprunté (av. 1848) à l'anglais revolver, mot anglais d'origine américaine (1835) tiré du verbe to revolve « tourner », emprunté au latin revolvere « rouler en arrière » (→ révolte, révolu, révolution). Ce nom fut créé par l'inventeur, le colonel américain Samuel Colt (→ colt) pour évoquer le mouvement du magasin de l'arme (barillet) qui tourne sur lui-même. L'Académie des sciences avait signalé une invention analogue en France en 1767, décrite ainsi : « fusil qui tire vingt-quatre coups de suite, se charge, s'amorce, et s'arme par le seul mouvement circulaire du canon ».
❏
Revolver est d'abord cité en français comme mot américain avant d'être acclimaté (1853,
Dictionnaire des Arts et Manufactures). Il désigne proprement le pistolet à barillet pour lequel on a aussi dit
revolver Colt. Dans le langage technique, l'usage est rigoureux, bien que la langue courante confonde
pistolet automatique et
revolver (
pistolet reste le terme générique) et que l'on emploie
revolver pour toute arme à feu à répétition se tenant d'une seule main, munie ou non d'un barillet (1895).
■
Par analogie, le mot se rapporte au mécanisme tournant d'un appareil permettant le passage rapide de différents éléments en cours d'utilisation ; il désigne un instrument en forme de revolver ou dont l'utilisation rappelle celle de l'arme (1875, revolver photographique).
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RÉVOLVÉRISER v. tr. « tuer au revolver » (1892) n'est employé que par plaisanterie.
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REVOLVING adj. et n. m. (1964 dans
plan revolving) est un autre emprunt, dans un domaine tout différent, à un dérivé du verbe anglais
revolve, adapté en français en économie et en finance, à propos d'un crédit accordé pour un certain montant et reconstitué à mesure des remboursements (dit
crédit revolving ou
revolving).
RÉVOQUER v. tr. est la réfection savante (v. 1355) du plus ancien revochier (v. 1190), emprunté au latin revocare « rappeler, faire revenir », spécialement dans la langue poétique, « rappeler les morts à la vie » et « faire rétrograder, ramener en arrière ». À basse époque, le verbe s'est employé en droit avec les sens de « restituer », « transférer », et aussi « prendre possession de » (v. 553), « prendre, percevoir » (v. 573), et chez les auteurs chrétiens, « célébrer (la messe) ». Revocare est formé de re-, marquant le mouvement en arrière (→ re-), et de vocare « appeler » (→ vocation), de vox, vocis (→ voix).
❏
Révoquer signifie d'abord « rappeler les âmes des morts » et généralement « rappeler, faire revenir », sens bien vivant au
XVIIe s. où
se révoquer correspond à « être rappelé » (1642, Corneille), et qui ne se rencontre plus aujourd'hui que comme archaïsme d'écrivain (Gide). Les autres sens repris du latin (« redemander », « rétablir, remettre en usage ») n'eurent d'usage qu'au
XVIe siècle.
■
De l'idée de rappel, le verbe est passé à celle de destitution, de renvoi (XIVe s.) et s'est spécialisé en droit avec la valeur privative de « reprendre sa décision » d'où « annuler » (1261), réalisée de nos jours dans le cadre de l'annulation d'un acte juridique. Le sens de « se rétracter » (v. 1450, se révoquer), « rétracter ce que l'on a dit » (1552) et celui de « supprimer, calmer » dans révoquer sa mélancolie (1492), révoquer son ire (1564), ont décliné au XVIIIe s. puis disparu. La locution revoquer en doute « mettre en doute » (v. 1500) est calquée du latin revocare in dubium.
❏
RÉVOCATION n. f. est emprunté (
XIIIe s.) au dérivé latin
revocatio, -onis « rappel, action de s'éloigner », spécialisé en droit pour la faculté de regagner sa patrie
(revocatio domum), et en rhétorique pour la reprise d'un mot par insistance (Cicéron).
■
Le mot a été repris avec une valeur juridique, « annulation, abrogation », utilisée dans révocation de l'édit de Nantes (1685) qui marque la fin de la tolérance royale à l'égard des protestants, et pour ceux-ci le début d'une époque de persécutions et d'exil.
■
Il a désigné en théologie le temps de réconciliation, de retour dans le droit chemin (fin XIIIe s.), le fait de rappeler qqn d'exil (1400) et l'action de reprendre un cadeau (fin XVIe s.), tous emplois disparus. La valeur aujourd'hui dominante, « fait de destituer un fonctionnaire », apparaît au XVIIe s. (attestée 1680).
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RÉVOCABLE adj., emprunt (1307) au dérivé latin revocabilis « que l'on peut faire revenir » et « sur quoi l'on peut revenir », est apparu avec le sens juridique actuel ; il qualifie couramment ce que l'on peut révoquer (1549) et s'applique à un fonctionnaire que l'on peut destituer de ses fonctions (1680).
■
Il a pour dérivé RÉVOCABILITÉ n. f. (1789). IRRÉVOCABLE adj., aussi inrevocable (1357), irrevocable attesté au XVe s. (v. 1460) étant certainement antérieur, est emprunté au latin irrevocabilis ou inrevocabilis « que l'on ne peut modifier, irréparable », dérivé de revocabilis qui s'employait souvent avec une négation.
■
L'ancienneté de son dérivé IRRÉVOCABLEMENT adv. (1266) induit l'antériorité de l'adjectif.
■
IRRÉVOCABILITÉ n. f. (1534) est didactique.
◈
RÉVOCATOIRE adj. est emprunté (1407) au dérivé bas latin juridique
revocatorius « destiné à rappeler », substantivé au féminin
revocatoria « lettre de rappel », et employé dans
litterae revocatoriae « annulation » (
XIIIe s.).
■
Le mot se dit d'un acte qui produit une révocation.
REVOIR, 1 REVUE, REVUISTE ; REVOYURE → VOIR
2 REVUE n. f. est emprunté à l'anglais review, cité sous la forme anglaise (1708), puis revue (1711), attesté dans le sens de « publication périodique » en 1705, lui-même emprunté de l'ancien français 1 revue (alors écrit reveue) au sens de « révision » (1565). Le développement sémantique fait allusion au fait que la revue se présente comme une « révision », un « passage en revue » périodique de l'actualité, de certains événements.
❏
Le mot, d'abord employé à propos d'une publication périodique anglaise puis comme titre d'un quotidien, sous la Révolution, désigne ensuite une publication périodique plus ou moins spécialisée, souvent mensuelle (1804,
Revue de philosophie). Par une métonymie habituelle, il désigne un exemplaire de la publication (
XXe s.).
PORTE-REVUES n. m. (mil. XXe s.) est le nom donné au petit meuble de rangement pour disposer des revues, journaux et documents.
RÉVULSION n. f. est emprunté (1538, Chauliac) au latin revulsio, -onis « action d'arracher », de revulsum, supin de revellere « ôter de force, arracher », au propre et au figuré, de re- à valeur intensive (→ re-) et de vellere « arracher, déchirer », en particulier « tirer les poils, la laine, les plumes, épiler », passé en français dans des composés (→ convulsion, svelte). On rapproche le terme du gotique wilwan « dérober », et peut-être du grec haliskesthai, sans qu'il soit possible de reconstituer une famille indoeuropéenne. Un rapprochement avec le latin lana (→ laine) est rendu malaisé par le caractère de la racine (→ velours, velu, villeux, peut-être flanelle, du gallois).
❏
Le mot est un terme de médecine désignant collectivement l'ensemble des procédés thérapeutiques visant à provoquer une irritation locale (afflux sanguin) pour faire cesser un état congestif ou inflammatoire. Il désigne aussi, par métaphore (1843), l'effet de ce qui révulse, bouleverse.
❏
RÉVULSIF, IVE adj. est une formation savante (1538) sur le radical du latin
revulsum, qualifiant, en médecine, les remèdes provoquant une irritation locale ; il est substantivé au masculin (1814) par ellipse de
remède.
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RÉVULSER v. tr. est un dérivé savant (1845) du latin revulsum, fournissant un verbe correspondant à révulsion. Il signifie en médecine « faire affluer le sang au moyen d'une révulsion ».
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La forme pronominale se révulser est employée dans l'usage général en parlant des yeux qui se retournent à moitié sous l'effet d'une émotion violente (1886), et d'une réaction physique exacerbée (1895, Huysmans), d'une partie du corps qui se crispe dans un spasme (1891) par influence probable de convulser. De là, révulser s'emploie au sens de « retourner, bouleverser le visage, les yeux » (XXe s.) et, au figuré « bouleverser par un effet pénible, négatif ».
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RÉVULSÉ, ÉE, le participe passé de révulser, est adjectivé (av. 1867, Baudelaire) pour qualifier des yeux retournés sous l'effet d'un choc violent, une partie du corps rejetée en arrière par une contraction violente, un visage aux traits bouleversés.
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RÉVULSANT, ANTE, le participe présent, est quelquefois employé adjectivement avec le sens figuré de « qui révolte » (v. 1950).
REWRITING n. m. est l'emprunt (1945) du terme de journalisme américain rewriting « adaptation, remaniement d'un texte, d'un scénario en vue de sa publication », de to rewrite « écrire en réponse à qqn » (XVIe s.), puis « adapter, mettre au point ou remodeler la rédaction de » (1730) ; le verbe est composé de re- (→ re-) et de to write « écrire ». Celui-ci, du vieil anglais wrítan, appartient à une racine germanique wrīt- également dans l'ancien saxon wrîtan, l'ancien haut allemand rîzan (allemand reisen), l'ancien nordique ríta (norvégien rita, vrita, suédois rita).
❏
En français, le mot, répandu dans l'usage journalistique, a pris par extension le sens de « nouvelle version réécrite » (1956), là où l'américain dit rewrite ou remake (→ remake) qu'on a proposé de remplacer par réécriture et adaptation.
❏
1 REWRITER n. m., d'abord
rewrighter (1957) puis
rewriter (1958), est emprunté à l'anglo-américain
rewriter (1912), synonyme de
rewrite man (1901), de
to rewrite et de
man « homme ».
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Cet emprunt sert à désigner la personne chargée du « rewriting » dans un bureau de rédaction ou pour une maison d'édition, la presse, le cinéma. On a proposé de le remplacer par adaptateur et, officiellement, par rédacteur-réviseur. Il reste cependant usité, comme le verbe 2 REWRITER v. tr. (1952) tiré de rewriting et adaptant le verbe anglais to rewrite. Réécrire et, plus précisément, rerédiger conviendraient.
REXISME n. m. est le nom d'un mouvement d'extrême-droite, inspiré par le fascisme, fondé en Belgique en 1935 par Léon Degrelle, qui dirigeait la revue Rex, allusion au pouvoir absolu antique (Degrelle était maurrassien).
REZ-DE-CHAUSSÉE, REZ-DE-JARDIN → CHAUSSÉE, JARDIN
REZZOU n. m., écrit r'zou en 1883 (rezzou en 1897), est emprunté à l'arabe maghrébin, variante de l'arabe classique ǧaw « troupe armée pour faire des incursions », de même origine que le mot adapté en razzia. Dans le contexte colonial, le mot s'est appliqué aux groupes armés faisant des razzias, ainsi qu'à l'attaque surprise qu'ils pratiquaient.
RH, ainsi écrit, est le symbole chimique de rhodium, et aussi l'abréviation de rhésus, alors que RH n. m., prononcé en épelant, désigne (1958), par l'initiale de réduction et H, symbole de l'hydrogène, le potentiel d'oxydoréduction d'un corps.
RHABDOMANCIE n. f. est composé (1579 écrit rhabdomantie) du grec rhabdos « baguette » et manteia (francisé en -mancie).
❏
Le mot désigne la divination et spécialement la découverte de sources, mines, trésors, à l'aide d'une baguette divinatoire.
❏
RHABDOMANCIEN, IENNE n. (1836) correspond plus ou moins à radiesthésiste.
RHABILLER et dérivés → HABILLER (à 2 BILLE).
RHAPSODE n. m., d'abord rapsode (1552) puis, avec restitution du h étymologique, rhapsode (1670), est emprunté au grec rhapsôdos désignant le chanteur qui allait de ville en ville en récitant des poèmes homériques et épiques. Le mot est composé de rhaptein « coudre, ajuster en cousant », mot d'origine obscure, et de ôdê : « chant » (→ ode) ; signifiant proprement « celui qui coud ou ajuste des chants », il se serait appliqué à la composition linéaire de l'épopée narrative, par opposition aux strophes lyriques. Tarditi y voit un terme péjoratif désignant des épigones de la poésie épique.
❏
Le mot, repris comme terme d'antiquité grecque, s'est quelquefois employé péjorativement, d'après la valeur prise par rhapsodie, à propos de l'auteur d'un amas de choses sans valeur (1670).
❏
RHAPSODIE n. f. est emprunté (1582) au grec
rhapsôdia, dérivé de
rhapsôdos, qui désigne la récitation d'un poème, un poème épique par opposition à la poésie lyrique, puis un poème en général, en particulier un morceau détaché ou un chant homérique, et s'emploie quelquefois en mauvaise part avec le sens de « récit usé ».
■
Le mot, aussi écrit rapsodie, a été repris comme terme d'antiquité grecque. À la fin du XVIe s., il s'emploie péjorativement à propos d'un assemblage disparate de vers médiocres, de mauvaise prose (1588). De ce sens figuré, aujourd'hui sorti d'usage, procèdent des valeurs ultérieures : « affaire ridicule » (Saint Simon), « mauvais ragoût composé de viandes ou de légumes mal associés » (1842), sorties d'usage.
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Avec une valeur méliorative, le mot a été choisi par le musicien tchèque V. J. Tamasek, qui publia quelque cinquante ans avant Liszt six fantaisies pour piano sous le titre de Rhapsodies (attesté 1836), puis par Liszt « pour désigner l'élément fantastiquement épique..., l'expression de certains états d'âme dans lesquels se résume l'idéal d'une nation » (1859).
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Le dérivé RHAPSODER v. tr. (1666 rapsodier) « mal arranger, parler à tort et à travers », péjoratif, est archaïque.
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RHAPSODIQUE adj., enregistré par l'Académie en 1842, est emprunté au dérivé grec
rhapsôdikos : « qui concerne les rhapsodes, de rhapsode ». L'adjectif qualifie une composition formée de fragments ; depuis l'emploi qu'en a fait Baudelaire, par calque de l'anglais
rhapsodical chez Poe, il caractérise ce qui évoque une rhapsodie par le décousu, la fantaisie désordonnée, (1852). Il sert également d'adjectif à
rhapsodie (1875).
RHÈME n. m. est un hellénisme, le grec rhêma « mot, parole » étant dérivé de eirein « dire » (→ rhéteur, rhétorique). Dans son emploi en linguistique et en logique, il a le sens que lui donnait en anglais Charles S. Peirce (1897) : « information apportée dans l'énoncé à propos d'un thème », rhème et thème correspondant à prédicat et sujet dans la logique classique.
RHÉNAN, ANE adj. est emprunté (1808) au latin rhenanus, de Rhenus « le Rhin », d'un radical celtique ren (Renos ?), repris par les langues germaniques.
❏
Il signifie « relatif au Rhin, aux régions où passe le Rhin (Rhénanie) ». En géographie, on parle du Massif schisteux rhénan.
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L'adjectif qualifie aussi ce qui est relatif aux deux länder allemands de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et de Rhénanie-Palatinat.
RHÉOSTAT n. m. est emprunté (1844) à l'anglais rheostat (1843, Wheatstone), terme technique désignant une résistance variable qui, intercalée dans un circuit, permet de régler l'intensité du courant électrique. Le mot est formé de rheo-, élément de composition du verbe grec rhein « couler, s'écouler » (→ -rrhée) et du grec statos « stationnaire », « qui se tient raide », de histanai, forme à redoublement de °sista- : « placer debout » qui se rattache à la racine indoeuropéenne °sta- : « être debout », présente dans un grand nombre de mots grecs, latins (→ station) et, dans une moindre mesure, germaniques, repris en français.
❏
Le mot a été repris avec le sens de l'anglais.
❏
Le dérivé
RHÉOSTATIQUE adj. (1877), attesté avant l'anglais
rheostatic (1878), semble dérivé en français.
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De nombreux composés en RHÉO- ont été formés dans le domaine de la physique (électricité, mécanique des fluides) et de la biologie : l'élément réalise l'idée de « courant électrique » et d'« écoulement de la matière ». Les plus importants ont été fomés en anglais, comme RHÉOMÈTRE n. m. (rheometer, 1839 ; le mot est francisé en 1844) pour « régulation du débit » ; RHÉOLOGIE n. f. (1943 ; angl. rheology, 1928 — voir ci-dessous), ou en allemand, comme RHÉOTAXIE n. f. (créé par Herbst, 1894, attesté en 1904 en français), variété de RHÉOTROPISME n. m. (Jönsson, 1883 ; rheotropismus), « tendance d'une plante à modifier sa direction de croissance sous l'influence d'un courant d'eau ».
◆
La rhéologie, en physique, désigne la partie de la mécanique qui étudie le comportement de la matière en fonction de la viscosité, de la plasticité, de l'élasticité comme facteurs de contraintes et de déformations (en résistance des matériaux).
RHÉSUS n. m. est l'emprunt en zoologie (1799, J. B. Audebert) du latin Rhesus (grec Rhêsos), nom d'un prince légendaire de Thrace qui vint au secours de Troie pendant la dernière année du siège et qui fut tué par Ulysse et Diomède. L'attribution du nom à un singe est inexpliquée.
❏
Le mot est d'abord issu du latin zoologique (
Siwia Rhesus, puis
Macacus Rhesus) puis (déb.
XIXe s.) du français
(rhesus macaque) ; il désigne le macaque à courte queue de Buffon, considéré plus tard comme un genre distinct parmi les macaques (1840, Lesson).
■
Le singe étant couramment employé dans les expériences scientifiques, rhésus désigne un facteur agglutinogène dont la présence ou l'absence dans le sang détermine un système de groupes sanguins, d'abord dans facteur rhésus (1945) puis en emploi autonome. Les chercheurs Wiener et Landsteiner ont mis en évidence ce facteur en injectant du sang de singe rhésus dans l'oreille d'un lapin en 1940 (le mot est attesté en anglais en 1941).
RHÉTIQUE adj. est un emprunt (1732) au latin rhaeticus, de Rhaetia « la Rhétie », région des Alpes orientales, entre Rhin et Danube.
❏
Le mot s'applique à ce qui concerne la Rhétie.
◆
Le rhétique n. m. désigne une langue ancienne du groupe italo-celtique, l'adjectif s'appliquant parfois au rhéto-roman (ci-dessous).
❏
RHÉTIEN, IENNE adj. qualifie les Alpes de Rhétie (1636), puis est repris en géologie (1813) pour « qui concerne un étage du trias » (bien représenté dans les Alpes orientales).
■
RHÉTO-ROMAN, ANE adj. (v. 1870) qualifie ce qui concerne les dialectes romans parlés en Rhétie (Suisse orientale : Grisons, Tyrol, Frioul), aussi appelés romanche, ladin.
◆
Le mot s'emploie aussi comme nom masculin, désignant l'ensemble de ces parlers.
1 RHÉTORIQUE n. f. est emprunté (v. 1130) au latin rhetorica, repris au grec rhêtorikê (tekhnê) « art de l'éloquence », féminin substantivé de l'adjectif rhêtorikos « qui concerne les orateurs, l'art oratoire », de rhêtôr (ci-dessous rhéteur). L'art de la rhétorique a d'abord été défini comme celui de parler en public, comme celui de l'orateur de l'agora, du forum, de la curie, puis en général de la technique pour bien parler et bien écrire, c'est-à-dire convaincre et persuader l'auditeur ou le lecteur. Historiquement, les règles d'Empédocle (Ve s. av. J.-C.), de Corax et Tisias (Ve s. av. J.-C.) en Sicile, ont été recueillies, enrichies et codifiées en un système complet par deux ouvrages d'Aristote, la Rhétorique (v. 330 av. J.-C.) et la Poétique (v. 334) qui, tout en distinguant les deux notions, montraient soigneusement leur interdépendance, de plus en plus affirmée par la suite. L'héritage grec a été recueilli à Rome par Cicéron (De oratore, 55 av. J.-C.) et Quintilien (De institutione oratoria, v. 95).
❏
Le mot a été emprunté très tôt par l'ancien français savant avec la variante
rectorique (
XIIIe s.) désignant l'ensemble des procédés constituant l'art de l'éloquence orale et écrite, d'où
fleurs de rhétorique (fin
XVe s.) et, plus tard,
figures de rhétoriques (1671). Par métonymie, le mot désigne un ouvrage traitant de cet art (v. 1278), en l'occurrence d'abord un ouvrage de Cicéron.
◆
Il s'emploie aussi avec une valeur dépréciative, visant un déploiement d'éloquence pompeuse pour persuader (v. 1360), puis tout discours emphatique et vide (1655, Molière).
■
En ancien et moyen français, le concept, très étendu, comprenait l'art de l'expression en vers, par opposition à la prose (v. 1350) et la technique de la versification (v. 1480) nommée aussi poétique. On distinguait au XVe s. la première rhétorique, en prose, et la seconde rhétorique, la poétique.
■
Par métonymie, le mot est devenu le nom d'une classe de l'enseignement secondaire où l'on enseignait particulièrement la rhétorique (1591), nommée aussi classe de rhétorique. Le mot, remplacé en France par (classe de) première en 1885, s'est encore employé pendant quelque temps, et s'emploie aujourd'hui dans le système éducatif belge pour la classe terminale classique du secondaire supérieur. Abrév. fam. RHÉTO n. f.
■
L'appellation chambres de rhétorique, enregistrée par Littré (1870), est un terme d'histoire désignant des sociétés littéraires qui se formèrent au XIVe s. en Flandre et en Artois.
❏
Le dérivé
RHÉTORICIEN, IENNE n. et adj., d'abord
rettoricien (v. 1370) puis
rhétoricien (fin
XIVe s.), désigne la personne qui connaît et pratique l'art de la rhétorique, s'appliquant surtout, de nos jours, à un spécialiste de la rhétorique et de ses techniques. Le moyen français et le français classique possèdent d'autres sens : « celui qui connaît l'art de la composition littéraire et le pratique, spécialement en poésie » (
XIVe s.), « auteur de traités sur la rhétorique » (déb.
XVIe s.), « professeur de rhétorique dans un collège » (1671) et « élève qui étudie la rhétorique » (1680, abrégé familièrement en
rhéto dans l'argot scolaire du
XIXe s. 1888), tous sortis d'usage. Le mot est adjectivé pour qualifier ce qui a trait à la rhétorique (fin
XIVe s.).
◈
RHÉTORIQUEUR n. m. (av. 1493, G. Coquillart) a été formé d'après le moyen français
rhétoriquer « parler selon les règles de la rhétorique » (fin
XIVe s.). C'est un terme d'histoire littéraire désignant, surtout dans l'appellation (imposée au
XIXe s.)
les grands rhétoriqueurs, des poètes de la cour de Bourgogne comme Olivier de la Marche, Georges Chastellain et surtout Jean Molinet, bientôt imités au
XVe s. par des poètes de la cour de France (Jean et François Robertet, Octavien de Saint-Gelais, Guillaume Crétin, Jean Lemaire de Belges, dans une certaine mesure Jean Marot) qui avaient le goût de l'hyperbole et de la virtuosité, une tendance au culte de la forme et de la gloire. Le sens d'« écrivain ou orateur utilisant abondamment les procédés rhétoriques » (av. 1493), sorti d'usage, est peu distinct de
rhéteur et de
rhétoricien.
◈
2 RHÉTORIQUE n. m. et adj. est emprunté (fin
XIVe s.) au latin
rhetoricus, lui-même emprunté au grec
rhêtorikos (→ 1 rhétorique).
■
Le mot, qui s'est aussi écrit rhetoric (v. 1510), a été repris comme désignation de celui qui connaît tous les secrets de la composition littéraire, avant d'être supplanté par rhéteur*, rhétoricien*.
◆
L'adjectif a d'abord eu le sens de « conforme aux lois d'une composition littéraire harmonieuse » (v. 1510), avant de prendre la valeur neutre de « relatif à la rhétorique » (1611).
■
RHÉTORIQUEMENT adv. (1380) est aussi didactique et plus rare que l'adjectif.
◈
RHÉTEUR n. m. est emprunté (1534) au latin
rhetor, nom donné à l'orateur, à celui qui enseigne l'art de l'éloquence, lui-même repris au grec
rhêtôr de même sens, quelquefois employé en mauvaise part et dit également de celui qui prononce une sentence, le juge. Le mot est dérivé de
eirein « dire, déclarer », qui se rattache à la racine indoeuropéenne
°werə-/
°wre- exprimant l'action de proférer, de dire une formule, d'où « dire », et que le latin a dans
verbum (→ verbe).
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L'ancien français avait formé antérieurement le dérivé rectoriien (v. 1200), retorien (1213), rhetorien (v. 1214) en adjoignant au latin le préfixe -ien marquant l'appartenance à un groupe ; celle-ci fut supplantée au XVIe s. chez les théoriciens de la littérature par l'emprunt latin.
■
Repris pour désigner celui qui fait profession d'enseigner l'art de l'éloquence, d'abord en parlant de l'antiquité, rhéteur s'applique ensuite à un professeur de rhétorique (1728), à un auteur d'ouvrages sur la rhétorique (1798). Ces acceptions sont sorties de l'usage avec le déclin de l'enseignement de la rhétorique, puis remplacées par les dérivés de rhétorique. Le mot ne s'emploie guère que dans le contexte antique et dans un sens péjoratif, « homme au discours apprêté, emphatique et déclamatoire » (1694), que lui a donné l'évolution du goût.