3 RIFLARD ou RIFLOT n. m., de la même famille que le verbe rifler « se goinfrer » (1829), s'est employé en argot comme nom, pour « richard » (1904) et comme adjectif (1881) pour « riche » ou encore « bien habillé, chic ». Il a cessé d'être employé dans les années 1910-1920.
1 RIFLE n. m., d'abord cité comme mot anglais (1831), est un emprunt à l'anglais rifle, d'abord (1751) « rainure d'un canon de fusil », de to rifle « faire des rainures », lui-même emprunté au XVIIe s. du français rifler « racler, égratigner » (→ 1 riflard). Comme nom d'arme à feu, rifle est un américanisme (1772) dont le sens viendrait des armuriers allemands de la Pennsylvanie et qui serait à rapprocher directement de l'allemand Riffel « crête d'une cannelure, cannelure » et « rainure d'un canon ». Le mot allemand, s'il repose bien sur la racine indoeuropéenne *ru- « briser, frotter » (Wahrig), serait apparenté lointainement à ruer*, ruine*. Mais cette racine est « médiocrement établie » (Ernout-Meillet).
❏  Le mot, d'abord féminin désigne une carabine à long canon rayé, à l'origine, dans un contexte nord-américain. Il ne s'emploie plus guère que dans l'expression 22 long rifle (1919 à propos d'une carabine), par analogie, pistolet 22 long rifle, et par ellipse un 22 long rifle (1919), calque de la syntaxe anglaise.
? 2 RIFLE n. m., attesté très tard (1978), est d'origine inconnue ; le provençal rifle, d'origine germanique, désigne un jeu de cartes. Ce mot régional de France (du Centre et du Sud-Ouest, de Toulouse aux Pyrénées orientales) désigne le jeu de loto, ailleurs appelé quine.
RIFT n. m. est emprunté (1942) à l'anglais, dans Rift valley, désignant en géographie une dépression, une vallée entre deux lignes de faille (de rift « fissure »). Le grand rift africain, qui s'étend de la vallée du Jourdain au Malawi, présente une succession de plaines et de grands lacs ; cette zone est riche en restes de paléontologie humaine.
RIGATONI n. m. pl. est pris à l'italien, où le mot est le pluriel de rigatone, augmentatif en -one de riga « rayure ». Passé en français après d'autres noms de pâtes, et moins intégré, le mot, francisé comme masculin (pluriel rigatonis), désigne des pâtes alimentaires formant des tuyaux assez gros et striés.
RIGAUDON → RIGODON
RIGIDE adj. est emprunté (1457) au latin rigidus « raide, dur, sévère, inflexible » (→ raide), dérivé de rigere « être raidi, insensible », souvent employé, comme tous les mots de la même famille, avec l'idée accessoire de froid ; Cicéron oppose rigere frigore « être transi de froid » à uri calore « brûler de chaud ». Ainsi, alors que l'étymologie du mot n'est pas éclaircie, l'usage a rapproché rigidus et frigidus (→ frigide) ; pour cette raison, les formes romanes de frigidus (italien freddo, français froid) supposent en partie un i ouvert (Cf. aussi le doublet populaire roide, raide).
❏  L'adjectif se dit, comme en latin, d'une personne inflexible appliquant à la lettre pour soi et pour autrui les règles et lois édictées. Par extension, il qualifie une chose portant à une attitude intransigeante (1542).
■  Le sens concret, « qui ne plie pas », semble second (1523) ; il s'est aussi bien implanté que le sens psychologique.
❏  Le mot a produit RIGIDEMENT adv. (1573), peu usité en emploi concret, et RIGIDIFIER v. tr. (1885), renforcement expressif de raidir.
RIGIDITÉ n. f. est emprunté (1641) au dérivé latin rigiditas, -atis « raideur », « inflexibilité ». ◆  Le mot désigne le caractère d'une personne rigide, qui applique à la lettre les règles. Par métonymie, il se dit du caractère d'une chose comportant une contrainte rigoureuse (av. 1703). Le sens concret est d'abord appliqué spécialement à l'anatomie pour « manque de souplesse des muscles » (1761), puis devient général (1782), d'où rigidité cadavérique (1857) « état d'un corps solide résistant aux efforts tentant de le déformer » (1870). Le mot est employé en termes de manège à propos du manque de souplesse de la monture ou du cavalier (1870) et, en électricité, à propos de la propriété d'un isolant de s'opposer au passage d'une étincelle électrique.
❏ voir RAIDE, RIGUEUR.
? RIGODON n. m. (1673, Mme de Sévigné), également rigaudon (1694), est d'origine incertaine. On a évoqué, sur la foi d'une indication vague donnée par J.-J. Rousseau dans son Dictionnaire de musique, que le mot viendrait d'un Rigaud, l'inventeur présumé de cette danse. P. Guiraud apparente avec vraisemblance le mot à gaudir « se réjouir » (→ joie), dont le moyen français présente une forme composée se régaudir « se divertir », se rigaudir en Poitou.
❏  Le mot désigne une danse des XVIIe et XVIIIe s., vive et gaie, qui se pratiquait en levant haut la jambe sur un rythme à deux temps. Par métonymie, il désigne aussi l'air sur lequel se pratiquait cette danse (1694). Il est passé dans le langage militaire (1907) pour une sonnerie ou un mouvement de fanion signalant, au champ de tir, qu'une balle est placée au centre de la cible. Par métonymie, il désigne cette balle. Le mot, sorti d'usage avec ce qu'il désigne, conserve un pouvoir évocateur, utilisé notamment par Céline.
RIGOLE n. f., d'abord regol n. m. (v. 1210) puis rigolle (1339) et rigole (1482), surtout employé dans l'extrême nord de la France, en ancien et moyen français, est emprunté au moyen néerlandais regel « rangée, ligne droite », richel « fossé d'écoulement dans l'étable » eux-mêmes empruntés au latin regula (→ règle), la variation de la première syllabe du néerlandais expliquant l'hésitation du français entre re- et ri-. Cependant, P. Guiraud, évoquant l'existence parallèle de rigola, regola en provençal (XVe s.), préfère rattacher le mot au latin impérial riguus « qui arrose » et « arrosé », dérivé de rigare « arroser, répandre pour arroser » (→ irriguer), rigua désignant chez Pline des conduits d'arrosage. La forme en e pourrait procéder d'un croisement de riguus avec regula au moins en provençal, où la fermeture du de la syllabe initiale en i est un phénomène bien attesté.
❏  Le mot désigne un canal étroit ménagé pour l'écoulement ou l'arrivée d'eau. Par analogie de forme, il se dit d'une petite tranchée creusée pour recevoir les fondations d'un mur de clôture (1660), d'un sillon peu profond dans lequel on sème des graines, où l'on dispose de jeunes plants (1690). ◆  Par analogie de forme et de fonction, il désigne la rainure tracée dans les pièces d'appui d'une fenêtre pour évacuer l'eau (1932).
❏  Le dérivé 2 RIGOLER v. tr. (1297) signifiait « bien creuser (un fossé) pour que l'eau puisse couler librement ». Il a été repris pour « couper (un pré) par des rigoles » (1801).
■  Il a produit RIGOLAGE n. m. (1842) et RIGOLEUSE n. f. « charrue employée pour établir de petits fossés d'irrigation ou d'assèchement dans les prairies » (1904).
? 1 RIGOLER v. intr., attesté depuis le XIIIe s. mais nécessairement plus ancien que son dérivé rigolage (v. 1175), est d'origine discutée ; on a évoqué un croisement de rire* et de régaler*. Plus souvent, on fait provenir ce verbe de la tendance des parlers gallo-romans à former sur rire* des verbes suffixés qui en modifient un peu le sens tels rioter « rire un peu », riocher, riauder « rire d'un air niais » ; ou encore riole n. f. « partie de plaisir », quand on a senti le besoin de former un substantif. Rigoler pourrait être un croisement de °rioler avec le synonyme gale, ou le verbe galer « s'amuser, mener joyeuse vie » (→ galant). P. Guiraud penche pour une formation à partir d'une base ric-, rig- (rigoler, ricaner*, richoler, richonner) représentant le dérivé latin ridicare, de ridere (→ rire) aboutissant à un verbe simple °riquer, °riguer qui n'aurait pas laissé de traces.
❏  La construction transitive « se moquer de (qqch.) » et le pronominal se rigoler « s'amuser » (1306) sont sortis d'usage. La construction intransitive, « s'amuser beaucoup, plaisanter » (fin XIIIe s.) s'est appliquée dans l'usage populaire au fait de se réjouir, boire, manger entre amis (1665) et de faire l'amour.
■  L'usage moderne de l'intransitif pour « rire, s'amuser beaucoup » (1808) et « ne pas parler sérieusement » (1875), familier, est concurrencé par des synonymes comme se marrer.
❏  Le seul dérivé ancien de rigoler encore vivant est RIGOLEUR, EUSE adj. (XVe s.) qui a perdu le sens de « railleur ». Il qualifie la personne qui aime rire et (1580, puis XIXe s.) prendre du bon temps et, par métonymie, ce qui exprime la gaieté, ce qui est d'apparence enjouée.
■  Il subit la concurrence de RIGOLARD, ARDE adj. (1867) « qui aime à rire » et, par métonymie, « qui exprime l'amusement » (déb. XXe s.).
■  RIGOLADE n. f. (1815) a d'abord été synonyme de « fantaisie » avant de s'employer pour « amusement, divertissement » (1844) et, métonymiquement, « chose dite pour faire rire, par dérision » (1877) d'où « chose non sérieuse, sans importance ou sans difficulté » (1875). Il signifie aussi « chose très facile à faire ou à obtenir ». À la rigolade, « de manière peu sérieuse », « à la légère », est aussi d'usage familier.
■  1 RIGOLO, OTE adj. et n. (juin 1848, Le Gamin de Paris) a suivi le même développement que drôle, signifiant « amusant » et prenant la nuance d'« étrange, bizarre, curieux » (milieu XXe s.), peut-être par l'intermédiaire de l'emploi substantivé (un rigolo), pour désigner une personne amusante (1873), et donc, que l'on ne peut pas prendre au sérieux (1946). Le mot est devenu assez péjoratif, comme clown, guignol, charlot... RIGOUILLARD, ARDE adj. (1894), de rigolo avec un suffixe argotique, signifie aussi « très amusant » ; il a vieilli.
L'homonyme 2 RIGOLO n. m., argotique, a désigné (1865) une pince-monseigneur, avant de s'appliquer (1886) à un pistolet, un revolver. Son origine est inconnue, s'il n'est pas un emploi comique de 1 rigolo — on peut mettre en rapport, pour le second sens, un drôle de pistolet et un rigolo.
RIGOLBOCHE adj. et n. (1860), dérivé du verbe avec un suffixe qu'il doit peut-être à bamboche*, apparaît en 1860 dans le titre Mémoires de Rigolboche, du nom d'une danseuse qui l'aurait créé en 1858 au Prado, en lançant à des agents de police qui tentaient de séparer deux femmes qui se battaient : « laissez-les donc, c'est plus rigolboche ». Le mot, intensif populaire de rigolo, était encore bien vivant au début du XXe s. en rapport formel avec ribouldingue.
2 RIGOLER → RIGOLE
RIGOLLOT n. m., nom d'un cataplasme en papier sinapisé (1875), vient de Rigollot, nom de l'inventeur. Le nom est déposé comme marque.
RIGOTTE n. f. (1890 à l'écrit) semble être une forme régionale (franco-provençale) de ricotte, francisation ancienne (XVIe s.) de l'italien ricotta*. Le mot désigne un petit fromage plat, cylindrique, mélange de lait de chèvre et de vache.
RIGUEUR n. f. est formé par changement de suffixe (v. 1283) sur rigor (fin XIIe s.), emprunt au latin rigor, -oris « raideur, dureté, rigidité », en particulier « raideur causée par le froid » et, au figuré, « inflexibilité, sévérité ». C'est un dérivé de rigere « être raide » (→ rigide).
❏  Le mot s'applique à la sévérité, l'inflexibilité, l'austérité et, par métonymie, à la manière stricte d'appliquer les lois (v. 1283). Il s'emploie couramment dans la locution tenir rigueur à (1559), d'abord tenir la rigueur à « garder du ressentiment pour » (1538). ◆  Par extension, il s'applique au caractère d'une obligation stricte, d'une règle que l'on ne peut enfreindre impunément (XIVe s.), sens dont participe l'expression biblique loi de rigueur désignant la loi de Moïse (1870), par opposition à la loi nouvelle dite loi de grâce.
■  Par métonymie, le pluriel des rigueurs désigne les traits de sévérité, des dispositions répressives (1588), des actes d'austérité (1651). ◆  Les autres nuances psychologiques, « ingratitude, révolte » (XVIe s.) et « cruauté » (XVe s.), sont sorties de l'usage, tandis que l'emploi du mot à propos de l'insensibilité d'une femme à l'égard d'un homme appartient au vocabulaire galant du XVIIe s. (1667, Racine), comme l'emploi métonymique du pluriel : les rigueurs d'une femme.
■  Le sens de « caractère de ce qui est dur à supporter » (déb. XVe s.) réactive une valeur étymologique du mot lorsqu'il s'applique au caractère âpre du froid (1580, la rigueur de l'hiver). Le mot désigne aussi l'exactitude inflexible d'une chose, d'un principe, d'une règle, etc. (1549), spécialement dans juges de rigueur (1694) « qui doivent se prononcer selon la rigueur de la loi ».
■  Ce sens a dû faciliter le passage de l'ordre moral à l'ordre intellectuel et au sens de « caractère d'une recherche méthodique et précise ne laissant pas de place au doute et à l'équivoque » (1580) spécialement dans le domaine des arts et de l'expression.
■  L'ancienne locution a rigueur (1458) « de manière exacte, stricte », est devenue à la rigueur (1501), par extension « en allant jusqu'à la limite de ce qui est acceptable » (av. 1869) et « en cas de nécessité absolue » (1875), seuls emplois en usage en français contemporain. De rigueur loc. adj. (1690) a conservé sa valeur initiale « imposé par l'usage, le règlement », spécialement dans être de rigueur « être indispensable » (1798) et délai de rigueur (1877). En toute rigueur loc. adv. (1671) a relayé à la rigueur pour « de manière rigoureuse et stricte ». ◆  L'une des connotations essentielles du mot, dans la seconde moitié du XXe s., concerne une gestion, une politique financière stricte où les dépenses sont limitées et contrôlées.
❏  RIGOUREUX, EUSE adj., réfection (XVe s.) de rigoreux (1385, mais antérieur comme l'indique son dérivé rigoureusement) est emprunté au latin tardif rigorosus « très froid », « sévère, inflexible », dérivé de rigor.
■  Le mot n'a pas les mêmes emplois que rigueur ; le sens moral fort de « sévère, inflexible », aujourd'hui marqué, a décliné au profit de ceux de « pénible, difficile à supporter » (fin XIVe s.), spécialement en parlant du froid (1640), « exact, d'une perfection incontestable » (v. 1530) et, dans le domaine intellectuel, « qui procède avec une grande précision ».
■  Le dérivé RIGOUREUSEMENT adv. apparaît (v. 1220) au sens physique de « avec une grande vigueur » qui suppose pour l'adjectif une valeur correspondante, et a rapidement disparu.
■  Le sens moral fort, « avec beaucoup de sévérité » (XIVe s.), est devenu archaïque. De nos jours, le mot signifie surtout « avec une exactitude scrupuleuse » (1559) et « d'une manière incontestable, absolument » (1798), par exemple dans rigoureusement exact, vrai.
Le sens moral fort de rigueur survit dans RIGORISTE adj. et n. (1683), dérivé savant du latin rigor pour qualifier et désigner la personne qui fait preuve d'un attachement farouche au respect des règles morales ou religieuses les plus austères.
■  Il a produit RIGORISME n. m. (1696), quelquefois employé par extension dans un domaine non religieux et non éthique au sens d'« aspect sévère » (1837).
RIKIKI → RIQUIQUI
RILLES n. f. pl., mot attesté au singulier (rille, reille, reylle) au XVe s. (1456), est issu du latin regula au sens de « bande, lanière ». C'est une variante spécialisée de l'ancien français reille au sens de « barre » (fin XIe s.) et « latte » (XIIIe s.). En français, le mot a désigné un morceau de viande de porc ou de lard (aujourd'hui rillot, ci-dessous). Le sens moderne semble correspondre au dérivé rillé n. m. employé par Rabelais (1546). Au pluriel avec son sens actuel, il ne s'est maintenu que dans les régions où les dérivés ne se sont pas imposés : dans l'ouest de la France, notamment.
❏  Détrôné par rillettes en français central, le mot rilles est encore en usage en Mayenne, dans la Sarthe, en Normandie pour cette préparation de charcuterie. Les grosses rilles sont des rillettes avec des morceaux de viande de porc. La même préparation est appelée rillons, grattons, fritons, dans d'autres régions. Tous les mots de la série, à part rillettes devenu usuel dans toute la France et parfois au-delà, appartiennent à la zone de l'Ouest, où ces préparations ont pris une importance particulière.
❏  RILLETTES n. f. pl. est originaire de l'ouest de la France (Touraine) et est dérivé (1835, Balzac) de rilles, avec le suffixe diminutif. D'abord exclusivement réservé aux préparations de porc, rillettes a depuis les années 1960-1970 d'autres emplois (rillettes d'oie, de canard, rillettes de thon, de sardines...).
Du même rilles sont dérivés les mots régionaux RILLONS n. m. pl., d'abord rillon au singulier (1611) puis rillons (1835, Balzac) « résidus de viande de porc que l'on fait cuire pour en obtenir la graisse et petits morceaux de porc cuits dans la graisse et servis froids », et RILLOT n. m. (1921) ou RILLAUD « petit morceau de viande de porc ».
L RIMAYE n. f. est un emprunt (1839) à un mot dialectal savoyard, issu d'un dérivé du latin rima « fente », rimata « fendue », du verbe rimare. Le mot désigne une crevasse et, en géographie, une crevasse marquant le début d'un écoulement glaciaire, entre roche et névé ou entre névé et glacier. Mur de rimaye se dit de la paroi d'un cirque glaciaire surmontant une rimaye.
2 RIMER v., dans un tout autre contexte que rimaye, remonte à la même origine latine. Attesté en français chez Rabelais, c'est un emprunt au provençal rimar « gercer » (variante rumar « se ratatiner ») qui vient du latin rima. Il a eu dans le sud de la France le sens de « s'attacher au fond de la casserole ». Cf. cramer, et aussi (Sud-Ouest) au pronominal se rimer « se gercer, s'échauffer (de la peau) ».
? RIME n. f. (v. 1160) est d'origine discutée. L'étymologie traditionnelle le fait remonter au latin rhythmus (→ rythme), également rythmus, rithmus, emprunt au grec, employé en latin médiéval pour désigner le vers simplement accentué par opposition au vers métrique (metrum) fondé sur la quantité. L'identité de consonance entre les terminaisons accentuées étant un trait fréquent du vers cadencé, rhythmus aurait désigné cette consonance. Cette étymologie n'est pas très satisfaisante sémantiquement, car le vers accentué n'a été défini par la rime que postérieurement, et elle se heurte à l'inexistence de formes telles que °ritme ou °ridme en ancien français : les graphies avec h ont été introduites d'après l'étymon par les lettrés du XVIe siècle. De même, l'anglais rime, emprunté au français (v. 1200), a été la seule forme jusqu'au milieu du XVIe s., lorsque le retour aux formes classiques a conduit à la nouvelle graphie rithme, rythme, rhythm, vivante jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Le besoin de distinguer rime de rythme a conduit à la graphie intermédiaire rhyme (1610, une première fois rhime en 1565).
■  Une seconde étymologie, défendue par Wartburg, fait de rime un emprunt au francique °rîm « série, nombre », dont l'existence est postulée par l'ancien haut allemand rîm ; ce mot peut avoir désigné une suite, une série de vers semblables et, de là, l'identité phonétique de plusieurs vers formant une suite ; ceci reste très hypothétique. Le genre masculin du mot germanique serait conservé dans l'ancien provençal rim et dans l'allemand Reim, emprunté au gallo-roman ; le féminin du mot français s'explique si l'on en fait le déverbal de rimer, lui-même dérivé du substantif en gallo-roman ou représentant d'un verbe francique °rîman, tiré de °rîm. En anglais, le retour à cette étymologie explique la nouvelle faveur de la graphie rime (par rapport aux formes avec th), depuis 1870 environ, chez les philologues et les écrivains.
■  Une troisième hypothèse est défendue par P. Guiraud pour qui « l'origine allemande d'un terme rhétorique est très improbable, à plus forte raison d'un mot commun à l'ensemble des langues romanes ». De fait, le mot français est passé dans les langues romanes, dans la forme féminine du provençal à côté du masculin rim, dans le catalan, l'espagnol, le portugais et l'italien rima, et s'est répandu dans les langues germaniques, où il apparaît sous une forme généralement monosyllabique, peut-être en partie par assimilation avec le mot germanique rîm : moyen néerlandais rime n. f., néerlandais rijm, ancien norrois et islandais rîm n. m., norvégien, suédois et danois rim, etc. P. Guiraud voit donc dans rime le dérivé du latin rimare « rechercher, examiner avec soin » (ce qui évoque le sémantisme de « trouver » dans trouvère, troubadour), et en latin médiéval « raconter » et « rimer » (XIIIe s.). Ce verbe est le doublet tardif du latin classique rimari « fendre, ouvrir », employé dans la langue augurale pour « fendre les entrailles pour les fouiller et les interpréter » d'où, au figuré « scruter, sonder, interpréter », dénominatif de rima « fente, crevasse », mot d'origine obscure passé dans le mot savoyard rimaye.
■  Historiquement, il faut rappeler que la rime n'était pas en usage dans la poésie latine classique, sinon comme effet stylistique occasionnel. Elle est apparue comme marque de fin de vers dans la poésie latine chrétienne, en particulier chez saint Augustin (IVe s.). L'explication la plus courante est celle qui rapproche la rime chrétienne de textes sémitiques et de poèmes hébraïques rimés ; c'est par ceux-ci que les chrétiens d'Afrique en auraient appris l'usage qu'ils auraient introduit en latin, où la tradition rhétorique lui ouvrait un large champ de développement.
❏  Le mot désigne l'identité de consonance entre les terminaisons accentuées de deux ou plusieurs vers, seul et dans des syntagmes qualifiés ou déterminés (comme rime léonine XIIe s.) précisant techniquement la nature de la rime. Le sens métonymique de « vers » (v. 1165) a décliné après le XVIIe siècle. ◆  La locution familière n'avoir ni rime ni raison (fin XVIIe s.) d'abord il n'y a ni rime ni raison en... (milieu XIVe s.) a un correspondant dans l'anglais without rime or reason (v. 1460 as for ryme or reson). Elle serait selon Bloch et Wartburg issue du latin médiéval : on opposait dans la versification latine le metrum fondé sur la quantité et le rythmus fondé sur l'accent ; une œuvre qui n'était pas conforme à l'un de ces deux modèles était jugée mauvaise ; le sens se serait ensuite étendu à l'usage commun en parlant d'une chose absurde, incohérente. L'hypothèse d'une opposition de la forme poétique (la rime) et du contenu conceptuel ou narratif (la raison, latin ratio), semble la plus fondée.
❏  1 RIMER v., dérivé (v. 1119) de rime, équivaut à « faire des vers », et, en construction transitive, à « mettre en vers » (v. 1165). Le sens transitif de « faire rimer » (v. 1550) n'a pas eu de succès après le XVIIe siècle. Le verbe est surtout employé intransitivement en parlant de mots qui se terminent par le même son ou les mêmes sons (v. 1530) et dans la locution rimer aux yeux (1690), devenue rimer pour les yeux, pour l'œil (1904), qui se dit de mots se terminant par les mêmes lettres mais correspondant à des sons différents. ◆  L'expression rimer en Dieu « blasphémer » (1651), allusion aux nombreux jurons formés avec le nom de Dieu souvent déformé (-bleu, -guieu), a disparu. ◆  La locution ne rimer à rien, usuelle dans le langage familier (1779), exprime la même idée d'« incohérence » que ni rime ni raison.
Les dérivés de rimer procèdent tous du sens de « mettre en vers ».
■  RIMEUR, EUSE n., réfection suffixale (fin XIIIe s.) de rimere (fin XIIe s.) puis rimeor (déb. XIIIe s.), a perdu son sens neutre de « personne qui compose des vers, poète » pour désigner péjorativement celle qui fait des vers sans inspiration (v. 1550), qualifiant plus rarement ceux qui s'intéressent surtout à la forme et aux rimes (1678), la valeur générale et neutre étant réservée à poète.
■  RIMAILLER v., d'abord rithmailler (av. 1553, Rabelais) puis rimailler (1648), signifie « faire des vers médiocres » et, par extension « faire des vers en amateur » (XXe s.).
■  RIMAILLE n. f., substantif verbal de rimailler d'abord écrit rithmaille (1518) avant de prendre sa forme actuelle (1611), est péjoratif pour « écrit en vers » ; il est sorti d'usage.
■  En revanche, RIMAILLEUR, EUSE n., d'abord rithmailler (1518), s'emploie encore dans l'usage littéraire.
RIMMEL n. m. est l'emploi comme nom commun (1929, chez Claudel) du nom de marque déposé Rimmel.
❏  Le mot désigne un fard pour les cils.
❏  Aragon emploie dès 1936 (Les Beaux Quartiers) le dérivé RIMMELLISÉ, ÉE adj. « fardé avec du rimmel ».
L RINCEAU n. m. est une altération graphique (1676), d'après rincer, de rainsel (v. 1200), rainseau (v. 1350) puis rinsseau (1533), mot issu d'un latin populaire °ramuscellus, variante du bas latin ramusculus « petit rameau », diminutif du latin classique ramus « rameau, branche » (→ à rameau).
❏  Le mot s'est éloigné du sens d'emprunt de « petit rameau », vivant jusqu'au XIVe s., et dont partait le sens collectif de « fagot de ramilles » (1472 en picard). Il s'est spécialisé par métonymie pour désigner un ornement en forme de branchage (1360), puis un ornement sculpté ou peint composé de branches, de feuilles, de fruits en enroulement, servant principalement à la décoration des frises et des pilastres (1553). Parfois écrit encore rainceau au XVIIe s., il a été repris en blason pour désigner une branche coupée avec son feuillage (1690).