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RINCER v. tr., d'abord raincer (v. 1206), rinser (XIVe s.), puis rincer (XVe s.), est issu par dissimilation de l'ancien verbe recincier « nettoyer un objet en le frottant et en le mouillant » (v. 1167), au figuré « purifier » et « renouveler, rafraîchir ». Ce mot remonte à un latin populaire °recentiare « rafraîchir », « laver », du bas latin recentare, dérivé du latin classique recens, -entis « frais, jeune, nouveau » (→ récent).
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Le sens de « nettoyer (un objet) en le mouillant et en le frottant » n'est plus réalisé de nos jours qu'en parlant de récipients.
Rincer a perdu le sens de « nettoyer », encore réalisé au pronominal dans
se rincer la bouche (1673). Il exprime l'idée de « passer dans une eau nouvelle (ce qui est lavé) afin de faire disparaître toute trace de produit de lavage » (1530
rainser).
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De bonne heure, il a développé des sens figurés argotiques et familiers à partir de l'idée de « frotter » ou de celle de « laver, faire écouler ». Le sens de « battre, rosser » (1391, rainser ; 1750, rincer) et, argotiquement, « tuer » a disparu, tout en laissant deux dérivés, rince et rinçure (ci-dessous) en français d'Amérique du Nord, mais le verbe s'emploie encore pour « voler, ruiner » (1821 au jeu) et, autrefois, « dévaliser, cambrioler ».
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La locution rincer le gosier (XVe s.), puis se rincer le gosier, le corridor (1865), la dalle (1866) signifie dans l'usage populaire « boire (du vin, de l'alcool) ».
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Au passif et dans la construction se faire rincer, le mot signifie familièrement « être mouillé par la pluie » (1740).
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Se rincer l'œil (1883) signifie « regarder avec plaisir un spectacle affriolant, licencieux ».
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RINÇURE n. f. est d'abord attesté au pluriel
rainsseures (1393), puis au singulier
rinçure, dans la locution familière
rinçure de pot (1690), puis
rinçure de tonneau (1887, Zola), désignant familièrement un vin additionné de beaucoup d'eau.
Rinçure désigne également l'eau qui a servi à rincer (1680 ; 1660 au pluriel,
rinseures). Au figuré, après des emplois régionaux français et acadiens, il se dit pour « volée de coups » en français de la Louisiane, alors que le Québec a connu en ce sens le déverbal
RINCE n. f.
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RINCEUR, EUSE n. (déb. XVIe s.), d'abord attesté dans la locution plaisante rinceur de godets et de pots, « grand buveur », désigne la personne chargée de rincer (1611).
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Ultérieurement, le féminin rinceuse désigne une machine à rincer les bouteilles (1904), appelée aussi rince-bouteilles.
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RINÇAGE n. m. est relevé une première fois dans l'ancienne locution juridique droit de rinçage (15 août 1715) « droit que l'on paie afin de charger les marchandises d'un bateau sur un autre » ; rinçage y correspond figurément à « nettoyage ». Le sens actuel (1845) s'applique spécialement en coiffure dans faire un rinçage (v. 1950)
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L'ancien nom d'action RINCEMENT n. m., autrefois reinsement (XVIe s.), est sorti d'usage.
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RINÇOIR n. m. (1800) a désigné, en papeterie, un récipient dans lequel on rince avant d'être appliqué à la cuve réservée au rinçage du linge ou de la vaisselle (1870).
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RINCÉE n. f. (1791) est un mot populaire correspondant aux sens figurés du verbe et s'appliquant à une volée de coups, à une averse (1832).
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RINCETTE n. f. est un mot familier désignant une quantité de vin versée à nouveau dans le verre (et dont on prétend plaisamment qu'il le rince) [1855] et une petite quantité d'eau-de-vie que l'on verse dans son verre ou dans une tasse à café après les avoir vidés (1861).
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L'élément verbal rince- fournit des noms d'instruments tels RINCE-BOUCHE n. m. (1842), qui désigne aussi, par métonymie, l'opération elle-même (1904), RINCE-BOUTEILLES n. m. inv. (1894), synonyme explicite de rinçeuse (ci-dessus), et RINCE-DOIGTS n. m. (1907), ce dernier étant le plus usuel.
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RINCE-COCHON n ; m., formé sur
cochon « individu, ivrogne » désigne (mil.
XXe s.) une boisson (vin blanc et eau de Selz, par exemple) destinée à effacer les effets de la « gueule de bois ».
RINFORZANDO adv. et adj., employé en français dans la célèbre tirade de la calomnie du Mariage de Figaro de Beaumarchais (1775), est en italien le gérondif du verbe rinforzare, qui correspond à renforcer, et qui est composé de forte « fort ». Mot technique de la musique classique, il signifie « en renforçant le son, plus rapidement que dans le crescendo ».
1 RING n. m. est emprunté (1829) à l'anglais ring, du vieil anglais hring, correspondant à l'ancien frison hring, (frison ring), au moyen néerlandais rinc, ringh (néerlandais ring), à l'ancien saxon hring, à l'ancien haut allemand hring (allemand Ring), à l'ancien norrois hringr (islandais hringur, norvégien, suédois, danois ring) (→ rang). Toutes ces formes germaniques appartiennent à une racine indoeuropéenne qui apparaît aussi dans l'ombrien krenkatrum « ceinture » et, avec altération, dans le vieux slave kragŭ « cercle ». Le mot anglais désigne d'abord un anneau, un rond, un cercle (v. 950) ; au XIVe s., il désigne par métonymie une enceinte où se déroule une activité sportive, une compétition, une représentation dramatique (1330) ; il s'est spécialisé dans le domaine du turf (1607) et de la lutte (1659), désignant également l'emplacement où se tiennent les parieurs (1859).
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D'abord cité en français (1829) comme un mot anglais pour désigner un cercle, un attroupement spontané autour d'une querelle de passants,
ring a désigné, en termes de turf, l'enceinte où se tenaient les parieurs à la cote (1850) et, par métonymie, l'ensemble de ces parieurs. Il s'est également dit de l'arène d'un cirque (1879), de l'enceinte réservée à la pratique d'un sport, d'épreuves (1886).
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La spécialisation pour désigner l'estrade (carrée, non pas ronde) où se déroulent les combats de boxe, de lutte (1911) est le seul sens vivant. Le mot a désigné, comme l'anglais ring (1770), la boxe elle-même, d'abord par citation de l'anglais (1861), puis en contexte français (1908), mais cet emploi n'a pas vécu.
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Par emprunt à l'allemand, on parle parfois en français du Ring de Vienne, « boulevards circulaires autour de la ville ».
2 RING n. m., emprunt à l'allemand Ring « anneau, cercle », puis « boulevard circulaire » (le Ring de Vienne) s'emploie en français de Belgique pour « boulevard, voie qui entoure une ville » (le ring de Bruxelles). L'équivalent en français de France est périphérique.
1 RINGARD n. m. est emprunté (1731), avec substitution du suffixe -ard à la finale -èle, au wallon oriental ringuèle « levier ». Ce dernier est emprunté à l'allemand dialectal Rengel « bûche, rondin » qui correspond au verbe rangeln « écarter les scories dans un fourneau de forge avec un crochet de fer », ce qui est précisément une des opérations que permet de faire l'instrument appelé ringard.
❏
Le mot désigne une barre de fer dont on se sert pour manier de grosses pièces à forger, attiser le feu (1803), retirer les scories. Dans les dialectes, c'est le nom de divers instruments et, dans l'argot de l'École polytechnique (1875), celui du cure-dent, de la queue de billard.
❏
Ringard a produit
RINGARDER v. tr. (1873) « remuer le combustible, retirer les scories du feu avec un ringard », et celui-ci
RINGARDAGE n. m. (v. 1950).
■
RINGAGE n. m., dérivé irrégulier (1877), « mâchefer, scories obstruant la grille d'un foyer », est sorti d'usage.
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2 RINGARD, ARDE adj. et n., attesté dans les années 1960 mais antérieur dans l'argot des théâtres, est d'origine obscure ; un développement de sens spécialisé du mot technique 1 ringard* est difficile à concevoir ; on évoque en dernier recours un nom propre, sans preuve. La terminaison en -ard est interprétée comme péjorative (Cf. connard).
❏
Le mot désigne d'abord un acteur, un chanteur à demi oublié qui cherche de petits rôles ; il est devenu usuel pour désigner par extension, un incapable (v. 1970), et comme adjectif pour qualifier une personne médiocre, démodée, incapable (1974), et une chose ridiculement vieillotte, de mauvaise qualité (1974).
❏
Le dérivé RINGARDISE n. f. (1974) désigne familièrement le caractère démodé un peu ridicule de qqn ou de qqch. et, par métonymie, ce qui possède ce caractère. RINGARDISER v. tr., mot d'usage familier (années 1980) signifie « rendre ringard ; démoder » et « considérer comme ringard ».
RIPAILLE n. f. est dérivé (1579) de l'ancien verbe riper* « gratter », conservé dans plusieurs spécialisations techniques.
❏
Le mot est d'abord employé dans la locution
faire la ripaille chez qqn, appliquée aux soldats qui vont manger et s'approvisionner chez les paysans et les bourgeois, peut-être d'après l'idée de « racler les plats » ou selon un développement analogue à celui de
rapace* et de
rapiat* (Cf. aussi gratte).
■
Par extension, faire ripaille signifie « faire grande chère » (1585) ; l'emploi indépendant de ripaille au sens de « débauche de table » (1611) s'est moins répandu.
❏
Le dérivé RIPAILLER v. intr. (1821) « faire bombance » et RIPAILLEUR, EUSE adj. et n. (1803), dont le sens prolonge l'ancien ripailleux (fin XVIe s.), sont moins fréquents que ripaille, mais encore en usage.
RIPATON n. m., d'abord attesté au sens de « soulier » (1866), puis de « pied » (1878), est dérivé du verbe argotique disparu ripatonner (1841), de re- (ri-), patte et suffixe -onner ; un dérivé de patte, patton, a désigné aux XVIIe et XVIIIe s. un morceau de cuir servant au ressemelage. Le mot est l'un des synonymes populaires de pied (avec panard, pinceau...) ; il était courant dans l'usage familier, mais a vieilli.
RIPER v. tr. est emprunté (1328) au moyen néerlandais rippen « tirailler avec force », mot qui se rattache à une racine germanique représentée dans le bas allemand rippen, variante de reppen, d'où le vieux danois rippe, le moyen suédois et norvégien rippa, l'anglais to rip « fendre, déchirer, arracher » et le flamand rippen.
❏
Le verbe, d'abord employé au sens de « gratter, étriller » au propre et au figuré, une première fois au
XIVe s., puis au
XVIIe s. (1623), s'est spécialisé en technique au
XVIIe siècle. Sous l'influence de son déverbal
ripe, il signifie « gratter, polir (la pierre) avec l'outil nommé
ripe » (ci-dessous) [1690]. Il correspond aussi à « faire glisser (un fardeau) sur ses supports » (1752,
Encyclopédie), notamment en chemins de fer (déb.
XXe s.).
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Le verbe a diversifié ses constructions, s'employant intransitivement en parlant d'une cargaison mal arrimée qui se déplace par glissement (1752) et de cordages, de pièces de bois qui glissent les uns contre les autres par suite d'un effort qui s'exerce sur eux (1904). Il est passé dans l'usage courant pour « déraper, glisser par frottement », prenant au figuré le sens de « passer » et développant celui de « s'en aller » (1916, Barbusse) dans le langage familier, également à la forme pronominale se riper. À cet emploi, correspond l'expression jouer rip (1918, Esnault) ; ce sens est apparu ou s'est diffusé parmi les poilus de la guerre 1914-1918.
❏
La dérivation consiste en quelques termes techniques. Le déverbal
RIPE n. f. (1676) désigne surtout l'outil du tailleur de pierre ou du sculpteur, en forme de S, servant à racler et à polir une pierre ; il entre (1905) dans la locution populaire (disparue)
faire la ripe « vagabonder » avec une valeur dynamique.
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Le sens métonymique, pour « copeaux » (chose grattée) est vivant en français du Québec (
de la ripe ou
des ripes).
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RIPAGE n. m. (1846) se dit à la fois de l'action de racler une pierre avec la ripe et du déplacement des cargaisons, des cordages par glissement (XXe s.) ; plus couramment, il désigne le dérapage des roues d'un véhicule (1904).
■
RIPEMENT n. m. (1851) est quelquefois employé avec les mêmes sens.
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RIPEUR n. m. (XXe s.) désigne l'ouvrier qui décharge les marchandises d'un wagon, d'un camion et RIPABLE adj. (1975) qualifie un engin pouvant être déplacé par glissement.
❏ voir
RIBOT, RIPAILLE, RUPIN.
RIPOLIN n. m. est emprunté (1907) au néerlandais Ripolin, mot désignant un procédé utilisé dès 1886 en Hollande et créé par l'inventeur du produit, Riep. Ce dernier l'a fait sur son propre nom, avec ol pour olie « huile », du latin oleum (→ huile), et le suffixe scientifique -in.
❏
C'est le nom d'une marque déposée de peinture émail brillante.
❏
De ripolin vient RIPOLINER v. tr. (1907) « peindre au ripolin », fréquent au participe passé adjectivé RIPOLINÉ, ÉE.
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RIPOPÉE n. f., d'abord ripopé n. m. (v. 1450) puis ripopée n. f. (1770, Rousseau), est probablement formé de ri-, première syllabe de ripaille*, lequel, attesté au XVIe s., devait exister antérieurement, et de pop, variante du radical expressif pap- qui évoque le bruit des lèvres (→ papa, papoter). La voyelle arrondie o pourrait être la figuration mimétique de l'ouverture des lèvres de celui qui sirote le liquide. P. Guiraud voit plutôt dans ripopée un dérivé préfixé du moyen français pouper « téter, sucer », avec ri-, variante dialectale de re-* pris dans sa valeur itérative : la ripopée serait proprement une resucée ; mais le o ouvert et le caractère purement méridional de pouper « sucer » (→ poupard, poupée) affaiblissent l'hypothèse.
❏
Le mot a existé en moyen français comme adjectif dans le syntagme
vin ripopé désignant un mélange de vins, sans doute fait par les cabaretiers avec les fonds de bouteilles. Il a été substantivé au masculin
ripopé (encore au
XVIIIe s.), puis au féminin
ripopée (v. 1770) pour désigner un mélange de sauces.
■
Son emploi figuré pour un ouvrage composé d'idées disparates, incohérentes (1718, comme n. m., 1798 comme n. f.), et pour un mélange de choses disparates, a été en usage au XIXe s., puis a lui aussi disparu.
RIPOSTE n. f., altération (1578) par dissimilation de risposte (v. 1527), est emprunté à l'italien risposta « réponse », également terme d'escrime (1553), participe passé féminin substantivé de rispondere, lequel représente le latin respondere (→ répondre).
❏
Le mot désigne une réponse vive et rapide à un interlocuteur agressif. Il a été réemprunté en escrime pour désigner une attaque qui suit immédiatement la parade (1640) et en équitation pour l'action du cheval qui rue sous l'éperon (1678). Il a développé un emploi spécialisé dans un contexte militaire, et des emplois figurés très généraux.
❏
Son dérivé
RIPOSTER v. (1645) apparaît en escrime ; il s'est employé transitivement aux sens de « rendre la pareille » et de « répondre sur le champ avec vivacité » (1694). De nos jours, il se construit avec la préposition
à, au sens de « rendre immédiatement à un adversaire la contrepartie de ce que l'on a subi » (av. 1660), et en emploi absolu (av. 1660), désignant la riposte à une riposte.
■
CONTRE-RIPOSTE n. f. (1838) est un terme d'escrime.
RIPPER n. m., parfois francisé en RIPPEUR, est un anglicisme, l'anglais ripper étant dérivé de to rip « couper, arracher », pour un engin de travaux publics muni de dents métalliques pour défoncer les terrains durs.
RIPUAIRE adj. et n. est un emprunt (1586 comme nom) au latin médiéval Ripuari, du latin classique riparius « riverain », dérivé de ripa (→ rive). Ripari est le nom latin du peuple franc établi sur les rives du Rhin (les Francs ripuaires, distingués des Francs saliens ; la loi ripuaire de ce peuple, distinguée de la loi salique).
RIQUIQUI ou RIKIKI n. m. et adj. inv. est dérivé (1789) du radical expressif rik- qui évoque la petitesse (d'un mouvement, d'un coup, d'un objet) et, au figuré, l'exactitude, le caractère strict, puis l'avarice, l'étroitesse d'esprit, et que l'on a, selon P. Guiraud, dans ricochet*, dans le normand riquet « petit, mesquin », le provençal riqueto « petit repas », etc. Riquiqui, avec redoublement pseudo-enfantin à valeur intensive et affective, désigne probablement dans son premier sens ce que l'on appelle un « petit » verre.
❏
Ancien nom populaire pour une liqueur alcoolique, riquiqui s'emploie aussi familièrement pour qualifier une personne ou une chose minuscule ou d'aspect mesquin, quelquefois avec une valeur accessoire de « vieillot » (1867). Ce sens a été préparé par le vaudeville de Frédéric et Roset, M. Rikiki ou Le Voyage à Sceaux (1806), où M. Rikiki est un personnage prétentieux, ridicule et niais. Il désigne aussi, dans le langage enfantin, le petit doigt. Les connotations actuelles sont l'extrême petitesse et parfois la mesquinerie.
❏ voir
RIC-RAC.
L
1 RIRE v. est issu (1080) d'un latin populaire °ridĕre (e bref), altération phonétique du latin classique ridēre (e long) d'emploi absolu et transitif, signifiant « rire », ensuite « sourire », « avoir un esprit plaisant » et quelquefois appliqué aux choses dans le langage poétique (comme le grec gelan et meidian). Le verbe, très ancien et panroman, a une origine non éclaircie ; Ernout et Meillet évoquent un rapprochement possible avec la racine sanskrite krĩḍ-.
❏
Rire s'emploie dès les premiers textes avec son sens courant actuel, seul ou dans des locutions précisant la manière de marquer ce sentiment de gaieté manifeste et son intensité, comme
rire du bout des dents (av. 1613, v. 1450 sous une autre forme),
rire jaune (1640 jaune comme farine), sous cape (1643 ; v. 1350 dessous son chaperon), dans sa barbe (1694) « secrètement », du bout des lèvres (1798), aux éclats (1779), mourir, crever de rire (1690), d'où
c'est à mourir de rire (1878) produisant récemment
(être) mort de rire, hurler de rire et dans des proverbes,
rira bien qui rira le dernier (1690).
Rire à l'envers « pleurer » (1751, « faire la grimace ») a disparu ;
rire à la caisse (1875) s'est employé en termes de bourse pour le fait de percevoir chez un agent de change le produit d'une heureuse spéculation et, au théâtre, de recevoir une gratification, une indemnité (1875).
■
Des extensions mettent l'accent sur un effet possible : le fait de rire pouvant exprimer la moquerie, rire de (qqn, qqch.) équivaut à « se moquer de » (1080), sens qu'on retrouve dans rire au nez de qqn (1609). Prêter à rire (1834), transformation de apprêter à rire (1668, Molière) correspond à « être risible, ridicule ».
■
La forme pronominale se rire (1080) « tourner (qqn, qqch.) en ridicule », puis surtout « dédaigner, se moquer de » a vieilli.
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L'idée très différente de « faire un accueil flatteur, bienveillant à », dans rire à qqn (v. 1155), est sortie d'usage, à la différence de l'emploi avec un sujet désignant une chose, au sens d'« être favorable à » (1559). Le sens figuré d'« offrir un aspect gracieux, plaisant », qui repose sur une comparaison implicite avec l'aspect d'un visage plaisant et gai, « riant » (v. 1278), appartient, comme le sens équivalent du verbe latin, au style littéraire.
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Le fait de rire étant ordinairement signe d'agrément, de plaisir, rire est synonyme de « se divertir », à la forme pronominale se rire (v. 1175), sortie d'usage, puis à l'intransitif, par exemple dans il n'y a pas de quoi rire (1415).
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Un sens figuré, « scintiller vivement, joyeusement » a été introduit par les poètes de la Pléiade (v. 1550, Ronsard) ; il procède du même type de développement que celui que réalisait, en sens inverse, le latin renidere « briller, resplendir » d'où « briller de joie » et spécialement « sourire, rire ».
■
Rire s'applique aussi au fait de prendre une expression de gaieté, pour une partie du visage (déb. XVIIe s., Malherbe), après un emploi métaphorique au XIIIe s. (v. 1278).
■
Par l'opposition entre le rire et le sérieux, il est devenu synonyme de « ne pas agir, ne pas parler sérieusement » (1464), surtout dans des expressions comme pour rire (1538, également locution adjective 1690), et dans l'usage enfantin pour de rire (opposé à pour de vrai), ou encore vous voulez rire (1690). Pas pour rire, en français du Québec « sérieusement, vraiment ».
❏
RIANT, ANTE, le participe présent de
rire, est adjectivé très tôt (1080) pour qualifier ce qui exprime, annonce la gaieté, la joie ; il sert aussi à caractériser une chose agréable à la vue, surtout en parlant des choses de la nature, des lieux, d'une chose pleine de séduction et incitant à la gaieté (v. 1220).
■
Son emploi à propos d'une personne qui rit, montre de la gaieté (1314) a vieilli, plus ou moins remplacé par rieur, mais existe encore à propos d'une chose exprimant de la gaieté, telle que le visage (1314).
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Le mot qualifie abstraitement une chose séduisante pour l'esprit, inspirant des pensées, des idées gaies (XVe s.).
◈
2 RIRE n. m. (
XIIIe s.), substantivation de l'infinitif, sert de nom d'action à
rire et, par métonymie, désigne la manifestation physique de cette action, seul ou qualifié :
rire sardonique (1762),
rire homérique (1825),
rire jaune (1899), etc. Le syntagme lexicalisé
fou rire (1718) qui inverse les termes de
rire fou (1694), est resté usuel.
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Par analogie, le mot désigne le cri d'un animal (hyène) qui évoque un rire humain.
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RIEUR, EUSE n. et adj. (v. 1460) s'est répandu aux dépens de
riant avec le sens de « qui rit, aime à rire », « qui aime plaisanter » (1605). La locution
mettre les rieurs de son côté (1690), qui remplace
les rieurs sont pour (qqn) [1666], réalise plus spécialement l'idée de moquerie.
■
Par métonymie, le mot qualifie une expression du visage, des yeux, indiquant la joie (1803).
■
Le féminin RIEUSE s'est spécialisé en zoologie pour qualifier (1764) et, elliptiquement, pour désigner, comme nom, (1870) une sorte de mouette par allusion au cri de l'oiseau.
■
De rieur est dérivé RIEUSEMENT adv. (1875).
❏ voir
RICANER, RIDICULE, RIGOLER, 1 RIS, RISIBLE, RISORIUS ; DÉRISION, SOURIRE.
1 RIS n. m. est emprunté (fin XIe s.) au latin risus, -us « action, fait de rire », et aussi « objet de rire », nom d'action du verbe ridere (→ rire).
❏
Le mot désignait l'action de rire, spécialement le rictus de certaines bêtes, par exemple du chien (1380) et la manière de rire, par exemple dans ris d'hostelier « accueil aimable et gai, peu sincère » (1589), ris jaune (v. 1640), ris qui ne passe pas le nœud de la gorge (1640), tous appliqués à un rire contraint. Avec une majuscule, Ris a été emprunté par la Pléiade (1559) au latin Risus (Apulée), nom de la divinité qui préside à la gaieté. De nos jours, éclipsé par rire*, il ne s'emploie plus que par archaïsme.
❏
Les deux dérivés sont vivants.
1 RISÉE n. f. (v. 1170) a désigné les éclats de rire d'un groupe de personnes, d'où l'expression
éclats de risée (1651).
■
Avec changement de point de vue, le mot s'applique à la moquerie dont une personne est victime (v. 1170) et, par métonymie, à l'objet de cette moquerie (1563), notamment dans être la risée de (qqn, tous...) [1636].
■
1 RISETTE n. f., diminutif de ris (1836), est un mot familier pour « petit rire ou sourire enfantin » et, par dérision, « sourire de commande », surtout dans la locution faire risette, faire des risettes (1840, faire une risette).
❏ voir
3 RIS (pour 2 RISETTE).
?
2 RIS n. m., terme de boucherie (1583), est d'origine controversée. On l'avait rapporté à un mot risée (1598), attesté avec le même sens, mais Bloch et Wartburg y voient une mauvaise leçon pour rilée « rangée de lattes », de reille, rille (latte). P. Guiraud considère que ris est le même mot que le terme de marine 3 ris* dont le dérivé risée désigne la toile prise entre les bandes horizontales de voiles que l'on peut replier au moyen de rabans. Le passage de la marine à la cuisine reposerait sur une métaphore : de la risée de toile, on passerait à la risée de veau, ainsi nommée à cause de ses plis, de même qu'on appelle risée de vent les rides à la surface de l'eau.
❏
Le mot désigne le thymus comestible de certains animaux, essentiellement le veau et l'agneau. Sa brièveté et les homonymes font qu'on emploie surtout les formes ris de veau (1583) et ris d'agneau.
3 RIS n. m. est la variante graphique (v. 1155) d'une forme non attestée °rifs, pluriel de °rif, lui-même emprunté de l'ancien scandinave rif, lequel désigne un dispositif servant à raccourcir, et pourrait être un emploi spécialisé de rif « côte ». Ce mot est bien représenté dans les langues germaniques, dans l'anglais reef (moyen anglais riff, refe), le néerlandais reef, rif, le bas allemand reff (allemand Reff), le suédois ref, le norvégien riv, le danois rev, reb.
❏
Ce terme de marine désigne la partie d'une voile où passent les garcettes, qui permettent de la serrer sur la vergue pour diminuer sa surface. Il a servi à former quelques syntagmes techniques comme prendre un ris « diminuer la surface de la voile » (1694), larguer un ris « exposer de nouveau au vent le ris qui avait été pris » (1870), bas ris « dernière bande de ris d'un hunier » (1845), et filière de ris, œillet de ris, raban de ris (1904, Larousse).
❏
Les deux dérivés procèdent à la fois de
3 ris et de
1 ris.
■
2 RISÉE n. f. (1689, rizée) désigne l'augmentation subite et violente du vent (proprement « plein un ris ») mais s'entend aussi, par métonymie ou sous l'influence du groupe de rire, des rides produites à la surface de l'eau par le vent.
■
En ce sens, il est synonyme de 2 RISETTE n. f. (1877) « légère ondulation sur une étendue d'eau, en particulier la mer lorsqu'il fait calme », lequel peut être considéré comme un développement métaphorique de 1 risette. En effet, la même métaphore se retrouve dans plusieurs langues dont le grec gelôs « rire, plis ou rides que dessinent les vagues », gelasma « rire, pli, ride sur la surface de l'eau », le provençal risent n. m. « eau qui vient affleurer sur le bord, eau miroitante, clapotis ».
❏ voir
2 RIS.