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Dès les premiers textes, le mot se dit en général du souverain qui, par droit héréditaire ou plus rarement par suite d'une élection, est investi à vie des pouvoirs de chef d'État ; il est quelquefois accompagné d'une détermination comme dans
roi de théâtre (1671) ou
roi en peinture (1690) « souverain sans autorité », expressions disparues. Il s'est employé en fonction d'adjectif dans la locution
roi vraiment roi (1669) en parlant de celui qui exerce effectivement tous ses pouvoirs.
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À l'époque classique, et depuis le
XIIIe s., le mot s'écrit parfois
roy, graphie reprise par archaïsme aux
XIXe et
XXe siècles.
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Par extension,
peuple roi s'est dit (1753) du peuple romain qui, sous la république, restait le maître de tous les pouvoirs qu'il conférait à ses magistrats.
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Roi, nanti d'un déterminant, s'emploie dans de nombreux noms et titres de monarques particuliers : dans la locution figurée ancienne c'est la cour du roi Pétaud (1611), « c'est l'anarchie et tout le monde veut commander » (→ pétaudière), dans Grand Roi et Roi-Soleil (fin XVIIe s.) désignant Louis XIV. La locution figurée travailler pour le roi de Prusse, répandue au moment de la paix de 1748, alors que la France semblait avoir œuvré pour la Prusse, existait dès le début du XVIIIe s. en parlant de mercenaires ou d'agents du roi de Prusse fort mal payés.
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Quant à la dénomination Rois mages (→ mages), qui paraît très tardive (attestée en 1893), elle a en partie remplacé les trois rois (fin XIIe s.) et les Rois (fin XVe s.). La célébration de l'épiphanie* a donné lieu aux expressions feste des trois Rois (XIVe s.) puis fête des Rois (fin XVe s.) ou jour des Rois (1564), gâteau des Rois (1553) et galette des Rois (XXe s.), ainsi que faire les Rois (1680), tirer les rois (1615) le mot prenant alors la valeur extensive traitée ci-dessous. Dans le même contexte, on appelait roi de la fève (1549) celui qui avait trouvé la fève dans le gâteau ; cette expression était usitée antérieurement à propos d'un roi faible et sans autorité (v. 1450) ; la phrase exclamative le roi boit ! (fin XVIe s.) saluait le moment où le roi de la fève buvait. Cette série d'emplois a suscité le mot régional 2 royaume pour une brioche « des Rois ».
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Dès l'origine, la langue religieuse emploie le mot pour désigner celui qui exerce une souveraineté spirituelle indiscutable, d'abord seul sous la forme rex et reis (v. 980) en parlant de Jésus-Christ, messie annoncé par les prophètes, puis en emploi déterminé : roi céleste (1050), Roi des Rois (v. 1175), calque de l'hébreu, où l'expression est un superlatif (« le roi suprême »), livres des Rois (v. 1170), dans la Bible, roi des Juifs (1550), roi du ciel (1553). L'appellation Christ-Roi vient d'une fête instituée en 1925 par Pie XI.
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Par analogie, roi se dit poétiquement de souverains de la mythologie antique, tels que roi des dieux (av. 1741), roi des enfers (1875). Dans la Vallée des Rois, site archéologique de l'Égypte, les tombes sont celles de pharaons.
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Le mot est pris figurément comme symbole de la puissance et du bonheur attachés à l'exercice du pouvoir souverain (fin XIVe s.), dans des locutions comme morceau de roi (1678), plaisir de roi (1690), parler en roi (1694) et vivre en roi, ces deux dernières sorties d'usage, alors que heureux comme un roi est resté usuel, de même que le roi n'est pas son cousin (1685 ; 1595 mon cousin).
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Concrètement, il se dit d'une figure représentant ou évoquant la personne d'un monarque, d'abord aux échecs, d'où échec au roi (v. 1175), puis aussi aux cartes (déb. XVIe s. Marot). En astronomie, les trois rois (1752) s'applique aux trois étoiles dessinant le baudrier d'Orion et où l'on voyait les figures des rois mages.
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En emploi absolu, le mot s'applique au souverain du pays dans lequel on se trouve ou dont il est question (XIIe s.), seul et dans de nombreuses locutions telles le feu roi (fin XVe s.), la maison... du roi (1606), le roi est mort, vive le roi, phrase exprimant la continuité du pouvoir. Au Canada, l'expression chemin du roi désigne la route qui reliait les principales villes, dans la Nouvelle-France.
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Plusieurs expressions emploient le mot comme symbole de légalité et marque de l'autorité officielle ; depuis la chute de l'Ancien Régime elles sont sorties d'usage : ce sont par exemple de par le roi, injonction juridique remplacée après la Révolution par au nom de la loi, gens du roi (1549), coffres du roi (1627), main du roi (1694), taux du roi (1690), deniers du roi (1798).
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L'emploi spécial de roi comme nom d'une couleur rappelant celle des armes des rois de France s'est réalisé dans le syntagme couleur de roi (1543) qui a laissé place à bleu de roi (1690), de nos jours abrégé en bleu roi (déb. XXe s.).
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En vertu de l'essence divine de la royauté absolue d'ancien régime, en France, le mot est spécialement pris comme symbole de l'autorité spirituelle émanant de la personne du souverain, dit Roy Très-Chrétien (1606) dans les appellations ordre du roi, au pluriel les ordres du roi (1611).
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Après la Révolution et l'Empire, époques où le mot prend des connotations négatives, la Restauration lui donne de nouveaux emplois officiels et courants. La locution être plus royaliste que le roi apparaît alors (1816, Chateaubriand). Roi constitutionnel est attesté plus tard (1893).
Par extension,
roi désigne une personne exerçant un pouvoir suprême conventionnel dans une collectivité
(Cf. aussi ci-dessus, roi de la fève) ; ainsi, au moyen âge, il a servi de titre aux officiers ayant juridiction sur certains groupes de personnes (
roi des ribauds v. 1278,
roi des merciers 1467) ; sous l'Ancien Régime, ce fut le titre des chefs des corporations jouissant de privilèges publics (1338) et des chefs de certaines institutions (1469,
roi de la basoche). Le titre de
roi de Thune (1628) désignait en argot le chef d'une association de mendiants et de gueux importante au
XVe siècle. En termes d'antiquité, la locution
roi du festin (1690) sert à désigner le convive choisi pour présider un repas romain. Le titre d'
archonte roi (1866) est attribué au second des neuf archontes d'Athènes chargé des fonctions religieuses.
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Selon un développement analogue à celui du latin rex, roi se dit au figuré, dès l'ancien français, d'un personnage dont l'autorité s'exerce sans contestation (fin XIIe s.), souvent adjectivement (fin XIIe s.). Il est employé à propos d'une personne qui surpasse toutes les autres de même catégorie ou jouit de la prééminence dans sa sphère d'activité (fin XIIe s.), quelquefois par ironie (fin XIVe s.), ce qui explique la valeur des nombreux noms de famille Roi, Roy, Leroy (ainsi que Rey, occitan et franco-provençal).
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La locution le roi de la nature « l'homme » (1667) et l'emploi adjectif (1690), par exemple dans la locution proverbiale au royaume des aveugles, les borgnes sont rois (1690), aujourd'hui dans une expression comme l'enfant roi, relèvent du même sémantisme. Cette valeur est reprise au XXe s. par calque de l'anglo-américain king, pour « industriel le plus important (dans un domaine) » (le roi du pétrole, de l'acier, etc.).
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À partir du XVIe s., se manifeste un dernier groupe d'emplois dans lesquels roi se dit d'un animal ou d'une chose se distinguant par sa puissance ou l'éminence de certaines qualités : roi des cailles (1547) « râle des genêts », semble inaugurer une série de désignations d'animaux comme roi des rougets (1870), roi des gobe-mouches, roi des harengs (1875). La langue poétique classique emploie roi des oiseaux (1694) « aigle » puis « paon » (1770) et roi des animaux (1668, La Fontaine) « lion ».
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Roi s'applique poétiquement aussi à une chose abstraite qui semble disposer d'un pouvoir absolu (av. 1613), y compris en emploi adjectif (1875), et à une chose concrète qui est la plus réputée dans sa catégorie (déb. XXe s.).
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Les alchimistes s'en sont servi pour désigner le soufre et l'or colloïdal (1721), les minéralogistes ont appelé l'or roi des métaux (av. 1814). Dans le langage poétique, le chêne a reçu le titre de roi des arbres ou des forêts (v. 1800). Voir aussi le schéma les noms du roi.