ROGER-BONTEMPS n. m. est l'emploi comme nom commun de l'association du prénom Roger et du nom ou surnom Bontemps (de bon et temps, XIVe s.). La date à laquelle le mot est attesté pour la première fois, sous la forme Rogier Bon tens, interdit l'interprétation longtemps donnée selon laquelle il se serait agi du surnom du poète R. de Collerye né en 1470, joyeux viveur qui « gallait le bon temps ». Après la forme Rogier Bon-Temps (1480, René d'Anjou), on est passé à la forme soudée (1572).
❏  Le mot, désignation familière d'un personnage insouciant et jovial, s'est employé jusqu'au XIXe siècle.
L 1 ROGNE n. f., réfection (v. 1220) de la forme évoluée ruinne (v. 1125) est issu d'un latin populaire °ronea « gale », altération sous l'influence du latin classique rodere « ronger » (→ roder) du latin classique aranea qui désigne l'araignée (→ araignée), sa toile, et à basse époque, l'herpès. Le mot latin ne vit plus que dans le roumain rîie.
❏  Ancien nom populaire de la gale et de la teigne invétérées, le mot désigne une maladie des arbres provoquée par l'humidité (1562), puis la mousse qui pousse sur le bois et le détériore (1676) et l'excroissance qui se développe sur les rameaux de l'olivier diminuant l'abondance de leur produit (1842).
2 ROGNE → 2 ROGNER
L 1 ROGNER v. tr., d'abord redognier (fin XIe s. Gloses de Raschi), reoignier (v. 1131), puis rongner (XIIIe s.) et enfin rogner (1570 mais rongnure est antérieur), est issu d'un latin populaire °retundiare. Ce mot est l'altération d'un °rotundiare « couper en rond », du latin classique rotundus (→ rond, rotonde).
❏  Le verbe, qui apparaît avec le sens de « tonsurer » et « couper autour » (v. 1160) a perdu l'idée étymologique de rondeur, n'exprimant plus que celle de couper de manière à diminuer la surface, la largeur, la longueur, l'épaisseur (v. 1175 et peut-être dès la première attestation). De ce sens procèdent plusieurs valeurs spéciales pour « limer frauduleusement les bords d'une pièce de métal précieux » (v. 1283), « couper les marges d'un livre en reliure » (1690). Le verbe se construit également avec un complément désignant une partie d'un être vivant (v. 1260, les ongles), par exemple dans rogner le pied d'un cheval (1870), et métaphoriquement dans la locution rogner les griffes à qqn (1768).
■  Depuis le XIVe s., dans l'ancienne expression bien près rongnier les ongles à aucun (1358) « rogner les ongles de très près », rogner signifie « retrancher mesquinement à (qqn) une partie de ce qui lui revient » (1559) avec un complément désignant une chose concrète ou abstraite ; la construction indirecte rogner sur qqch. signifiant « faire de petits profits en réduisant ce dont on dispose » (av. 1902, Zola).
❏  ROGNURE n. f. est attesté sous la forme latinisante rodognedure (fin XIe s., Gloses de Raschi), puis rogneüre (fin XIIIe s.), rongnure (1547) et enfin rognure (1636). Le mot désigne ce qui se détache d'une chose que l'on rogne, souvent avec la valeur péjorative de « déchet ».
■  Il a les mêmes emplois spéciaux que le verbe, désignant un déchet de papier (1690), une parcelle limée frauduleusement au pourtour d'une pièce d'or ou d'argent (1870), une opération de reliure consistant à rogner les tranches d'un livre (1875).
■  ROGNEUR, EUSE n. (1690), d'abord rongneur (1355), s'est dit de celui qui rognait frauduleusement les monnaies puis a été repris pour désigner l'ouvrier chargé des opérations de rognage (1845). ◆  Le féminin rogneuse désigne une machine à rogner le papier (1875) et un appareil utilisé en viticulture pour rogner les plants (1968).
■  ROGNEMENT n. m. (1636), antérieurement rongnement (1538), sert de substantif d'action au verbe, concurrencé par ROGNAGE n. m. (1842).
■  Le nom d'action ROGNERIE n. f. (1608), dit spécifiquement de l'action de rogner frauduleusement les monnaies, est sorti d'usage.
■  ROGNOIR n. m. (1803), d'abord « plaque de cuivre chaude servant à rogner les chandelles », est un autre nom d'instrument pour rogner (1836), spécialement en reliure (1875).
■  Rogner, représenté par l'élément rogne-, a servi à former ROGNE-PIED n. m. inv. (1762), nom de l'outil du maréchal-ferrant servant à rogner la corne du sabot d'un cheval.
2 ROGNER v. intr., d'abord ruignier (XIIIe s.) attesté tardivement sous la forme rogner, (1876, Huysmans), certainement antérieur régionalement, relève d'un radical onomatopéique ron- exprimant le grognement (grogner, grommeler, gronder), très répandu en gallo-roman avec des variantes vocaliques (normand roincer, limousin rundir).
❏  Rogner, terme familier pour « être en colère, rager », est usuel dans les patois.
❏  Le dérivé verbal ROGNONNER v. intr. (1680), antérieurement rongnoner (1611), attesté dès 1556 en normand, est un mot expressif signifiant « ronchonner (entre ses dents) ».
■  2 ROGNE n. f., d'abord rongne (1501) a d'abord désigné, par métonymie, la difficulté d'obtenir qqch., une longue discussion pénible. Longtemps usité dans la région de Lyon et de Genève (franco-provençal) dans la locution chercher (la) rogne « chercher noise » (1701), le mot s'est répandu plus tard à Paris (XIXe s.) avec une valeur concrète, pour « action de grogner entre ses dents ». Chercher des rognes « provoquer » (1901) a pris la suite de chercher la rogne. On est passé au sens figuré de « mauvaise humeur », surtout dans être en rogne (1888) plus courant que rogner. La paronymie avec grogne, de grogner, a été exploitée dans un discours célèbre du général de Gaulle.
■  ROGNEUX, EUSE adj., d'abord relevé dans un texte lillois sous la forme rongneux « hargneux » (1867), n'est attesté que depuis 1935 (Duhamel) sous la forme moderne ; il caractérise une personne et, par métonymie, ce qui témoigne d'un mécontentement agressif. Ces mots sont tous familiers.
❏ voir RONCHONNER, RONFLER, RONRONNER.
L ROGNON n. m., d'abord roignon (fin XIIe s.), rongnon (v. 1460) puis rognon (av. 1613), est issu d'un latin populaire °ronionem, assimilation vocalique de renionem, accusatif de renio « rein », élargissement du latin classique ren, renis de même sens (→ rein). L'italien rognone, l'ancien provençal renhon, rinhon, l'espagnol riñón viennent du même étymon.
❏  Le mot désignait le rein de l'être humain, encore à l'époque classique, avant d'être supplanté par l'emprunt médical rein. Il se rencontre aussi au sens métonymique de « hanche » (fin XIIe s.). En français moderne, l'emploi de rognon s'est restreint au rein d'un animal, le plus souvent en cuisine, cette acception étant en usage depuis l'ancien français (fin XIIe s.). Par analogie, il désigne, aussi en cuisine, les testicules d'animaux notamment dans rognon de coq (1690) et, par un nouveau développement analogique, certaines prunes, haricots et raisins de forme allongée (1701). En argot fin de siècle, ce fut l'un des synonymes populaires de testicule (humain).
■  D'autres sens techniques procèdent d'une analogie de forme avec le rein : en géologie à propos d'une petite masse minérale arrondie enrobée dans une roche différente (1779), en termes de pêche d'une cuiller métallique (1904), en arts décoratifs d'une petite table de style Louis XV (XXe s.).
❏  Le dérivé ROGNONNADE n. f. (1938) désigne la longe de veau que l'on fait cuire avec le rognon enveloppé de sa graisse, et rappelle le provençal ronhonada « longe de mouton » dérivé de ronhon attesté dès le XVIe siècle. ◆  En français de Provence, le mot désigne, soit la longe de veau ou d'agneau comprenant les rognons, soit l'aloyau de bœuf.
? ROGOMME n. m., d'abord rogum (1700), rôgomme (1735), rogome (1823), est un mot d'origine incertaine dont la forme initiale suggère une provenance exotique. On a aussi évoqué la rencontre de rhum* et de gomme* « sirop de sucre » — de manière purement hypothétique sur le témoignage d'emplois où le mot désigne un verre d'eau-de-vie bu à la santé de qqn — ou encore un doublet de rogaton*, latin de cuisine pour rogatum « chose que l'on demande » ; selon Guiraud, auteur de cette hypothèse, le rogomme serait un pourboire bu à la santé du client généreux.
❏  Le sens premier du mot correspond à « liqueur forte, eau-de-vie » dans la langue populaire. Il s'est effacé derrière l'emploi de la locution voix de rogomme (1823) « voix enrouée (d'ivrogne) » (Cf. mélécasse) à partir duquel rogomme a pris la valeur adjective de « rauque, éraillé » (1861).
❏  ROGOMMISTE n. m. « marchand d'eaux-de-vie et de liqueurs » (1788 rogomiste) et ROGOMMEUX, EUSE adj. « rauque, éraillé par l'abus d'alcool » (1847), sont sortis d'usage.
? 1 ROGUE adj. rogre (v. 1180), puis rogue par dissimilation, est probablement emprunté à l'ancien scandinave hrókr « excès, insolence ». P. Guiraud, comparant arrogant*, qui remonte au participe présent du latin arrogare « demander avec insistance », suppose le représentant d'un type °rogicus dérivé de °rogicare, doublet gallo-roman hypothétique du latin rogitare « demander avec insistance », fréquentatif de rogare « demander » (→ interroger, rogation, rogatoire, rogaton).
❏  Le mot, après avoir exprimé une notion d'agressivité, caractérise la personne à la fois méprisante, froide et rude (v. 1278) et, par métonymie (1567), le ton, la voix, l'air, les manières d'une telle personne.
❏  Ni ROGUEMENT adv. (1564) ni ROGUERIE n. f. (1re moitié XVIIe s., Saint-Simon) ne se sont répandus.
2 ROGUE n. f. est un emprunt (1723) au breton rog, lui-même pris à un radical germanique hrogn (Cf. danois et norvégien rog, allemand Roggen).
❏  Le mot désigne des œufs de morue, de hareng, utilisés comme appât pour la pêche, puis en général (1870) des œufs de poisson employés en cuisine (à l'exception de ceux qui portent des noms spécifiques, tels poutargue ou boutargue, caviar).
ROHART n. m., apparu en ancien français sous la forme röal au sens de « morse » (v. 1200) puis « ivoire des défenses de cet animal » (v. 1235), réécrit rohart au XIVe s. (1380), est un emprunt à l'ancien nordique hrosshvair « cheval (hross Cf. horse en anglais)-baleine » nom donné au morse. ◆  Il désigne encore en technique, beaucoup plus tard, le type d'ivoire tiré des défenses du morse ou des dents d'hippopotame.
L ROI n. m., d'abord sous la forme latine rex (v. 881) puis rei (v. 980) et roi (v. 1160), est issu du latin regem, accusatif de rex, regis. Ce mot désigne le monarque qui dirige seul les affaires de l'État, et, pendant la république, a pris la valeur péjorative de « tyran, despote ». Il désigne également celui qui commande ou préside qqch., spécialement le prêtre et Jupiter, roi des dieux et des hommes. Par extension, rex se dit familièrement de toute personne riche et puissante, d'où chez Horace reges pour « les riches ». Le nom indoeuropéen °rēg- est un de ces mots de la langue politique et religieuse qui se trouvent à la fois à l'est (indo-iranien) et à l'ouest (italo-celtique) de l'aire indoeuropéenne. Sous forme verbale (en latin, regere → régir), la racine n'apparaît que dans l'Inde védique : rā́ṣṭi, et secondairement rā́jati « il règne ». Sous forme nominale, avec valeur de nom d'agent, °rēg- est surtout représenté dans le second terme de composés ; rāj- n'est courant en sanskrit que dans cette position : sam-rā́j- « roi suprême » ; au simple, la forme usuelle est rā́jan- avec le féminin rā́jñī « reine » (→ rajah). Le gaulois a de même beaucoup de noms propres composés du type de Dumno-rix, Cf. le nom Vercingétorix, et le groupe germanique, par le celtique rix, a un adjectif signifiant « puissant » (→ riche). Toutefois, le védique n'ignore pas le nom singulier rā́ṭ « roi » qui a pour correspondant le latin rex et l'irlandais rí. Il est naturel de penser que rex appartient au groupe de regere (→ régir) comme dux « chef » (d'où l'italien duce) au groupe de ducere (→ duire ; conduire, etc.). L'emploi de ces thèmes-racines pour désigner les agents étant exceptionnel, on doit être en présence de l'un des archaïsmes provenant des langues périphériques du domaine indoeuropéen. Rex est probablement apparenté à directio (→ direction, droite), sa valeur originelle en latin correspondant au grand prêtre qui définit l'axe de séparation entre sacré et profane, société et nature (Benveniste).
❏  Dès les premiers textes, le mot se dit en général du souverain qui, par droit héréditaire ou plus rarement par suite d'une élection, est investi à vie des pouvoirs de chef d'État ; il est quelquefois accompagné d'une détermination comme dans roi de théâtre (1671) ou roi en peinture (1690) « souverain sans autorité », expressions disparues. Il s'est employé en fonction d'adjectif dans la locution roi vraiment roi (1669) en parlant de celui qui exerce effectivement tous ses pouvoirs. ◆  À l'époque classique, et depuis le XIIIe s., le mot s'écrit parfois roy, graphie reprise par archaïsme aux XIXe et XXe siècles. ◆  Par extension, peuple roi s'est dit (1753) du peuple romain qui, sous la république, restait le maître de tous les pouvoirs qu'il conférait à ses magistrats.
■  Roi, nanti d'un déterminant, s'emploie dans de nombreux noms et titres de monarques particuliers : dans la locution figurée ancienne c'est la cour du roi Pétaud (1611), « c'est l'anarchie et tout le monde veut commander » (→ pétaudière), dans Grand Roi et Roi-Soleil (fin XVIIe s.) désignant Louis XIV. La locution figurée travailler pour le roi de Prusse, répandue au moment de la paix de 1748, alors que la France semblait avoir œuvré pour la Prusse, existait dès le début du XVIIIe s. en parlant de mercenaires ou d'agents du roi de Prusse fort mal payés.
■  Quant à la dénomination Rois mages (→ mages), qui paraît très tardive (attestée en 1893), elle a en partie remplacé les trois rois (fin XIIe s.) et les Rois (fin XVe s.). La célébration de l'épiphanie* a donné lieu aux expressions feste des trois Rois (XIVe s.) puis fête des Rois (fin XVe s.) ou jour des Rois (1564), gâteau des Rois (1553) et galette des Rois (XXe s.), ainsi que faire les Rois (1680), tirer les rois (1615) le mot prenant alors la valeur extensive traitée ci-dessous. Dans le même contexte, on appelait roi de la fève (1549) celui qui avait trouvé la fève dans le gâteau ; cette expression était usitée antérieurement à propos d'un roi faible et sans autorité (v. 1450) ; la phrase exclamative le roi boit ! (fin XVIe s.) saluait le moment où le roi de la fève buvait. Cette série d'emplois a suscité le mot régional 2 royaume pour une brioche « des Rois ».
■  Dès l'origine, la langue religieuse emploie le mot pour désigner celui qui exerce une souveraineté spirituelle indiscutable, d'abord seul sous la forme rex et reis (v. 980) en parlant de Jésus-Christ, messie annoncé par les prophètes, puis en emploi déterminé : roi céleste (1050), Roi des Rois (v. 1175), calque de l'hébreu, où l'expression est un superlatif (« le roi suprême »), livres des Rois (v. 1170), dans la Bible, roi des Juifs (1550), roi du ciel (1553). L'appellation Christ-Roi vient d'une fête instituée en 1925 par Pie XI. ◆  Par analogie, roi se dit poétiquement de souverains de la mythologie antique, tels que roi des dieux (av. 1741), roi des enfers (1875). Dans la Vallée des Rois, site archéologique de l'Égypte, les tombes sont celles de pharaons.
■  Le mot est pris figurément comme symbole de la puissance et du bonheur attachés à l'exercice du pouvoir souverain (fin XIVe s.), dans des locutions comme morceau de roi (1678), plaisir de roi (1690), parler en roi (1694) et vivre en roi, ces deux dernières sorties d'usage, alors que heureux comme un roi est resté usuel, de même que le roi n'est pas son cousin (1685 ; 1595 mon cousin).
■  Concrètement, il se dit d'une figure représentant ou évoquant la personne d'un monarque, d'abord aux échecs, d'où échec au roi (v. 1175), puis aussi aux cartes (déb. XVIe s. Marot). En astronomie, les trois rois (1752) s'applique aux trois étoiles dessinant le baudrier d'Orion et où l'on voyait les figures des rois mages.
■  En emploi absolu, le mot s'applique au souverain du pays dans lequel on se trouve ou dont il est question (XIIe s.), seul et dans de nombreuses locutions telles le feu roi (fin XVe s.), la maison... du roi (1606), le roi est mort, vive le roi, phrase exprimant la continuité du pouvoir. Au Canada, l'expression chemin du roi désigne la route qui reliait les principales villes, dans la Nouvelle-France. ◆  Plusieurs expressions emploient le mot comme symbole de légalité et marque de l'autorité officielle ; depuis la chute de l'Ancien Régime elles sont sorties d'usage : ce sont par exemple de par le roi, injonction juridique remplacée après la Révolution par au nom de la loi, gens du roi (1549), coffres du roi (1627), main du roi (1694), taux du roi (1690), deniers du roi (1798).
■  L'emploi spécial de roi comme nom d'une couleur rappelant celle des armes des rois de France s'est réalisé dans le syntagme couleur de roi (1543) qui a laissé place à bleu de roi (1690), de nos jours abrégé en bleu roi (déb. XXe s.). ◆  En vertu de l'essence divine de la royauté absolue d'ancien régime, en France, le mot est spécialement pris comme symbole de l'autorité spirituelle émanant de la personne du souverain, dit Roy Très-Chrétien (1606) dans les appellations ordre du roi, au pluriel les ordres du roi (1611).
■  Après la Révolution et l'Empire, époques où le mot prend des connotations négatives, la Restauration lui donne de nouveaux emplois officiels et courants. La locution être plus royaliste que le roi apparaît alors (1816, Chateaubriand). Roi constitutionnel est attesté plus tard (1893).
Par extension, roi désigne une personne exerçant un pouvoir suprême conventionnel dans une collectivité (Cf. aussi ci-dessus, roi de la fève) ; ainsi, au moyen âge, il a servi de titre aux officiers ayant juridiction sur certains groupes de personnes (roi des ribauds v. 1278, roi des merciers 1467) ; sous l'Ancien Régime, ce fut le titre des chefs des corporations jouissant de privilèges publics (1338) et des chefs de certaines institutions (1469, roi de la basoche). Le titre de roi de Thune (1628) désignait en argot le chef d'une association de mendiants et de gueux importante au XVe siècle. En termes d'antiquité, la locution roi du festin (1690) sert à désigner le convive choisi pour présider un repas romain. Le titre d'archonte roi (1866) est attribué au second des neuf archontes d'Athènes chargé des fonctions religieuses.
■  Selon un développement analogue à celui du latin rex, roi se dit au figuré, dès l'ancien français, d'un personnage dont l'autorité s'exerce sans contestation (fin XIIe s.), souvent adjectivement (fin XIIe s.). Il est employé à propos d'une personne qui surpasse toutes les autres de même catégorie ou jouit de la prééminence dans sa sphère d'activité (fin XIIe s.), quelquefois par ironie (fin XIVe s.), ce qui explique la valeur des nombreux noms de famille Roi, Roy, Leroy (ainsi que Rey, occitan et franco-provençal).
■  La locution le roi de la nature « l'homme » (1667) et l'emploi adjectif (1690), par exemple dans la locution proverbiale au royaume des aveugles, les borgnes sont rois (1690), aujourd'hui dans une expression comme l'enfant roi, relèvent du même sémantisme. Cette valeur est reprise au XXe s. par calque de l'anglo-américain king, pour « industriel le plus important (dans un domaine) » (le roi du pétrole, de l'acier, etc.).
■  À partir du XVIe s., se manifeste un dernier groupe d'emplois dans lesquels roi se dit d'un animal ou d'une chose se distinguant par sa puissance ou l'éminence de certaines qualités : roi des cailles (1547) « râle des genêts », semble inaugurer une série de désignations d'animaux comme roi des rougets (1870), roi des gobe-mouches, roi des harengs (1875). La langue poétique classique emploie roi des oiseaux (1694) « aigle » puis « paon » (1770) et roi des animaux (1668, La Fontaine) « lion ».
■  Roi s'applique poétiquement aussi à une chose abstraite qui semble disposer d'un pouvoir absolu (av. 1613), y compris en emploi adjectif (1875), et à une chose concrète qui est la plus réputée dans sa catégorie (déb. XXe s.).
■  Les alchimistes s'en sont servi pour désigner le soufre et l'or colloïdal (1721), les minéralogistes ont appelé l'or roi des métaux (av. 1814). Dans le langage poétique, le chêne a reçu le titre de roi des arbres ou des forêts (v. 1800). Voir aussi le schéma les noms du roi.
❏  ROITELET n. m., attesté une fois en 1180 selon Wartburg (à tort selon T. L. F.), repris au XIVe s., est le diminutif de l'ancien français raitel (v. 1138), roitel (fin XIIe s.), roitel (fin XIVe s.), « roi d'un petit État », lui-même diminutif de roi. Dès sa première attestation, puis de nouveau à partir de 1559, le mot désigne un tout petit passereau chanteur.
■  Il s'emploie quelquefois ironiquement (fin XIVe s., reytelet) pour un souverain peu puissant, parfois comme désignation familière d'un roi de petite taille (v. 1550) et d'un très jeune roi (1875).
VICE-ROI n. m. (1466), d'abord vige-roy (1463), virroy (1463), désigne le délégué direct d'une puissance royale. ◆  On en a dérivé VICE-ROYAUTÉ n. f. (1680).
■  INTERROI n. m. (apr. 1350) a désigné le magistrat chargé de gouverner pendant l'interrègne.
❏ voir RÉGAL, RÉGALIEN, RÉGENCE, RÉGICIDE, RÉGIR, RÈGNE, RÉGULE, REINE, ROYAL, ROYAUME, ROYAUTÉ.
⇒ tableau : Les noms du roi
ROILLER ou ROLLIER v. intr. est l'aboutissement, d'abord dialectal (1669, transcrit rollye) puis en français (1825, rollier), du latin populaire °roticulare, limité au centre-est et à l'est de la France (de la Côte d'Or aux Vosges, à la Haute-Savoie), et pris par le français de Suisse aux patois franco-provençaux.
❏  Ce verbe s'emploie en Suisse pour « battre, frapper » (roiller sur un tambour) et aussi, comme verbe impersonnel (attesté 1867), pour « pleuvoir à verse ».
ROILLÉ, ÉE adj. s'emploie en français de Suisse au figuré, pour « fou, dérangé » (Cf. cinglé), alors que ROILLE n. f. et ROILLÉE n. f. correspondent à « averse, forte pluie ».
L + 1 RÔLE n. m., d'abord écrit rolle (v. 1180) et role (XIIIe s.), également roole et roolle du XIVe au XVIe s., puis rôle (XVIIe s.), est issu du latin médiéval rotulus, attesté quelquefois dans la basse latinité. Ce mot, diminutif du latin classique rota (→ roue) « petite roue », désigne un rouleau, une feuille roulée portant un écrit (v. 751) et spécialement, dans la langue administrative et juridique, un registre d'actes, une liste, un rouleau faisant part d'un décès et implorant des prières pour l'âme du défunt (v. 964). L'idée de déroulement se retrouve dans le latin volumen (→ volume), de volvere. Par une autre spécialisation, rota désigne déjà le texte que doit apprendre un acteur de théâtre. L'ancien provençal role, rolle, etc. « rouleau, écrit » et l'espagnol rolde « cercle de personnes » sont également issus du latin rotulus ; l'italien ruolo « liste » et l'espagnol rol viennent du français.
❏  Le sens initial de « feuillet, recueil portant une liste de personnes ou de choses appartenant à une même classe » est sorti d'usage après le XVIIe s. sauf dans des emplois spéciaux. C'était une extension métonymique de la première acception « rouleau de parchemin, de papier » (XIIIe s.) qui ne subsiste qu'en archéologie médiévale et en paléographie. ◆  D'autres extensions sont usitées dans le langage administratif et juridique : rôle désigne la feuille ou le registre sur lesquels on transcrivait certains actes ou certains titres (v. 1390), spécialement le feuillet écrit recto verso d'un acte notarié, d'un cahier des charges (1690), et enfin, les registres manuscrits des actes du Parlement anglais (1870).
■  C'est du sens juridique de « registre sur lequel les affaires sont inscrites dans l'ordre où elles doivent être plaidées devant un tribunal » (1454) que vient la locution usuelle à tour de rôle (1636) d'abord à son tour de rolle (1454), qui était passée dans l'usage commun (av. 1493), alors que les expressions rôle général, rôle particulier (1799) sont restées juridiques. Le mot s'est spécialisé aussi en législation financière (XVIe s.) pour désigner le cahier qui, dans chaque commune, porte le nom des individus assujettis à certains impôts et le montant de leur cotisation individuelle. ◆  En droit maritime, il désigne (1728) la liste des personnes qui composent l'équipage d'un navire et, éventuellement, de celles qui sont à bord comme passagers, plus spécialement une liste distribuant les membres de l'équipage dans les différents services (1870).
■  Dès les premiers textes, le mot a repris du latin le sens figuré de « fonction propre à une personne dans la société » (v. 1196, servoit au role d'escuier), actualisé dans les locutions jouer son rôle « assumer son rôle de manière satisfaisante » (v. 1550, Ronsard) jouer un rôle « agir sur les événements » (1671), faire un rôle (1677) étant sorti d'usage au XVIIIe s., toutes surdéterminées par la spécialisation du mot au théâtre (ci-dessous).
■  Par extension, rôle se dit des attributions d'un objet (concret ou abstrait) à l'intérieur d'un ensemble, sens précoce (v. 1268) mais qui ne semble s'être répandu qu'au XXe, la locution jouer son rôle, en parlant d'une chose, étant déjà attestée au XVIIIe s. (1778).
■  La spécialisation du mot au théâtre date du XVIe s., rôle désignant la partie d'une œuvre dramatique correspondant aux paroles d'un personnage (1580) et (1538) le personnage tel que le joue et le conçoit le comédien qui le représente. Ce sens donne lieu à des locutions du métier comme jouer un rôle (1663), créer un rôle (1798), l'esprit du rôle (1798), ultérieurement prise de rôle (1975), rôle de composition (1964). ◆  Rôle se dit couramment de la conduite d'une personne, par allusion au comportement d'un acteur, d'un personnage sur scène (1580) ; de là au XXe s. la locution avoir, tenir le beau rôle (1927) « apparaître à son avantage ». De ce sens procède la spécialisation en psychologie sociale (1968) pour « système d'obligations et de droits déterminant l'ensemble des comportements d'une personne légitimement attendus par les autres ». L'expression jeu de rôle est apparue en psychologie pour la technique consistant à faire assumer un rôle prédéfini à une personne pour analyser son comportement. Elle est devenue courante en prenant le sens dominant de jeu*, pour celui où chaque participant incarne un des personnages d'un récit, provoquant des identifications partielles. Cette pratique s'est répandue avec les jeux électroniques.
❏  RÔLET ou ROLLET n. m., d'abord rolet (v. 1220) puis rollet (v. 1278) et rôlet (fin XVIe s.), diminutif de rôle, a désigné un petit rouleau ou feuillet de papier sur lequel on écrit un texte ; c'est de ce sens que viennent les locutions être au bout de son rôlet « ne plus savoir que dire, que faire » (déb. XVIIe s.), sortie d'usage (Cf. ci-dessous rouleau), et ce n'est pas à mon rôlet, allusion savante (1935) à la Farce du Cuvier du XVe s. dans laquelle un mari débonnaire doit exécuter tous les travaux domestiques que sa femme a inscrit sur un rôlet et qui, lorsque sa femme, tombée un jour dans un cuvier, l'appelle à son secours, se contente de répéter : ce n'est pas sur mon rôlet, jusqu'à ce qu'il ait obtenu la promesse de n'être plus tyrannisé. ◆  Le sens de « petit rôle joué sur scène ou dans la société » (1535, roulet, fin XVIe s. rôlet) est sorti d'usage.
■  Du sens de « rouleau », spécialement « rouleau de drap » (XVe s.) est issu le dérivé féminin ROLETTE ou ROLLETTE n. f., qui a gardé une graphie archaïque et désigne un fil de lin fabriqué à Ypres et à Courtrai aux XVIIe et XVIIIe siècles.
ROULEAU n. m. est l'autre dérivé diminutif de rôle, d'abord rollel (1315) puis roliel (1328), roolleau (déb. XVe s.) et rouleau (1430). Le mot est probablement croisé avec l'ancien français ruele (v. 1119), roele (fin XIIe s.), puis rouelle* (v. 1450) qui est proche par le sens et par la forme. ◆  Le mot désigne d'abord une bande enroulée en cylindre allongé (1315), spécialement le rouleau portant un écrit (v. 1360), par exemple la bande à demi déroulée qui sort de la bouche d'un personnage dans certaines représentations au moyen âge (fin XVe s.), ainsi nommée d'après le mot grec qui a donné phylactère. De là vient la locution être au bout du rouleau, de son rouleau (1835), employée avec un sens figuré voisin de être au bout de son rôlet « avoir épuisé toutes les ressources », spécialement « être à bout de forces » (1923).
■  Ultérieurement, le mot désigne une serviette en cuir qu'on peut rouler et dans laquelle on range des partitions de musique (1904).
■  Par extension, rouleau désigne le cylindre formé par une chose enroulée, une forme cylindrique ; en orfèvrerie, il désigne un vase ou une fiole de forme cylindrique (déb. XVe s., repris comme terme technique), puis une boucle de cheveux (1843), une grosse lame qui se brise sur la plage (1910). En sports, par adaptation de l'anglais roll (1912 western roll), rouleau désigne une technique de saut en hauteur.
■  L'influence de rouler*, enrouler est encore plus sensible dans une série d'emplois apparus à partir du XIVe s. ; rouleau se dit d'un cylindre destiné à être roulé (1328) et dont l'usage est précisé dans des syntagmes comme rouleau à encrer (1970), rouleau à pâtisserie (on dit rouleau à pâte en français de Suisse), rouleau essoreur (v. 1950). Le mot désigne notamment un morceau de bois cylindrique que l'on glisse sous les objets très lourds pour les déplacer plus facilement (XVe s.), un instrument servant à briser les mottes de terre (1606), d'où rouleau compresseur (1878) appliqué par métonymie à un engin muni d'un tel rouleau et qui, en 1914, a été appliquée par figure aux armées russes, par allusion à leur nombre et à leur puissance supposée. ◆  Le mot sert également à désigner un instrument exerçant une pression circulaire en imprimerie (1870), en peinture et, au pluriel rouleaux, un instrument de culture physique triturant.
■  Son emploi pour désigner un objet cylindrique destiné à recevoir ce qui s'enroule participe d'un croisement des sens de « petite roue » et de « petit rôle (liste) » sans qu'il soit aisé de démêler les influences des deux mots (rôle et roue) ; en marine, il désigne un cylindre de bois dur facilitant les mouvements des câbles ou amarres (1883), spécialement dans rouleau de cabestan (1904), voile à rouleau (1964) ; en tissage, il se dit d'un cylindre employé dans la fabrication des tissus (1875) d'où rouleau presseur, rouleau d'appel. En sports, il se dit d'un cylindre protecteur tournant librement, adapté à la roue arrière d'une moto dans les courses (1902).
■  Le dérivé de rouleau, ROULEAUTÉ, ÉE adj. « façonné en bourrelet », comme terme de tailleur (1819), a été refait en ROULOTTÉ, ÉE (1933) sous l'influence de roulotter v. tr. dérivé de rouler* qui a lui-même pris d'après rouleauté le sens d'« enrouler finement le bord d'un papier, d'un tissu » (1932). Roulotté est substantivé pour désigner un petit ourlet roulé (1933).
■  À son tour, le verbe a produit ROULOTTEUSE n. f. (1970), également écrit rouloteuse et rouleauteuse « ouvrière spécialisée dans cette opération ».
ROULON n. m., d'abord roiloun (v. 1280) puis roullon (XVe s.) et roulon (1680), a désigné un barreau de bois cylindrique qui entrait dans la fabrication des râteliers, ridelles, échelles ; puis un petit balustre des bancs d'église (1694).
2 RÔLE n. m. d'abord roole (XVe s.), est le même mot que 1 rôle* issu du bas latin rotulus « petite roue, cylindre » en emploi concret. ◆  Le mot, d'usage technique, a désigné un rouleau, spécialement un rondin de bois pour le chauffage. Il désigne encore la corde de feuilles de tabac torsadées, enveloppée de la feuille appelée robe (1681).
■  Le dérivé RÔLEUR, EUSE n. (1762, Encyclopédie), désignant l'ouvrier qui fait les rôles de tabac, et RÔLAGE n. m. (1832), nom de l'opération par laquelle on met le tabac en rôles, sont des termes techniques.
Le verbe composé (parasynthétique) ENRÔLER v. tr., réfection (1464) d'après rôle de enroller (v. 1190), avec la variante enrouler (XIIIe s.), homonyme de enrouler*, a d'abord signifié « faire entrer (qqch.) dans les rôles » avant de se spécialiser pour « inscrire sur un rôle » (XIIIe s.), notamment « sur les rôles de l'armée » (déb. XVIe s.), et, par analogie, « affilier (qqn) à un groupe, un parti » (1553). La forme pronominale s'enrôler prend au XVIIe s. les sens correspondants de « se faire inscrire sur les rôles d'une armée » (1636) et « se faire affilier à un groupement » (1690).
■  Le dérivé ENRÔLEMENT n. m. (1559), d'abord sous la forme altérée enroulement (1285), a suivi le même développement que le verbe ; depuis « action d'enregistrer des personnes », il passe à « action d'enrôler ou de s'enrôler dans l'armée » (1559) et désigne par métonymie l'acte certifiant cette inscription (1718). Par analogie, il se dit péjorativement du fait d'amener qqn à s'affilier à un groupement, un parti (XXe s.).
■  ENRÔLEUR, EUSE n. (1660) s'est dit sous l'Ancien Régime, au masculin, de celui qui enrôlait les recrues (Cf. recruteur).
■  ENRÔ, le participe passé de enrôler, est adjectivé (XVIe s.) et substantivé (fin XVIIe s.) en parlant de celui qui est inscrit sur les rôles de l'armée.
❏ voir CONTRÔLER, ROTULE.
ROLLER n. m., attesté en français en 1985, précédé par roller-skater « patineur » (1979) est un emprunt à l'anglais des États-Unis roller skate « patin (skate) à roulettes (roller) » ; le mot anglais roller a de nombreux sens, dont « roulette », « rouleau ». Le mot désigne en français un patin où les roulettes sont alignées, selon la forme des lames des patins à glace et auquel est fixée une chaussure spéciale, ainsi que le patinage (faire du roller). Il désigne aussi le patineur et la patineuse en rollers.
ROLLIER n. m. est un emprunt des ornithologues (1760) à l'allemand Roller (1604 chez Gessner), peut-être par l'anglais. Le nom serait une onomatopée du cri de cet oiseau, un passereau insectivore à plumage bleu-vert, à grosse tête et longue queue, de la taille d'un petit pigeon (voisin du geai bleu).
ROLLMOPS n. m. inv. est l'emprunt (1923) de l'allemand Rollmops (peu avant 1878 à Berlin) qui désigne un hareng mariné dont on a enlevé les arêtes en le fendant, enroulé autour d'un cornichon. Le premier élément représente le verbe rollen, du moyen haut allemand rollen, lui-même emprunté (comme l'anglais to roll) à l'ancien français rol(l)er, français rouler*. L'élément mops n'est pas expliqué (l'allemand a Mops « petit chien », sans qu'on voie le rapport ; on peut toutefois songer à une métaphore analogue à celle de hot dog, littéralement « chien chaud », en anglais).
1 ROM n. m. (1857, les Rômes) est un emprunt à la langue des tsiganes, où le mot signifie « homme », pour désigner un membre du peuple autrefois appelé bohémien, puis gitan, tsigane (voir ces mots). Il s'est dit en argot (par exemple dans le Breton) pour « homme, mec ». Depuis les années 1990, les Roms et le rom, leur langue (ou ROMANI) tendent à remplacer de manière neutre tous les mots, trop souvent péjoratifs (à l'exception de tsigane) par lesquels on désignait en français ce peuple.
❏ voir ROMANICHEL.
2 ROM n. f. est le sigle de l'expression anglaise Read Only Memory « mémoire que l'on peut seulement lire », mémoire non modifiable (d'un ordinateur). Il est associé à CD (« disque numérique compact ») dans CD-Rom (cédérom).
1 ROMAIN, AINE n. et adj. est emprunté (1080 comme nom) au latin romanus « de Rome », employé avec une valeur caractérisante dans l'expression romano more (« à la mode romaine »), c'est-à-dire « franchement, nettement » et, à basse époque, pour « de l'Église romaine ». Cet adjectif est substantivé comme nom ethnique du peuple romain (Romani pluriel, Romanus singulier collectif) et, particulièrement, de l'habitant (Romanus, Romana au féminin). Le mot est dérivé de Roma « Rome », nom probablement d'origine étrusque.
❏  Romain est repris comme nom ethnique pour désigner l'habitant de la Rome antique, ville et empire (XIIIe s.), puis aussi de la Rome moderne, après la chute de l'Empire romain (v. 1380), l'adjectif qualifiant d'abord (fin XIIe s.) ce qui est relatif à la Rome moderne, siège de l'Église catholique. D'autres emplois concernent la Rome moderne : dès les premières attestations, romain qualifie, en religion, ce qui est du ressort du Saint-Siège, entrant ultérieurement dans les syntagmes Église romaine (1688, chez Bossuet), Église catholique, apostolique et romaine (1657), liturgie romaine, etc.
■  Les extensions de sens se rapportent à la Rome antique : Romain s'est spécialisé en imprimerie pour désigner (1592) et, dans caractères romains (1723), qualifier un type de caractères inventé vers 1466 par l'imprimeur Jenson, Français établi en Italie, en référence à l'alphabet latin et par opposition à italique. ◆  L'acception morale « qui rappelle les vertus légendaires des anciens Romains de la République » s'est répandue au XVIIe s. sous l'influence de Corneille (chez qui elle apparaît en 1640) et déjà de Montaigne. Cette valeur inspire la locution à la romaine (av. 1696, La Bruyère) enregistrée par Furetière au sens d'« à la mode romaine ». Le mot se retrouve dans les locutions le dernier des Romains (1835) « un homme d'une hauteur morale digne des Anciens », sorti d'usage, et un travail de Romain (1907) « un immense travail ; un travail intense et grandiose ». Furetière (1690) répertorie l'expression beauté romaine et, dans d'autres domaines, chiffres romains (attesté en 1676) opposé à chiffres arabes, et droit romain (1657).
❏  L'appellation laitue romaine (1570), de nos jours 2 ROMAINE n. f. (1800), est due au fait que cette salade passait pour avoir été introduite par Bureau de la Rivière, chambellan de Charles V et de Charles VI, qui l'aurait apportée d'Avignon, où siégeait alors la cour pontificale. C'est à cette laitue « papale » que fait allusion la locution populaire bon comme la romaine (1915), qui se dit d'une personne d'une bonté à toute épreuve, puis d'une personne qui se trouve dans une situation fatale, par renforcement d'un sens populaire de bon (être bon) « dupé ». Sa motivation est à chercher dans le cri des marchands des quatre-saisons (« Elle est bonne, ma romaine ! »).
Les dérivés sont formés savamment sur le radical latin. 1 ROMANISTE n. (1535) a désigné le partisan du pape dans le langage des autres confessions chrétiennes. Il se dit du spécialiste du droit romain (1870). ◆  Le pluriel romanistes, spécialisé en histoire de l'art, se dit (1876) des peintres flamands du XVIe s. qui avaient travaillé à Rome et imitaient les maîtres de la Renaissance italienne. Un homonyme, en linguistique, est tiré de roman*.
■  ROMANISER v. (1566), a d'abord eu le sens intransitif de « parler la langue latine », avant de se dire en religion pour « embrasser la foi de l'Église romaine » (1683, Bossuet) ; ces acceptions ont disparu. Depuis le XIXe s., le verbe s'emploie transitivement pour « donner un caractère romain », « imposer la langue, les mœurs, les coutumes des Romains » (1833), spécialement en religion « conduire (qqn) aux dogmes de l'Église romaine » (1874). En linguistique, il signifie « transcrire en caractères romains » (1870).
■  En sont dérivés 1 ROMANISANT, ANTE adj. (1875) à propos des tendances d'un culte schismatique (Cf. à l'art. roman l'homonyme), et ROMANISATION n. f. (1877) qui désigne l'extension de la culture et de la civilisation romaine en même temps que le fait de romaniser une écriture (1931).
■  ROMANISME n. m., dérivé savant de romain (fin XVIIIe s.), a désigné la manière d'agir à la romaine puis la doctrine de l'Église romaine dans le langage des autres confessions (1857).
■  ROMANITÉ n. f. est emprunté (1851) au bas latin romanitas, -atis « les coutumes romaines », dérivé du latin classique romanus.
❏ voir 2 ROMAINE, ROMAN, ROMANCE, ROMANTIQUE.