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Dès les premiers textes, l'adjectif qualifie ce qui a la forme approximative d'une roue ou d'une sphère. À partir du
XIIIe s., il se dit d'une figure géométrique obtenue par révolution d'une surface, d'une ligne autour d'un axe (v. 1265), le vocabulaire didactique employant
circulaire. Rond caractérise ce qui présente une surface circulaire (fin
XIIIe s.), un corps qui présente un aspect cylindrique ou tronconique dont la section a la forme d'un cercle (v. 1265), servant spécialement en anatomie (1721,
ligament rond) à décrire certains muscles ou ligaments (1805,
muscle petit rond ; 1827,
muscle grand rond).
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Dès le XIIIe s., l'adjectif est plus courant encore pour caractériser un volume, et se dit de ce qui présente une forme arrondie, constituant souvent avec le nom qu'il qualifie un syntagme (lettre ronde, 1680), voire un nom composé, par exemple RONDE-BOSSE n. f. (1615) « ouvrage de sculpture en plein relief » (→ bosse).
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À partir du XIIIe s., l'adjectif est employé pour décrire le volume sphérique d'une partie du corps ou du corps humain (1277). Cette valeur, aujourd'hui usuelle en emploi concret, est bientôt attestée avec une valeur figurée, dans la locution être rond « être ivre » (1474), par allusion à la réplétion, comme dans soûl, bourré ; être rond s'emploie aussi dans les dialectes pour « être rassasié de nourriture » (1669) et ce sens doit être ancien. Pour « ivre », l'adjectif a donné lieu à une série de comparaisons le ramenant au sens concret de « sphérique » (rond comme une balle, une bille, un boulet), « cylindrique » : rond comme une barrique, avec allusion au contenu, rond comme une queue (manche) de pelle.
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Par la suite, l'adjectif qualifie une personne petite et grosse (1690), un objet gonflé en forme de sphère tel qu'une bourse (av. 1753), un ballon de football, ballon rond se disant par métonymie pour désigner ce sport, opposé à ballon ovale (rugby).
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Abstraitement, rond qualifie une quantité numérique complète, entière, qui ne comporte pas de décimales (av. 1493) ; tout rond se disant d'une somme qui n'oblige pas à ajouter ou à rendre de monnaie (1887).
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Table ronde, fort de la valeur symbolique qu'il tient des romans de chevalerie du cycle d'Artus (le roi Arthur), est entré dans l'usage d'abord pour désigner un repas auquel peuvent participer ceux qui le désirent (XVe s.), de nos jours une réunion où tous les participants sont mis sur un pied d'égalité dans la discussion (1955, in Témoignage chrétien).
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L'adjectif qualifie moralement une personne qui agit avec franchise et simplicité, parle franc et net sans discussion superflue (fin XIVe s.).
L'adjectif est adverbialisé tardivement dans la locution tourner rond (1870), dite d'un moteur qui tourne bien régulièrement, sans à-coups, et répandue dans le langage familier pour ce qui se déroule de manière régulière, satisfaisante (1901). À la forme impersonnelle, cela ne tourne pas rond (1928) s'emploie en parlant d'une personne qui présente des troubles. La locution jouer rond (1886), dite autrefois dans l'argot du théâtre à propos d'un acteur dont le jeu manque de vigueur, est sortie d'usage.
Dès l'ancien français,
rond est substantivé (v. 1155) dans la locution
en rond, d'abord employée avec le sens de « pris ensemble ».
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Depuis le XIIIe s., un rond sert à désigner tout objet en forme d'anneau ou de couronne, seul et en emploi déterminé, comme rond de serviette (1843).
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ROND-DE-CUIR, mot composé, est devenu autonome lorsqu'il s'est employé par métonymie (1885) pour désigner familièrement un employé de bureau, sens illustré par Courteline.
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D'autres emplois ont fourni des locutions figurées comme en baver des ronds de chapeau (1901), d'ailleurs mal expliquée.
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Par métaphore, le nom s'emploie (1461) pour désigner une pièce de monnaie dans la langue familière, en argot ancien (1847) « un écu », puis « cinq centimes », en général « un sou », entrant ultérieurement dans des locutions comme plus un rond (1870), et récemment pour pas un rond « gratuitement » ; des ronds vaut (1905) pour « de l'argent ».
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Rond de flan n'est en usage que dans en être, en rester comme deux ronds de flan (1892, chez Courteline ; → flan).
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Certaines expressions obscures peuvent s'expliquer par le sens argotique et érotique d'« anus » (1884), plusieurs, comme prendre du rond (1899), lâcher du rond (1928) signifiant « subir un coït anal », « être un homosexuel passif » (rondelle, rondibé ont eu le même sens).
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Rond désigne également la figure plane appelée plus savamment cercle (XVe s.), par exemple dans la locution faire des ronds dans l'eau (1660), qui a pris la valeur figurée de « perdre son temps à des futilités ». La locution usuelle en rond (1538), « en formant une figure circulaire », entre à son tour dans la locution familière tourner en rond « ne pas progresser, revenir toujours à son point de départ » (1904).
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Le mot désigne en outre une piste circulaire dans un manège (av. 1577), spécialement la piste circulaire située dans l'enceinte du pesage où les chevaux tournent au pas avant de prendre part à la course (milieu XXe s.).
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Au Québec, un emploi spécial correspond à « élément chauffant » (les ronds d'un poêle [cuisinière]), là où on peut dire feu, en France.
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Rond de jambe « figure circulaire que semble décrire la jambe » (1817), symbolise une attitude obséquieuse ou affectée, par allusion aux révérences (1874) ; rond de bras (1846) est rare ou technique (danse).
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À partir du XIXe s., rond désigne la tranche d'un objet cylindrique (av. 1850), par exemple dans rond de saucisson, et développe quelques emplois concrets d'usage technique : il est repris en botanique à propos d'une maladie des arbres résineux (1877), en anatomie pour désigner deux muscles de l'épaule par substantivation d'un emploi adjectif (ci-dessus) [1870] ; il est employé en boucherie dans les expressions rond de gîte à la noix (1933) et rond de tranche grasse. Rond à béton (1963) se rapporte à un fer rond utilisé pour la réalisation des armatures dans les ouvrages en béton armé.
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L'appellation rond de sorcière « cercle magique » s'est appliquée parfois à un groupement de fructifications de certains grands champignons disposés sur le pourtour d'un cercle.
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RONDEMENT adv., réfection (v. 1380) de
roondement (v. 1155),
reondement (v. 1265), a signifié « environ, en chiffres ronds », là où le français moderne dit
rond. Il a signifié « en rond » (v. 1265) avant d'être supplanté au
XVIIe s. par la locution adverbiale
en rond.
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De nos jours, plus encore qu'avec le sens psychologique de « franchement, sans façon » (v. 1360), il s'emploie avec celui de « avec décision et célérité » (v. 1460) d'usage familier, quelquefois avec la valeur superlative de « le plus vite possible » (1732).
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1 RONDE n. f. (
XIIIe s.), d'abord
reonde (v. 1175),
roonde (
XIIIe s.), féminin substantivé de
rond, est d'abord employé dans la locution
à la ronde, avec le sens spatial de « dans un espace circulaire qui s'étend alentour » et, selon le contexte, « en se tournant successivement vers tous les membres d'une assemblée réunie » (1653).
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Depuis le
XIIIe s., ce nom est employé de manière autonome, d'abord pour « chape à forme ronde », emploi sorti d'usage, et en parlant d'une danse collective. Ce sens est signalé une fois au
XIIIe s. et semble repris au
XVIIIe s. (1783, Berquin), d'abord pour « chanson à refrain » (
ronde de table, 1751 ;
ronde, 1763, Favart). L'acception concernant une danse où l'on se tient par la main en tournant autour d'un point central est la plus usuelle.
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Parallèlement, ronde a développé deux sens techniques : en calligraphie « écriture à jambages courbes, panses et boucles circulaires » (1752) et en musique « figure de note présentée par un ovale allongé, valant deux blanches ou quatre noires » (1703).
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Par ellipse de pommes de terre rondes (1864), c'est-à-dire « entières, non pelées », on appelle rondes n. f. pl. en français de Suisse les pommes de terre bouillies (mangées par exemple avec la raclette).
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Avec son sens de « danse », le plus courant, il a donné le verbe RONDER v. intr. « danser une ronde » (Suisse).
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RONDELLE n. f., d'abord rondele (fin XIIe s.), puis rondelle (1279), diminutif de rond n. m., « petit rond ou cercle », a d'abord désigné un cercle de fer, puis une tête de chardon utilisée pour le peignage des draps bon marché. En armurerie, rondelle de lance (1309) désigne une pièce d'acier façonnée en pavillon de cor et protégeant la poignée de la lance de guerre, et rondelle un petit bouclier en usage au moyen âge (1535) [Cf. rondache], ainsi qu'une pièce d'armure ronde protégeant le haut de l'épaule, la garde ronde d'une épée.
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Le mot a pris le sens de « ciseau arrondi utilisé par le sculpteur ou le marbrier » (déb. XVIIe s.), d'où DEMI-ROND n. m. (1846) « couteau de corroyeur à lame en demi-cercle ».
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Au XIXe s., il est passé dans l'usage courant, désignant une tranche mince coupée dans un objet cylindrique (1862), en concurrence avec rond, tout en prenant de nouvelles acceptions techniques : « large rebord mobile placé à chaque extrémité du métier à tisser » (1875) et, en serrurerie, « douille de renforcement dans laquelle est actionnée la pièce qui reçoit la tige carrée du bouton » (milieu XXe s.).
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En français du Québec, rondelle désigne le palet du hockey sur glace.
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L'argot de France a donné à rondelle la même valeur érotique qu'à rond « anus » (1884). D'où, plus innocent, se manier la rondelle (1953) pour se manier le cul « se dépêcher ».
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Un synonyme argotique plaisant, créé dans une chanson de 1907, est RONDIBÉ n. m. « anus ».
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RONDIR v. tr. (1243) « rendre rond » a été supplanté par arrondir (voir ci-dessous) ; il a été repris en technique pour « tailler (les ardoises) à la forme et à la dimension voulues » (1782, Encyclopédie).
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Ses dérivés RONDISSAGE n. m., RONDISSEUR n. m. et RONDISSEUSE n. f., apparus au XXe s., dérivent de ce sens.
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RONDEAU n. m., qui, sous sa forme actuelle (fin
XIVe s.), a remplacé
RONDEL (fin
XIIIe s.), sauf en histoire littéraire, est le diminutif de
ronde. Il a désigné une danse en rond, puis un petit poème à forme fixe sur deux rimes avec des répétitions obligées (fin
XIIIe s.), qui a connu plusieurs formules (nommées
rondeau à partir du
XVe s.) dont certaines sont restées relativement vivantes dans la poésie du
XIXe s. (Banville, Corbière). Par l'intermédiaire du sens de « refrain » (1690), il se dit en musique d'une forme instrumentale se rapprochant de la chanson populaire à refrain et couplets (1740), appelée
ronde (ci-dessus)
[→ rondo].
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RONDET n. m., diminutif de rond (fin XIIIe s.), s'est employé comme synonyme de rondel et dans la locution rondet de carole « chanson accompagnant une ronde ».
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RONDELET, ETTE adj. (v. 1354), diminutif de l'adjectif
rond, qualifie ce qui est assez rond, d'abord en fauconnerie, en parlant de la tête de l'épervier, puis avec une nuance familière bienveillante (v. 1550), par exemple à propos des formes du corps. Il est employé au figuré, d'après une valeur de
rond, en parlant d'une somme d'argent assez importante (1728).
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Le féminin rondelette est substantivé (1724) pour désigner une toile à voiles, puis un tissu de lin et coton dont la trame est un fil assez gros, d'après soie rondelette (1723).
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Le masculin, pris comme dénomination du rondeau (1301-1389), est sorti d'usage.
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RONDIN n. m. (1387), nom d'une sorte de tonneau, sorti d'usage, a été reformé pour désigner un morceau de bois de chauffage qu'on a laissé rond au lieu de le refendre (1526), d'où, couramment, un gros bâton (1701), puis une bille de bois non équarrie (1843). Par métaphore, il a été employé parallèlement à
rond, pour désigner populairement une pièce de monnaie (1829), sens disparu
(Cf. ci-dessus rond), comme la valeur argotique (1836, Vidocq), courante autour de 1900, « sein de femme ».
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Le mot a désigné un petit traversin destiné à soutenir les reins (v. 1750) et un veston court à pans arrondis porté par les garçons de café (1879).
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RONDEUR n. f., relativement tardif (v. 1460), désigne l'état d'une surface ronde, la forme sphéroïde d'un objet (1530), en particulier l'état d'une personne ou d'une partie du corps bien en chair (1480) et, le plus souvent au pluriel,
rondeurs (1806), une partie du corps ronde et charnue, acception souvent appliquée à l'anatomie féminine.
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Parallèlement, il s'emploie avec les sens figurés de l'adjectif, se disant de ce qui est franc et sans façon (1541), de l'attitude qui exprime le naturel allié à un prompt esprit de décision (1541) et, en rhétorique, de l'harmonie d'une phrase bien équilibrée (1558).
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2 RONDE n. f. (1559), à ne pas confondre avec le féminin substantivé de
rond, est le déverbal de l'ancien verbe
roonder v. tr. (v. 1185),
ronder « tailler en rond », « faire la ronde » (déb.
XVe s.). Le mot désigne, dans le langage militaire, le parcours autour d'une place pour s'assurer que tout va bien, d'où le syntagme
chemin de ronde (1676) ; par extension, il désigne l'inspection faite, surtout la nuit, par des policiers, des gardiens pour vérifier que l'ordre règne (1623). Par métonymie, il se dit collectivement de l'ensemble des personnes chargées de cette mission (1567).
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Au
XIXe s.,
rond redevient productif avec
RONDOUILLARD, ARDE adj. (1866), d'abord employé dans l'argot des ateliers de peintres à propos d'un dessinateur maladroit qui procède par masses rondes, puis, en arts plastiques, pour un dessin, une sculpture aux formes trop arrondies, d'un style mou et fade.
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Le sens plus courant de « replet, grassouillet (en parlant d'une personne) » est postérieur (1893).
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Au XXe s., rond a produit les termes techniques RONDAGE n. m. (XXe s.), dit en horlogerie du tournage de la platine et des ponts, et RONDADE n. f., qui désigne un mouvement de gymnastique (1964).
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Le composé
ROND-POINT n. m., d'abord écrit
roont-point « demi-cercle » (1375), a désigné la partie semi-circulaire à l'extrémité de la nef d'une église (1740), sens aujourd'hui archaïque.
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Le mot désigne couramment la place circulaire où aboutissent plusieurs rues d'une ville (1831), extension analogique du carrefour vers lequel convergent plusieurs allées dans une forêt ou un jardin (1708).
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ARRONDIR v. tr. (v. 1278), également
areondir (v. 1310) en moyen français, a supplanté
rondir au sens de « rendre rond » et spécialement de « donner une forme courbe de façon à supprimer les angles », d'où, avec une valeur figurée, la locution
arrondir les angles qui semble assez récente. De ce sens procède, en marine, le sens de « contourner (un obstacle) en suivant une trajectoire arrondie » (1829).
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Le verbe se dit en rhétorique pour « équilibrer les parties des phrases, leur donner un rythme harmonieux » (1671) et s'emploie avec une valeur quantitative pour « augmenter la surface ou la valeur d'une chose afin de constituer un tout complet » (1678).
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ARRONDI, IE, le participe passé, est adjectivé (v. 1280) pour qualifier une chose à peu près ronde. Il se dit en phonétique de phonèmes émis en arrondissant les lèvres. Il est substantivé pour désigner la partie arrondie d'une chose (un arrondi).
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ARRONDISSEMENT n. m. (v. 1450) a progressivement cessé de s'employer comme substantif d'action de arrondir. Il a eu quelques emplois spéciaux, par exemple en peinture pour l'action de faire sentir les rondeurs (1621), le fait d'arrondir une somme au franc supérieur, l'agrandissement d'un domaine (1680) et, en phonétique, le fait d'arrondir les lèvres pour émettre certains phonèmes.
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Il est beaucoup plus vivant dans un emploi métonymique, désignant (en France) une division territoriale (1737) puis la circonscription administrative française créée par la loi du 28 pluviôse an VIII (1800) et, couramment, une subdivision administrative dans les très grandes villes, Paris, Lyon, Marseille.
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En ce sens, il a produit SOUS-ARRONDISSEMENT n. m. (1871) et ARRONDISSEMENTIER n. m. (1885), qui s'est dit du partisan du scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour lequel la circonscription électorale était l'arrondissement.
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ARRONDISSAGE n. m. (1838) sert de substantif d'action à arrondir dans l'usage technique.