ROSACE → ROSE
ROSAIRE n. m. est un emprunt (1495), adapté par le suffixe -aire, au latin ecclésiastique rosarium qui désignait la guirlande de roses dont on couronnait la Vierge et qui, par le même développement de sens que chapelet, s'est appliqué à un objet de piété. Rosarium, en latin impérial « champ de roses, roseraie », est le neutre substantivé de l'adjectif latin classique rosarius « de rose », dérivé de rosa (→ rose). L'italien et l'espagnol rosario représentent le même mot. Le moyen français avait aussi rosier (v. 1525), éliminé pour son homonymie avec le nom de l'arbrisseau, et avait réemprunté rosaire pour « terrain planté de roses » (1542), emploi sorti d'usage.
❏  Le mot désigne un grand chapelet composé de quinze dizaines de petits grains précédées chacune d'un grain plus gros (le pater) et consacré à la Vierge : par métonymie, il se dit des prières récitées en égrenant le chapelet (1694), d'où l'expression mois du rosaire (attesté XXe s.) pour nommer le mois d'octobre pendant lequel l'Église catholique encourage les fidèles à réciter le rosaire.
■  On a appelé herbe rosaire (1845) puis herbe à rosaire (1870) un végétal dont les graines servent à faire les chapelets.
ROSBIF n. m., d'abord sous la forme analytique ros de bif (1691) puis sous sa forme actuelle (1727), est l'adaptation de l'anglais roast-beef (également roastbeef, roast beef). Ce mot est formé (1635) de beef « bœuf » (→ bifteck), lui-même emprunté à l'ancien français boef, buef (→ bœuf) par l'anglo-normand, et de roast « rôti », de to roast « griller, rôtir », de l'ancien français rostir (→ rôtir). La forme rosbif a évincé l'emprunt brut roast-beef (1764), sauf à propos de l'Angleterre et des pays anglo-saxons.
❏  Le mot désigne un morceau de bœuf rôti ou à rôtir, généralement coupé dans l'aloyau. Il a aussi désigné la partie de derrière d'un mouton, d'un chevreuil, que l'on sert rôtie (1727).
■  Par métonymie, d'après mangeur de rosbif, un, les rosbifs s'est dit péjorativement pour « Anglais » (1774 ; dès 1727, comme nom donné à un négociateur anglais), les peuples étant volontiers qualifiés par leurs habitudes alimentaires. Cet emploi a disparu au cours du XIXe s., sauf reprise plaisante et occasionnelle.
❏  ROSSBIF, d'abord écrit rosbif (1978) est un mot régional d'Alsace, par croisement de rosbif et de l'allemand ou de l'alsacien Ross « cheval » (→ rosse) pour dénommer un plat, une longe de cheval marinée et braisée, souvent servie avec des pommes de terre tièdes en salade ou avec des spaetzles.
+ 1 ROSE n. f. est emprunté (déb. XIIe s.) au latin rosa qui désignait à la fois la fleur du rosier (également avec une valeur collective) et l'arbuste qui porte des roses, et était employé au figuré comme terme d'affection. Le mot est apparenté au grec rhodon (→ rhododendron), sans lui être emprunté : les deux formes ne sont pas indoeuropéennes ; elles sont probablement des emprunts indépendants à une langue de l'Orient, pour le grec, probablement à l'iranien °wṛ da. Le s latin pourrait indiquer un passage par l'étrusque.
❏  Le mot désigne la fleur du rosier et, par extension, en concurrence avec rosier, l'arbuste couvert de roses. Le mot désigne, outre le type primitif de la fleur d'un rouge très pâle (couleur dite rose), à odeur suave, les très nombreux types obtenus par hybridation. Des qualifications expriment la couleur (des roses rouges, blanches, jaunes, des roses thé, d'un jaune pâle rosé), l'origine (roses de Bulgarie, du Bengale, roses anglaises). La symbolique de la fleur, héritée du monde gréco-latin, fait référence à l'Orient, et s'enrichit selon les cultures, en Occident avec le christianisme. La littérature s'en empare, du chevalier à la rose à la « rose publique » d'Eluard. L'ancienne dénomination eau rose (v. 1433 ; antérieurement eve rose, déb. XIIIe s. ; Cf. eau) désignait une eau de toilette préparée au cours de la distillation de l'essence de rose ; elle est devenue eau de rose (v. 1560) et a donné la locution figurée à l'eau de rose (1893) « fade, mièvre ». Par ailleurs, on explique traditionnellement l'expression le pot* aux roses par « le pot d'eau de rose ». ◆  La locution adjective de rose (av. 1648) a développé d'autres emplois évoquant la couleur rouge très pâle du type primitif de la fleur, comme dans l'épithète homérique de l'Aurore aux doigts de rose (1685), traduite du grec, dans la dénomination bois de rose (1694), désignant un bois de placage rosé, et dans la locution voir tout couleur de rose (1754), remplacée par voir tout en rose (ci-dessous).
■  Dès le moyen français, le mot inspire des emplois métaphoriques et figurés, induisant une idée de plaisir, d'agrément (v. 1460), désignant familièrement la virginité féminine (v.1460), d'où cueillir la rose (1626), Cf. déflorer. La rose évoque aussi la jeunesse, la vie éphémère (1607), et aussi la félicité (1665, être sur un lit de roses). La locution proverbiale nulle rose sans épine (1611), il n'y a pas de rose sans épines (1651) sont toujours en usage. ◆  Être sur les roses « dans une situation fâcheuse » (1844) et envoyer qqn sur les roses (1961), d'usage familier, viennent probablement d'une image apparentée à envoyer promener, et jouent sur l'idée d'épines.
■  Depuis le moyen français, le mot suscite des emplois spéciaux fondés sur une analogie avec la fleur, le plus souvent en emploi déterminé. Le mot qualifié entre dans la désignation d'autres fleurs et plantes, comme rose trémière (althæa), rose de Noël (ellébore), rose d'Inde (tagète), en français d'Afrique rose de porcelaine, fleur aux pétales rouges ou roses très épais. ◆  Rose d'or (XIVe s.) désigne le bijou en or que le pape avait coutume de bénir à la messe du quatrième dimanche de carême et qu'il envoyait ensuite à un souverain catholique. Rose désigne donc un joyau (diamant, rubis) en forme de rose, et une taille du diamant (1752). ◆  Rose des vents (1678), après rose (1634), se dit d'une étoile à trente-deux divisions correspondant au trente-deux aires du vent sur la boussole. Rose des sables ou rose du désert (1923) s'applique à une agglomération de cristaux de gypse jaune ou rose rencontrée dans certains déserts de sable. En français d'Afrique, on appelle rose de bois la fleur, comparée à une rose en bois, d'une liane tropicale.
■  En emploi absolu, rose sert à désigner un ornement d'architecture, de menuiserie, de marqueterie en forme de rose (1380), l'ouverture se trouvant au centre d'un luth, d'une guitare, d'un clavecin (1617), la marque ronde que le teinturier laisse au bout de l'étoffe pour distinguer les couleurs qui ont servi de fond (1689) ; en architecture, il s'applique à une baie circulaire garnie de vitraux (1690), appelée spécifiquement rosace (ci-dessous). La locution rose du gouvernail (1736) désigne les ferrures.
■  Enfin, rose entre dans le nom de variétés de plantes dont la fleur ressemble plus ou moins à la rose, comme rose trémière (fin XVIe s.), rose de Jéricho (1562), rose d'Inde (1660), rose pompon (1780), rose de Noël (1803), rose du Japon (1823), rose d'hiver (1842). ◆  En argot, bouton de rose se dit du clitoris.
❏  2 ROSE adj. « couleur de la rose », a été tiré en ancien français du nom de la fleur (v. 1160), seul, puis aussi dans des syntagmes déterminés, comme rose thé « d'un jaune délicat comme la rose du même nom » (av. 1896), rose saumon, vieux rose (XXe s.), etc.
■  Il a développé tardivement le sens figuré de « sentimental, agréable », enregistré par l'Académie en 1835, notamment dans la locution ce n'est pas (tout) rose (1809).
■  À son tour, cet adjectif est substantivé (v. 1310) pour nommer la couleur rose et quelquefois pour exprimer l'idée figurée d'optimisme (1809, voir la vie en rose ; Cf. ci-dessus voir tout couleur de rose).
La dérivation de l'adjectif est importante.
■  ROSÉ, ÉE adj. (fin XIIe s.) qualifie ce qui est vaguement teinté de rose. Par ellipse de vin rosé, il est substantivé de bonne heure pour un type de vin rouge clair (XIIIe s.).
■  Il sert à former ROSÉ-DES-PRÉS n. m. (XXe s.), nom d'un champignon comestible, la psalliote à lames, de teinte rosée, appelé aussi agaric champêtre.
■  2 ROSETTE n. f. (XVIe s.), dérivé de rose nom et adjectif de couleurs se dit techniquement de certaines matières rosées ou tirant sur le rouge (d'un cuivre [1576], d'une encre [1589], d'une craie). Son emploi est limité par l'existence de l'homonyme tiré du nom (ci-dessous).
■  ROSER v. tr., formé ultérieurement (1765) en technique picturale, a pris la valeur générale de « donner une teinte rose à (qqch.) » [av. 1850], d'où se roser « devenir rose » (1833).
■  ROSAGE n. m., nom technique, désigne une opération de teinture artisanale par laquelle on ravivait le coton peint à la garance (1846).
■  ROSELET n. m., diminutif (1758), se dit de l'hermine dans son pelage d'été et, par métonymie, de la fourrure rousse de l'hermine (1904), tandis que ROSELLE n. f. (1768) sert régionalement à désigner la grive rouge.
■  Le suffixe péjoratif -âtre a servi a former ROSÂTRE adj. « d'un rose sale » (1812).
■  ROSIR v. (1823), intransitif et transitif, exprime l'idée de « devenir rose » et, en concurrence avec roser, de « rendre rose ». Il a donné le substantif d'action ROSISSEMENT n. m. (1894).
■  ROSANILINE n. f. (1870), fait avec aniline*, est le nom d'un alcaloïde.
■  ROSÉOLE n. f. (1828) a été fait d'après rougeole et rubéole pour désigner une éruption de taches rosées qui s'observe dans certaines maladies infectieuses.
1 ROSETTE n. f., diminutif du nom rose, s'est éloigné de son sens propre de « petite rose » (fin XIIe s.) pour développer des acceptions spéciales fondées sur une analogie de forme avec une petite rose : ornement circulaire (1298), nœud formé d'une ou deux boucles que l'on peut détacher en tirant sur les bouts (1765), décoration formée d'un petit cercle d'étoffe (1830, Balzac).
■  En sciences naturelles, il désigne un bouquet de petites feuilles terminant la tige d'une mousse (1817), l'ensemble des feuilles herbacées disposées en rayon au contact du sol (1870 ; 1812, feuilles en rosette).
■  Il désigne aussi la plaquette fixée de part et d'autre de la serrure (1842).
■  Dans l'expression rosette de Lyon (1938), et absolument, rosette, le mot s'applique à un type de saucisson sec. Ce sens vient d'un emploi régional (Bourgogne) du mot pour « gros intestin des animaux » (attesté 1926), d'où « boyau pour saucisson » (1928). D'abord limité à la région lyonnaise (aussi en Savoie, dans le Jura, en Bourgogne), le mot s'est diffusé dans toute la France avec la charcuterie elle-même.
■  D'autres valeurs techniques sont moins usuelles ; certaines viennent de l'adjectif (Cf. 1 rosette).
■  Le sens figuré et populaire d'« anus » (1864) sert à former quelques locutions référant à l'homosexualité. Cf. rond, rondelle.
1 ROSIER n. m. (v. 1175), nom de l'arbuste portant des roses, obtenu dans l'antiquité à partir du rosier sauvage, l'églantier, qui entre dans de nombreux syntagmes désignant des variétés, a donné ROSIÉRISTE n. (1868) « horticulteur cultivant des roses ».
■  ROSERAIE n. f. (1690), dérivé de rosier sur le modèle d'autres formations en -aie sur des noms d'arbres en -er, désigne une plantation de rosiers.
ROSACE n. f. (1546) a été formé d'après le latin rosaceus pour désigner une figure symétrique faite de courbes inscrites dans un cercle et, par métonymie, un ornement ayant cette forme. Il est employé en concurrence avec rose pour un grand vitrail de forme circulaire (1831). ◆  Le mot désigne aussi l'ensemble des huit cases accessibles en un coup aux échecs.
■  ROSACÉ, ÉE adj. et n. f. (1694) sert à qualifier ce qui ressemble à une rose, spécialement, en botanique, une fleur dont les pétales sont disposés comme ceux d'une rose.
■  Les ROSACÉES n. f. pl. désigne une famille de plantes dont les fleurs présentent ce caractère (1812).
■  Repris en médecine avec la notion de « couleur rose », rosacé qualifie (1932) et, comme nom, désigne la couperose.
1 ROSIÈRE n. f. (1559), « lieu planté de rosiers », a été éliminé par roseraie.
■  2 ROSIÈRE n. f., nouveau dérivé de rose, est le nom familier donné à une jeune fille vertueuse à laquelle on décerne une récompense, originellement une couronne de roses (1779). Par extension, il se dit plaisamment d'une jeune fille pure et candide (1846). Le masculin 2 ROSIER, ironique, est une création littéraire de Maupassant (Le Rosier de Mme Husson, 1888).
ROSAT adj. inv., qui a remplacé (XIIIe s.) huile, eve (eau) rosade, est calqué sur le latin impérial rosatum (oleum). Rosatum y est le neutre de rosatus « fait avec des roses », de rosa, combiné avec oleum (→ huile).
■  Le mot qualifie en pharmacie une préparation où entrait originellement un distillat de roses rouges : miel rosat, pommade rosat, vinaigre rosat (v. 1560). Le sens de « de couleur rose » (1546), dans la locution vin rosat « vin rosé », est sorti d'usage.
PASSEROSE n. f. composé du verbe passer au sens de « surpasser » est le nom, dès l'ancien français (XIIIe s.), d'une variété de guimauve à fleurs de couleur douces, évoquant la rose, appelée aussi rose trémière et primerose.
❏ voir RHODIUM, RHODODENDRON, ROSAIRE, ROSE-CROIX.
ROSEAU n. m., d'abord rosel (v. 1160), puis roseau (XIIIe s.), est le diminutif de l'ancien français raus (v. 980) ou ros (v. 1155) désignant lui aussi une plante aquatique à tige droite et lisse. Raus est peut-être un emprunt au germanique °raus « jonc », à une époque antérieure à l'époque francique (en raison de la présence de la diphtongue -au-), et que permettent de reconstituer le gotique raus et l'allemand Rohr. Cette forme ancienne a fourni aussi l'ancien provençal raus.
❏  Le mot est le nom usuel de plantes aquatiques à tige droite et lisse. Il a développé des valeurs métaphoriques insistant sur la fragilité, la vulnérabilité (déb. XIIIe s. ; Cf. au XVIIe s., Pascal, « l'homme est un roseau pensant ») ou encore sur la flexibilité (Cf. la fable de La Fontaine, Le Chêne et le Roseau).
■  Par extension, il est employé techniquement en architecture en parlant d'un ornement dont on remplit par le bas les cannelures des colonnes rudentées (1870). Par métonymie (XXe s.), il désigne la tige de roseau utilisée pour faire des cannes à pêche.
❏  Son dérivé tardif ROSELIER, IÈRE adj. (1868) s'emploie régionalement pour qualifier un endroit qui produit des roseaux, le féminin ROSELIÈRE étant substantivé pour désigner un endroit où poussent des roseaux (1802).
ROSE-CROIX n. f. et n. m. et f. est la traduction (1623) de l'allemand Rosenkreuzer désignant une personne membre d'une confrérie formée au XVIIe s. et dont le nom remonterait à celui de Christian Rosenkreuz, littéralement « croix de rose », personnage qui aurait vécu de 1378 à 1484. Ce magicien, grand voyageur, aurait vécu à Damas puis serait revenu en Allemagne pour y fonder un cloître. En 1604, on retrouva sa tombe qui contenait des formules magiques et des conseils de règle de vie. Le manifeste paru à Cassel en 1614 porte en français le titre de Commune et Générale Réformation de tout le vaste monde, suivi de la Fama Fraternitatis de l'ordre louable de la Croix de Rose, adressé à tous les savants et les chefs de l'Europe. Il se présente comme une compilation et traduction des grands mystiques des siècles précédents, et il satirise la situation spirituelle et morale du luthérianisme. En 1615, la Fama est rééditée à Francfort avec une Confession de la Fraternité qui, tout en se défendant des accusations d'hérésie, promet le règne de l'Esprit et la régénération intérieure. En 1616, paraissent Les Noces chymiques de Christian Rozencreutz, anno 1454 : l'auteur en est probablement J. V. Andreae (1586-1654), luthérien de Tubingen et diacre depuis 1614, qui anime un cénacle avec C. Besold et T. Hess. Bien que le « cénacle de Tubingen » se doit défait dès 1616, le thème et le nom de Rose-Croix inspirent dès lors une abondante littérature et un grand nombre d'associations.
❏  La Rose-Croix se dit de la confrérie mystique, et un rose-croix du membre de cette confrérie allemande (1671) et de diverses confréries analogues, ésotériques et mystiques (1648). Rose-Croix, en apposition, sert aussi d'adjectif. ◆  Du fait que les cercles Rose-Croix et, au XVIIIe s., les groupements dits Rose-Croix d'or comptent de nombreux francs-maçons, le mot est devenu le nom d'un grade maçonnique supérieur à celui de maître, grade créé en 1761 (attesté 1825).
❏  ROSICRUCIEN, IENNE n. et adj. (1907), attesté très tard par rapport à son équivalent anglais rosicrucian (XVIIe s.), et ROSICRUCIANISME n. m. (XXe s.), postérieur à l'anglais rosicrucianism (v. 1740), ont été formés savamment sur le latin moderne rosa crucis (Du Cange), latinisation de Rose-Croix, peut-être d'après l'anglais. On dit aussi en français ROSICRUCISME n. m.
ROSÉE n. f., d'abord rusee (1080), rosede (v. 1120), avant rosee (v. 1160), est issu d'un latin populaire °rosata désignant l'ensemble de fines gouttelettes produites par la condensation de l'eau qui se dépose sur des objets en plein air. Le mot est dérivé du latin classique ros, roris de même sens, nom radical fixé en latin avec le o long du nominatif. D'autres mots indoeuropéens présentent un a, tel le lituanien rasà, le védique rasā, le sanskrit rásaḥ « humidité, goût » ; le vieux slave a rosa. Un rapprochement avec le grec drosos « rosée » (→ drosera) est possible, mais non assuré.
❏  Rosée a gardé le sens du mot latin et pris en français une valeur figurée inattendue (fin XIIe s.), peut-être par influence de rose (feuille, pétale de rose), désignant un aliment très tendre (1690), sens disparu, et entrant dans la locution comparative tendre comme la rosée (av. 1515). Par analogie, dans le langage vétérinaire, il désigne le suintement qui sort de la sole du cheval quand le pied est paré de trop près (1762).
■  La locution point de rosée (1832) dénomme en physique la température pour laquelle la vapeur d'eau de l'air, en un point donné et à une pression donnée, se condense en gouttelettes de rosée.
❏  ROSOYER v. intr., formé sur rosée (v. 1350) avec le suffixe -oyer de poudroyer, a signifié « être mouillé de rosée », puis « tomber sous forme de rosée » (av. 1589, Baïf), deux sens devenus archaïques. ◆  Le dérivé ROSOYANT, ANTE, adjectivation du participe présent, qualifiait ce qui tombe en rosée (déb. XVIIe s.).
■  Le dérivé ROSAGE n. m. (1923), mot technique pour l'exposition du lin à la rosée, concurrence RORAGE n. m. (1812), formé savamment sur le latin ros, roris.
■  ROSÉOSCOPIE n. f. (v. 1950), composé hybride de rosée et de -scopie*, d'usage didactique, désigne la détermination du point de rosée.
❏ voir ARROSER, ROMARIN, ROSSOLIS.
ROSEVAL n. f., mot attesté vers 1950, semble venir d'un nom propre (d'après l'élément val), sans doute un nom de lieu. C'est le nom d'une variété de pomme de terre à peau rosée (motivant peut-être le début du mot) et chair jaune.
? ROSSE n. f. et adj., d'abord roche (v. 1460) puis rosse (v. 1550), est le féminin de l'ancien français ros n. m. (v. 1160) « mauvais cheval », qui semble emprunté avec une valeur péjorative au moyen haut allemand ross (allemand moderne Ross) « cheval, coursier » (Wartburg). Ce mot, de l'ancien haut allemand ros ou hros, hross, est apparenté au moyen néerlandais ors (devenu ros par métathèse en néerlandais moderne), à l'ancien frison hors, hars, à l'anglo-saxon et au moyen anglais hors (anglais horse), à l'ancien norois hross (d'où le suédois et danois hors, ros). Toutes ces formes relèvent de la racine germanique °hersa-, °hursa et, avec gémination expressive, °hrussa- qui pourrait être apparentée à la racine °kurs- que l'on retrouve dans le latin currere (→ courir). Cependant, parce qu'un tel emprunt « par l'intermédiaire des mercenaires allemands » lui semble peu probable au XIIe s., P. Guiraud, s'appuyant sur l'existence de variantes provençales roussin, arroussin, postule une origine méridionale et probablement une dérivation d'un verbe qui pourrait être le provençal roussa « fatiguer », « herser », lequel continue un latin °ruptiare « rompre » (→ rosser). Selon cette hypothèse, un ros et une rosse désignent un animal qui a « le dos rompu » par le travail de charge et de trait (on peut évoquer aussi l'espagnol Rocinante fait d'après roçar « déchirer » ; → rossinante, roussin) ; alors le mot pourrait correspondre à rosser, en tant que déverbal. Mais l'hypothèse germanique repose sur une large famille bien attestée, et le cheminement originel du mot en moyen français est mal connu.
❏  Le mot désigne un cheval sans vigueur, sans force, souvent maigre et vieux. ◆  Il s'est employé par métaphore à propos d'une femme vieille et décrépite (fin XVe s.), d'une personne sans valeur (1618), notamment paresseuse ; ces emplois figurés ont disparu.
■  De nos jours, le mot s'emploie dans l'usage familier à propos d'une personne qui aime à dire ou à faire des méchancetés, comme nom (1840) et comme adjectif (1870), quelquefois avec les nuances secondaires d'ironie mordante et brusque (1889) et de sévérité, d'exigence (XXe s.). Le passage d'une valeur figurée à l'autre n'est pas clair et évoque le cas de vache*, de l'idée de « mollesse avachie » à celle de « méchanceté ».
❏  En est dérivé ROSSARD, ARDE adj. et n. (1867), qui s'est dit d'une personne paresseuse (comme un cheval fourbu) et, proprement, d'un mauvais cheval (1904).
■  D'après le sens figuré moderne de rosse, le mot s'emploie à propos d'une personne malicieuse encline à la méchanceté (1935).
■  ROSSERIE n. f. (1886) désigne à la fois le caractère rosse, méchant et (une, des rosseries) un acte, une parole rosse. C'est un quasi-synonyme de vacherie.
? ROSSER v. tr. est, selon une étymologie traditionnelle, la déformation tardive (1650), sous l'influence de rosse*, de l'ancien français roissier (v. 1175) de même sens, qui continue un latin populaire °rustiare « battre ». Ce dernier serait le dérivé de °rustia « gaule », altération du latin °rustum « arbuste, buisson », « ronce », également postulé par le provençal rouissio « branche morte ». Bloch et Wartburg n'excluent pas que rosser soit directement dérivé de rosse* au sens de « traiter comme une rosse, malmener, battre ». Selon P. Guiraud, roissier et rosser sont, malgré leur parenté sémantique, deux mots différents. Rosser, qui a signifié aussi « ronger » et « fatiguer », représenterait un roman °ruptiare fait d'après ruptus, participe passé de rumpere (→ rompre), le o ouvert postulant une origine dialectale, à côté de la forme normale rousser, bien attestée et parallèle au provençal roussa (→ rosse). Selon cette hypothèse, rosse serait au contraire le déverbal de rosser.
❏  Ce verbe familier, bien vivant, signifie « frapper (qqn) avec violence » et, par extension « battre, vaincre dans une bataille » (1690).
❏  Son participe passé féminin substantivé (1834), ROSSÉE n. f., correspond familièrement à « correction, raclée ».
ROSSIGNOL n. m. est emprunté (v. 1160) à l'ancien provençal rossinhol qui passe pour avoir été emprunté aussi par les langues voisines, l'italien lusignuolo, l'espagnol ruiseñor, et qui doit probablement sa diffusion au rôle de cet oiseau dans la poésie des troubadours. Rossinhol continue le latin populaire °lusciniolus, masculin tiré de lusciniola (déjà chez Plaute), dérivé de luscinia, mot sur l'étymologie duquel on ne peut faire que des hypothèses : on évoque notamment un dérivé de luscus « borgne » (mot populaire d'origine inconnue) sous l'influence des composés en -cen, -cinus, par allusion au fait que le rossignol chante dans l'obscurité. Le r initial, attesté déjà dans roscinia, dans une glose du VIIe s., est peut-être dû à une dissimilation du l- initial conservé dans l'italien lusigniolo, ou encore à un croisement avec russus (→ roux), le rossignol ayant un plumage roussâtre. On rencontre aussi en ancien français les formes losseignol (v. 1175) et lourseignos (XIIIe s.) conformes au latin populaire, et roussigneul, forme traitée selon la phonétique du français, et qui semble attester l'influence de roux.
❏  Le mot est le nom d'un petit passereau au chant varié et harmonieux dont la place dans la littérature, notamment la poésie, est importante. Cette caractéristique lui vaut son emploi dans la locution voix de rossignol (1694). La locution classique rossignol d'Arcadie (1611) est une désignation ironique de l'âne, par allusion à son braiement. ◆  En musique, rossignol a désigné une petite pièce adaptée aux anciens orgues de France et imitant le chant du rossignol (1690), et aussi une petite flûte d'enfant (1812).
■  Le sens de « crochet pour ouvrir les serrures », ancien (1406) et utilisé dans le jargon des malfaiteurs, procède d'un développement peu clair : P. Guiraud l'explique par un croisement avec rosse, roussin (qu'il rattache à °ruptiare « rompre », Cf. rosse), rendant compte en même temps de l'emploi pour « instrument de torture destiné à rompre les membres » (1569). Mais une métaphore sur le chant de l'oiseau est possible : une clef qui tourne bien « chante » ; par ailleurs, l'instrument de torture arrache des cris aux victimes.
■  Le sens familier de « livre invendu » (1835, Balzac), dont procède celui d'« objet démodé, invendable » (1847), ferait référence au fait que les livres, les objets perchés sur les plus hauts casiers, comme le rossignol sur la plus haute branche, restent dans la boutique ; cette explication n'est pas très convaincante. Le mot s'est dit aussi, au XIXe s. (1865) d'une personne médiocre.
❏  ROSSIGNOLET n. m., d'abord russignolet (v. 1180) puis rossignolet (v. 1240), « jeune rossignol », est d'un usage poétique ou plaisant.
■  ROSSIGNOLER v. intr., réfection (1492) de lousegnoler (v. 1200), est familier, voire ironique, en tout cas archaïque, pour « imiter le chant du rossignol ».
■  De ce dernier vient ROSSIGNOLADE n. f. (1837) « chant orné de roulades », quelquefois dit par péjoration d'un chant orné de fioritures excessives.
ROSSINANTE n. f. est l'adaptation (1718) d'après rosse* du masculin rocinant (1633) « cheval maigre et efflanqué ». Ce dernier est emprunté de l'espagnol Rocinante, nom du cheval de don Quichotte dans le roman de Cervantès. Ce nom est dérivé de l'espagnol rocín « cheval de bât » qui continue le latin populaire °runcinus, également prolongé par le français roussin*.
❏  Le mot a vieilli en dehors d'emplois littéraires.
❏ voir ROSSE.
1 ROSSOLIS n. m. est emprunté (1669) au latin médiéval ros solis « rosée du soleil », de ros, roris (→ rosée) et du génitif de sol (→ soleil), employé comme nom d'une plante dont les feuilles portent des poils terminés par des vésicules transparentes ressemblant à des gouttes de rosée.
❏  Le mot désigne une plante appelée également rosée du soleil (1611) et drosera*, du nom grec de la rosée.
❏  2 ROSSOLIS n. m. (1645), aussi écrit rossoli au XVIIe s. (1667), est d'origine incertaine. Bloch et Wartburg excluent un emprunt à l'italien rosolì, ultérieurement transformé en rosòlio « huile (oleo) de rose (rosa) », lequel serait au contraire repris (1753) du mot français. Ils considèrent qu'il s'agit d'un emploi spécialisé du nom de plante 1 rossolis, qui aurait pu être utilisé pour faire de la réclame à une liqueur ou parce qu'on se serait servi d'une décoction de cette plante comme ingrédient.
■  Le mot, d'abord défini vaguement comme « liqueur parfumée », désignait une liqueur composée d'eau-de-vie brûlée, de sucre, de cannelle et quelquefois parfumée (selon Trévoux, 1732). Il s'est appliqué aussi à une liqueur fabriquée en Turquie et en Italie au XIXe s., à partir d'une macération de pétales de roses, de fleurs d'oranger, de cannelle, de girofle, de jasmin dans de l'alcool. Il est demeuré rare.
RÖSTIS ou RŒSTIS n. m., adapté en reuchties (1899) d'après la prononciation, puis écrit röstis et rœstis (1916), est emprunté au suisse alémanique rösti (1892), surtout au pluriel et déjà dans le composé Erdäpfelrösti (1863). Rôsti est attesté en allemand de Souabe en 1850. Le mot est dérivé de rosten « griller, rôtir », d'un verbe germanique dont une forme a donné rôtir*.
❏  Le mot est un terme de cuisine du français de Suisse, désignant un plat de pommes de terre cuites et refroidies, puis râpées et rissolées à la poêle, au saindoux dans la recette originale (les pommes de terre peuvent aujourd'hui être crues et frites à l'huile végétale), de manière à former une galette croustillante à la surface et fondante à l'intérieur. Il est peu connu en français de France. En Suisse, on écrit des röstis, des rösti invariable, des roesti(s), des reuchtis. Le singulier est rare. ◆  L'expression alémanique le röstigraben, francisé en fossé, plus souvent barrière de ou des röstis, désigne les difficultés de compréhension entre Suisses romands et Suisses alémaniques.
ROSTRE n. m., attesté une première fois au XIVe s. chez Bersuire, puis en 1577 et de nouveau en 1730, est emprunté au latin rostrum, dérivé de rodere « ronger » (→ roder). Rostrum désigne proprement ce qui sert à ronger, un museau, un bec. Les représentants romans du mot latin ayant le sens de « bouche », « visage », une acception familière de rostrum devait être analogue à celle du français bec, museau. Par suite de la ressemblance avec un bec, rostrum correspond à « éperon de navire » et à tout objet en forme de bec, pointe de la serpe, de la charrue, bec d'une lampe, tête d'un marteau. Le pluriel rostra désignait la tribune aux harangues du Forum, qui était ornée d'éperons (rostra) de navires pris aux Volsques d'Antium pendant la guerre latine.
❏  Le mot a été repris au pluriel comme terme d'antiquité en parlant de la tribune aux harangues de Rome (v. 1355).
■  Au XIXe s., le singulier a été repris au latin, d'abord en zoologie pour désigner le prolongement de la cage thoracique chez les crustacés (1812), et la pièce buccale pointue de certains insectes (1845).
■  En termes d'antiquité, le mot désigne comme en latin l'éperon qui prolongeait la proue d'un navire de guerre romain (une fois en 1577, puis 1870) et, en architecture, un ornement représentant cette proue (1835).
❏  Son dérivé ROSTRÉ, ÉE adj. (déb. XVIe s.), « pourvu d'un éperon de navire », puis « allongé en forme de bec » (1812), n'est plus usité.
■  ROSTRAL, ALE, AUX adj. est emprunté (v. 1363) au dérivé bas latin rostralis « des Rostres ». ◆  Ancien terme descriptif qualifiant ce qui est en forme de bec, rostral a été repris au XVIIe s. dans colonne rostrale « colonne ornée de proues de navires en souvenir d'une victoire navale » (1663), et couronne rostrale « récompense acccordée à celui qui montait le premier à l'abordage d'un navire ennemi » (1690).
❏ voir CORRODER, ÉRODER, RODER ; LAMELLIROSTRE (à LAME).
L 1 ROT n. m., d'abord sous les formes rut (v. 1150) et rout (XIIIe s.), devenues rot (v. 1560) avec une voyelle plus expressive, est issu du bas latin ruptus (IVe s.) de même sens. Ce mot est l'altération, par attraction du participe passé de rumpere (→ rompre), du latin classique ructus « expulsion bruyante de gaz stomacaux par la bouche », qui correspond à l'ancien verbe rugere, de même radical que rugire (→ rugir), et s'est conservé dans le préfixé eructere (→ éructer).
❏  Rot, avec le même sens que le mot latin, est, au moins en français moderne, d'usage populaire et vulgaire, tout comme pet. Par extension, il peut désigner un bruit analogue (déb. XXe s.). Littérairement, comme synonyme énergique de renvoi, il a pu s'appliquer au retour à la conscience de souvenirs déplaisants (Flaubert).
❏  Il a produit ROTOTO n. m. par réduplication enfantine (XXe s.), mot familier pour le rot du bébé après la tétée.
ROTER v. intr., d'abord ruter (v. 1120) ou rutter (v. 1130), refait en roter (v. 1130), continue le dérivé bas latin ruptare, altération, par attraction de ruptus, du latin classique ructare « faire un rot » et « prêcher » (→ éructer).
■  Le verbe s'emploie comme intransitif pour « faire des rots », populaire ou très familier. ◆  Les sens figurés anciens « proférer (une parole) » et « exhaler » (v. 1130) supposent un usage concret ancien non marqué. ◆  Dans la locution elliptique en roter (1881), il prend le sens figuré de « peiner sur un travail dur ou excessif » et aussi « éprouver une admiration éperdue » (fin XIXe s.). La métaphore est comparable à celle qui porte sur baver. ROTEUR, EUSE n. est peu courant pour « personne qui rote ». ◆  Une ROTEUSE n. f. désigne en argot (milieu XXe s.) une bouteille de champagne et par extension une bouteille de boisson gazeuse, alors que ROTEUX n. m. peut s'employer très familièrement au Québec pour « hot dog ».
2 ROT n. m., avec t prononcé, est un emprunt (1875) à l'anglais rot « pourriture », appliqué aux États-Unis à une maladie cryptogamique de la vigne, le rot gris correspondant au mildiou, le rot noir étant appelé d'après l'anglais black rot.
RÔT → RÔTIR
ROTANG → 1 ROTIN
ROTARIEN n. et adj. m. est tiré (1922) sur le modèle de l'anglais rotarian, de Rotary Club, nom d'une association internationale fondée en 1905 aux États-Unis, réunissant des membres de chaque profession ou activité sociale et dont l'insigne est une roue, symbolisant la réunion de tous les efforts. Rotary est une spécialisation de l'anglais rotary, adj. et n., issu du latin tardif rotarius, du latin classique rota (→ roue). ROTARY n. m. est passé en français (1928) pour désigner un appareil dont le mécanisme imprime un mouvement de rotation continu à certains organes et un système de téléphonie automatique dans lequel certains organes sont animés d'un mouvement de rotation continu (1952). Ces emplois techniques ont vieilli.
❏  Rotarien désigne un membre d'une association nommée Rotary et, par extension, qualifie ce qui est relatif à cette association.
❏ voir RONÉO.