? ROUBIGNOLES n. f. pl. est le pluriel (1896) de robignole (1836), roubignole (1862), employé pour une petite boule de liège utilisée dans un jeu, puis disparu. L'origine du mot est obscure : on a pensé au provençal roubignoli, attesté en 1886 au sens de « testicules », probablement à rattacher à roubin « mouton », même mot que l'ancien français robin d'où est dérivé robinet*.
❏  Le sens argotique moderne de « testicules » se comprend aisément à partir de celui de « petite boule avec laquelle on joue » ; mais ce dernier pourrait être métaphorique du premier, qui serait alors plus ancien. ◆  C'est la variante roupignoles, selon les étymologistes de l'argot, qui aurait donné ROUPETTES n. f. pl., de même sens, mais la date ancienne (1779 chez Nogaret, trouvée par P. Enckell) en fait douter, faute d'avoir une forme roupignoles ou roubignoles attestée au XVIIIe s. Roupette pourrait être un autre mot.
ROUBINE ou ROBINE n. f., attestés respectivement en 1637 et 1476, sont empruntés au provençal robino, probablement issu du latin rupina « crevasse », dérivé à l'époque impériale du latin rupes, rupicis « bloc de pierre ». Ce mot régional du sud de la France désigne un canal faisant communiquer un étang, un marais salant avec la mer (les roubines d'Aigues-Mortes).
? ROUBLARD, ARDE adj. et n. (1830) est d'origine incertaine : on a évoqué un dérivé de l'argot ancien roubliou « feu », lui-même emprunté de l'italien robbio « rouge » qui continue le latin rubeus « roux, roussâtre » (→ rouge). Littré le fait venir de rouble* au sens non attesté de « homme à roubles, richard ». P. Guiraud préfère partir du sens ancien de « mal habillé, mal mis » et en faire un dérivé argotique de râbler « ramasser avec un râble », de râble*, en s'appuyant sur les formes dialectales rouabler, robler. Selon lui, de roubler « racler », on aurait tiré un roublard « raclé, éraillé » d'où « mal mis, misérable », un autre roublard de sens actif désignant celui qui racle, tire les marrons du feu, d'où, au figuré, un extorqueur de tripot. Cette hypothèse tente de rendre compte du développement sémantique paradoxal de roublard, dans ses premiers emplois.
❏  La concomitance des sens d'« heureux » (1830) et de « mal habillé, sans valeur » (1835) d'où « laid, défectueux » (1836), tous deux sortis d'usage, est en effet difficile à expliquer.
■  Le sens moderne, « habile à se tirer d'affaire ou à défendre ses intérêts et capable d'user de moyens peu délicats » (1864), peut se comprendre par l'intermédiaire de celui de « personne extorquant de l'argent dans les casinos » (1858), lui-même sans rapport apparent avec les valeurs initiales, ou encore à l'argot ancien « agent de police » (1830). Selon l'hypothèse de P. Guiraud, cette acception s'explique d'après l'idée de « celui qui rafle » (raille, déverbal de railler « racler, rafler », ayant le même sens argotique).
❏  Roublard a produit ROUBLARDER v. intr. (1875) « agir en roublard », rare, et ROUBLARDISE n. f. (1877) « caractère d'une personne roublarde » et, en particulier (une, des roublardises), « action d'un roublard » (1934), d'usage familier. Les dérivés de roublard, au XIXe s., illustrent la même incertitude sémantique : ils vont de l'idée de misère à celle de vol, mais ne semblent pas avoir suivi l'emploi de roublard pour « chic », d'un vêtement (1863) qui peut manifester le passage de l'idée de « misérable » à celle de « malin », par antiphrase.
ROUBLE n. m. est emprunté (1606) au russe rubl' qui désigne l'unité monétaire de la Russie (1316, selon Fasmer ; XIIIe s., selon Tsuganienko), puis de l'Union soviétique (1917) et à nouveau (1991) de la Russie. Cette unité a d'abord été instaurée à Novgorod, avant d'être reprise dans le système monétaire moscovite au milieu du XVe siècle. Le mot est d'origine incertaine. Fasmer rejette l'hypothèse d'un emprunt de l'arabe rub῾ « quart », fondée sur le fait que le rouble représentait un quart de l'unité antérieurement en vigueur, la grivna. Il évoque un rapprochement avec le verbe rubiti (russe moderne rubit') « fendre, casser, couper » soit par allusion au fait que le rouble était un morceau coupé dans une barre d'argent ou une barre dentelée, soit parce qu'il représentait une fraction de grivna. Le verbe rubiti a un dérivé rubl' désignant d'abord une bille de bois, un tronçon de bois (XIe s.).
❏  Le mot désigne l'unité monétaire de la Russie, puis (1917) de l'U. R. S. S. et à nouveau (1991) de la Russie.
ROUCHI n. m. est le nom donné (1812) par Gabriel Hécart à ce parler, d'après l'expression patoise drouchi, drochi « droit ici ».
❏  Le mot désigne le dialecte picard du Hainaut (région de Valenciennes).
ROUCOULER v. intr., d'abord rencouller (v. 1462), puis par changement de préfixe rouconner (1495), vient peut-être d'un radical onomatopéique ruk- qui avait plusieurs variantes. On évoque le latin raucus « enroué » (→ rauque).
❏  Le mot est employé en parlant des pigeons, des tourterelles qui émettent leur son spécifique. Par extension, il s'est employé transitivement à propos d'une personne qui chante ou parle langoureusement (v. 1770). ◆  La valeur figurée, « tenir des propos tendres et langoureux » (1812), est restée vivante.
❏  ROUCOULEMENT n. m. (1611) désigne le bruit que font entendre les pigeons et les tourterelles et, par extension, un chant tendre et monotone (1831).
■  ROUCOULANT, ANTE, participe présent de roucouler, est adjectivé (1821, in D. D. L.), qualifiant ce qui roucoule (au propre et au figuré) et, par extension, ce qui rappelle le roucoulement de l'oiseau (1855).
■  ROUCOULADE n. f. (1857), se dit du bruit que font entendre les oiseaux en roucoulant, et de propos tendres entre amoureux.
■  ROUCOULIS n. m. (1890) le doux bruit des oiseaux qui roucoulent, est rare.
ROUDOUDOU n. m., mot expressif d'allure enfantine, sur la répétition de doux (Cf. doudou) et un premier élément moins clair (roue, rond ?) apparaît dans son sens innocent en 1910. Il désigne une confiserie, une pâte sucrée coulée dans une petite boîte. Cependant, aller au roudoudou s'était dit et écrit dans l'argot fin de siècle (1897) pour « faire l'amour ».
L + ROUE n. f. est la réfection (XIVe s.), d'après la série rouelle*, rouet et rouer, du type plus ancien riuode (v. 980), rode (fin XIe s.), puis roe (v. 1112), ruee (XIIIe s.) qui aurait abouti à reue, attesté dans de nombreux parlers de l'Est, du Nord et de l'Ouest. Sous ses formes anciennes, le mot continue le latin rota qui désigne aussi bien la roue du char, celle du potier, la roue hydraulique et celle du supplice, et qui sert en outre à désigner un poisson rond. Rota est apparenté par sa racine aux langues baltes (lituanien ritū « rouler »), celtiques, au sanskrit ráthaḥ « char ». Une autre série verbale exprimant la même notion correspond au vieux prussien kelan, au slave kolo et au grec kuklos (→ cycle). En ce qui concerne la racine de rota, l'indo-iranien exprime la notion de char à l'aide de ráthaḥ tout en usant, pour celle de roue, d'un nom tiré de l'autre racine ; la série qui correspond à ráthaḥ se retrouve donc du baltique à l'italo-celtique. Il semble que la racine indoeuropéenne de rota soit plus spécifique du char ; celle du grec kuklos (°kwel-) correspondrait plutôt au mouvement, à la circulation, se spécialisant pour « roue » et « cercle ». La répartition entre les deux racines est géographique.
❏  Le mot désigne proprement un disque qui tourne sur un axe passant par son centre. Dès les premiers textes, il désigne ce disque utilisé comme organe de déplacement d'un véhicule. Cette acception donne lieu à des syntagmes, à des locutions figurées, telles que cinquième roue du carrosse (1743), variante de quinte roue du chariot (XVe s.), « élément inutile, superflu », pousser à la roue « aider » (1559), mettre des bâtons dans les roues « gêner, empêcher » (1807). De l'ancien français à nos jours, les applications évoluent en fonction des véhicules : chars, chariots, carrosses, voitures à cheval et (fin XIXe s.) cycles et automobiles. De là les syntagmes usuels comme roue libre (1897, en cyclisme), roue de secours (1935). Ce dernier s'est employé au figuré pour « monocle » et « chose ou personne conservée pour servir de recours ». ◆  Les sports cycliste et automobile ont été la source de plusieurs expressions comme prendre la roue de qqn « le suivre de près », ou être dans la roue.
■  Par métonymie, le syntagme (un) deux-roues sert à désigner un véhicule à deux roues (1932), tant dans le langage administratif que dans l'usage courant.
■  Avec la même fonction, roue désigne un disque muni d'éléments perpendiculaires servant à propulser un navire (aube à roue, bateau à roue) [1858].
■  Dès l'ancien français, roue se dit du même disque utilisé comme un organe de transmission ou d'élévation (v. 1190), seul et dans des syntagmes techniques, comme roue de gouvernail (1757), roue hydraulique (1863), roue dentée (1870), maîtresse roue (1870).
■  Dès le XIIe s., roue se dit également, comme le latin rota, d'un disque tournant, notamment d'un instrument de torture formé d'une roue horizontale sur laquelle on liait le supplicié (v. 1112), d'où supplice de la roue (av. 1778) ; la locution figurée être sur la roue « souffrir le martyre » (1798), est sortie d'usage, mais le dérivé 2 rouer (ci-dessous) perpétue cette acception.
■  Dès le XIIe s. également, le mot est investi de significations métaphoriques et symboliques, la locution roue de la fortune (v. 1155) exprimant les vicissitudes, les « révolutions » du sort capricieux. D'où la locution être au plus haut, au plus bas de la roue (v. 1650) qui prolonge des variantes anciennes (milieu XIIIe s.). Telle est l'origine de la roue de loterie, d'abord dénommée roue de Fortune (1690) et désignant à l'origine un tambourin où l'on enfermait les numéros pour les tirer au sort, aujourd'hui une roue verticale.
■  Par métaphore, roue est employé dans faire la roue, anciennement dit d'une personne qui déployait en rond la queue de sa robe ou de son manteau (XIIIe s.) et appliqué par la suite à un volatile déployant en rond les plumes de sa queue (v. 1278), d'après un emploi autonome de roue désignant le déploiement de la queue du paon (v. 1228). La locution s'emploie au figuré à propos d'une personne qui adopte une position avantageuse (fin XIVe s.). Roue désigne aussi une figure de gymnastique (1802) d'après faire la roue « évoluer dans un plan vertical en s'appuyant successivement sur les mains et sur les pieds » (1547). ◆  La locution roue de derrière a fourni une désignation familière de la pièce de cinq francs (1725).
■  Les emplois où roue n'est pas conçu comme une forme en mouvement mais un simple disque ou cylindre plat sont assez rares ; on parle cependant de roue de fromage. ◆  Par calque de l'anglais wheel, roue s'emploie au Québec pour « volant (d'une automobile) » (prendre la roue : « conduire »).
Voir aussi les schémas.
❏  1 ROUÉ, ÉE adj., réfection (XIVe s.) de roé (1080), qualifie d'abord ce qui est orné de dessins en forme de roue ou est en forme de roue ; ce sens ne survit que dans quelques locutions techniques : tête rouée, terme de vénerie, a d'abord désigné une tête de chevreuil, de daim ou de cerf ayant des perches serrées (1561), puis une tête dont les merrains sont recourbés en dedans (1870) ; encolure rouée, terme de manège, se dit d'une encolure qui s'arrondit progressivement du garrot à la nuque (1864). Un homonyme est le participe du verbe rouer (ci-dessous).
■  ROUAGE n. m., qui a pris sa forme actuelle (v. 1268) après roage (1147), est à l'origine un terme de féodalité désignant le droit seigneurial perçu sur les voitures roulant sur les grands chemins, particulièrement celles qui transportaient du vin.
■  Par une autre dérivation, rouage désigne concrètement l'ensemble des roues d'un véhicule ou d'une machine (v. 1536), d'où la locution bois de rouage « bois servant à faire les roues des véhicules » (1723). ◆  Le mot désigne aujourd'hui chacune des pièces d'une machine, d'un engrenage (1578), d'où par métaphore (1762) une personne, un service participant au fonctionnement d'une administration, d'une entreprise.
■  ROUET n. m., réfection (1382) de roet (XIIe s.), diminutif de roe, roue, a désigné la roue de la fortune ainsi qu'une roue servant à monter l'eau (v. 1215). ◆  Le mot est resté vivant avec d'autres emplois, désignant une petite machine à roue servant autrefois à filer le chanvre et le lin (fin XIIIe s.), la désignation restant connue après la disparition du procédé. ◆  D'autres sens ne sont plus connus que par les historiens des techniques : « petite roue de bois ou de métal faisant partie d'une poulie ou d'un moufle » (1371) ; aux XVIe et XVIIe s., « roulette d'acier dentée qui, frappant sur un silex, enflamme la poudre des armes à feu » (v. 1536). Au XVIIe s., le mot a développé de nouveaux sens techniques, s'appliquant à une pièce de serrurerie (1660), une charpente cylindrique en bois posée au fond d'un puits (1690).
2 ROUER v. tr., dérivé de roue (1326) à ne pas confondre avec 1 rouer* qui représente le latin rotare, signifiait « faire subir le supplice de la roue à (qqn) ». La locution rouer de coups (1648), toujours usuelle, est une extension hyperbolique. Le sens d'« écraser sous les roues d'une voiture » (1643), nouvelle dérivation de roue, est sorti d'usage.
■  Le participe passé 2 ROUÉ, ÉE a été adjectivé au sens de « qui a subi le supplice de la roue » (1628), devenu archaïque comme les emplois hyperboliques qui en procèdent, dans la locution roué de fatigue (1694).
■  L'emploi de roué avec un sens moral pour « digne d'être roué » (Cf. gibier de potence, pendard) est d'abord un surnom donné aux compagnons de plaisir de Philippe d'Orléans qui se réunissaient chez lui au Palais-Royal ou au Luxembourg chez la duchesse de Berry (déb. XVIIIe s., Saint-Simon). Le développement de sens est controversé : certains, dont Wartburg, l'imputent au fait que les compagnons de débauche du Régent étaient comme « roués de fatigue » le lendemain de leurs excès ; P. Guiraud, pour sa part, invoque une influence sémantique de rouler et de certains de ses dérivés (rouleux « vagabond », roulure « femme de mauvaise vie », dialectal roulado) : selon lui, le roué serait proprement celui qui a roulé sa bosse dans les mauvais lieux et en mauvaise compagnie ; mais la première valeur indiquée semble la plus vraisemblable. Le mot est passé dans l'usage en parlant d'un débauché, d'une personne sans scrupules (1788), par extension, d'une personne qui use d'artifices pour tromper et spécialement, au féminin, d'une femme rusée à laquelle il ne faut pas se fier (1850).
■  De roué est dérivé ROUERIE n. f. (1777) « action d'un roué », puis aussi « acte d'une personne rusée » et, généralement, « caractère d'une personne rusée, sans scrupules » (1846).
❏ voir BROUETTE, ÉRAILLER, RODÉO, RÔDER, ROGNER, RÔLE et CONTRÔLE, ROND, ROTATION, ROTONDE, ROTONDITÉ, ROTULE, ROUELLE, 1 ROUER, ROUND.
⇒ tableau : Roue
L ROUELLE n. f. est la réfection d'après roue de rodele (av. 1100), rüele (1119), roiele (XIIIe s.) issus du latin tardif rotella « petite roue », diminutif de rota (→ roue), à côté de rotula (→ rotule). Son dérivé verbal rueler, roueler, est devenu rouler*.
❏  Le développement sémantique procède du sens littéral de « petite roue », lui-même attesté en 1119 (rüele). Dès les premières attestations, le mot s'emploie en cuisine pour une tranche mince coupée en rond, emploi que lui dispute rondelle depuis la fin du XIIe s., sauf dans deux spécialisations, à propos d'une épaisse tranche de veau taillée dans le cuisseau ou le jarret (1600) et aussi d'une roue de fromage. Le mot, devenu archaïque, s'est conservé comme terme historique à propos du cercle d'étoffe coloré porté comme signe infamant par les juifs au moyen âge (v. 1170), de la large rondelle contre laquelle la main abritée saisit la poignée d'une arme (1481), enfin de la pièce circulaire en fer couvrant les articulations de certaines armures (1611).
❏  Le diminutif ROULETTE n. f., aboutissement de reüelette (1119), rouellette (1406-1442), absorbant le sens littéral de « petite roue » qu'avait rouelle, a évincé ce dernier de l'usage courant. Senti comme un dérivé de rouler, le mot a connu une grande fortune dans les désignations techniques d'instruments : d'abord appliqué à une petite roue de brouette (1406-1442), il se rapporte à la petite roue fixée sous le pied d'un meuble (1680), à un dispositif analogue au patin (à glace) mais muni de petites roues, donnant la locution adjective à roulettes (1875, patin à roulettes). ◆  Roulette est l'ancien nom de la cycloïde (1615) et d'un fauteuil à roulettes utilisé pour véhiculer un invalide (1689).
■  La locution comparative comme sur des roulettes suggérant l'aisance dans le mouvement, aller comme sur des roulettes (1813) équivaut à « aller très bien ».
■  Roulette désigne aussi un outil de relieur (1680) et de graveur (1866), de couturier, de cordonnier (1904) et de dentiste (XXe s.), valeur plus courante.
■  Il s'est spécialisé dans le domaine des jeux de hasard (1726, jouer à la roulette), suscitant des emplois métaphoriques comme symbole du hasard (1840, Balzac), et en géométrie (1875) pour une courbe de nature quelconque roulant sur une courbe fixe.
❏ voir ROULER.
ROUENNERIE n. f., correction (1800) de rouannerie (1798), est dérivé de rouen, nom d'une variété de toile (1609), emploi comme nom commun de Rouen, nom de la ville où étaient fabriqués ces tissus.
❏  Le mot désignait des tissus en laine, en coton, dont les dessins ou effets de relief résultent de l'agencement de fils teints avant le tissage. Il a vieilli.
❏  Son dérivé ROUENNIER, IÈRE n. (1870) se disait de la personne qui fabrique ou vend de la rouennerie.
1 ROUER v. tr., d'abord roer (XIIe s.) puis rouer (XIVe s.), est issu du latin rotare « tourner, faire tourner », dérivé de rota (→ roue), et auquel remonte également, par l'intermédiaire de l'ancien provençal, le verbe rôder*.
❏  Le verbe était usuel en ancien et moyen français aux sens de « jeter au loin en faisant tournoyer », « faire rouler », « tournoyer », « rouler » et « rôder autour de » ; la forme pronominale se rouer signifiant « tourner sur soi-même » (XVIe s.). La spécialisation en marine pour « rouler un cordage en cercle » (1691) a elle aussi disparu. Le mot est quelquefois employé dans un style littéraire avec le sens de « faire la roue » (v. 1330), sous l'influence de roue*.
❏ voir 2 ROUILLER.
2 ROUER → ROUE
ROUF n. m. est emprunté (1582) au moyen néerlandais roof, rouf, roef (néerlandais roef) « cabine sur un bateau ». Ce mot vient d'une racine germanique représentée dans l'ancien frison rhoof (frison roef), le bas allemand rôf, l'ancien islandais hróf, et, avec un sens élargi, dans le vieil anglais hróf (d'où l'anglais roof) « toit ». Le français a connu des variantes roufle et rouffle (1871).
❏  D'abord employé à propos d'une cabine de bateau, le mot a été repris (1752) pour désigner un petit abri élevé sur le pont d'un navire et autour duquel on peut circuler. La graphie moderne roof est due à l'influence de l'anglais et n'est donc pas étymologique.
? ROUFLAQUETTE n. f., attesté depuis 1873 (chez Charles Cros), est d'origine obscure. Selon P. Guiraud, cet argotisme est tiré du dialectal roufle « gifle » (1798), à rattacher au radical onomatopéique raff-, rouff- exprimant l'idée de « souffler (en gonflant les joues) ». Le développement de sens s'est fait par synonymie avec l'argot baffe « gifle » et aussi « favoris », qui relève du radical onomatopéique baff-, bouff- « souffler ». Cette ressemblance de sens a entraîné le croisement des deux mots en roufles « favoris », avec adjonction du suffixe diminutif -ette, la syllabe -aque- étant inexpliquée (sinon par influence d'un élément flac-, flaque) : les rouflaquettes seraient proprement de « tous petits favoris ». Cependant, roufle n'est attesté au sens de « mèche » qu'en 1901 (Esnault), comme s'il s'agissait d'une aphérèse. La forme et le sémantisme de rouflaquette restent obscurs.
❏  Le mot désigne d'abord, dans le langage des souteneurs, des mèches de cheveux, lisses et huilées, en forme de virgule, collées sur les tempes, puis une mèche de cheveux qui descend à côté de l'oreille. ◆  De nos jours, il se dit surtout d'une patte sur le côté de la joue, qui forme une sorte de favori court.
ROUGAIL n. m. ou ROUGAILLE n. f., mots de Madagascar et des Mascareignes, sont passés dans le français de ces régions, puis (1842) diffusés en français d'Europe, pour un condiment à base de légumes, fruits, piment, gingembre, servant à des sauces accompagnant des plats de viande ou de poisson. Le mot s'applique aussi à ces préparations. Rougail est emprunté au tamoul uru-kay, transmis dans les îles de l'océan Pacifique par les populations originaires du sud de l'Inde.
L ROUGE adj., d'abord roge (v. 1130) puis rouge (av. 1191), est issu du latin rubeus « roux, roussâtre », dérivé de rubere « être rouge » et qui a supplanté dans les langues romanes le mot ancien et classique ruber, de la même famille. Ruber était d'ailleurs le mot romain à côté de robus, rufus, qui ont des caractères dialectaux. Cette famille appartient à une racine indoeuropéenne présentant une alternance °reudho-, °roudho- : le vocalisme en -eu- est supposé par le vieil islandais riódr, le vieil anglais réod (anglais red) ; le vocalisme -ou- est déduit d'après le gotique raũps et le serbe rũd ; les formes celtiques (irlandais ruadh, gallois rhudd), baltiques (lituanien raũdas, en parlant de chevaux) et italiques ne permettent pas de discerner ces variantes. La racine fournit aussi des formes verbales, dont le grec ereuthein « rougir » (→ érysipèle, érythème). Rubeus s'est conservé presque partout dans les langues romanes mais désigne des nuances de rouge (espagnol rubio « blond doré », surtout en parlant de la robe des chevaux).
❏  L'adjectif qualifie la couleur qui constitue l'une des limites visibles du spectre solaire, celle du métal chauffé, du sang, etc. Il est le plus souvent postposé au nom en fonction d'épithète et sert à former de nombreux syntagmes : il se dit d'animaux et de plantes caractérisés par leur couleur, quelquefois avec une fonction classificatoire dans vin rouge (1538 ; 1228, rouge vin), opposé à blanc, d'où du rouge (1754) qui donne lieu à plusieurs expressions, et, par exemple, chou rouge, viande rouge (Cf. chou, viande). Il entre dans des dénominations d'animaux comme perdrix rouge (1690), et de parties d'animaux, par exemple canard aux pattes rouges, écrevisses à pattes rouges. Il indique souvent le signe distinctif d'un état : chapeau rouge (1611) après rouge chapel (v. 1450) « chapeau du cardinal », et enfants rouges (1690) « mousquetaires du roi, qui étaient vêtus de rouge ». D'après le livre rouge (1690) de la justice, sur lequel on enregistrait les défauts prononcés à l'audience, on a dit être écrit sur le livre rouge (1690), puis marqué en lettres rouges (1718) pour « être signalé à la justice » et, par extension, « être signalé comme condamnable ». C'est ainsi que rouge s'est trouvé associé à l'idée d'alarme et d'interdiction (d'où pétrole rouge « en vente illégale », 1971), par exemple dans téléphone rouge, liste rouge... L'adjectif sert à distinguer un insigne, un signal destiné à attirer l'attention, après des mots comme feu, lanterne, drapeau (1731), croix (→ Croix-Rouge).
■  Par métonymie de son emploi dans un contexte politique révolutionnaire (drapeau* rouge), il sert à qualifier les partisans d'une révolution politique ou sociale (1834) et, par métonymie, ce qui a trait à la révolution, à la pratique révolutionnaire (1860), spécialement dans le contexte de la révolution russe (armée rouge, v. 1920) et chinoise (le petit livre rouge). ◆  Rouge est substantivé pour désigner un, puis une révolutionnaire (1843), sens dominant en français d'Europe, et spécialement un membre du parti communiste. Anciennement au Canada, un rouge s'est dit d'un membre du parti libéral (1864), aussi comme adjectif pour « libéral, partisan du fédéralisme », la propagande rouge ayant, en histoire du Canada, des connotations inverses de celles du français de France, où le féminin la rouge (1871) a désigné la République révolutionnaire, sous la Commune.
■  La couleur ainsi appelée est, par extension, une couleur vive tirant sur le rouge (1180-1200), en particulier rousse (1368, à propos de la robe d'un cheval).
■  Depuis le XIVe s., rouge qualifie spécialement un matériau qui a pris, par élévation de sa température, la couleur du feu, d'où la locution figurée tirer à boulets* rouges (1798).
■  Rouge caractérise également la peau, et, par métonymie, une personne de race « blanche » dont la peau prend la coloration du sang sous l'effet d'une cause physique ou psychologique (1611), tant comme épithète que comme attribut, par la locution être rouge comme un coq (1690). En français d'Afrique, l'adjectif caractérise une couleur de peau d'un brun clair. ◆  De la même idée participe en français d'Europe, l'emploi en médecine vétérinaire pour décrire des maladies du porc dites maladies rouges (fin XVIIIe s.) ou des dindons, paons, pintades et faisans (maladie rouge ou, substantivé, crise du rouge) [XXe s.], après la locution pousser le rouge (Buffon, 1770).
■  Ce sens est à distinguer de celui de rouge dans race rouge (1755) ou Peaux-Rouges (comme adj. les Nations peaux-rouges, 1795 ; récit de voyage au Missouri), terme vieilli appliqué de façon vague aux Amérindiens, notamment ceux d'Amérique du Nord, plutôt à cause des peintures corporelles que des pigments de la peau.
L'adjectif est substantivé très tôt en ROUGE n. m. (XIIe s.) pour désigner la couleur rouge, sens avec lequel il développe plusieurs emplois spéciaux, désignant un afflux de sang qui colore la peau du visage (1661), la couleur rouge à la roulette (1870), d'où les annonces du type rouge, impair et passe, et aux cartes (1933), une maladie des vers à soie (1870 ; 1796, au féminin), du pin (1859), des chiens et des oiseaux (1870).
■  Des emplois qualifiés tels que rouge sombre, rouge vif, rouge cerise servent à distinguer différentes nuances et des températures (1870) de métaux chauffés.
■  Le mot désigne également la couleur caractéristique des signaux d'arrêt ou de danger (XXe s.), spécialement dans la locution mettre le rouge, le rouge est mis (1935), employée à la fois au cinéma, à la radio, à la télévision pour signifier une interdiction d'entrer dans une cabine, un studio ou un plateau de tournage (XXe s.), et d'abord (1923) aux courses, par allusion au disque rouge qui, une fois placé sur le tableau d'affichage, annonce que la décision est irrévocable. ◆  Le rouge désigne aussi une situation alarmante, dans être, entrer dans le rouge, d'une affaire en déficit.
■  En emplois métonymiques, le substantif rouge désigne une matière qui fournit un colorant rouge (1636) : il s'est spécialisé pour un fard dans rouge d'Espagne (v. 1560) ou rouge (1690) par exemple dans mettre du rouge, d'où spécialement rouge à lèvres et rouge (tube de rouge, etc.), élément important du maquillage féminin. ◆  À partir du XIXe s., rouge désigne le peroxyde de fer dont on se sert pour polir les métaux, les verres et pierres dures (1870, rouge à polir ou rouge de Prusse) et, en emploi déterminé, diverses espèces de marbre (1875). Rouge neutre et rouge Congo désignent un colorant biologique employé dans des expériences en biologie.
■  Seul, et surtout dans la locution rouge de rivière, le mot sert de désignation régionale pour le souchet (1877) ; il désigne également une variété de grive appelée aussi rouge-aile (1826). Le féminin de l'adjectif est substantivé pour « bille rouge, au billard » (1792).
L'adjectif est aussi adverbialisé (1784) dans des locutions familières exprimant le fait de se mettre en colère comme se fâcher tout rouge et voir rouge (1842, Sue). ◆  En politique, voter rouge (1945) équivaut à « voter pour les révolutionnaires ».
❏  ROUGEUR n. f., réfection (attesté XIVe s.) d'après rouge de rogor (v. 1130), puis rogeur (v. 1280), dérivé de roge (ci-dessus), puis rouge, est d'usage poétique ou littéraire pour désigner la teinte rouge, l'emploi substantivé de rouge étant plus courant.
■  Il est surtout usité au pluriel, rougeurs (1314), à propos de plaques rouges inflammatoires sur la peau et, en vénerie, pour des traces de sang que laisse le cerf aux branches des arbres ou sur le sol lorsqu'il frotte son bois pour en faire tomber la peau qui le recouvre (1834).
■  Le mot désigne aussi la teinte rouge passagère qui colore le visage et révèle une émotion (1538).
1 ROUGET, ETTE adj., d'abord roget (v. 1130) puis rouget (v. 1170) « un peu rouge », est connoté de nos jours comme « familier ».
■  2 ROUGET n. m. usité pour désigner (XIIIe s.) deux sortes de poissons marins de couleur rouge, le barbet ou rouget barbet et, moins souvent, le grondin ou rouget grondin. Rouget de roche se dit du surmulet.
■  3 ROUGET désigne aussi une maladie infectieuse des porcs caractérisée par des taches rouges sur la peau (1855), et la forme larvaire d'un petit insecte parasite de l'homme (1904).
ROUGEOYER v. intr., d'abord rogeir (v. 1160), rojooier (v. 1213), roujoier (XIIIe s.), a signifié « rougir » en ancien et moyen français puis a été abandonné avant d'être repris sous la forme moderne pour « prendre une teinte rougeâtre » (1836, Hugo).
■  Ses dérivés ont suivi le même développement : son participe présent ROUGEOYANT, ANTE adj., d'abord rogeiant (fin XIIe s.) « rougissant », a été repris sous sa forme actuelle et avec son sens moderne (1831, Hugo).
■  ROUGEOIEMENT n. m., plus tardif (1903), désigne une teinte ou un reflet rougeâtre.
ROUGIR v. (v. 1155), d'abord intransitif au sens de « devenir rouge sous l'effet d'une émotion », a fréquemment dès cette époque la valeur figurée d'« avoir honte » (v. 1160). Un emprunt paradoxal à l'usage du français d'Europe conduit, au Rwanda, à employer le verbe pour « changer de couleur, pâlir sous l'effet de l'émotion ». ◆  Rougir est également employé en parlant d'une chose qui devient rouge (v. 1190), emploi symétrique du transitif pour « rendre rouge » (fin XIIe s.). Le sens figuré concerne l'intransitif rougir de qqch., de qqn (1580) « en avoir honte ». Le transitif donne lieu à une métaphore : rougir ses mains dans le sang « commettre un meurtre » (1870, Littré).
■  ROUGI, IE, participe passé de rougir, est adjectivé (déb. XVe s.) en parlant de ce qui a été rendu rouge pour une cause quelconque, spécialement une eau dans laquelle on a mis un peu de vin (1694).
■  ROUGISSANT, ANTE, le participe présent, est lui aussi adjectivé (1555) pour « qui devient rouge », en particulier à propos d'une jeune fille ou d'une jeune femme que la pudeur fait rougir facilement (1890).
■  ROUGISSEMENT n. m., après deux occurrences isolées au sens de « rougeur » (1516 et 1576), a été repris (1793) comme substantif d'action de rougir, appliqué spécialement à l'aspect plus rouge d'une étoile lorsque son rayonnement ultraviolet est absorbé par la matière interstellaire (1975).
■  ROUGISSURE n. f., ancien terme de chaudronnerie (XVIIe s.), s'emploie pour désigner une maladie du fraisier comparable à une sorte de rouille (1846).
ROUGEÂTRE adj. et n. m., réfection de rougaste (v. 1270), écrit rougeastre (1491) puis rougeâtre (1636), qualifie ce qui tire sur le rouge, souvent avec une valeur péjorative. Le masculin est substantivé comme dénomination d'une espèce de poisson (1791), de champignon (1846) et d'une pierre (1875).
■  ROUGEAUD, AUDE adj. (1640) est un qualificatif dépréciatif pour une personne qui a le teint haut en couleur et, par extension, le visage ou une de ses parties d'un rouge prononcé (1668).
■  ROUGETTE n. f., formé avec un suffixe diminutif (1768) pour désigner une chauve-souris rougeâtre, est surtout usité régionalement, y compris pour désigner la terre argilo-siliceuse arable qui se trouve dans l'Île-de-France (1874).
■  ROUGEAU n. m. (1870) fournit l'appellation régionale du canard milouin.
■  ROUGERON n. m. (1874), synonyme de rougette, désigne une espèce de terre rougeâtre.
Deux composés désignent des oiseaux : ROUGE-GORGE n. m. (1464) « petit passereau dont la gorge et la poitrine sont d'un roux vif » et ROUGE-QUEUE n. m. (1640) « rossignol des murailles ». Le rouge-gorge ou rougegorge (graphie d'Henri Pichette, poète de cet oiseau), par l'évocation du sang et de la gorge, donne lieu à une riche symbolique. ◆  En français du Canada, le mot désigne un oiseau d'une autre espèce, un merle d'Amérique, plus gros que le rouge-gorge d'Europe.
INFRAROUGE adj. et n. m., formé savamment avec l'élément infra* (1860), se dit des radiations qui prolongent la lumière visible au-delà du rouge, dans le spectre solaire ; il est substantivé (1873) pour désigner l'ensemble de ces radiations, leurs fréquences. En tant que radiation invisible, il s'oppose, à l'autre bout du spectre, à ultraviolet*.
❏ voir RISSOLE, ROUGEOLE, ROUILLE, ROUX, RUBÉOLE, RUBESCENT, RUBICOND, RUBIS, RUBRIQUE.
L ROUGEOLE n. f., d'abord écrit rougeolle (1538), est la réfection, sous l'influence de vérole*, de rougeule (1425). Ce dernier est issu d'un latin populaire °rubeola, nom d'une maladie caractérisée par une éruption de taches rouges sur la peau (→ rubéole), féminin substantivé de l'adjectif rubeolus « rouge », lui-même à l'origine du terme d'origine dialectale rouvieux et du nom d'un bœuf (Rogel) dans le Roman de Renart. C'est une extension du latin classique rubeus « roux » (→ rouge).
❏  C'est le nom d'une maladie infectieuse et, par analogie, d'une maladie de l'orge et du seigle (1431, roujolle).
❏  Le dérivé ROUGEOLEUX, EUSE adj. et n. (1897) et le préfixé ANTIROUGEOLEUX, EUSE adj. (XXe s.) sont usités en médecine.
❏ voir ROUVIEUX, RUBÉOLE.
ROUGO ou RUGO n. m., emprunt à une langue de pays, s'emploie en français du Rwanda pour « habitation traditionnelle, case », désignant aussi la famille, le foyer.
L ROUILLE n. f., d'abord roil au masculin (v. 1120), puis au féminin roïlle (v. 1175) et enfin rouille (v. 1380), continue le latin populaire °robicula (au masculin °robiculu[s]). Lui-même est l'altération, par changement de suffixe, du latin classique robigo, -ginis qui désigne la corrosion du fer par oxydation et aussi, peut-être même d'abord, la nielle des blés, personnifié et divinisé avec majuscule : Robigo « la Rouille des blés », d'où Robigus « le dieu Rouille ». Au figuré, robigo désigne l'inaction, les mauvaises habitudes. Le mot est dérivé de robus « roux », dit en particulier de la robe des bœufs et conservé dans quelques dialectes italiens. C'est une forme dialectale de ruber « rouge » (→ rouge).
❏  Le mot désigne le produit de corrosion du fer en présence de l'oxygène de l'air et en milieu humide. On a parlé par extension de rouille de cuivre, rouille verte « vert de gris » (1538), rouille de plomb « blanc de plomb » (1870), dénominations sorties d'usage.
■  Dès l'ancien français, le mot s'emploie au figuré à propos de ce qui empêche une fonction, la rend inefficace (v. 1278).
■  Il sert, d'après un autre sens du latin, à dénommer aussi une maladie des végétaux atteignant surtout les céréales et caractérisée par la présence de taches brunes ou jaunes sur les tiges et les feuilles (1597).
■  En technique, il désigne spécialement l'altération du tain d'une glace (1803), le mordant composé avec un sol ferrique employé dans la teinture en noir de la soie (1875 ; 1870, au masculin et dans bain de rouille).
■  En cuisine, rouille désigne une sorte d'aïoli relevé de piment rouge et servi avec la bouillabaisse, la soupe de poisson (XXe s.).
■  Par allusion à la couleur d'un vin rouge mauvais ou altéré, une ROUILLE n. f. désigne en argot (1835, Vidocq) une bouteille (de vin). ◆  ROUILLARDE n. f., avec le même sens, est senti au XXe s. comme le dérivé de rouille, mais le mot est déjà attesté en ancien argot (1596), bien avant une rouille.
❏  1 ROUILLER v., dérivé de rouille, d'abord attesté au participe roïllié (v. 1175), puis à l'actif roillier (v. 1196), rouiller (XVe s.), exprime d'abord l'idée de se couvrir de rouille, en construction intransitive et à la forme pronominale (se rouiller, 1547). Avant la fin du XVIe s., il s'emploie au figuré pour « perdre sa force, sa souplesse, ses facultés par manque d'exercice », d'abord comme intransitif (av. 1563) puis à la forme pronominale se rouiller (fin XVIe s.).
■  L'usage transitif du verbe correspond aussi à « donner la couleur de la rouille à (qqch.) » (v. 1550) et, au figuré, « engourdir par manque d'exercice » (v. 1550). Le sens concret « couvrir de rouille » n'est enregistré qu'en 1680. D'après un autre sens de rouille, le verbe signifie en agriculture « produire la maladie de la rouille sur (les végétaux) » (1715).
■  ROUILLÉ, ÉE, le participe passé, est adjectivé pour qualifier un métal couvert de rouille (v. 1175) ; par extension, il se dit aussi de ce qui a l'aspect de la rouille (déb. XIIIe s.), spécialement en évoquant la couleur de la végétation en train de se faner (fin XIXe s.). ◆  Le sens figuré correspondant au verbe, « affaibli par manque d'exercice » (fin XVIIe s.), a évincé un autre sens figuré en usage au XVIe s. (1564) et au XVIIe s., rouillé se disant alors d'un esprit embarrassé, altéré sous l'influence du mal, des passions (1676, Mme de Sévigné).
En fait de dérivés, rouiller n'a donné que 1 ROUILLURE n. f., d'abord roilleure (1464), dit de l'état du fer, d'une plante, et ROUILLEUX, EUSE adj. (XVe s.) qui a remplacé rouleux (1389) « qui a l'aspect de la rouille », peu usité, avant de sortir d'usage.
Le préfixé DÉROUILLER v., d'abord desroïllier en emploi intransitif au sens de « perdre sa rouille » (1195), emploi sorti d'usage, rare en emploi transitif pour « débarrasser de la rouille », est surtout usité avec le sens figuré de « rendre plus actif, plus vif » (1616). ◆  Au XXe s., il a pris des valeurs argotiques : intransitivement, il se dit d'une prostituée qui fait son premier gain de la journée (1907). ◆  Il s'emploie pour « attraper des coups » (1926) et, symétriquement, transitivement pour « donner des coups à, battre (qqn) » (1924), surtout à la voix passive. La forme pronominale se dérouiller s'emploie au propre et au figuré.
■  Contrairement à rouiller, dérouiller a produit des substantifs d'action : DÉROUILLEMENT n. m. (XVIe s.), DÉROUILLAGE n. m. (1875) et, dans l'usage familier, DÉROUILLÉE n. f. (1926) ou DÉROUILLE n. f. (1930) « action de battre ou d'être battu ».