2 ROUSSIN, ROUSSIR → ROUX
ROUSTE n. f. est un emprunt au provençal rousto (Mistral), déverbal de roustá « rosser », issu du latin populaire °rustiare, de °rustum « arbuste, buisson » (→ rosser). On dit aussi ROUSTÉE n. f., mot dialectal de l'Ouest, substantivation du participe passé féminin de rouster (déb. XXe s.).
❏  Le mot, régional (Midi), désigne une volée de coups.
ROUSTIR v. tr. est emprunté (1789) au provençal roustir « rôtir » d'où, au figuré, « flamber, escamoter », de même étymologie que le français rôtir*.
❏  Ce mot a été repris dans un usage populaire avec le sens figuré de « duper, escroquer », d'où « voler, dévaliser » (1867), de nos jours peu usité en français central, mais vivant en Provence, par emprunt à l'occitan provençal. Par extension, il aussi eu le sens de « perdre, dissiper complètement (qqch.) » (fin XIXe s., A. Daudet).
■  Le sens propre de « rôtir, griller » (déb. XXe s.) est régional ainsi que le figuré pour « épuiser » (surtout au participe passé et au passif : être rousti).
❏  Le participe passé ROUSTI, IE est adjectivé et substantivé dans sentir le rousti « le grillé », au propre et au figuré.
■  ROUSTISSURE n. f. (1859) s'est dit en argot d'une blague, d'une escroquerie. L'argot de théâtre a repris le mot pour désigner une pièce sans valeur vouée à l'échec (1875), un rôle sans importance (1867), puis un échec à la scène (1954). Roustissure s'est dit aussi d'un objet sans valeur (1877, A. Daudet).
ROUSTONS n. m. pl. passé en argot (1836, Vidocq) est emprunté à l'occitan languedocien roustoun. Le rapport avec le provençal roustá (→ rouste) n'est pas clair. Le mot fait partie des nombreux synonymes argotiques de « testicules, couilles », dont plusieurs ont cette initiale rou- (roupettes, roubignoles).
L + 1 ROUTE n. f., d'abord rote (XIIe s.), rute (v. 1155), puis route (XVIe s.), continue un latin populaire °rupta, substantivation par ellipse pour °via rupta, littéralement « voie ouverte, frayée » ; le p étymologique apparaît dans la variante roupte (1347). L'expression latine est formée du latin classique via (→ voie) et de rupta, participe passé passif féminin de rumpere « briser ; ouvrir » (→ rompre), dans rumpere viam « ouvrir, pratiquer un passage ». On évoque aussi, au sens concret de rumpere, l'idée de pierres « cassées » (rupta), celles-ci étant implicitement opposées au pavage, aux dalles revêtant les voies principales en Italie, mais l'opposition ainsi posée entre deux catégories de voies n'est pas corroborée.
❏  Le mot a désigné un chemin ouvert dans une forêt pour faciliter les charrois, la chasse, la promenade, puis une voie de communication terrestre de première importance (v. 1155). L'extension du concept, qui exclut cependant les voies urbaines (Cf. rue), est précisée ultérieurement dans des syntagmes déterminés comme grande route (1694) puis grand-route (1835), route royale (1810) et route impériale (1870), sortis d'usage avec les régimes politiques évoqués ; de nos jours, on emploie route départementale (1835), route nationale (1875), avec les substantivations une départementale, une nationale, et aussi route militaire (1765), stratégique (1842). Ultérieurement, le mot est passé dans le vocabulaire du cyclisme, par opposition à piste, dans la locution sur route (1882), inspirant les locutions nées de la rhétorique des chroniqueurs sportifs, les géants (1903), les rois (1909), les forçats (1913) de la route « les coureurs du Tour de France ».
■  Dès le XIIe s., route désigne comme chemin l'itinéraire à suivre pour se rendre d'un lieu à un autre (v. 1130) et, par extension, un trajet parcouru ou à parcourir (1690) ; ce sens est réalisé dans des locutions comme barrer la route à qqn « l'empêcher de passer » (fin XIXe s.), également au figuré (XXe s.), et plus concrètement feuille de route (1825), faire de la route « parcourir une longue distance, aller vite » (1907), surtout dans le contexte automobile qui modifie l'équilibre sémantique du mot depuis le début du XXe s. (voir ci-dessous).
■  Employé par métaphore pour désigner la voie que l'on suit (XIIIe s.), route a pris le sens figuré de « moyen, ligne de conduite pour parvenir au but que l'on se propose » (1549), notamment dans des locutions déterminées (la route du succès) et dans des locutions comme être sur la route de qqn (av. 1719), se mettre en travers de la route de qqn (attesté milieu XXe s.), être sur la bonne route, etc.
■  Le sens spécial de « direction dans laquelle progresse un bateau » (1552, mais antérieur ; Cf. ci-dessous routier) a suscité toute une phraséologie : route vraie, route magnétique, faire route... (1680), donner la route (1690), faire fausse route (1690) dont l'emploi figuré (1835) est compris dans le contexte terrestre, fausse route s'employant au figuré à propos d'un aliment, d'une boisson qui passe dans les voies respiratoires. Route est aussi employé pour l'itinéraire habituellement suivi pour les communications et les échanges maritimes entre certains points du globe (1694), parfois dans des syntagmes à valeur historique, comme la route de la soie (v. 1950), la route du rhum, etc. Voir ci-dessous routeur. ◆  Par métaphore normale sur l'emploi du mot dans le cadre de la navigation, route s'applique aussi aux itinéraires aériens : route aérienne (1931, dans les dictionnaires).
■  Avec une valeur très générale de « déplacement », le nom s'emploie dans des locutions de valeur active : faire la route avec qqn (1798), de nos jours plus souvent faire route, en route ! (1835), se mettre en route (av. 1850) et dans les syntagmes frais de route (XXe s.), délais de route (1904), carnet de route (1924). La locution mettre en route, attestée tardivement dans les dictionnaires (1964), s'emploie en parlant de la mise en marche d'un moteur et, au figuré, du commencement de l'application de qqch. En Picardie, dans les Ardennes on emploie l'expression être en route à faire qqch. pour « être en train de, commencer, se mettre à... ».
■  Au XXe s., route, employé absolument, désigne avec une valeur générale le réseau routier et aussi la circulation automobile considérée en tant que moyen de communication et opposé au chemin de fer (→ fer, rail, et Cf. ci-dessous ferroutage), à l'avion, etc. d'où code de la route (déb. XXe s.), accidents de la route, faire de la route (ci-dessus) et prendre la route (v. 1950) « partir en voiture ». ◆  En français d'Afrique, dans des expressions comme demander, ou donner la route (à qqn), le mot correspond à « permission de prendre la route ».
■  En relation avec routard, le mot évoque le voyage individuel et libre, parfois à pied (faire la route, 1975 ; tailler la route).
Continuant le sens étymologique venant du latin rumpere, le mot a désigné en moyen français une tranchée ouverte et s'emploie encore dans le nord de la France pour « sillon où l'on sème les graines » (une route d'oignons, de carottes).
❏  1 ROUTIER, IÈRE adj. et n. m., réfection (XVe s.) de rotier (XIIe s.) qui correspond à l'ancienne forme rote, qualifiait anciennement un voleur sur les routes ; Cf. voleur de grand chemin. La confusion avec 2 routier est certaine.
■  L'adjectif routier, ière « relatif aux routes » (1539) semble inusité avant le premier tiers du XIXe s. (1828), qualifiant depuis des substantifs comme carte, transports, gare, sécurité, prévention (XXe s.).
■  Au XVIIIe s. le mot est repris pour désigner un conducteur de voitures publiques (1765). De nos jours, il s'applique spécialement à un coureur cycliste sur route (1886), au membre d'une association de scoutisme, les Scouts* routiers ayant dépassé l'âge de seize ans (1949). ◆  Plus couramment, il se dit du conducteur d'un poids lourd sur longue distance (1953), sens qui reprend l'emploi du XVIIIe siècle. Le mot, dans ce sens, est usuel et donne lieu à nombre d'emplois codés (les routiers sont sympas, par exemple). Par métonymie, un routier s'applique à un restaurant fréquenté principalement par les routiers (1970).
■  ROUTEUR, EUSE n. désigne (années 1980 ou 90) les spécialistes qui établissent la route d'un navigateur, notamment lors des courses de voiliers.
Le verbe dérivé ROUTER v. tr., anciennement employé au sens intransitif de « marcher » (déb. XIVe s.), puis comme transitif pour « percer (un chemin) dans une forêt » (1347), a disparu.
■  Comme terme technique, il est dérivé à nouveau de route, dans des emplois spéciaux : « grouper (les imprimés) en liasses selon leur destination » (1908), « diriger (un document) sur sa destination » (1959), en marine « fixer à (un navire) l'itinéraire qu'il doit suivre » (1968, dans les dictionnaires).
■  Son dérivé ROUTAGE n. m., en moyen français rouptage « action de percer des chemins dans un bois » (1347), a été repris au XXe s. avec les spécialisations techniques correspondant au verbe, en termes de poste (1907), de navigation (1968), de transport automobile, domaines où il est courant. ◆  De là le composé FERROUTAGE n. m. (1970), formé de fer (Cf. chemin de fer*, voie ferrée*) et de route, d'après routage, pour désigner un transport combiné route-rail.
ROUTINE n. f. (1580), d'abord rotine (1559), dérivé de route au sens figuré de « moyen, ligne de conduite » (ci-dessus), a d'abord évoqué un savoir-faire acquis par une pratique prolongée. Détaché par le sens de route et de ses autres dérivés, il a pris le sens figuré d'« action accomplie par habitude, machinalement » (1673), d'où le sens péjoratif courant « habitude d'agir, de penser toujours de la même manière » (1715) ; une, des routines correspondant (1780) à « conservatisme borné, ensemble des tendances s'opposant à l'innovation ».
■  Dans la seconde moitié du XXe s., sous l'influence de l'anglo-américain routine « procédure », lui-même d'un mot anglais repris au français, il est employé dans de routine, sans valeur péjorative, à propos d'une opération de caractère habituel, périodique, spécialement en médecine et en politique. Un second emprunt à l'anglais routine explique son emploi en informatique pour désigner une séquence d'instructions à l'ordinateur destinée à engager une suite d'opérations pour obtenir un résultat partiel ou faciliter la conduite de la machine (1968).
■  Routine a produit ROUTINER v. tr. (1617), qui s'est éloigné du sens de « pratiquer par routine » pour prendre celui de « habituer (qqn) par une routine » (1730), de nos jours d'usage régional.
■  ROUTINIER, IÈRE adj. (1761) s'applique couramment avec une valeur péjorative à une chose et, moins souvent, à une personne (1789). ◆  L'adverbe dérivé de l'adjectif, ROUTINIÈREMENT (1832), est peu usité.
ROUTIN n. m., diminutif de route (1829, Balzac), est un mot dialectal de l'Ouest pour « petit chemin ».
■  ROUTARD, ARDE n. (v. 1970) marque déposée (1975) pour le Guide du Routard, se dit familièrement d'une personne qui prend la route et voyage librement, puis d'une personne qui pratique la moto sur route.
Route a aussi servi à former un dérivé « parasynthétique », formé avec le préfixé dé- et le suffixe verbal -er. 1 DÉROUTER v. tr., d'abord soi desrouter « s'égarer de sa route » (v. 1270), s'est spécialisé en vénerie et en marine. Puis, par abstraction, absorbant partiellement l'ancien verbe homonyme 2 dérouter (→ 2 routier), 1 dérouter signifie « détourner, empêcher d'aboutir » et, de là, « rendre incapable de réagir, de se conduire comme il faudrait » (1718). La construction intransitive correspondait à « faire un détour ».
■  Outre les adjectifs tirés de ses participes passé et présent, dérouter a produit DÉROUTEMENT n. m. (1870), substantif d'action réservé spécialement au changement de route d'un navire et, par analogie, d'un avion. ◆  Le mot est en concurrence avec DÉROUTAGE n. m. (1965).
❏ voir AUTOROUTE (art. AUTOMOBILE).
2 ROUTIER n. m. est dérivé (v. 1220) de l'ancien français rote « troupe militaire en marche, petite troupe de gens » (v. 1155), devenu (XIIIe s.) 2 route (→ raout), mot sorti d'usage au XVIIe s., mais encore répertorié comme terme ancien par certains dictionnaires modernes. Ce mot est le participe passé féminin substantivé de rot, rout « rompu » (XIIe s.), issu du latin ruptus, participe passé passif de rumpere (→ rompre, route).
❏  Le mot, d'abord appliqué à un valet d'armée, a désigné, surtout au pluriel routiers (v. 1250), les soldats irréguliers organisés en bandes qui pillaient les provinces aux XIIe-XIVe s., sens conservé par les historiens de cette période. Le mot a dû se confondre avec le dérivé de 1 route* au sens de « voleur de grand chemin ». Telle est, par l'intermédiaire d'un ancien emploi figuré de routier (1538), l'origine aujourd'hui méconnue de l'expression vieux routier (av. 1606 Nicot) « homme expérimenté, habile », rattaché spontanément à un sémantisme analogue à celui de vieux loup de mer, et donc à l'idée de voyage, de route, au figuré.
❏  Le composé 2 DÉROUTER v. tr. (desroter, 1155) a été confondu avec le verbe formé sur 1 route*, et il est sorti d'usage au sens de « se débander, se disperser (en parlant d'une troupe) ».
■  Son déverbal DÉROUTE n. f. (1541) est en revanche resté très vivant pour « fuite désordonnée de troupes battues ou prises de panique », mais senti comme isolé. Il a pris par extension le sens de « confusion, mise en désordre » (1643), emploi classique disparu plus tard. La locution en déroute est en revanche restée en usage, notamment dans armée, troupes en déroute. Par métaphore du sens militaire, déroute signifie « échec complet, catastrophe ».
ROUTINE → ROUTE
ROUVIEUX, EUSE n. m. et adj. est issu (1743) du normand rouvieu qui continue le latin °rubeolus, dont le féminin nous a donné rougeole*. On rencontre parfois la forme roux-vieux due à une étymologie populaire.
❏  Ce terme de médecine vétérinaire désigne la gale du cheval, du chien, par allusion à la couleur rousse du liquide sécrété par la peau malade ; il qualifie par métonymie l'animal atteint de cette maladie.
L ROUVRE n. m., modification (1552) de roure (1401), puis robre (1538), est issu d'un latin populaire °roborem, accusatif masculin remplaçant le latin classique robur, lequel est l'accusatif du neutre robur. Ce mot désigne un chêne très dur (→ robuste) et se dit par métonymie de son bois ; il s'emploie aussi avec les valeurs figurées de « dureté, force, résistance, vigueur » au physique et au moral. Il représente une forme supposée °reudh-os de genre neutre comme tous les noms désignant des matières et viendrait de la racine indoeuropéenne °reudh-, °roudh- que l'on retrouve en latin dans les noms de la couleur rouge : robus, ruber, rubeus, rufus, russus (→ rouge, roux). Le o de robur, au lieu du u, traitement normal de la diphtongue eu, ou, témoigne de son origine dialectale. La parenté de robur n. et de robus « rouge » adj. était connue des Anciens. Rouvre est à peu près inconnu des parlers français septentrionaux mais de nombreux noms de lieux dans presque toutes les régions de langue d'oïl l'attestent pour le haut moyen âge : peut-être distinguait-on alors entre quercus pedunculata (°cassanus d'où chêne) et quercus sessiliflora, ce dernier étant appelé aujourd'hui par les botanistes chêne rouvre, distinction qui n'a été maintenue que dans peu de parlers. L'italien rovere et l'espagnol roble continuent le même mot latin.
❏  Le mot, seul ou dans chêne rouvre (1753, Encyclopédie), désigne un chêne des forêts plutôt sèches, à feuilles pétiolées et glands sessiles (d'où, en latin scientifique, sa dénomination quercus sessiliflora).
❏  ROUVRAIE n. f., écrit rouvraye (1611) puis rouvraie (1870), désigne le lieu où croissent les rouvres. La forme masculine correspondante est attestée dans le domaine d'oïl par les toponymes du type (le) Rouvray (Aisne, Pas-de-Calais, Yonne, Seine-Maritime, Eure-et-Loir, Meuse).
❏ voir CORROBORER, ROBUSTE.
ROUVRIR → OUVRIR
L ROUX, ROUSSE adj. et n., d'abord ros (fin XIe s., Gloses de Raschi), puis rous (v. 1160) et roux (XVIe s.) continue le latin russus « rouge, fauve », apparenté au latin ruber (→ rouge).
❏  Le mot, d'abord employé pour qualifier la figure rouge d'un homme, a reculé au profit de rouge et de ses dérivés. ◆  Il qualifie une chevelure et un système pileux d'une couleur rouge doré, d'où, par métonymie, une personne qui a les cheveux de cette couleur (v. 1160). Cet emploi est demeuré usuel, mais le mot a perdu les connotations péjoratives qu'il avait au moyen âge, la couleur rousse des cheveux et des poils humains, selon une tradition remontant à l'Antiquité, étant signe d'une mauvaise nature, superstition qui a eu des effets jusqu'au XIXe siècle. Roux se dit généralement d'une chose de couleur orangée plus ou moins vive (v. 1175). Il sert spécialement à caractériser des animaux par la couleur de leur robe, la locution bêtes rousses (1549) englobant autrefois les cerfs, daims et chevreuils. ◆  Lune rousse désigne la lune d'avril qui, selon la tradition paysanne, roussit et gèle la végétation (1628). En cuisine, beurre roux (1679) rend compte d'un beurre fondu qu'on a laissé roussir.
■  ROUX est substantivé, d'abord comme nom d'une variété de cheval (v. 1196). Une nouvelle substantivation désigne la couleur rousse (1636) et, en cuisine, un roux est une préparation composée de farine que l'on fait cuire dans du beurre plus ou moins longtemps (1762). 1 ROUSSE n. f., outre le sens de « femme rousse », désigne (1756 dans l'Encyclopédie) un poisson (Cyprinidés), un gardon de couleur rougeâtre (qui n'a de commun que la couleur avec le rouget). Le mot s'emploie dans l'est de la France (dans les Ardennes, on dit plutôt roussette, rossette dans la Meuse).
❏  La dérivation est abondante.
■  ROUSSEUR n. f., d'abord rousor, russur (v. 1155) puis rousseur (v. 1398), exprime la qualité de ce qui est roux et s'emploie spécialement au pluriel rousseurs (1611) ou, plus souvent, dans taches de rousseur (1642), aussi marques de rousseur (1640), éliminé par tache, pour désigner des taches rousses qui apparaissent sur la peau.
■  ROUSSEAU n. m. et adj. m., d'abord russel (v. 1170), roussiel (v. 1190) puis roussel (XIIIe s.), rousseau (XIVe s.), a servi de synonyme à roux, se spécialisant pour qualifier une personne aux cheveux roux (XIVe s.), emploi devenu archaïque ou dialectal mais demeuré courant comme nom patronymique (aussi Roussel). Ce sens s'est maintenu dans les dialectes.
■  Rousseau a désigné le crabe tourteau (1560) et a été repris aux parlers de la Vendée pour désigner un poisson marin du genre pagel, de couleur rougeâtre (XIXe s.). ◆  Son emploi pour une espèce de poire à la peau roussâtre (attesté 1611) survit dans le dérivé ROUSSELET n. m. (1600 ; poire de rousselet, 1611), mot qui recouvre aussi un cépage noir cultivé dans les Bouches-du-Rhône (1870).
■  L'ouest de la France et le Canada emploient ROUSSELÉ, ÉE adj. pour « couvert de taches de rousseur » (1820, Nantes).
ROUSSIR v. tr. (v. 1278), « rendre roux », s'emploie spécialement pour « faire devenir roux en brûlant légèrement, par une forte chaleur ou par le froid » (1690) ; par extension, il se dit pour « brûler superficiellement » (1802) et spécialement « détruire par la flamme (le duvet d'une étoffe) » (v. 1950). ◆  En français de Guyane, on emploie roussir pour « rôtir », sans idée d'excès (roussir la viande).
■  L'emploi intransitif correspond à « devenir roux, prendre des teintes rousses » (v. 1398), concurrencé par l'emploi de la forme pronominale se roussir (1766).
■  Le verbe a produit les dérivés habituels : son participe passé 1 ROUSSI, IE est adjectivé (v. 1278) et substantivé (1680) en parlant de l'odeur d'une chose qui a légèrement brûlé, seul et dans la locution odeur de roussi (1870). La locution sentir le roussi (av. 1834), ça sent le roussi (XXe s.), de sens figuré, s'explique par allusion aux hérétiques menacés du bûcher et plus prosaïquement par les dégâts causés par un plat qui brûle.
■  ROUSSISSURE n. f. (v. 1790) désigne l'action de roussir et surtout l'état de ce qui est roussi, une roussissure désignant une tache rousse (av. 1902).
■  ROUSSISSAGE n. m. (1827) est peu usité, de même que ROUSSISSEMENT n. m. (1866).
ROUSSÂTRE adj., d'abord roussastre (1401) puis roussâtre (1549), qualifie ce qui tire sur le roux.
■  ROUSSETTE n. f. est le féminin substantivé (1530) de l'adjectif rousset (XIVe s.), antérieurement roset (v. 1131), rosset (v. 1170), rousset (XIVe s.) « un peu roux », diminutif de roux. Il s'applique à un petit squale à taches rousses, aux chauves-souris de grande taille de couleur rousse (1765) et à la fauvette des bois (1732). L'emploi de roussette pour « grande chauve-souris comestible » est courant en français de l'océan Indien, de Nouvelle-Calédonie. ◆  Il se dit communément d'un champignon de couleur rousse (1870), en concurrence avec le masculin rousset. En cuisine, roussette désigne de petites pâtisseries frites confectionnées dans l'Orléanais et analogues aux merveilles (1904).
■  ROUSSELINE n. f. (1778) a désigné une alouette des marais, puis un pipit (petit oiseau) à plumage roussâtre que l'on voit en France au moment des passages (1904), sens qui reprend l'ancien rousselin n. m. (1875).
■  ROUSSILLE n. f. (1816) est usité régionalement pour une variété de bolet.
ROUSSE n. f. (1827), mot argotique puis familier pour « police », s'explique comme le féminin substantivé de roux pris dans son ancienne valeur morale de « traître » (XIIIe s.) d'après un préjugé négatif appliqué aux personnes rousses. ◆  De là, ROUSSI n. m. (1829), ancien mot d'argot pour « mouchard de la police », et 2 ROUSSIN n. m. (1855, une fois en 1811), désignation plaisante pour un officier, dont est tiré ROUSSE n. m. (1829), de même sens.
ROUSSANE n. f. (1837), dérivé du radical de roux ou emprunté au franco-provençal roussano, fournit un nom régional pour un cépage blanc-roux.
■  ROUSSÉE n. f. (1842) s'emploie lui aussi dans les Alpes-Maritimes pour un cépage blanc.
❏ voir RISSOLE, ROUQUIN, RUSSULE.
ROYAL, ALE, AUX adj. et n., d'abord real (fin XIe s.), roial (v. 1188), puis royal (déb. XIIIe s.), est dérivé de roi* d'après le latin regalis « de roi », dérivé de rex, regis « roi », et qui avait fourni la forme ancienne regiel (v. 881).
❏  Le mot qualifie ce qui est propre au roi, à sa fonction, ce qui lui appartient. Il entre dans des syntagmes comme maison royale (1559), altesse royale, famille royale (tous deux enregistrés par Furetière, 1690) qui correspond pour le sens à l'ancienne locution real li(g)nage (v. 1138).
■  Dès les premiers textes, royal qualifie aussi ce qui dépend de l'autorité du roi, se fait en son nom, d'où en droit cas royaux (1611), juges royaux (1690), s'appliquant à la justice rendue au nom du roi sous l'Ancien Régime.
■  Par extension, le mot qualifie ce qui est digne d'un roi, majestueux, grandiose (v. 1170) et, au figuré, « qui atteint un haut degré de qualité » (v. 1119), nuance développée au XVIIe s., puis dans la seconde moitié du XIXe s. et, de nos jours, surtout usitée dans le langage familier (une paix royale). La locution figurée route royale (1810), puis voie royale procède à la fois de l'emploi figuré du mot et de l'ancienne habitude d'accoler royal à un nom désignant un lieu (rue, place, palais*). Sous l'Ancien Régime et dans un État monarchique, royal qualifie notamment (déb. XVIe s.) des institutions placées sous l'autorité du roi : musée, imprimerie, académie, collège : collège royal (1752) étant l'ancien nom de l'actuel Collège de France.
■  Avec une valeur figurée, l'adjectif sert à qualifier certaines espèces végétales et animales particulièrement remarquables (déb. XVIe s.). On notera la persistance de l'ancien pluriel épicène royaux dans quelques expressions historiques (ordonnances royaux à côté de royales).
Le masculin royal, substantivé (un royal), a désigné une monnaie (v. 1250), le féminin royale une sorte de culotte (fin XVIe s.), emplois disparus. ◆  La locution à la royale « à la mode du roi » (1588) s'emploie de nos jours à propos de certaines préparations culinaires riches et complexes (1690), notamment dans lièvre à la royale.
■  En emploi autonome, ROYALE n. f. a désigné une petite touffe de barbe (une mouche) mise à la mode sous Louis XIII et qu'on laissait pousser sous la lèvre inférieure (1798). ◆  En cuisine, le mot s'applique à une préparation faite de consommé ou d'une purée liée aux œufs utilisée comme garniture des potages clairs (1938).
❏  Le dérivé ROYAUTÉ n. f., aboutissement (XIIIe s.) de realted (v. 1138), realté (v. 1155), de real, a signifié « domaine d'un roi ou d'une reine », sens disparu au profit de royaume*. Le mot a conservé son autre acception, « fonction de roi ou de reine » (v. 1155), correspondant au latin médiéval regalitas (v. 1115). Il se disait parfois de la dignité du roi* de la fève (1680). Son extension figurée pour « influence souveraine » est attestée à la fin du XIIIe siècle. Par une autre extension de nature métonymique, le mot désigne le pouvoir monarchique avec une valeur politique (1573).
■  Il entre dans VICE-ROYAUTÉ n. f. (1680) « fonction de vice-roi ».
ROYALEMENT adv., écrit roialment (déb. XIIIe s.), royalment (v. 1360), puis royalement (déb. XVe s.), a succédé à reialment (v. 1155), de real, reial. Il signifie au figuré « magnifiquement » dès ses premiers emplois, alors que le sens strict, « d'une manière royale », est peu attesté. Il a pris la valeur familière de « parfaitement » (1870).
ROYALISTE adj. et n. (1589) qualifie et désigne le partisan du roi, de la royauté, sous une monarchie puis sous la république (1789), en concurrence avec monarchien, puis monarchiste. La locution être plus royaliste que le roi est une extension d'emploi de la phrase historique il ne faut pas être plus royaliste que le roi, que Chateaubriand fait remonter au règne de Louis XVI. ◆  Par métonymie, royaliste qualifie une opinion, un parti favorable à la monarchie (1611). Le mot, retourné sur le plan des valeurs en 1789, a donné lieu au composé ultra-royaliste (1798) [→ ultra]. Il a été concurrencé par des désignations spéciales (orléaniste, etc.) au XIXe s. ; ses connotations sont fonction de la situation politique : l'opposition avec républicain ne produit ses effets qu'avec un régime républicain stable lorsque les royalistes, comme les bonapartistes, s'opposent au régime en place. Les connotations sont propres au français de France.
■  ROYALISME n. m., repéré dans la période prérévolutionnaire (1770, Beaumarchais), désigne l'attachement à la monarchie et aux idées monarchiques. Il a été précédé par ANTI-ROYALISME n. m., déjà relevé en 1766.
ROYALTY n. f. est emprunté (1865) à l'anglais royalty n. (1398), lui-même emprunté à l'ancien français roialté (→ royauté), et employé au pluriel royalties au sens de « droit régalien » (1400), « prérogative accordée par le souverain à un individu ou à une corporation » (1483), puis « redevance payée par l'exploitant au propriétaire d'une mine » (1839), et, enfin, « droits d'auteur (d'un inventeur) » (1864) et « droits d'auteur » au sens large (1880). En 1865, le mot anglais est cité en France comme terme étranger au sens historique de « droit régulier » et de « prérogative accordée par le souverain à un particulier ».
■  Le mot a été repris en français au pluriel ROYALTIES n. f. pl. (1897), à propos des redevances payées par les compagnies concessionnaires de mines au propriétaire (landlord) du sous-sol, d'abord dans un contexte britannique. Le plus souvent au pluriel, il désigne la redevance due à un inventeur, à un auteur, à un interprète, à un éditeur (1910, le Vocabulaire technique de l'éditeur), concurrencé par le terme droits d'auteur, droits d'inventeur (juridiquement différents). Le pluriel royalties est employé aussi en termes de commerce pour la somme que l'utilisateur d'un brevet étranger verse à l'inventeur, et qui est proportionnelle au nombre d'objets fabriqués (1947). Sa diffusion se heurte alors à la recommandation officielle de redevance. Le terme royauté(s), utilisé au Canada pour éviter l'anglicisme, n'a pas été accrédité en France où royalties, malgré les critiques et les propositions d'équivalences, se maintient, la notion étant juridiquement distincte de celle de droits d'auteur.
❏ voir ROYAUME.
1 ROYAUME n. m., d'abord reialme (v. 1080), puis roiaume (v. 1196) et royaume (XIIIe s.), est l'altération, par croisement avec royal*, de l'ancien français reiame, roiame « état gouverné par un roi », attesté à la fin du XIIe s. et jusqu'au milieu du XIVe s. mais probablement antérieur. Ce mot, compris comme un dérivé du latin rex, regis « roi », représente en réalité le latin regimen, -inis « direction, gouvernement » qui, par voie plus savante, a donné régime*. L'ancien provençal, qui emploie à la fois regeme, regeime et realme pour « état gouverné par un roi », appuie cette hypothèse. L'italien reame, l'espagnol archaïque reame, realme et l'anglais realm viennent du gallo-roman.
❏  Le mot désigne un pays, un État gouverné par un roi (le régime étant nommé royauté), notamment en ce qui concerne la France d'Ancien Régime, dans royaume de France, poétiquement royaume des lis (av. 1843). De ce sens procède la locution ne pas en vouloir pour un royaume « n'en vouloir à aucun prix » (fin XVIIe s.), avec des variantes attestées antérieurement, comme pas pour le royalme de Bavière (v. 1360). Royaume entre dans des expressions comme Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (absolument le Royaume-Uni) ou, en histoire de la Chine, dans l'expression les Royaumes combattants, à propos des sept seigneuries indépendantes qui se sont disputé la Chine, de 481 à 221 avant l'ère chrétienne, avant l'unification par la dynastie des Qin. Le mot a donné lieu à des citations littéraires et historiques comme mon royaume pour un cheval (1904), allusion à l'exclamation de Richard III à la bataille de Bosworth où il devait être battu et tué, rendue célèbre par Shakespeare.
■  Dès l'ancien français, le mot s'emploie au figuré dans la locution Deu [Dieu] reaume (v. 1280), forme archaïque pour royaume de Dieu « souveraineté de Dieu dans les âmes et dans le ciel » (forme attestée tardivement : 1660, Pascal) ; la locution mon royaume n'est pas de ce monde (1672, Sacy) cite la réponse de Jésus à Pilate dans l'Évangile (Jean, XVIII, 36). ◆  Au XVIe s., les poètes de la Pléiade emploient la locution royaume des morts (v. 1550) ; on parle ensuite en poésie de royaume sombre (1659), noirs royaumes (1875) avec le même sens, et aussi de royaume de Pluton (1875). L'expression populaire parodique royaume des taupes désignant le cimetière (1611) est encore employée par allusion littéraire. ◆  Royaume est employé abstraitement en parlant du domaine dans lequel une personne exerce sa prééminence, une chose règne sans partage (1643) ; avec la même valeur figurée, il se dit aussi d'un lieu, d'un milieu où l'on est maître absolu (av. 1857, Musset).
❏  (SE) ROYAUMER v. pron. et v. tr. est un dérivé régional (Bretagne centrale) de royaume pour « faire la noce », devenu usuel en français de Suisse (1884) pour « prendre du bon temps » et aussi « se pavaner ».
2 ROYAUME n. m. dérivé de roi dans gâteau, galette des rois, ou dans tirer les rois, désigne en Savoie, dans l'Hérault, une brioche en forme de couronne, préparée en principe pour l'Épiphanie.
-RRAGIE, -RRHAGIE est l'élément tiré du grec -rr(h)agia, lui-même tiré d'une des formes verbales de rhêgnunai « briser, détruire, faire éclater, éclater », employé au figuré à propos de la voix qui éclate, de larmes et de sources qui jaillissent. Le mot repose sur une racine °wrēg-, °wrog- et on l'a rapproché d'un verbe attesté en baltique (lituanien rḗžiu, rḗžti « arracher ») et en slave (vieux slave rězati).
❏  L'élément, écrit -rrhagie, puis -rragie, entre dans la construction d'un certain nombre de mots de médecine (substantifs féminins) où il désigne un jaillissement du liquide exprimé par le premier élément (→ blénorrhagie, hémorragie), ou bien un écoulement soudain et abondant, le plus souvent de sang. Cette spécialisation explique que son concurrent -rrhée*, de sens très voisin en français, l'emporte en parlant d'un écoulement autre que l'écoulement sanguin. Otorragie, par exemple, désignera un écoulement de sang provenant de l'oreille, mais on emploiera otorrhée à propos de l'écoulement d'un autre liquide.
-RR(H)ÉE est l'élément tiré du grec -rr(h)oia, de rhein « couler, s'écouler » employé dans diverses métaphores (à propos des cheveux qui tombent, d'un flot de paroles, d'une matière qui se liquéfie, pour exprimer l'échec, le changement). Ce verbe appartient à une famille indoeuropéenne bien établie par le sanskrit srávati « couler », le russe ostrov « île entourée de courants » et strumenĭ « torrent », le vieil irlandais sruaimm « fleuve ».
❏  L'élément, écrit -rrée sans h plus récemment que -rragie, entre dans la construction de termes de médecine et de pathologie (substantifs féminins) où il indique un écoulement, normal ou non, d'un liquide organique autre que le sang (cette dernière spécialisation étant accaparée par l'élément -rr[h]agie).
❏ voir CATARRHE, DIARRHÉE, GONORRHÉE, HÉMORROÏDE, LOGORRHÉE, RHÉOSTAT, RHUMATISME, RHUME, RHYTON.
RTT, les trois lettres étant épelées, est le sigle courant de Réduction du Temps de Travail, mesure légale en France quand la durée du temps de travail fut fixée à 35 heures. Le mot est usuel pour « congé, heures de congé obtenu(es) à ce titre » : prendre ses RTT, être en RTT. Étant lexicalisé, on pourrait l'écrire èrtété.
L RU n. m., d'abord rui (v. 1160), puis ru (v. 1175), continue le latin rivus « ruisseau, petit cours d'eau », également « conduite d'eau, canal, tranchée » et, au figuré, « écoulement (de larmes, de sang, d'argent) ». Le mot, auquel remontent l'italien et l'espagnol rio (→ rio), l'ancien provençal riu, vient d'une racine indoeuropéenne °rei-, peut-être type élargi de °er- qui apparaît dans le latin oriri « se lever, naître » (→ orient) : elle est représentée dans le sanskrit riṇā́ti « il fait courir, il fait couler », les verbes vieux slaves rinǫti sę « se précipiter » et rějǫ, rějati « pousser, mettre en mouvement ». La notion d'« émission, cours d'un liquide » figure dans le vieux slave rěka « rivière », le vieil anglais rip « rivage », le vieil irlandais riathor « torrent ». REM. Rive et rivière ont une autre origine.
❏  Ru « petit ruisseau » a été supplanté par ruisseau, ruisselet et ne s'emploie plus que dans les dialectes (dans de nombreux parlers septentrionaux).
❏ voir RIA, RIVAL, RUISSEAU.
? RUBAN n. m., dont la forme la plus ancienne, en dépit des attestations, serait non pas ruban (v. 1268) mais riban (XIVe s.), est emprunté au moyen néerlandais ringhband « collier ». Le premier élément de ce mot serait, selon Diez, le moyen néerlandais rinc, ring (néerlandais ring) : « anneau » qui correspond à l'anglais ring (→ ring). Le second élément correspondrait au mot band « lien », représenté en français par le terme de marine hauban* et qui a de nombreux correspondants dans les langues germaniques (→ bande, raban). Le sens propre du mot serait, dans cette hypothèse, « lien de forme circulaire », ce qui est compatible avec le sens du flamand ring-band « cravate », et que ne démentent pas les plus anciens emplois du mot français (Du Cange, parlant de ruban de perles, paraît induire l'idée du collier honorifique). L'anglais a repris le mot du français sous ses deux formes : riban, riband (d'où ribbon) et ruban, cette dernière sortie d'usage à la fin du XVIIIe siècle.
❏  Le mot désigne une étroite bande de tissu servant d'ornement ou d'attache ; les rubans, plutôt féminins jusqu'au XVIe s., sont fréquents dans la mode masculine aux XVIIe et XVIIIe s. : ruban de queue désigne (1740) le ruban dont les hommes entouraient une touffe de leurs cheveux pour en faire une queue pendant sur la nuque (mode reprise par la queue de cheval) ; de là, l'emploi figuré de cette expression à côté de ruban de tire, pour une route qui s'allonge à perte de vue (v. 1800), sorti d'usage (encore dans Zola) ; on retrouve la métaphore dans le sens de « rue, trottoir » (ci-dessous).
■  Les expansions sémantiques sont tardives : par spécialisation, ruban désigne une décoration qui se porte à la boutonnière gauche des hommes (1802), par exemple dans ruban rouge (de chevalier de la Légion d'honneur), absolument, avoir le ruban (distinct de la rosette), ruban violet « palmes académiques » (1893) et ruban bleu (XXe s.), traduction de l'anglais Blue Ribbon (1875), allusion au trophée symbolique décerné naguère pour un record de vitesse aux paquebots transatlantiques effectuant le service entre l'Europe et les États-Unis.
■  Par analogie de forme, le mot désigne aussi une bande mince et étroite d'une matière flexible (1730) : il se dit de la bande de pâte dont on entoure certaines pâtisseries (1842), de la disposition des matières textiles pendant les opérations de filature (1870), de la boîte circulaire dans laquelle est enroulé un ruban métallique portant des divisions en mètres et servant à mesurer les distances (1904), aussi dans mètre à ruban, de la lame élastique venant s'appliquer par serrage contre un tambour de frein (1933). Il s'emploie aussi dans des syntagmes comme ruban encreur (1877), ruban magnétique (v. 1950), concurrencé par bande. ◆  Ruban d'eau (1765) est le nom d'une plante aquatique à feuilles plates et minces.
■  Ruban se dit au figuré de l'apparence que présente une voie vue de loin sur une longueur importante (av. 1841) ; il est repris en argot avec le sens plus abstrait de « chemin, trajet » (1896) et le sens concret de « trottoir » (1904) ou de « rue ». Dans ce contexte, l'argot associe le « ruban » et la prostitution en employant faire le ruban, mettre sur le ruban pour « se prostituer » et « prostituer » (des années 1900 au milieu du siècle).
❏  Le dérivé RUBANER v. tr. (1349) n'est plus usité au sens propre de « garnir de rubans » et il est rare avec une valeur figurée (XXe s.) ; il s'est spécialisé techniquement pour « disposer en ruban » (1800).
■  RUBANÉ, ÉE, participe passé adjectivé (1379), a qualifié une chose garnie de rubans, sens disparu, sauf dans le terme technique canne rubanée « canne à pêche ligaturée d'un bout à l'autre d'un ruban recouvert de vernis » (v. 1950).
■  L'adjectif s'emploie en sciences naturelles à propos de ce qui présente des bandes analogues à des rubans ou des bandes moirées (1770) et d'une chose ayant la forme d'un ruban (1856). Rubané qualifie aussi un canon d'arme à feu formé d'une lame de métal tordue en spirale (1839). En préhistoire, il s'applique à un faciès culturel du néolithique ancien et moyen, d'après le décor de la poterie en rubans et en spirales (poterie rubanée, 1930).
■  RUBANEUR, EUSE adj. (1870) est d'usage technique pour qualifier ce qui sert à mettre en rubans les matières textiles.
■  RUBANAGE n. m. (1884) « ensemble de couches géologiques superposées », substantif d'action de rubaner, s'applique à la mise en place de rubans de papier isolant autour des conducteurs électriques (v. 1950).
RUBANIER, IÈRE n. et adj. désigne le tisseur qui fabrique des rubans (1387), aujourd'hui au métier mécanique. Il fournit un autre nom pour la plante dite ruban d'eau (1803). Son emploi comme adjectif est enregistré au XIXe s. (1839).
■  RUBANERIE n. f., d'abord rubennerie (1490), puis rubannerie (1594) et rubanerie (1723), est le nom de la fabrication et du commerce en gros des rubans et galons, différencié en petite et grande rubanerie (1845), et de la profession de rubanier.
ENRUBANNER v. tr., attesté indirectement par le participe passé enrubannié (1532), avant d'être repéré à la fin du XVIIIe s. (Beaumarchais), concurrence rubaner au sens de « garnir de rubans ». ◆  Le mot, d'usage courant et technique, au figuré « orner à l'excès », a produit ENRUBANNAGE n. m. (v. 1950), nom technique, dit aussi par métonymie de la bandelette de tissu ou de gomme placée en hélice autour d'une tige dans un pneu.
RUBATO n. m. et adj. est emprunté (tempo rubato, 1907) à l'italien tempo rubato, littéralement « temps dérobé », expression employée en musique depuis 1601 à propos d'un mode d'exécution qui consiste à décaler légèrement le rythme de la mélodie en retardant certaines notes et en en précipitant d'autres. Rubato y est le participe passé adjectivé de rubare « voler, dérober », du germanique °raubôn (→ dérober, robe).
❏  Ce terme de musique est employé dans l'expression tempo rubato et, de manière autonome, comme substantif et comme adverbe.