S

S n. m., parfois aussi n. f., vient du s latin.
❏  Le mot entre dans des locutions, dont la plus pittoresque est allonger les S qui a signifié (1542) « faire une tromperie dans un compte », car on terminait les articles d'un compte par des s pour « sous » qui, allongés vers le bas, formaient des f, qui signifiaient « francs ». S désigne une forme sinueuse (XVIe s.), en particulier dans faire des S « faire des zigzags comme une personne ivre » (1640), et avoir les jambes en S « être bancal » (1808), qui a vieilli. ◆  Il désigne enfin des objets et outils de cette forme (→ esse).
SABAYON n. m., d'abord sabaillon (1803) pour une boisson italienne, écrit ensuite sabaione (1807), puis (1845-1846) avec un y, est emprunté à l'italien zabajone (déb. XVe s.), puis zabaglione (1640, Oudin). Ce mot d'origine inconnue se rattache peut-être au bas latin sabaya, nom d'une boisson illyrienne.
❏  Sabayon désigne une crème constituée d'un mélange de jaunes d'œufs, de sucre, de vin et d'aromates, que l'on a fait cuire.
SABBAT n. m. est emprunté (v. 1170, sabat) au latin ecclésiastique sabbatum, lui-même à l'hébreu šabbāt, proprement « repos » (→ shabbat), par le grec sabbaton.
❏  Ce terme religieux désigne le repos que les juifs observent le 7e jour de leur semaine (le samedi), consacré au culte divin. À partir du XIIIe s., les juifs étant mis à l'écart de la société française, leurs usages sont dépréciés par les chrétiens ; les prières étant dites à voix haute, le mot sabbat prend la double valeur de « grand bruit » et « activités de sorcier » ; ces acceptions sont d'abord attestées par le dérivé sabateis (XIIIe s.). Vient ensuite le sens de « tapage » (v. 1360), dans mener le sabbat (1451, Ch. d'Orléans), puis d'« assemblée nocturne des sorciers » (1508) ; de là des locutions disparues : faire ses sabbats « se livrer à des réjouissances » (1485), garder le sabbat de qqn « avoir le culte de qqn » (1512). L'idée de « bruit » explique que sabbat ait eu le sens de « gronderie » (1671, Mme de Sévigné) et ait désigné un instrument pour nettoyer les grains (1842). Tous les figurés ont disparu, sauf par allusion littéraire, notamment aux sorciers et sorcières. ◆  Le sens originel de l'hébreu est assumé, depuis le milieu du XXe siècle, par le réemprunt shabbat. La relation entre ces deux mots est comparable à celle qui existe entre ramdam et ramadan, et témoigne d'un retour au respect des religions autres que le catholicisme, et d'un recul de la xénophobie.
❏  SHABBAT n. m. est un emprunt à l'hébreu, translittéré selon la graphie anglaise sh-. Depuis le milieu du XXe s., le mot est employé en français où il remplace la forme sabbat, pour le repos hebdomadaire du vendredi soir au samedi soir, prescrit par la religion juive.
SABBATIQUE adj., emprunté au dérivé latin chrétien sabbaticus, lui-même emprunt au grec, est relevé en 1569 en emploi figuré, s'appliquant à une rivière qui s'arrête de couler un jour sur sept. Qualifiant ce qui a rapport au sabbat, l'adjectif n'est attesté qu'au XVIIe s. (1611), après l'adjectif sabbathaire (1578), disparu. ◆  Année sabbatique (1650 ; 1569, an sabbatique) a désigné la 7e année pendant laquelle les juifs laissaient reposer la terre et n'exigeaient pas les créances, acception archaïque dès le XVIIe s. (1680, Richelet) ; on a dit (1587) an sabbathaire. ◆  Par emprunt (1948) à l'anglais sabbatical year (1886), l'expression se dit de l'année de congé accordée tous les 7 ans aux professeurs d'université, aux États-Unis, puis au Canada et enfin dans d'autres pays.
■  SABBATAIRE n., terme d'histoire religieuse, reprend l'ancienne forme sabbathaire (ci-dessus) et désigne (1721) un juif converti au christianisme qui, au Ier s., continuait à observer le shabbat et, par ailleurs, une secte anabaptiste qui observe le shabbat (aussi sabbatarien, 1694).
❏ voir SAMEDI.
? 1 SABÉEN, ENNE adj. et n. est un emprunt francisé (1732) à l'arabe sâbi᾿, désignant dans le Coran des étrangers, « gens du Livre » (juifs ou chrétiens), admis en terre musulmane. Ces groupes non musulmans étant mal identifiés, on a proposé diverses étymologies pour ces adeptes d'une religion tolérée par l'islam. Un dérivé SABÉISME n. m. est aussi attesté au XVIIIe siècle.
2 SABÉEN, ENNE adj. et n. (1701), d'abord sabien (fin XIVe s.), est dérivé de Saba, nom du peuple arabe qui vivait au Yémen, pour « du royaume de Saba ». Une variante SABAÏTE s'emploie aussi.
SABELLE n. f. est un emprunt (1801) au latin zoologique sabella (1788), probablement formé sur le radical de sabulum « sable ». Le mot dénomme un annélide, ver marin dont les branchies céphaliques forment un panache.
? SABIN, INE adj. est un emprunt au latin Sabinus, i, désignant les habitants de la Sabina, région de l'Italie antique située au nord-est de Rome (en français, la Sabine). Ces noms à suffixe latin ont un radical d'origine obscure, qui pourrait être étrusque, et commun avec celui de Samnitus « Samnite », autre population antique d'Italie centrale, dans la région appelée Samnium, d'un radical °sab-nyo, le même que dans sab-inus. ◆  Le mot qualifie ce qui est relatif à la Sabine et au peuple des Sabins. Il est connu, en français comme en italien et en latin, par l'épisode mythique de l'enlèvement des Sabines par les compagnons de Romulus qui, manquant de femmes pour fonder Rome, invitent les Sabins à une fête et enlèvent leurs femmes et leurs filles.
SABIR n. m. représente une altération (1852) de l'espagnol ou du provençal saber « savoir », tiré de phrases souvent répétées, comme mi non sabir « moi pas savoir » : chez Molière, dans Le Bourgeois gentilhomme, IV, 10 (1670) Si ti sabir, ti respondir, mots prêtés au muphti. L'occitan saber est emprunté au latin sapere qui a donné savoir*.
❏  Le mot désigne d'abord un jargon mêlé d'arabe, de français, d'espagnol et d'italien, qui était utilisé en Afrique du Nord et dans le Levant pour les relations commerciales avec les Européens (Cf. lingua franca). Sans la connotation péjorative prise dans la seconde moitié du XIXe s. (1882), sabir s'emploie en linguistique (1919) pour désigner un système mixte, limité à quelques règles et à un vocabulaire déterminé, issu des contacts entre des langues très différentes et servant de langue d'appoint (opposé à créole* et à pidgin*). Par figure, le mot désigne un usage impur et incorrect de la langue, un jargon (Cf. le sabir atlantique, autre désignation du franglais par Étiemble).
L 1 SABLE n. m., attesté isolément vers 1150, est issu du latin sabulum « sable » ; repris au XVe s., c'est alors un dérivé régressif de sablon (v. 1170) ou sablun (1125), aboutissement du latin sabulonem, accusatif de sabulo, -onis « gros sable, gravier », dérivé de sabulum « sable ». Sabulum se rattache à d'autres noms indoeuropéens du sable, comme le grec psamathos ou l'ancien haut allemand sampt. Voir ci-dessous sablon.
❏  Sable, qui désigne comme en latin une matière pulvérulente formée de petits grains minéraux, s'emploie depuis le XVIe s. au pluriel, comme sablons, au sens de « lieu ensablé, étendue de sable » (v. 1200), d'où « désert de sable » (1503). ◆  Horloge de sable (1552, Rabelais), puis horloge à sable (1636) est un synonyme ancien de sablier* (ci-dessous). ◆  En technique, sable se dit (1597) d'une composition réfractaire à base de sable, utilisée en fonderie pour le moulage ; de là, jeter en sable (1636) « couler dans un moule de sable », qui a signifié au figuré (mil. XVIIe s.) « boire d'un trait un verre de vin, d'alcool » ; ce figuré est archaïque. Ce sens figuré est probablement fondé sur la propriété qu'a le sable d'absorber les liquides. ◆  Sable mouvant (déb. XVIIe s.), le plus souvent au pluriel, désigne un sable que les vents ou les eaux déplacent et qui, peu consistant, s'enfonce sous les pieds ; la locution s'emploie au figuré (1689) pour « fondement peu solide ».
■  Par analogie de forme et d'aspect, le mot a désigné (1588 Montaigne) une concrétion qui se forme dans les reins ; Cf. pierre, calcul.
■  Sable s'emploie dans diverses locutions figurées, parmi lesquelles bâtir à chaux et à sable (fin XVIe s.) « solidement », d'où être bâti à chaux et à sable, d'une personne (1878) ; bâtir sur le sable (1625) et fonder sur le sable (1718) « de manière précaire » ; le marchand de sable a passé (1659) correspond dans l'usage enfantin à avoir du sable dans les yeux « envie de dormir » (1798 ; 1690, le petit homme luy a jetté du sable dans les yeux). ◆  Être sur le sable signifie « être sans argent », d'abord en argot de la marine (1725) par comparaison avec le bateau qui s'échoue sur le sable ; la locution ne se répand qu'à partir du XIXe s., en argot (1827, « être dans la misère, faute de femme », dans le vocabulaire des souteneurs), puis dans l'usage familier (aussi mettre, foutre sur le sable). ◆  Le mot s'emploie également dans vin de sable « fait à partir de vignes cultivées dans une terre sablonneuse ».
❏  Le dérivé SABLEUX, EUSE adj. est la réfection de sabelous (v. 1285). Il signifie « de la nature du sable ».
■  SABLER v. tr. est d'abord attesté au sens de « recouvrir d'une matière en poudre » (1587) ; le verbe est sans doute antérieur, car 1 SABLÉ, ÉE adj. « recouvert de sable » est relevé en 1507. ◆  Le sens actif de « recouvrir de sable » (1680 ; p.ê. 1588) a vieilli, puis disparu. Sabler signifie ensuite (1645) « couler dans un moule fait de sable ». Par allusion au métal en fusion versé dans le moule, sabler a signifié « boire d'un trait » (1695) encore au XIXe s. ; au milieu du XVIIIe s. (Voltaire), sabler le champagne s'emploie pour « boire du champagne en abondance ». ◆  À la fin du XVIIIe s., le verbe signifiait « bâcler (un travail) » (1789), comme si l'on jetait du sable dessus, métaphore proche de gâcher, sens encore relevé au milieu du XIXe siècle. ◆  Sabler, terme technique, s'emploie (déb. XXe s.) pour « décaper, polir à la sableuse » et, en français québécois, pour « poncer, polir » à la sableuse ou au papier de verre.
■  Le verbe a fourni plusieurs mots techniques : SABLEUR, EUSE n. (1753), nom d'ouvriers chargés d'un sablage, SABLAGE n. m. (1786), plus courant, à propos du traitement des routes, SABLERIE n. f. (1870) « partie d'une fonderie où l'on fait les moules en sable » ; SABLEUSE n. f. (1907) « machine qui décape, polit, dépolit, grave, etc., par un jet de sable sous pression ». En français du Québec, ponceuse.
1 SABLIÈRE n. f., « carrière de sable » (1690), succède à l'ancien provençal sabliera (1366). Le mot a désigné dans le vocabulaire des chemins de fer (fin XIXe s.) un réservoir contenant du sable que l'on fait tomber sur les rails pour augmenter l'adhérence des roues.
■  SABLIER n. m. désigne couramment (v. 1640), après sablière n. f. (1609), une horloge à sable ; le mot s'est dit (1662) d'un petit récipient contenant du sable fin pour sécher l'encre et a désigné (1767) un arbre d'Amérique dont le fruit, capsule dure, servait au même usage. Par une nouvelle dérivation de sable, il a désigné un marchand de sable (1832), un ouvrier qui récolte le sable dans une rivière (1867). ◆  Le mot, dans sa première valeur (« récipient, instrument empli de sable »), est employé ensuite comme terme technique, désignant le compartiment d'une machine à papier où sont arrêtées les impuretés de la pâte (1877), et une boîte allongée et percée utilisée pour le soufrage de la vigne (1904).
■  SABLINE n. f. se dit (1778) d'une plante des sables, des éboulis (nom scientifique : arenaria).
Plusieurs verbes sont composés à partir de sable.
■  ESSABLER v. intr. (1546) et DESSABLER v. tr. (mil. XVIIIe s.) « ôter le sable » ont disparu.
■  ASSABLER v. tr. a signifié « échouer sur le sable » (1544, intr. ; 1550, pron.) jusqu'au XVIIIe s., et en technique « remplir de sable » (1546, Rabelais ; 1690, pron.), d'où ASSABLEMENT n. m. (1629), disparu. ◆  On trouve aussi la forme ASSABLIR v. intr. (1660) au premier sens.
■  ENSABLER v. tr. est plus vivant. Il signifie d'abord, intransitivement, « échouer sur le sable » (1537), puis est pronominal (1607) et transitif (1636) ; le participe passé adjectivé est usuel. ◆  Le verbe signifie également « remplir, combler de sable » (1585-1600), plus courant qu'assabler. Il s'est employé pour « tendre des filets sur un fond de sable » (1771). ◆  En dérive ENSABLEMENT n. m. « amas de sable » (1673) et, attesté plus tard, « action d'ensabler » (1864). ◆  Le préfixé DÉSENSABLER v. tr. (1694) a produit DÉSENSABLEMENT n. m. (v. 1860).
SABLO-VASEUX, EUSE adj. (1950), terme de géographie, s'applique à un sol constitué de sable et de vase.
Avant que sable ne soit devenu courant, on employait en diverses acceptions SABLON n. m. (1125, sablun), pour « sable » et « terrain sablonneux » (v. 1130). Voir ci-dessus l'étym. de sable. Le mot se dit toujours d'un sable très fin (1294), la finale on ayant été interprétée comme un diminutif. Dans ses autres emplois, il a été supplanté par sable, par exemple dans horloge à sablon (1393) ou sablon mouvant (1611).
■  Sablon survit dans des noms de lieux et par ses dérivés.
■  SABLONNIER n. m. (v. 1190, sablonier), d'abord au sens disparu de « terrain sablonneux », désigne un ouvrier des carrières de sable (XVe s.) et est sorti d'usage pour « marchand de sable » (1422), emploi où il avait un féminin SABLONNIÈRE n. f. (1803) Le mot a aussi servi d'adjectif (v. 1236).
■  SABLONNIÈRE n. f. a désigné (v. 1200) une plaine de sable, une carrière de sable (1237). ◆  Avec une autre valeur, il désigne un coffre dans lequel on prépare le sable pour les moules de fonderie (1723).
■  SABLONNER v. tr., d'abord terme technique (1387), signifie « jeter du sable fin sur le fer chaud pour souder » (1790) et, plus généralement, « couvrir de sable fin » (1483) ainsi que, spécialement, (1494) « récurer avec du sable fin » : en ce sens, ENSABLONNER v. tr. (mil. XVIe s.) a disparu.
■  SABLONNEUX, EUSE adj. (1380), réfection de sablonos (1165-1170) « naturellement couvert de sable », s'est appliqué à un fruit qui a la consistance d'une poudre pierreuse. Il est demeuré vivant dans son premier sens et pour « où il y a beaucoup de sable (d'un sol) ».
SABULICOLE adj., formation savante à partir du radical de sabulum et de -cole*, s'applique à des animaux qui vivent dans le sable. L'élément savant sabuli- concurrence sablo-, de sable.
❏ voir 2 SABLÉ, 2 SABLIÈRE.
2 SABLE n. m. est un emprunt (v. 1165) au latin médiéval sabellum, lui-même emprunté au russe sobol ou au polonais sabol « martre à fourrure noire ».
❏  Le mot est utilisé jusqu'au XVIe s. pour désigner la martre zibeline et la peau de l'animal employée comme fourrure. ◆  En termes de blason (v. 1240), il signifie « noir », couleur de la zibeline.
❏ voir ZIBELINE.
1 SABLÉ → 1 SABLE
2 SABLÉ, ÉE n. m. et adj. désigne (1870) un petit gâteau sec à pâte friable, d'abord produit dans la ville de Sablé. L'adjectif s'applique (v. 1900) à ce qui a la texture de ce gâteau (pâte sablée), souvent compris comme « friable comme le sable ».
1 SABLIÈRE → 1 SABLE
2 SABLIÈRE n. f., terme technique de charpenterie (1359), et antérieurement sablier (1346), est peut-être dérivé de 1 sable parce que cette poutre soutient le mortier et le sable ou vient, selon P. Guiraud, de sapel, sapelle « sapin » et serait alors un doublet de sapine « poutre », « solive en bois de sapin ».
❏  Le mot désigne une pièce de charpente horizontale, disposée parallèlement au mur qui la supporte ou qu'elle soutient, et qui reçoit d'autres pièces de charpente.
SABORD n. m. (1573), d'abord écrit sabort (1402), est peut-être un composé de bord*, mais le premier élément est inexpliqué ; P. Guiraud suggère que sa- pourrait représenter le verbe saper « creuser », le sabord étant une ouverture pratiquée dans le bord, ou le mot sas, pour « passage dans le bord ».
❏  Ce terme de marine désigne une ouverture pratiquée dans la muraille d'un navire et servant sur un navire de guerre de passage à la bouche des canons. Par métaphore, coup de sabord s'emploie (1850) pour coup d'œil ; l'expression, d'abord employée dans la marine, a été altérée en coup de saveur (mil. XXe s.). ◆  Mille sabords ! est un pseudo-juron (fin XIXe s.) mis dans la bouche des marins par les auteurs de romans d'aventures. Aujourd'hui, il est souvent repris par allusion au répertoire du capitaine Haddock, dans Tintin et Milou de Hergé.
❏  Le dérivé SABORDER v. tr. signifie (1831) « percer (un navire) comme par des sabords, mais au-dessous de la flottaison, en créant des voies d'eau pour le faire couler ». ◆  Par métaphore, il s'est dit (1942) des journaux qui renoncèrent d'eux-mêmes à paraître après l'occupation totale de la France, puis pour « mettre fin volontairement aux activités (d'une entreprise) ».
■  En dérivent SABORDAGE n. m. (1894), employé au propre et au figuré, et SABORDEMENT n. m. (1846), qui a vieilli.
SABODET n. m., attesté en 1462 dans un texte en français, est formé de sa- pour sac et d'une variante de boudin ; il a été rapproché de sabot par étymologie populaire. Dans l'Ain, le Rhône, l'Isère, le mot désigne une saucisse de tête et langue de porc et de couenne préparée au vin rouge, consommée cuite et chaude.
? SABOT n. m., d'abord sous la forme çabot (déb. XIVe s.) au sens de « toupie », puis sabot « chaussure de bois » (1512), est d'origine incertaine. Pour Bloch et Wartburg, il représenterait, par croisement avec savate*, une altération de bot, autre forme de botte* signalée en 1564 dans la région du Poitou ; ce mot serait propre aux parlers septentrionaux, le sud de la France employant des formes qui continuent l'ancien provençal esclop, du latin scloppus « bruit produit en tirant contre la joue un doigt introduit dans la bouche » (→ escopette). Cette explication ne rend pas compte du sens de « toupie », antérieur. P. Guiraud propose de distinguer çabot et sabot ; le normanno-picard cabot, çabot, chabot « toupie », puis « chaussure » serait un dérivé de bot, adjectif « émoussé, contrefait » (Cf. espagnol boto « émoussé ») et nom signifiant « objet mal dégrossi » et « crapaud » ; bot se rattache à un germanique °butta « émoussé », que l'on trouve aussi dans les langues slaves. La forme sabot serait alors méridionale et liée à l'ancien saboter « heurter, secouer, ébranler » (d'où « gâcher le travail »), lui-même dérivé du provençal saba (anc. prov. sabar) « frapper sur l'écorce pour la détacher », bien attesté dans l'aire méridionale et qui remonte au latin sapa, lequel a donné sève*. Les deux séries se seraient croisées à partir d'une métaphore sur le nom du crapaud, appliquée à des objets de facture grossière : on relève en franco-provençal sabota « crapaud » (Hautes-Alpes), en provençal sabatas « crapaud » et « chaussure grossière » (→ savate), les diminutifs babi « crapaud » et bobo « soulier d'enfant » ; par ailleurs, bot, botte « crapaud », bot « sabot » et botte « chaussure grossière » sont attestés en ancien français.
❏  Sabot, au sens de « grosse toupie que l'on fait tourner au moyen d'un fouet », est souvent considéré comme venant du sens de « chaussure faite d'une pièce de bois » ; Littré cite La Monnoye expliquant que « ces toupies sont faites la plupart d'un morceau de vieux sabot » ; mais cabot « toupie » semble plus ancien. Avec ce sens de « toupie », le mot entre dans la formule le sabot dort « il tourne sur place tellement vite qu'il paraît immobile », d'où dormir comme un sabot « profondément », attesté chez Villon (XVe s.) et qui n'est plus compris.
■  Sabot, « chaussure », désigne par analogie (1564) l'ongle très développé qui entoure l'extrémité du doigt des ongulés ; le mot entre dans plusieurs locutions figurées : avoir cassé son sabot « avoir perdu sa virginité » (XVIIe s.), en parlant d'une jeune fille, est sorti d'usage ; avoir du foin dans ses sabots « être riche » (d'un paysan), relevé à la fin du XVIIIe s., a vieilli, à la différence de la variante avoir du foin dans ses bottes ; voir qqn venir avec ses gros sabots (1624 ; dès 1587, je vous vois venir : vous portez des bots et sabots, in P. Enckell) et arriver avec ses gros sabots « laisser voir où l'on veut en venir » (1790) exploitent l'idée de naïveté rurale attachée aux sabots ; être (rester) les deux pieds dans le même sabot « incapable d'agir », d'allure archaïque, n'apparaît qu'au XXe siècle.
■  Par analogie de forme, sabot désigne de nombreux objets ; c'est le nom d'une baignoire courte, où l'on se baigne assis (1798), à l'origine en forme de sabot ; on dit aussi baignoire sabot. ◆  Manches à sabots ou sabots (1838) désignait des manches courtes et évasées.
■  Parallèlement, la locution comme un sabot s'emploie à partir de la première moitié du XIXe s. pour « très mal », surtout en parlant d'une manière de travailler, du jeu d'un musicien, d'un acteur ; cet emploi s'explique à partir de saboter (ci-dessous) et du sens péjoratif de sabot « mauvais instrument de musique » (attesté 1835), métaphorique avec une idée de qualité médiocre, de manque d'efficacité. ◆  L'analogie et la figure se développent au XIXe et au XXe siècle ; sabot se dit d'un mauvais billard (1852, Goncourt), d'un bateau médiocre, d'où (XXe s.) d'un véhicule terrestre. ◆  Le mot désigne aussi divers outils, un rabot cintré (1876), une boîte ouverte sur l'un de ses côtés pour distribuer les cartes à certains jeux d'argent (1886), une garniture de métal protégeant l'extrémité d'une pièce de bois, etc. ◆  Il est sorti d'usage pour « personne maladroite » (av. 1879, Huysmans).
■  Sabot de Denver, nom déposé, ou sabot, désigne (1970) une pince (en forme de sabot) servant à bloquer la roue d'un véhicule en stationnement illicite.
❏  Le dérivé SABOTER v. (XIIIe s.) a eu en ancien français les sens de « heurter », « secouer » (d'où sabouler), peut-être en relation avec l'ancien sens de sabot « toupie ». De cette acception vient le sens, encore vivant régionalement, de « piétiner bruyamment avec des sabots », et celui de « maltraiter », disparu. Le verbe a aussi signifié (1564) « jouer à la toupie ». Selon les dictionnaires, il est resté intransitif jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
■  Au début du XIXe s. (1808), saboter est relevé au sens, devenu usuel, de « faire (qqch.) vite et mal », peut-être lié aux emplois anciens du type « secouer » ou « maltraiter ». Cette valeur (saboter qqn) se retrouve dans l'usage du verbe en français d'Afrique, où saboter vaut pour « chahuter » (saboter un professeur), aussi absolument, et « traiter avec mépris ». ◆  Le verbe s'emploie également en technique, alors sans contenu péjoratif, pour « fouler (le drap) », l'étoffe passant entre deux sabots de bois, acception du XIXe s. disparue, « garnir (un pieu) d'un sabot » (1842), « percer (une traverse de rail) pour préparer le logement du patin du rail » (1872). ◆  Par extension du sens de « gâcher (un travail) », saboter signifie (fin XIXe s.) « détériorer ou détruire (une machine, une installation), pour empêcher le fonctionnement d'une entreprise », d'où l'emploi particulier dans le domaine militaire, où le sabotage va jusqu'à la destruction (XXe s.), et l'usage figuré dans saboter un projet.
Le dérivé SABOTEUR, EUSE n. a désigné (1694) qqn qui joue à la toupie ; au sens (1800) de « personne qui fabrique des sabots », le mot n'a pas remplacé sabotier. ◆  Saboteur est lié aux valeurs du verbe, mais il est courant au sens de « personne qui sabote (un travail) » (1808) en le faisant mal, puis qui endommage ou détruit volontairement.
■  SABOTAGE n. m. ne désigne plus (1842) la fabrication des sabots, valeur où il est supplanté par saboterie. Il a suivi une évolution parallèle à celle de saboteur, comme terme technique (1870), et courant pour « action de mal faire », puis « d'endommager, de détruire en sabotant » (fin XIXe s.).
Les autres dérivés de sabot sont archaïques et rares.
■  SABOTIER, IÈRE n. (1518), qui n'a pas été menacé par saboteur (ci-dessus), a perdu sa vitalité avec le recul de l'artisanat auquel il correspond.
■  SABOTERIE n. f., qui avait remplacé (1855) sabotage, a vieilli plus encore que sabotier.
■  Enfin, SABOTIÈRE n. f., qui s'est dit d'une danse paysanne en sabots (1832), est un synonyme rare (1904) de baignoire sabot.
SABOTER → SABOT
? SABOULER v. tr., relevé au XVIe s. (1530), mot d'origine incertaine, est pour Bloch et Wartburg un croisement de saboter « secouer » et de bouler « renverser » (1390 ; → bouler, chambouler) ; P. Guiraud le donne pour un doublet de saboter, dérivé du provençal saba (anc. prov. sabar) « frapper sur une branche pour détacher l'écorce » (→ sabot).
❏  Le verbe s'est employé pour « houspiller » puis (1546) « bousculer, secouer », d'où se sabouler « s'agiter » (1628) et « se battre » (XVIIIe s.). L'idée de mouvement violent explique les sens de « frotter, cirer » (v. 1830), de « laver énergiquement » (fin XIXe s.), emplois disparus. ◆  Du dernier cité vient se sabouler « s'apprêter, se farder » (v. 1935), vieilli comme l'adjectif SABOULÉ, ÉE « habillé ».
❏  Les dérivés SABOULEMENT n. m. (1573) et SABOULAGE n. m. (1673, Mme de Sévigné) sont sortis d'usage, de même que SABOULEUR n. m. (1836, Vidocq) « mendiant », d'abord sabouleux (1628) « mendiant qui simule l'épilepsie ».
SABRA n. est un emprunt (fait par de nombreuses langues) à l'hébreu moderne, où le mot est formé de deux syllabes hébraïques transcrivant le judéo-arabe barbari « figue de Barbarie », d'origine grecque (→ barbare) pour désigner par cette métaphore botanique les Israéliens originaires du pays (qui compte de très nombreux immigrés).