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Sac, d'abord employé pour désigner une étoffe grossière, est ensuite attesté dans un emploi métonymique en « judéo-français » (
XIe s.) au sens de « contenu d'un sac », précisément « quantité de raisins ou d'olives pressée en une fois », puis on le trouve au sens général (v. 1160) de « contenant de toile ouvert seulement par le haut ». Les usages du mot sont liés à ces deux valeurs.
Sac se dit (v. 1120) d'un vêtement grossier confectionné avec de la toile, signe de pénitence dans la Bible, d'où
sacbeni (1690) « vêtement de toile donné aux condamnés à mort par l'Inquisition », terme disparu.
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Par analogie, le mot s'est employé en médecine (1314) pour « dépôt d'humeurs formé près d'une plaie », encore au
XIXe s. (1835). Au figuré,
faire le sac a signifié (1375) « mettre un lit en portefeuille ». À la fin du
XIVe s.,
sac s'est dit par analogie pour « ventre, estomac », d'où
sac à vin « ivrogne » (1485), toujours en usage,
sac à bran (à merde) « homme ventru » (1640).
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On relève au milieu du
XVe s.
trousser son sac et ses quilles (1680,
avoir... ; 1690,
prendre...) « déguerpir sans demander son reste », sorti d'usage, comme
le sac et les quilles de qqn « son bien » (v. 1510) ;
donner à qqn son sac et ses quilles signifiait « le congédier » (1611), d'où
donner son sac à qqn (1808) qui a produit
2 saquer. Le mot a désigné (1478) le dossier contenant les pièces d'un procès, à l'origine un sac, d'où
sac de procès (1549) et les locutions figurées et vieillies :
le fond du sac « ce qui est caché » (1608),
juger sur l'étiquette (du sac) « sur les apparences » (1675) ; restent vivantes les locutions
vider son sac (1640 ; 1596,
tu me vuyderas le fond du sac de tes pensées, in Enckell) « n'avoir plus de ressources mentales », puis « dire le fond de sa pensée » (1837), sens actuel, et
l'affaire est dans le sac « le succès est assuré » (1680).
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Par extension de l'idée de « contenant », le mot désigne un objet souple qui sert à ranger, à transporter diverses choses (1599, sac de nuit), d'où sac à ouvrage (1740), sac à dos (1824), sac de voyage, etc.
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Au XVIIe s., le mot entre dans plusieurs expressions : (homme) de sac et de corde « peu recommandable » se dit par allusion à la façon dont on traitait certains malfaiteurs, enfermés dans un sac noué d'une corde et noyés (et, pour corde, à la pendaison) ; sac évoquait la pratique du vol, par jeu de mots sur sac « pillage » (→ 2 sac) ; avoir la tête dans le sac signifiait « être dans la plus totale ignorance » (1675) ; on relève ensuite prendre qqn la main dans le sac « le prendre sur le fait » (1798).
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Sac à terre (1676), aujourd'hui sac de terre, aussi sac de sable, désigne un matériau pour édifier une fortification. Sac percé, métaphore pour « prodigue » (1690), a été remplacée par panier percé.
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Parallèlement, sac devient un terme d'anatomie (1677) désignant une cavité ou une enveloppe en forme de sac.
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Le mot s'est employé pour « taie d'oreiller » (1692) et « petit filet pour la pêche » (1752). Sac à laine, disparu, puis sac à papier (1791), vieilli, sont des euphémismes remplaçant un juron (→ sacré).
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Sac d'os, fig. « personne très maigre », a été précédé par sac à os (1878).
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Sac pour « situation complexe » (XIXe s.) fait allusion au fait que le contenu d'un sac n'est pas visible ; ce sens a disparu, il a cédé la place à sac de nœuds, sac d'embrouilles (années 1960).
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Au concret, sac à coucher (1825) est remplacé par sac de couchage (1904) et a eu des équivalents argotiques : sac à viande (1850) ou, familier sac à puces (1916), expression qui s'applique aujourd'hui à un chien.
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D'abord argotique (1846), sac équivaut familièrement, en France, à « billet de 1 000 F » (avant la réforme monétaire de 1960) et a donné le dérivé argotique SACOTIN n. m. (v. 1910) ; la métaphore vient du fait que la Banque de France emploie à partir de 1805, pour les transports de fonds, des sacs de toile contenant chacun 1 000 F en pièces d'or ou d'argent ; de là avoir le sac (1844), être au sac « être riche » (1878), épouser le sac « faire un riche mariage ».
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Mettre dans le même sac (mil. XIXe s.) signifie figurément « englober dans la même réprobation », le sac étant alors ce qui sert à ranger ou à enfermer ; avoir bien des tours (1851), plus d'un tour (1935) dans son sac et sac à malices (1876) reprennent la valeur de sac pour « esprit ».
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Par figure, un sac à charbon s'est dit (1884) pour « prêtre en soutane », un sac au dos pour « fantassin » (1899).
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Sac à main (v. 1903) ou sac désigne un accessoire féminin qui contient les fards, l'argent, etc. ; il a pour équivalent sacoche en Belgique, au Québec ; sac, dans le langage des écoliers (déb. XXe s.), équivaut à « cartable ». L'expression sac d'école est courante au Québec, dans ce sens. D'une manière générale, les emplois de sac « contenant souple ou rigide » se sont multipliés après 1950-1960. Les sacs (de voyage) tendent à devenir aussi répandus que les valises rigides dans la catégorie des bagages ; les sacs remplissent de nombreux usages, représentés par des syntagmes comme sac plastique, sac poubelle*, etc. Le mot a pour synonyme régional poche.
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En outre, le mot s'emploie en Belgique là où on dirait sacoche en France.
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Le dérivé
SACHET n. m., formé (v. 1190) avec le suffixe diminutif
-et, se dit d'un sac, puis (1416) d'un petit coussin où l'on met des parfums, placé dans le linge. Au sens de « petit sac », on trouve
sacon (v. 1200),
sacel (v. 1215) et
sachot (
XIVe s.).
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SACHÉE n. f., en ancien et moyen français, s'est dit (v. 1190, sachiee) du contenu d'un sac ; on emploie plutôt sac par métonymie, et la locution à la sachée « en abondance » (1493) a disparu. SACHERIE n. f., « fabrique de sacs », n'est attesté qu'en 1941, mais on relève saquerie, sacquerie, de sens incertain, en moyen français (1485).
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SACQUER ou
SAQUER v. tr. (v. 1175), d'abord
sachier (1150), a signifié « tirer (l'épée) du fourreau » et « retirer violemment (qqn) d'un endroit », puis « tirer violemment, ôter, arracher » (mil.
XIIe s. ; v. 1175,
saquer les yeux à qqn « les crever »).
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Par ailleurs, le verbe s'est dit (
XIIIe s.,
sachier) pour « bousculer, bouleverser », et encore aujourd'hui pour « agiter par saccades ». Il s'emploie figurément pour « tirailler (au moral), réprimander » (1300-1350, écrit
sakier ; v. 1380,
sachier), valeur reprise au
XIXe s. par l'argot des Arts et Métiers (1869), et au
XXe s. surtout dans un contexte scolaire
(Cf. sabrer).
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Comme terme de marine, il signifie « tirer en dedans du navire » (1678,
saquer la voile).
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Sa(c)quer « renvoyer, exclure » (1866), d'abord en argot, puis familier, vient de la locution
donner son sac à qqn « le congédier », attestée dès 1611, et a produit les dérivés argotiques
SAQUEMENT n. m. (1878) et
SAQUAGE (Bruant, 1901).
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Ne pas pouvoir sacquer qqn signifie « ne pas le supporter, le sentir » (1919).
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SAQUET n. m., emprunt au provençal
saqueti, qui s'emploie aussi en français, désigne en Provence un petit sac, un sachet et un instrument de pêche formé d'un petit sac maintenu ouvert par un anneau de métal. Le mot a désigné un jeu de hasard, à Marseille, et on dit
tirer au saquet, au loto, pour « tirer un numéro au hasard, dans le sac ».
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Le préfixé
ENSACHER v. tr. (v. 1220,
ensachier ; forme moderne,
XVe s.) signifie « mettre (qqch.) dans un sac », spécialement « mettre (des fruits encore sur l'arbre) dans des sachets pour les préserver » (
XXe s.).
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Le verbe a fourni les termes techniques
ENSACHEMENT n. m., attesté isolément au
XVIe s.
(ensacquement) et repris en 1829, synonyme de
ENSACHAGE n. m. (1848), et
ENSACHEUR, EUSE n. (1800), spécialement au féminin « machine à ensacher » (1888) et au masculin « dispositif facilitant le remplissage des sacs » (1907).
SACHERIE n. f. se dit en français du Maghreb d'une fabrique de sacs en plastique.
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BISSAC n. m. (v. 1460), formé avec bis- indiquant le redoublement (→ bi-), désigne un sac fendu en long par le milieu et dont les extrémités forment deux poches. Le mot s'est employé dans les locutions réduire au bissac « réduire à la mendicité » (v. 1550), être au bissac « aller mendier » (1694), sorties d'usage (→ besace).
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SACCULE n. m. est un emprunt (1842) au latin
sacculus, diminutif de
saccus. Le mot désigne en botanique un organe creux et en anatomie (1870) une vésicule placée à la partie inférieure du vestibule (cavité centrale du labyrinthe de l'oreille interne).
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SACCULINE n. f., dérivé de
sacculus, a désigné (1827) un polypier, puis (1870) un crustacé dont la larve (nauplius) est normale, mais qui se fixant en parasite sur un crabe, subit une régression, développant le sac viscéral externe auquel il doit son nom.