SACREMENT → 1 SACRER
+ 1 SACRER v. tr. est un emprunt (1138), postérieur à sacrement (ci-dessous), au latin sacrare « consacrer à une divinité », « vouer, comme malédiction, à une divinité », d'où « dédier qqch. à qqn », donc « rendre sacré » et en poésie « consacrer ». Le verbe dérive de sacer, -cra, -crum, anciennement sacros ; le sacrum désigne ce qui appartient au monde du divin, opposé à ce qui est propre à la vie courante des hommes, le profanum (→ profane), le passage de l'un à l'autre s'effectuant par des rites. Sacer diffère de religiosus ; il désigne ce qui ne peut être touché sans souiller ou sans être souillé, d'où le double sens de « sacré » et « maudit » ; le coupable voué aux dieux des enfers est sacer, d'où le sens de « criminel ». Le mot se rattache à une racine indoeuropéenne °sak-, comme sanctus (→ saint).
❏  Le verbe est introduit en français avec le sens repris au latin de « conférer un caractère sacré à (qqn ou qqch.), au moyen de rites, de cérémonies religieuses ». Il s'est employé pour « consacrer » à Dieu (v. 1155) ou à qqch. (XVIe s.) et, comme verbe intransitif, a signifié « faire la consécration à la messe » (v. 1200), « présenter une offrande » (v. 1220). Son emploi actif a disparu, notamment sous la concurrence de consacrer*.
❏  En revanche, le participe passé est demeuré très vivant. 1 SACRÉ, ÉE adj. et n. m., d'abord attesté dans pain sacré « pain consacré » (v. 1130), puis seul (v. 1200), s'applique à ce qui est consacré à Dieu ; le mot a été senti comme une traduction de l'adjectif latin sacer, diffusé par l'Église : un adjectif sacre « sacré », directement tiré du latin à la fin du XVe s., s'est employé jusqu'au milieu du XVIe siècle. Sacré qualifie ce qui appartient à un domaine interdit et inviolable (par opposition à profane) et qui fait l'objet d'un sentiment de révérence religieuse (XVIIe s., n. m.). L'adjectif entre dans de nombreux syntagmes où il s'applique à ce qui appartient au sacré ou au culte : vases sacrés, servant au culte (1550), l'Écriture sacrée « l'Écriture sainte » (1564), livres sacrés « l'Ancien et le Nouveau Testament » (1690). ◆  Dans l'ancienne médecine, maladie sacrée se disait de maladies attribuées à une influence surnaturelle : mal sacré désigne d'abord (1564) les écrouelles puis (1793) l'épilepsie, feu sacré l'érysipèle (1611). ◆  Au XVIIe s., le mot s'applique aussi à ce qui concerne les cultes païens (1636) et, dans un sens plus moral que religieux, qualifie ce qui est digne d'un respect absolu (1640), d'où personne sacrée (1673). Sacré est employé dans des expressions pour désigner des pratiques propres à l'Antiquité : feu sacré, entretenu sur l'autel des dieux (1690), poulets sacrés, dont on tirait des augures (v. 1730), année sacrée, pendant laquelle on célébrait des jeux périodiques (1765), etc. Feu sacré se dit au figuré (1777, Voltaire) de sentiments passionnés qui se communiquent chez les individus et avoir le feu sacré signifie « avoir foi dans son art » (1842), puis « avoir de l'ardeur au travail » (XXe s.).
■  Depuis le milieu du XVIIIe s., l'adjectif s'emploie avec une nuance d'admiration ou d'ironie et une valeur intensive. Il est alors antéposé, et reste très vivant, avec une valeur positive : une sacrée bonne femme, une sacrée rigolade, etc. ◆  Du fait de l'ambiguïté étymologique de sacré ou bien par antiphrase, il se dit (1788) pour « maudit, exécré », là aussi toujours placé avant le nom. Sacré est notamment utilisé pour renforcer un juron (sacré nom de Dieu, etc.), souvent abrégé en cré (1832), d'où crénom, et autrefois en acré (1837).
De ce sens vient l'intensif SACRÉMENT adv. « d'une manière intense », attesté au XXe s. (1929, Giono, in T.L.F.) mais plus ancien régionalement.
■  De l'adjectif employé dans les jurons dérive 2 SACRER v. intr. « jurer » (1726), vieilli en français d'Europe mais très fréquent en français canadien, également dans se sacrer de qqch. « s'en moquer » et avec d'autres sens figurés, par exemple dans sacrer la paix à qqn, lui « foutre la paix », ou sacrer patience (même sens). Sacrer un coup, le donner. En général, le verbe est un intensif de « donner, jeter, mettre » (sacrer qqn dedans, le mettre en prison ; se sacrer à l'eau, se jeter).
■  De sacre « sacré » ou de sacré, sacrer dérive 2 SACRE n. m. (1549, Mazarinades) pour « formule de juron », régional mais courant dans l'usage général au Canada (1894, Clapin). Les sacres sont une partie très spécifique du vocabulaire franco-canadien et utilisent quantité de mots empruntés au culte (hostie, tabernacle...) ou de noms propres sacrés (notamment Christ). ◆  En français du Canada, SACRANT, ANTE adj. a pris le sens extensif de « fâcheux, désagréable » et, comme adverbe, au plus sacrant « au plus vite ». SACREUR, EUSE n. signifie « blasphémateur ».
■  SACREBLEU interj. (1745), d'abord par la sacre bleu (1642), est un euphémisme de sacré Dieu, sacre Dieu (1552) et était employé comme juron familier, en France. ◆  SACRÉDIÉ interj. (1757, par la sacredié), altération phonétique de sacredieu (XIVe s.), était rural et a disparu, ainsi que sacrenom (XVIIIe s.).
■  On relève d'autres jurons familiers formés à partir d'une altération de sacrer : SACRISTI (1827 ; sacr...istie, 1790) abrégé en CRISTI (1866), devenu archaïque, a été altéré en SAPRISTI (1834), d'abord écrit sapristie (1808), lui-même abrégé en PRISTI (XIXe s.) ; SAPREDIÉ ou SAPRÉDIÉ, attesté au XIXe s., est sorti d'usage ; SAGUERNON (1790), de sacré nom, a lui aussi disparu. SAPERLIPOPETTE est la resuffixation (1864 chez Rimbaud) de SAPERLOTTE (1809), saprelotte, altération de sacrelotte (1750). D'autres suffixes plaisants sont attestés chez Rimbaud (saperlipouille, saperpouillotte).
3 SACRE n. m., autre substantif verbal tiré de sacrer, désigne d'abord (1172-1174) la cérémonie par laquelle un prêtre reçoit l'épiscopat, et aussi (v. 1170, Chrétien de Troyes) celle par laquelle l'Église sanctionne la souveraineté royale. Le mot a eu plusieurs emplois en liturgie : « saint sacrement » (XIIIe s.), « huile pour le service religieux » (XIVe s.), « Fête-Dieu » (XVe s.), etc. ◆  Sacre s'emploie aussi par figure pour « consécration solennelle ».
L'adjectif sacré, par l'expression cœur sacré de Jésus, a servi à former SACRÉ-CŒUR n. m. (1863), désignant Jésus-Christ dont le cœur, symbole de son amour pour les hommes, est l'objet d'un culte spécifique de l'Église catholique.
SACREMENT n. m. est le mot le plus ancien de la série latine de sacer. Il est emprunté, d'abord (v. 980) sous la forme saccrament, puis sacrement (1165-1170), au latin ecclésiastique sacramentum qui désignait tout objet ou acte ayant un caractère sacré (mystère, révélation, rite, etc.) ; en latin classique, le mot signifie d'abord en droit « dépôt fait aux dieux d'une certaine somme comme garantie de sa bonne foi, ou de la justesse de sa cause dans un procès » ; ce dépôt s'accompagnant d'une prestation de serment, le mot a pris le sens de « serment solennel », notamment dans la langue militaire ; par évolution phonétique, il a donné serment, dont sacrement est le doublet savant (→ serment). Sacramentum dérive de sacratum, supin de sacrare « consacrer » (Cf. ci-dessus sacrer).
■  Sacrement, terme de liturgie chrétienne, apparaît avec le sens général de « rite religieux institué par Jésus-Christ pour donner ou augmenter la grâce (chacun des sept sacrements) ». Il se dit spécialement (1172-1174) du sacrifice de la messe, et s'emploie aussi, comme 2 sacre, pour « consécration d'un évêque ». Le mot désigne en particulier (v. 1190) la partie de la messe qu'on appelle consécration et élévation, et Saint(-)Sacrement correspond à Eucharistie. ◆  Sacrement s'est employé dès l'ancien français hors du contexte chrétien pour « commémoration solennelle » (v. 1190). Au XIIIe s., le mot s'est dit spécialement pour « affirmation ou promesse faite en attestant Dieu, un être ou un objet sacré », acception reprise du latin et encore relevée au XVIIe s. (1607). ◆  Les sacrements, désignant les sacrements de pénitence, d'eucharistie et d'extrême-onction est attesté en 1309, ainsi que l'expression sacrement de l'autel. Saint sacrement est repris (v. 1480) avec le sens de « la Fête-Dieu » ; sacrement se dit spécialement pour « sacrement de mariage » (1515) et équivaut familièrement à « mariage » (cet emploi a vieilli). Au milieu du XVIe s., le mot s'emploie pour « cérémonie rituelle » (1549) en parlant d'autres religions. Il entre aussi dans la locution avoir eu, avoir reçu tous les sacrements, ceux de pénitence, d'eucharistie et d'extrême-onction, quand on est gravement malade (1549) ; de là les derniers sacrements (1636) et être muni des sacrements de l'Église. D'autres locutions, aujourd'hui sorties d'usage, se forment au XVIIe siècle : s'approcher des sacrements « se confesser et communier » (1685), fréquenter les sacrements « se confesser et communier souvent » (1690), avoir tous les sacrements « être en règle », « ne manquer de rien » (1690) au figuré. Au début du XIXe s., saint sacrement se dit spécialement pour « ostensoir » (1802).
SACRAMENTAL, ALE, AUX adj. et n. m., emprunté au latin ecclésiastique sacramentalis, dérivé de sacramentum, est sorti d'usage dans son emploi adjectivé (1382) pour qualifier ce qui appartient à un sacrement ; il est alors remplacé par sacramentel (ci-dessous). ◆  Le mot s'emploie aujourd'hui comme substantif, attesté seulement au début du XXe s. (1904), et correspond au latin ecclésiastique sacramentalia « sacrements mineurs » (dans le vocabulaire scolastique au XIIe s.). Ce terme de liturgie désigne le rite sacré, institué par l'Église, pour obtenir par son intervention des effets d'ordre surtout spirituel.
■  SACRAMENTEL, ELLE adj. (1382) s'efface devant sacramental jusqu'au XVIIIe s. et s'impose ensuite comme terme de théologie pour qualifier ce qui appartient à un sacrement. L'usage général connaît paroles sacramentelles (1798), mots sacramentels (1835) « paroles, mots qui sont essentiels à la validité d'un acte, d'une convention ». ◆  De l'adjectif dérivent SACRAMENTELLEMENT adv. (XVe s.), précédé par la variante sacramentalement (v. 1450), de sacramental, et SACRAMENTALITÉ n. f. (XXe s.), termes didactiques de religion.
■  SACRAMENTAIRE n. et adj., emprunté au bas latin ecclésiastique sacramentarium « rituel pour l'administration des sacrements », a d'abord désigné (1535, n. pl.) les hérétiques qui ont enseigné des dogmes divergents touchant l'eucharistie ; l'adjectif (1660), rare avant le XIXe s., qualifie ce qui est relatif aux sacrements.
Le terme de religion le plus récent qui se rattache au latin sacer est SACRAL, ALE, AUX adj., attesté en 1930 (Maritain), mais antérieurement en anglais (1882) et en allemand (déb. XXe s., sakral) d'où il semble procéder ; il est formé sur le radical du latin classique sacer. ◆  L'adjectif, très didactique, s'applique, par opposition à profane, à ce qui a revêtu un caractère sacré, notamment en parlant de civilisations.
■  Sacral a permis de former SACRALISER v. tr., attesté plus tôt (1899, Hubert et Mauss) « attribuer un caractère sacré à », d'où l'antonyme DÉSACRALISER v. tr. (1949), de 1 dé-, qui s'emploie aussi dans un sens étendu (désacraliser une profession). De là DÉSACRALISANT, ANTE adj. (1942 Dumézil). ◆  Du verbe dérive 1 SACRALISATION n. f., attesté (1941) après son antonyme DÉSACRALISATION n. f. (1934).
■  SACRALITÉ n. f. (mil. XXe s.) se dit du caractère de ce qui a été sacralisé.
SACRO-SAINT, SACRO-SAINTE adj. est emprunté (1546, sacrosainct) au latin sacrosanctus, de l'ablatif de sacer et sanctus (→ saint). Sorti d'usage comme terme de religion, il s'applique ironiquement (XIXe s.) à ce qui fait l'objet d'un respect exagéré.
De nombreux mots rattachés à la famille du latin sacer sont plus ou moins démotivés : sacrilège et sacrifier sont encore sentis liés à sacré mais semblent posséder une certaine autonomie ; sacristain et sacristie sont encore plus autonomes ; sacripant et sacrum, terme d'anatomie, n'ont plus guère de lien intuitif. Enfin saperlipopette, scrogneugneu, par leurs formes altérées, ne sont plus en rapport.
❏ voir CONSACRER, EXÉCRER, OBSÉCRATION, SACERDOCE, SACRIFIER, SACRILÈGE, SACRIPANT, SACRISTAIN, SACRUM, SCROGNEUGNEU, SERMENT.
SACRIFIER v. tr. est un emprunt (1119) au latin classique sacrificare « offrir un sacrifice à une divinité » (intr.) et « offrir en sacrifice » (tr.), de sacrum facere « faire une cérémonie sacrée », composé de sacrum (→ 1 sacrer) et de facere (→ faire). Le mot s'est spécialisé en latin chrétien.
❏  Sacrifier conserve le sens du latin chrétien, en parlant d'une offre à Dieu (1119), à une divinité quelconque, à une idole (v. 1120) ; on a dit sacrifier un sacrifice du XIIIe au XVIe siècle. Le verbe s'emploie spécialement pour « faire le sacrifice de la messe » (1669), d'après les emplois du type sacrefier le cors de Notre Seignor (v. 1220). La locution sacrifier une fête de sacre « consacrer une Fête-Dieu » (1225-1250, secrefiier) est sortie d'usage, le verbe n'ayant plus de complément interne (du type sacrifice, cérémonie, etc.).
■  Le premier emploi figuré est relevé à la fin du XVIe s. (1580, sacrifier qqn à son ambition), le verbe signifiant ensuite « abandonner volontairement (qqn) au bénéfice de ce qu'on fait passer avant » ; d'où sacrifier qqch. (1636). Depuis le début du XVIIe s., sacrifier à, par extension du premier sens dans le domaine profane, s'emploie pour « se conformer à, faire la volonté de », d'abord (1611) dans la locution n'avoir pas sacrifié aux Grâces « n'avoir aucun agrément, faire tout gauchement » ; ce type d'emploi littéraire est devenu archaïque. De ce sémantisme procède plus tard sacrifier à la mode, aux préjugés (1820). Sacrifier aux Muses (déb. XXe s.) « faire des vers, de la musique, etc. » est un archaïsme littéraire plus ou moins ironique. Se sacrifier (pour, à) signifie « se dévouer par le sacrifice de soi, de ses intérêts » (mil. XVIIe s.). ◆  Le verbe se dit ensuite (1670) pour « tuer », sans qu'il y ait d'intention sacrificielle (sacrifier un animal malade), mais ce sont les idées d'« abandonner » et de « suivre » qui sont à la base des nouveaux emplois : d'une part, sacrifier une personne, une chose à une autre (1669), notamment sacrifier un amant (1690), sacrifier tout à ses intérêts (1690), sacrifier son bonheur à celui d'un autre (1718), d'où sacrifier « mettre dans un rang inférieur » (1756).
❏  Plusieurs mots ont été empruntés à des dérivés de sacrificare.
■  SACRIFICE n. m. (fin XIVe s.), d'abord sacrifise, sacrefise (v. 1120), est emprunté au latin sacrificium « sacrifice », terme religieux. Le mot a eu une évolution parallèle à celle du verbe. Il désigne d'abord une offrande rituelle à Dieu (v. 1120), caractérisée par la destruction, l'immolation réelle ou symbolique, ou l'abandon volontaire de la chose offerte, d'où par extension sacrifier sacrifise de loenge « célébrer les louanges de Dieu » (v. 1120), devenu (1550) offrir un sacrifice de louange, et faire sacrefice « sacrifier » (XIIe s.). ◆  Sacrefise (v. 1120) puis sacrifice a pris la valeur particulière de « mort de Jésus-Christ sur la Croix pour la rédemption du genre humain » (mil. XVIIe s., sacrifice de J.-C.). Saint sacrifice se dit du sacrifice de la messe (1670) et sacrifice désigne la consécration à la vie religieuse (1675) et le saint sacrement (1687). ◆  Par métonymie, le mot désigne la victime d'un sacrifice (v. 1155) ; dans ce sens, il a été concurrencé par hostie aux XVIe-XVIIe siècles. ◆  Par extension, il s'emploie en parlant du culte rendu aux divinités païennes (v. 1180, sacrefixe). On relève au XVIIe s. sacrifice sanglant « où l'on immole une créature vivante » (1680), puis sacrifice humain (XVIIIe s.).
■  Au milieu du XVIIe s., sacrifice prend la valeur figurée de « renoncement ou privation volontaire, en vue d'une fin ». L'idée de « renoncement » s'étend au domaine esthétique, sacrifice se disant (1812) d'un artifice par lequel un peintre néglige certaines parties d'un tableau pour en faire ressortir d'autres ; le mot est ensuite employé (1835, au pluriel) en parlant d'une fin utilitaire au sens de « dépenses que l'on s'impose » et par extension pour « privation ».
SACRIFICIEL, ELLE adj., dérivé didactique, qualifie ce qui est propre à un sacrifice (1931 chez Bernanos) et a remplacé SACRIFICIAL, ALE, AUX (v. 1510 ; aussi sacrifical, 1581), qui a disparu.
SACRIFICATEUR, TRICE n. est emprunté (1535) au dérivé latin sacrificator (n. m.), -atrix (n. f.) « prêtre, prêtresse préposé(e) aux sacrifices » et en conserve le sens ; le grand sacrificateur désigne spécialement (1553) le grand prêtre chez les Hébreux. Le féminin apparaît au milieu du XVIIe s. (1656).
■  SACRIFICATURE n. f., dérivé savant obtenu par substitution de suffixe (1535), se dit de la dignité de sacrificateur.
■  SACRIFICATOIRE adj. (1597), emprunté au dérivé latin sacrificator « relatif au sacrifice religieux », équivaut à sacrificiel (ci-dessus).
SACRILÈGE adj., n. et n. m. est emprunté (v. 1190) au latin classique sacrilegus « qui dérobe des objets sacrés », d'où « impie, profanateur, sacrilège ». À l'époque impériale apparaît le dérivé par substantivation sacrilegium « vol dans un temple » et « profanation, impiété ». Sacrilegus est composé de la base de sacrare (→ 1 sacrer) et de -legus « qui recueille » (-legium « action de recueillir »), second élément de composition issu de legere (→ lire).
❏  Sacrilège est introduit en français comme nom d'action avec le sens du latin impérial, « profanation de choses sacrées » (1190, n. m.) ; de là un sens étendu, « outrage à une personne digne de vénération, d'égards » et « action dirigée contre une personne sacrée » (1283). ◆  Parallèlement, le mot reprend l'emploi du latin classique pour désigner comme nom (1283) une personne qui profane les choses sacrées, puis comme adjectif pour qualifier une chose (1528) qui a un caractère de sacrilège et une personne (1550) coupable de sacrilège. Des emplois extensifs et figurés (fin XVIIIe s.) sont liés aux extensions de sacré.
SACRIPANT n. m. est emprunté (1600, comme nom propre), à l'italien Sacripante, nom d'un faux brave de l'Orlando innamorato (Roland amoureux, 1476-1494) de Boiardo et personnage repris par Berni et Arioste. Le mot, en italien, représente une formation plaisante sur l'adjectif sacro « sacré », du latin sacer (→ 1 sacrer) ; il est passé aussi en portugais (sacripante « fripon, coquin, gredin »).
❏  Sacripant s'est d'abord dit pour « fanfaron, faux brave, bravache », par allusion au personnage italien. Le mot est encore relevé en ce sens au XIXe siècle. Aujourd'hui, il désigne (depuis 1713) un mauvais sujet, un vaurien, probablement par un effet de paronymie sur la finale (chenapan) et par les valeurs prises par sacré, employé dans les jurons et comme intensif dans des contextes péjoratifs (→ sacré à 1 sacrer).
SACRISTAIN n. m. est la réfection (1552) d'une série de formes de l'ancien français, dont secrestain (1145-1170), secretain (v. 1280) : elles sont toutes empruntées à secrestanus (XIIe s.), variante de sacristanus, dérivée du latin médiéval sacrista (v. 1050), d'abord « celui qui garde le trésor de l'Église » ; sacristanus a évincé secretarius (→ secrétaire) et a été emprunté sous la forme sacrestain (1375), relatinisée en sacristain au XVIe s. (1552). De sacristanus viennent également l'italien sagrestano et l'espagnol sacristan. La variante segrestain (v. 1150) représente un latin médiéval segrestanus. Sacrista, emprunté en ancien français (XIIIe s., sacriste), dérive du radical du latin classique sacer (→ 1 sacrer).
❏  Le mot désigne en français dès le XIIe s. celui qui a soin des objets sacrés d'une église. Sacristain s'est dit pour « serviteur » (apr. 1550) et s'est employé au pluriel (les sacristains) et au figuré (1793) pour « les croyants », puis « les faux dévots » (Cf. calotin) ; ce sens a disparu. ◆  Au XXe s., sacristain désigne aussi, sans qu'on en connaisse la raison, un petit gâteau de pâte feuilletée, en forme de rouleau, garni d'amandes grillées.
❏  Sacristain a fourni SACRISTAINE n. f. (1636) et SACRISTINE n. f. (1671), « religieuse chargée de l'entretien de la sacristie ».
SACRISTIE n. f. est emprunté (XVe s.), d'abord sous la forme sacrestie (1339), au latin ecclésiastique sacristia « charge d'un sacristain avec ses revenus » (1128), puis « sacristie » (v. 1209), dérivé de sacrista. La sacristie a été désignée en latin médiéval par d'autres dérivés de sacrista : sacristania (1038) et secretarium, qui correspond à secretarius (ci-dessus).
■  Le mot désigne la partie de l'église où sont déposés les vases sacrés, les vêtements sacerdotaux, les registres de baptême et de mariage et, par métonymie (1694), s'applique à ce qui est contenu dans la sacristie. Sacristie s'est dit au XVIIe s. (1690) des bénéfices tirés de ce qui est donné pour faire dire des messes, des services ou prières. Le mot s'emploie (1862) avec une valeur péjorative pour désigner les prêtres, le parti clérical, en tant que symbole de la religion (Cf. sacristain, ci-dessus), d'où la locution familière punaise de sacristie « dévote » (1890, des sacristies). La locution figurée, être de la sacristie « appartenir à un petit cercle de curieux, d'amateurs » (1874), est sortie d'usage. ◆  En argot, sacristie s'est dit par dérision et analogie (« lieu situé à côté »), pour « cabinet d'aisances » (1888).
SACRUM n. m. représente une abréviation (1793) de os sacrum (1478, Chauliac), mots latins signifiant « os sacré », ainsi nommé parce que cet os soutient les entrailles de l'animal que l'on offrait aux dieux dans les sacrifices.
❏  Ce terme du latin médical est passé dans diverses langues, dont le français dans le vocabulaire de l'anatomie, pour désigner l'os formé par la réunion des cinq vertèbres dites sacrées (ci-dessous), situé à la partie inférieure de la colonne vertébrale.
❏  Du nom dérive 2 SACRÉ, ÉE adj. (v. 1560, Paré) qui qualifie ce qui est relatif au sacrum et à sa région.
2 SACRALISATION n. f. est un terme de médecine emprunté (1912) à l'anglais sacralization, de sacral « relatif au sacrum ».
Du radical de sacrum a été tiré SACR-, SACRO-, élément signifiant « du sacrum » et servant à composer des termes d'anatomie et de médecine : SACRO-LOMBAIRE adj. (v. 1560), de lombaire ; SACRO-COCCYGIEN, IENNE adj. (1765), de -coccygien ; SACRO-SCIATIQUE adj. (1765), de sciatique ; SACRO-ILIAQUE adj. (1836), d'iliaque. SACRO-COXALGIE n. f. (1876), de coxalgie, et SACRALGIE n. f. (XXe s.), du suffixe -algie, « douleur au niveau du bas de la colonne vertébrale », sont des termes médicaux.
❏ voir VERTÈBRE (SACRO-VERTÉBRAL).
SADDUCÉEN, ENNE ou SADUCÉEN, ENNE adj. et n. (fin XIIIe s. écrit avec un d, saddu- 1545) est un emprunt au latin chrétien sadducoei, hellénisme qu'on suppose dérivé du nom de Sados, grand prêtre qui, dans la Bible (Rois, 1, 28), sacre Salomon. La racine hébreu çadoy signifie « être juste ». Ce nom désigne et qualifie les Juifs conservateurs, de classe aisée, qui s'en tenaient strictement à la Torah, rejetant la croyance en la résurrection et la vie future, à la différence des Pharisiens.
L SADE adj. représente l'aboutissement (v. 1175, Chrétien de Troyes) du latin impérial sapidus « qui a du goût, de la saveur » (→ sapide) et au figuré « sage, vertueux », dérivé du latin classique sapere (→ savoir), et qui a par ailleurs abouti, par une forme populaire, à sage*.
❏  L'adjectif, sorti d'usage au XVIIe s., s'est employé en ancien et en moyen français avec le sens propre du latin pour qualifier ce qui est savoureux, agréable en parlant de choses, et ce qui est charmant, agréable, gracieux en parlant de personnes. Le mot n'a survécu que dans quelques dialectes, notamment méridionaux (ancien provençal sabe), et en composition dans maussade*. Ses dérivés ont disparu, tel SADINET n. m. qui a désigné du XVe s. au début du XVIIe s. le sexe de la femme (le mot est dans Villon).
❏ voir MAUSSADE, SAGE, SAPIDE.
SADISME n. m. a été formé (1834) sur le nom du marquis de Sade (1740-1814) ; cet écrivain fut longtemps voué à l'anathème en raison de la part accordée dans ses romans à un érotisme de la violence et de la cruauté (incestes, viols, sodomie, etc.). On a voulu faire de ses ouvrages le délire d'un pervers sexuel, en assimilant ses violences imaginées à sa vie, d'ailleurs inquiétante. C'est Krafft-Ebing, médecin allemand, qui a donné à la fin du XIXe s. un statut scientifique au mot sadisme, comme antonyme de masochisme*.
❏  Le premier emploi de sadisme est aujourd'hui vieilli : le mot était défini en 1839 (Boiste) comme « aberration épouvantable de la débauche ; système monstrueux et antisocial qui révolte la nature ». Il se dit couramment (1887) du goût pervers de faire souffrir. ◆  Sadisme est par ailleurs un terme didactique (psychiatrie, psychanalyse), proposé par Krafft-Ebing pour désigner (1892, traduction en français de Psychopathia sexualis) une perversion sexuelle dans laquelle la satisfaction est liée à la souffrance ou à l'humiliation infligée à autrui en relation avec le masochisme, où le plaisir vient de la souffrance du sujet lui-même. Freud, qui, le plus souvent, réserve le terme de sadisme à l'association de la sexualité et de la violence exercée sur autrui, a cependant élargi l'emploi du mot pour désigner cette seule violence, hors de toute satisfaction sexuelle. Bien que considérée par Freud lui-même comme manquant de rigueur (sadisme équivalant à agressivité), cette acception a pris une large extension en psychanalyse, notamment dans les écrits de Mélanie Klein et de son école. De l'emploi courant vient le sens étendu (XXe s.) de « plaisir mauvais, méchanceté ».
❏  SADISTE adj. et n. (1850) « disciple de Sade » est sorti d'usage.
■  SADIQUE adj. et n. (1862, adj. dans la correspondance de Flaubert ; 1882, n.) a des emplois analogues à ceux de sadisme ; il a vieilli au sens de « luxurieux et cruel », à la manière des personnages du marquis de Sade. Le mot s'emploie en psychanalyse, en particulier en composition (stade sadique-anal ou sadico-anal, sadique-oral), et couramment pour « cruel », abrégé familièrement en SADO adj. et n. (mil. XXe s.), par opposition à maso (→ masochisme). ◆  Sadique a fourni SADIQUEMENT adv. (1951).
■  SADIEN, IENNE adj. (av. 1969), didactique, s'applique à ce qui est propre aux œuvres de Sade, du point de vue littéraire ou idéologique.
Sado-, élément tiré du radical de sadisme, entre dans la composition de SADOMASOCHISME n. m. (1935 ; 1914, sadi-masochisme), de masochisme, « sadisme combiné au masochisme », et SADOMASOCHISTE adj. et n. (mil. XXe s.), abrégé en SADOMASO (1977, au pluriel). ◆  D'abord didactiques, ces termes se sont relativement répandus à la suite de sadique et de maso(chiste).
SADOUL adj. et n. m. est un emprunt au languedocien sadoul, issu du latin satulus, correspondant au français soûl. Comme adjectif, il s'emploie pour « repu », dans le Languedoc, et comme nom dans tout son sadoul, « tout son soûl, tout son content ». Le mot apparaît en français dans des lettres de soldats, en 1914-1918.
S. A. E. adj. est un emprunt (1958) au sigle de l'anglais Society of Automotive Engineers « société des ingénieurs en moteurs d'automobiles », à propos de la classification des huiles pour moteurs selon leur viscosité.
SAFARI n. m. est un mot emprunté (mil. XXe s.) au swahili safari signifiant « bon voyage », qui vient de l'arabe safara « voyager ».
❏  Safari désigne une expédition de chasse, d'abord en Afrique noire.
❏  Du nom procèdent SAFARISER v. intr. (1971) « faire des safaris », SAFARISTE n. (1972) « personne qui participe à un safari » et SAFARIEN, IENNE adj. (1972) « relatif aux safaris », tous trois très peu usités.
■  Le composé SAFARI-PHOTO n. m. (1968), de photo, désigne une expédition, à la manière d'un safari, au cours de laquelle les animaux sont photographiés au lieu d'être chassés.
1 SAFRAN n. m. est emprunté (v. 1150) au latin médiéval safranum, lui-même pris à l'arabe zafarān ; de là viennent l'italien zafferano, l'espagnol azafrán (avec l'article arabe al, ici az) ; l'allemand Safran et l'anglais saffron sont eux-mêmes empruntés au français.
❏  Safran désigne, comme son étymon, une plante (crocus dans le vocabulaire scientifique) dont les stigmates sont utilisés pour leurs propriétés aromatiques et colorantes ; de là vient l'emploi (XIIe s.) en parlant de la matière colorante jaune et de l'extrait de la plante, en particulier pour des usages culinaires. Safran s'emploie pour « couleur jaune » (1587), aussi comme adjectif invariable (1778). Cette couleur est celle des moines bouddhistes, le mot pouvant désigner leur habit. ◆  En français de Madagascar et de l'océan Indien, en Nouvelle-Calédonie, ce qui est nommé curcuma ou faux safran en français standard est appelé safran (à la fois pour la plante et l'aromate) et aussi, seulement en Nouvelle-Calédonie, safran calédonien.
En français de l'île Maurice et des populations hindoues, le safran désigne la cérémonie qui consiste, la veille d'un mariage hindou, à appliquer du safran sur le corps des futurs époux en signe de purification.
La locution safran des métaux « oxysulfure de fer utilisé contre l'anémie », est sortie d'usage.
❏  Le nom a produit plusieurs dérivés.
■  SAFRANER v. tr. (fin XIVe s.) et SAFRANÉ, ÉE adj. s'appliquent à l'arôme (1463) et à la couleur. ◆  SAFRANÉE n. f. (mil. XXe s.) est le nom donné à un papillon à ailes jaunes.
■  SAFRANIER n. m. apparaît au XVIe s. dans un emploi figuré pour « personne qui fait faillite » (1549), issu de l'expression aller au safran « faire banqueroute » (1539), par allusion au fait que les boutiques de banqueroutiers étaient peintes en jaune. Il s'est dit d'un marchand de safran (1568). Ce n'est qu'au XIXe s. que safranier désigne (1845) une personne qui cultive le safran. ◆  SAFRANIÈRE n. f. (1600 ; 1568, safrenière) « plantation de safran » est rare.
■  SAFRANIQUE adj. (1847, Baudelaire) « qui évoque le safran » est littéraire et rare.
■  SAFRANINE n. f. (1875) est un terme de chimie.
2 SAFRAN n. m., d'abord saffryn (v. 1382), est emprunté à l'arabe za᾿frân. La forme moderne est influencée par 1 safran.
❏  Ce mot de marine désigne la pièce principale, verticale, d'un gouvernail.
1 SAFRE n. m. est un emprunt (v. 1180) au grec sapheiros, d'abord avec le sens du grec (→ saphir), puis (1364, écrit saffre) pour désigner l'oxyde de cobalt et le verre bleu coloré avec cet oxyde pour imiter le saphir. Il a pour synonyme smalt.
? 2 SAFRE ou SAFFRE adj. et n. est un mot d'argot ancien (XVIe s.) pour « goinfre ».
❏  SAFRERIE n. f. est attesté en 1821 au bagne de Brest. Les deux mots ont disparu au XIXe s.
1 SAGA n. f. est un emprunt (1721, Dict. de Trévoux) à l'ancien norrois saga « dit, conte », apparenté à l'allemand sagen « dire » et à l'anglais to say. Ces mots reposent sur une racine indoeuropéenne qui semble occidentale, n'ayant aucun représentant en indo-iranien.
❏  Ce terme littéraire désigne un récit historique ou mythologique de la littérature médiévale scandinave et, par extension, un récit légendaire dans d'autres civilisations (Cf. mythe, légende). ◆  Par emprunt à l'anglais saga, il se dit pour « histoire (d'une famille) présentant un aspect légendaire ». Ce sens s'est répandu avec La Saga des Forsyte, cycle romanesque de J. Galsworthy, puis avec les récits littéraires, cinématographiques, télévisuels, surtout américains. Les emplois se sont élargis, rejoignant ceux de épopée.
2 SAGA n. f., mot du latin scientifique, désigne en zoologie (1876) une grande sauterelle verte, commune dans le midi de la France. Son origine est obscure ; on ne voit pas le rapport avec 1 saga.
SAGACE adj. est emprunté (1495, sagax isolément ; rare av. 1788) au latin sagax, sagacis « qui a l'odorat subtil » et, au figuré, « pénétrant, habile à découvrir, à deviner », dérivé de sagire qui a signifié d'abord en termes de chasse « quêter » (en parlant d'un chien) et « avoir du nez » ; ce verbe, peu usité et remplacé par le composé praesagire (→ présage, présager), se rattache à une racine indoeuropéenne °sāg- « avoir du flair », également représentée en grec (→ exégèse, musagète).
❏  Sagace, d'emploi littéraire, a conservé le sens figuré du latin, qualifiant ce qui dénote de la pénétration d'esprit et s'appliquant aux personnes, aux paroles.
❏  En dérive SAGACEMENT adv. (1842).
■  SAGACITÉ n. f. (1444), devenu plus courant que sagace, se dit pour « pénétration d'esprit », sens figuré du latin sagacitas, dérivé de sagax, auquel il est emprunté. ◆  Le mot est rare avant le XVIIIe s. où il s'est employé (1725) avec le sens propre du latin, « finesse de l'odorat », sorti d'usage. C'est la valeur initiale qui l'a emporté.