2 SAIN → SAINDOUX
SAINDOUX n. m. (1538, en deux mots), d'abord saïmdois, saïmdous (XIIIe s.), est composé de doux* et de l'ancien français saïm (1155), puis sain (v. 1210), issu du latin populaire °saginem, du latin classique sagina, mot sans étymologie connue. Ce dernier signifie « engraissement », puis « nourriture, régime » (en particulier des gladiateurs) et « embonpoint, graisse », plus rarement « animal engraissé ». L'ancien provençal saïn, sagin « graisse » (d'où l'espagnol saín) représente un latin populaire °saginum. Saindoux a sans doute été composé pour éviter une équivoque de sain avec les homonymes, notamment 1 sain, sein. Saïm a désigné en ancien français la graisse des animaux.
❏  2 SAIN demeure comme terme technique de vénerie (1549) pour désigner la graisse des bêtes « mordantes », notamment celle du sanglier, mais il est inconnu de l'usage général. En revanche, saindoux se dit couramment de la graisse de porc fondue (1538) ; il a éliminé l'expression sain de porque (XVIe s.). Saindoux évoque familièrement l'adiposité.
❏  SAGINE n. f. (1876), adaptation du latin scientifique sagina, lui-même repris au latin classique, désigne une petite plante herbacée qui était employée pour engraisser les moutons.
❏ voir SAYNÈTE.
SAINFOIN → FOIN
L + SAINT, SAINTE adj. et n. est issu (1050), par l'intermédiaire de sancz (fin Xe s., adj. et n. m.) et sanz (v. 980), du latin sanctus adj. « rendu sacré et inviolable ». L'état de sanctus est obtenu par un rite de caractère religieux, alors que sacer marque un état initial (→ 1 sacrer). Sanctus a pris ensuite le sens du grec hagios (→ hagio-) qui avait lui-même reçu la valeur de l'hébreu qādôš « saint » (et qōdeš « sainteté ») chez les juifs et les chrétiens. Du sens de « consacré, établi », on passe à des acceptions essentiellement morales : « vénérable », « vénéré », « vertueux » puis, dans la langue de l'Église, « saint ». Sanctus est le participe passé passif, employé adjectivement, de sancire, verbe de la langue religieuse et politique signifiant « rendre sacré ou inviolable », puis « établir solennellement » (par ex. par une loi) et ensuite « ratifier, sanctionner ». Sancire a aussi le sens de « proclamer comme exécrable », d'où « interdire solennellement » et « punir » (→ sanction). Ce verbe se rattache comme sacré (→ 1 sacrer) à une racine indoeuropéenne exprimant l'idée de domaine réservé, surhumain et protégé.
❏  Saint, dans la religion chrétienne, s'applique d'abord à Dieu, signifiant alors « souverainement pur et parfait », et à ceux qui sont admis dans le séjour des bienheureux ; dans ce cas, il s'emploie écrit avec une minuscule devant le nom propre. Le nom désigne (fin Xe s.) une personne qui, après sa mort, est l'objet d'un culte de la part de l'Église catholique. Depuis le XIe s., l'adjectif qualifie (1050) ce qui appartient à la religion chrétienne, ce qui est destiné à des usages sacrés, d'où le saint lieu « l'église, le temple » (v. 1120) ou le lieu saint (1235), l'Écriture sainte, etc. Au XVIe s., le lieu saint est le sanctuaire précédant le saint des saints, chez les Hébreux (1564) ; les lieux saints (1564) ou les saints lieux (1690, sorti d'usage) se dit des lieux de la Terre sainte où le Christ a vécu. ◆  L'adjectif s'applique également (1050) à une personne pure et vénérable, aussi substantivé (1456), à une chose, à une action qui inspire ou doit inspirer de la vénération. ◆  Au milieu du XIIe s., saint s'est employé pour « chrétien » puis a désigné au pluriel (1172-1174, sainz) les reliques des saints. Le sens de « statue de saint » est ancien (v. 1280). ◆  Le saint des saints, par calque du superlatif hébreu, se dit (fin XIIIe s.) de la partie du tabernacle où était enfermée l'arche d'alliance, dans le temple de Jérusalem ; l'expression a pris beaucoup plus tard (1845) la valeur figurée de « partie la plus retirée, partie cachée (d'une maison, etc.) », puis « partie secrète (d'une entreprise, etc.) ». L'expression mal de saint s'employait pour une maladie pour laquelle on demandait l'aide d'un saint (v. 1375), d'où le sens de « sans remède (humain) » ; malade de saint « épileptique » (v. 1375) se disait encore à la fin du XIXe siècle. ◆  Les requêtes adressées aux saints expliquent la locution figurée ne savoir à quel saint se vouer « ne plus savoir comment se tirer d'affaire » (v. 1500, Commynes).
À partir du XVIIe s., saint n. m. entre dans des locutions figurées : à chaque saint sa chandelle (1611) se disait quand on tâche d'obtenir l'aide de qqn qui peut faire réussir une affaire ; il n'y a pas si petit saint qui veuille sa chandelle (1640) signifiait « chacun veut avoir son droit ». Saint qui ne guérit de rien (1640) désignait une personne qui, dans la disgrâce, ne pouvait ni aider ni nuire ; ces locutions ont disparu. En revanche, on dit encore il vaut mieux parler à Dieu qu'à ses saints « au chef plutôt qu'à ses subordonnés » (1690, Furetière), un petit saint de bois (une statue de saint) devenu un petit saint « une personne vertueuse et inoffensive » (Cf. sage comme une image), avoir la patience d'un saint (1773) « être très patient », prêcher pour son saint (1823) « avoir en vue son intérêt personnel » et le proverbe comme on connaît ses saints on les honore (1835). Dans le calendrier, où les noms de saints désignent traditionnellement le jour de leur fête (à la saint Médard, à la saint Jean, etc. ; Cf. aussi la saint Glinglin), les saints de glace (1866, Amiel) désignent les saints des 11, 12 et 13 mai, époque de la fin des gelées nocturnes, après les réchauffements, et où l'on observe souvent un abaissement important de la température.
❏  SANCTUS n. m., attesté vers 1250, n'apparaît pas dans les dictionnaires avant le XIXe siècle ; le mot latin désigne dans la liturgie catholique un chant de louange à Dieu, chanté à la messe après la Préface, et dont les premiers mots sont Sanctus, sanctus, sanctus Dominus ; par extension, le mot se dit de la partie de la messe où l'on chante cette hymne (mil. XIXe s.).
Les dérivés de saint apparaissent au XIIe siècle.
■  SAINTEMENT adv. (v. 1145), « d'une manière sainte », a aussi signifié « raisonnablement » (1440-1475).
■  SAINTEUR n., qui correspond à saintor « saint » en franco-provençal (v. 1180), a désigné (1284) un homme libre qui s'était fait serf dans une église, une abbaye.
■  SAINTETÉ n. f., variante classique (1636) de formes médiévales, saintité (v. 1132), saintetez (v. 1250) et par latinisme saincteté (1487), représente avec toutes ces variantes une réfection d'après le latin de l'ancien sainteed (v. 1120), sainté (v. 1200) qui se maintient jusqu'au XIVe siècle. Ce dernier était issu du latin classique sanctitas « sainteté, caractère inviolable, sacré », « probité, droiture », mot donné comme titre à un évêque. ◆  Sainteté désigne le caractère de ce qui est saint ; précédé d'un possessif (sa, votre), c'est un titre de respect donné au pape (1325, saintité ; 1285, saintee). Sainteté se dit ensuite du fait de vivre comme un saint (1645), d'où mourir en odeur de sainteté (XIXe s.).
Beaucoup de noms composés comprennent le mot saint. Certains désignent des réalités liées à la religion catholique : SAINT-PÈRE n. m. désigne le pape (XIIe s.), SAINT-SIÈGE n. m. le pouvoir, le gouvernement du souverain pontife, la papauté (1669), SAINT-OFFICE n. m. est le nom (1671) de la congrégation romaine établie en 1542 pour diriger les inquisiteurs.
■  D'autres reprennent le nom d'un saint patron d'une profession : SAINT-CRÉPIN n. m. (1660, des cordonniers) est sorti d'usage pour « ensemble des outils du cordonnier » et par figure pour « bagage » (1690) ; on dit aujourd'hui saint-frusquin (→ frusquin) ; SAINTE-BARBE n. f., nom de la patronne des canonniers, a désigné (1669) la partie du navire qui servait de magasin à poudre ; par contamination avec le sens familier de barbe*, le mot se dit d'une personne ou d'une chose ennuyeuse. ◆  SAINTE TOUCHE n. f. (1866) désigne, d'abord en argot, la paye, le jour de paye. ◆  On appelle SAINT-HONORÉ n. m., d'après le nom du patron des boulangers ou d'après celui de la rue Saint-Honoré, où était établi le pâtissier Chiboust qui donna ce nom au gâteau (1863), un gâteau garni de crème Chantilly et de petits choux glacés.
■  Plusieurs désignations viennent de toponymes ; on trouve notamment des noms de fromages, comme SAINT-BENOÎT n. m. (XXe s.) de Saint-Benoît-sur-Loire (Loiret) ; SAINT-MARCELLIN n. m. (attesté en 1926) de Saint-Marcellin dans l'Isère ; SAINT-NECTAIRE n. m. (1900 ; altéré en senectore 1862) de Saint-Nectaire (Puy-de-Dôme) ; SAINT-RÉMY (mil. XXe s.) de Saint-Rémy-en-Bouzemont (Marne) ; SAINT-PAULIN n. m. (attesté en 1960), nom enregistré dans un texte officiel qui semble un nom de lieu, pour un fromage affiné à pâte pressée, ressemblant au port-salut ; SAINTE-MAURE n. m. (1926, fromage de Sainte-Maure) du nom de Sainte-Maure-de-Touraine, pour un fromage de chèvre en cylindre allongé, cendré. Le mot entre aussi, à l'intérieur de toponymes, dans des noms de vins, comme SAINT-ÉMILION n. m. (1797) de Saint-Émilion (Gironde), SAINT-JULIEN (Médoc) et SAINT-ESTÈPHE n. m. (1844) de Saint-Estèphe (Gironde). SAINT-GALMIER n., nom d'un bourg de la Loire où se trouvent des sources d'eau minérale, s'emploie (v. 1950) dans la locution familière avoir des épaules comme une (ou en) bouteille de Saint-Galmier « des épaules tombantes », d'après la forme de ces bouteilles.
■  SAINT-BERNARD n. m. (1868) est tiré de chien du mont Saint-Bernard (1837) « chien de montagne de grande taille », qui vient du nom du col du Grand-Saint-Bernard, dans les Alpes, où les religieux de l'hospice utilisent ces chiens pour retrouver les voyageurs égarés dans la neige.
■  SAINT-CYRIEN n. m. (1851) est dérivé de Saint-Cyr, ville où fut installée cette école militaire, et désigne un élève de l'École militaire de Saint-Cyr, appelé en argot cyrard.
■  SAINT-HUBERT n. m. (attesté en 1933) vient du nom de l'abbaye de Saint-Hubert, dans les Ardennes, où cette race de chien de chasse fut introduite.
■  SAINT-LUC n. m. « cul », euphémisme littéraire et plaisant (déb. XVIIIe s.) où luc représente l'inversion graphique de cul (Cf. noc pour con), était en usage au XVIIIe siècle ; il est sorti d'usage.
■  SAINT-PIERRE n. m. (1793) vient de poisson Saint-Pierre (1611), nom d'un poisson de mer à chair estimée ; on doit cet emploi au fait que le poisson porte sur chacun de ses côtés une tache ronde où la légende voit l'empreinte que laissèrent les doigts de saint Pierre quand, sur l'ordre du Christ, il tira de la bouche du poisson le statère du cens (Évangile selon saint Matthieu, XVII, 26).
❏ voir ESPRIT (SAINT-ESPRIT), FRUSQUIN, NITOUCHE, 1 SACRER (SACREMENT), SACRO-SAINT, SANCTIFIER, SANCTION, SANCTUAIRE, 1 et 2 SANTON, TOUSSAINT ; SAINT-GLINGLIN (ci-dessous).
SAINT-GLINGLIN (À LA) loc. adv., attestée à la fin du XIXe s. (1897), est probablement composée de seing*, issu du latin classique signum « signal » puis « sonnerie de cloche » en bas latin (→ signe), et d'un dérivé du verbe dialectal glinguer « sonner » (Cf. allemand klingen). Seing au sens de « cloche » (v. 1155, sein), aussi écrit saint (1170), a été confondu avec saint* issu de sanctus.
❏  La locution, que l'on écrit aussi saint-glin-glin, s'emploie familièrement pour « jamais ». Elle évoque un saint fictif et comique ou un nom de lieu. Le même sémantisme est réalisé de manière plus vulgaire dans jusqu'à la saint trou-du-cul (1920).
SAINT-SIMONIEN, IENNE adj. et n. est dérivé (1830) du nom de Claude Henri de Rouvroy, comte de Saint-Simon (1760-1825), philosophe et théoricien socialiste.
❏  L'adjectif s'applique à ce qui est relatif à sa doctrine, le nom désigne un de ses partisans (1832, variante saint-simoniste).
❏  SAINT-SIMONISME n. m., « doctrine de Saint-Simon », est aussi attesté vers 1830.
? SAISIR v. tr., déjà attesté avec plusieurs acceptions dans La Chanson de Roland (1080), est un mot d'origine controversée. Bloch et Wartburg proposent, comme pour beaucoup de termes de droit féodal, un étymon germanique, d'ailleurs difficile à déterminer. La forme latine tardive sacire « prendre possession » et « s'emparer », relevée dans les Lois Barbares (700), ne représente pas un francique °sakjan « revendiquer des droits », restitué d'après l'ancien saxon saca et l'ancien haut allemand sahha « procès » : le passage au sens de « mettre en possession » s'expliquerait mal. Un francique °satjan, représenté par le gotique satjan et l'ancien haut allemand sezzen (d'où l'allemand setzen « poser, mettre »), n'est pas plus satisfaisant, puisqu'il aurait abouti à °saïr, comme °hatjan a fourni haïr. Bloch et Wartburg suggèrent une pénétration tardive du mot en gallo-roman (v. 800) et donnent pour origine l'ancien haut allemand sazjan, lui-même issu du francique °satjan, le t évoluant régulièrement en z. Pour le sens, ces étymologistes rapprochent saisir du moyen haut allemand einem etwas setzen « assigner à qqn un objet en propriété ». L'italien sagire serait emprunté du gallo-roman comme d'autres termes féodaux.
■  Pour P. Guiraud, le lien entre le vocabulaire féodal et le germanique ne s'impose pas dans tous les cas ; le latin médiéval sacire et saisir pourraient correspondre, selon lui, à °satiire, forme progressive vraisemblable du latin classique satiare « rassasier, satisfaire », dérivé de satis (→ assez) ; saisir qqn d'une possession signifie alors « combler un désir de possession », donc « mettre à la disposition de » et, en droit, saisir une possession, « satisfaire à toutes les obligations liées à la jouissance de cette possession », d'où « prendre avec la main » pour s'assurer de la possession. Saisir, dans cette hypothèse, serait une variante en -ir de l'ancien français sacier (v. 980), saisier « satisfaire pleinement », « donner pleine satisfaction », issu de satiare (→ rassasier).
❏  Le verbe signifiait en droit féodal « mettre (qqn) en possession de qqch. » (1080, saisir qqn de qqch.) et le participe passé saisi « qui est en possession de qqch. » (1165-1170), acception encore relevée au XVIIIe s. et qui subsiste dans l'adage juridique le mort saisit le vif (1270) « l'héritier est investi sans délai des biens du défunt ». Par extension, le verbe a signifié (XIIIe s.) « donner (qqch. à qqn) ». Saisir est aussi sorti d'usage au sens de « s'emparer de (qqch.), occuper (un lieu) avec la force armée », remplacé par se saisir de (v. 1155). ◆  On trouve aussi dans La Chanson de Roland le sens demeuré courant de « prendre (qqch.) avec la main, vivement et avec force ». Au XIIe s., saisir se dit par extension pour « attaquer (au combat) » (1165-1170), sens disparu. En parlant d'un sentiment, d'une émotion, etc., le verbe signifie abstraitement (v. 1200) « s'emparer brusquement de la conscience, de l'esprit, des sens de (qqn) ».
■  C'est la valeur de « prendre » qui se développe dans l'usage à partir du XVe s., au propre et au figuré. Saisir au corps « arrêter (qqn), prendre en son pouvoir » (1466) a été supplanté par se saisir de qqn (1538) et saisir (qqn) [1553]. ◆  En droit, le verbe signifie « faire la saisie de qqch. » (1495), d'où se saisir de qqch. (1690). Par extension, saisir signifie ensuite « confisquer » (1643, d'une arme), repris au XVIIIe s. (1723) à propos d'objets prohibés ou de marchandises de contrebande. Saisir qqn de ses biens (déb. XIXe s.) a été supplanté par saisir qqn « faire une saisie contre lui » (1839). Toujours en droit, mais avec une autre valeur, on relève aussi depuis le XVIe s. saisir un tribunal (1549). ◆  Par figure, le verbe est employé, en parlant d'un agent physique, d'une maladie, etc. (1553), du froid, pour « avoir une action vive, subite sur (qqn, qqch.) », puis au sens de « se mettre rapidement en mesure d'utiliser (une chose abstraite) » : saisir un prétexte (1580), saisir une occasion (XVIIe s.). ◆  Au XVIIe s., il se dit par figure pour « se mettre en mesure de connaître (qqch.) par les sens » et spécialement pour « comprendre, discerner » (1694), d'où saisir qqn « le comprendre ». Aujourd'hui, le verbe s'emploie notamment (attesté 1923) en emploi absolu pour « comprendre » (tu saisis ?). ◆  Le verbe signifie aussi « faire une impression vive et forte sur (qqn) » (1665), d'où être saisi (1694), usuel, et soutenu pour saisissant ; cette valeur est sortie d'usage au pronominal (1640, se saisir de jalousie). ◆  En parlant d'un agent physique, saisir est devenu un terme de cuisine (1904), signifiant « exposer brusquement à une forte chaleur (ce qu'on fait cuire) ». ◆  Le dernier emploi, en informatique (v. 1968), correspond à celui de saisie (ci-dessous).
❏  Le dérivé SAISINE n. f. apparaît en droit féodal (v. 1138) pour « action de saisir », c'est-à-dire « mise en possession, prise de possession », « possession », saisine de désignant (v. 1155) plus généralement l'emprise que l'on a sur qqn. Hors du domaine juridique, avoir la saisine d'une langue « bien la posséder » est un emploi isolé (fin XIVe s., E. Deschamps). Le mot est surtout resté un terme de droit avec diverses valeurs, par exemple droit de saisine (1495) « droit dû au seigneur pour la possession d'un héritage relevant de lui ». ◆  Avec la valeur concrète de saisir, saisine a été repris en marine (XVIIe s.) à propos d'un cordage servant à saisir, à fixer, à maintenir. ◆  Le mot est encore repris en droit, désignant (1804) le droit à la possession d'un héritage et, par ailleurs, la prérogative ouverte à un organe, une personne de saisir un autre organe, pour faire exercer ses droits (attesté 1949 in T.L.F.).
Le participe passé féminin substantivé SAISIE n. f. s'est dit d'abord (1465) de l'action de prendre qqch. D'après les valeurs juridiques de saisir, le mot entre à la fin du XVe s. (1494) dans le vocabulaire juridique, désignant en droit féodal la mainmise par le suzerain sur le fief de son vassal pour s'en attribuer les revenus (1507, saisie féodale) et une procédure par laquelle des biens mobiliers ou immobiliers sont mis sous la main de la justice, dans l'intérêt d'un créancier ou (1765) parce que leur propriété est revendiquée, ces derniers sens étant toujours vivants. Saisie se dit ensuite (1666) de la prise de possession d'objets prohibés, interdits par l'autorité publique, ou en droit pénal des preuves d'un délit. ◆  Le mot entre dans des expressions figées donnant fréquemment des composés, qui précisent la nature de la procédure de saisie. ◆  Saisie et exécution (1690), aujourd'hui SAISIE-EXÉCUTION n. f. (1756), ou saisie mobiliaire (1690), puis saisie mobilière (1762), saisie et arrêt (1690) puis SAISIE-ARRÊT n. f. (1762), SAISIE-GAGERIE n. f. (1757), saisie-réelle (1690) remplacée par saisie immobilière (1835), SAISIE-BRANDON n. f. (1806), SAISIE-REVENDICATION n. f. (1806), saisie-foraine (1842), saisie conservatrice (1845) ensuite saisie conservatoire (1863). ◆  Saisie est rare pour parler de l'action de s'emparer de qqch. (1559). ◆  Le mot a été repris au sens concret en informatique (v. 1968) pour désigner la mise en possession de données par la machine, grâce au travail d'un opérateur et ce travail lui-même, la saisie d'un texte correspondant à ce qu'est sa frappe sur la machine à écrire.
Le dérivé SAISISSEMENT n. m. s'est employé avec une valeur concrète, désignant l'action de faire qqn prisonnier (1170) et en droit l'action de faire la saisie de qqch. (1463). ◆  Au figuré, le mot se dit (1548) d'un sentiment brusque, d'une émotion vive qui saisit, qui s'empare de la conscience (1762, Rousseau). ◆  Par métonymie, il a désigné (1680, Richelet) les cordes dont le bourreau liait les mains d'un condamné ; ce sens est sorti d'usage, comme celui de « fait de saisir (qqch.) » (1701, Sade). ◆  Saisissement s'emploie ensuite (1762) en parlant de l'impression subite et violente causée par le froid.
■  SAISISSANT, ANTE adj. et n. m. qualifie et désigne (1690) une personne qui fait opérer une saisie. L'adjectif s'applique aussi à une sensation physique qui surprend (1694) et, par figure, à ce qui frappe l'esprit (1791).
■  SAISISSABLE adj., introduit en chimie (d'un corps isolable, 1727, Réaumur), puis en droit (1764) pour qualifier ce qui peut faire l'objet d'une saisie, qualifie ensuite (1831, A. Dumas in T.L.F.) ce qui peut être saisi, compris par les sens ou par l'esprit. Il s'emploie enfin concrètement (1875) pour « que l'on peut saisir, attraper ». ◆  Le contraire préfixé, INSAISISSABLE adj. est lui aussi un terme de droit (1770) et se dit d'un bien sur lequel on ne peut lever d'impôt (1789) ; le mot s'emploie au figuré (1824) avec une valeur concrète (1845) et s'applique à une personne qu'on ne parvient pas à rencontrer (1867).
■  SAISISSEUR, EUSE n., attesté au XXe s. pour désigner une personne qui saisit qqch., est rare.
Le verbe entre en droit dans des composés qui explicitent le type d'action juridique entreprise et qui correspondent souvent à des composés de saisie. ◆  SAISIR-GAGER v. tr. (1806) ; SAISIR-ARRÊTER v. tr. (1835), d'abord saisir et arrêter (1690), qui correspond à saisie-arrêt ; SAISIR-EXÉCUTER v. tr. (1835), antérieurement saisir et exécuter (1690) ; SAISIR-REVENDIQUER v. tr. (1835) ; SAISIR-BRANDONNER v. tr. (1845), d'abord saisir et brandonner (1505), correspondant à saisie-brandon.
Parmi les composés verbaux de saisir, deux verbes subsistent.
■  DESSAISIR v. tr. est d'abord attesté (v. 1155, aussi pron.) au sens de « déposséder, priver (qqn de qqch.) », d'où les emplois juridiques disparus, se dessaisir de « céder la saisine de » (XIIIe s.) et dessaisir qqch. « renoncer à la possession de qqch. » (1495). ◆  Dans le vocabulaire juridique, le verbe a pris au XIXe s. (attesté av. 1893) le sens de « priver une instance (par ex. un tribunal) de ce dont elle est saisie », sens toujours vivant. ◆  Le dérivé DESSAISISSEMENT n. m. est littéraire pour « action de se dessaisir (de qqch.) » (1609) et rare pour « action de dessaisir qqn de qqch. » (1636). Ce nom s'emploie aussi en droit (1645, « main levée » ; 1872, en parlant d'un tribunal).
■  RESSAISIR v. tr. a d'abord eu divers sens juridiques, « remettre en possession de » (1207), « arrêter de nouveau par voie de saisie » (1510, ressaisir qqch.), et s'emploie encore au sens de « rentrer en possession de qqch. » (1616). ◆  Le verbe, avec un sujet nom de chose, a le sens de « saisir de nouveau (qqn) » (1643) et Corneille écrit ressaisir (qqn) d'un sentiment (1635). Au sens concret, le verbe signifie « reprendre (ce qui a échappé) » (1690). Se ressaisir est courant (av. 1893) pour « redevenir maître de soi ». ◆  Le dérivé RESSAISISSEMENT n. m., d'abord terme de droit (1510) sorti d'usage, est rare jusqu'au XXe s. et demeure littéraire.
L SAISON n. f. représente l'aboutissement (v. 1175), écrit d'abord seison (v. 1119), de sationem, accusatif du latin satio « semailles », « temps des semailles », « semences » et au pluriel « champs ensemencés », synonyme de sementis (→ semence). Satio dérive de satum, supin du verbe serere « semer » et « planter » ; ce double sens s'explique par le fait qu'anciennement on semait en enfonçant les graines dans la terre et non à la volée. Le verbe se rattache à une racine indoeuropéenne °sē- « semer », inconnue à l'indo-iranien et au grec mais que l'on retrouve dans l'ouest de la zone, du slave à l'italique et au celtique (→ semer).
❏  Le mot est d'abord attesté au sens de « temps qu'il fait », puis de « temps indéterminé, époque, laps de temps », encore au XVIIIe s., d'où viennent les locutions disparues en nule saison « jamais » (v. 1155), longue saison « longtemps » (XIVe s.). ◆  Il désigne spécialement (1160, seison) l'époque de l'année où se font certains travaux agricoles, la période où poussent certains produits de la terre (Cf. judéo-français saizon « moisson »), par exemple dans fruits, légumes de saison, et aussi dans marchande des quatre saisons. De cette acception vient l'emploi (v. 1190) pour « temps favorable, moment opportun pour faire qqch. », avec les locutions en saison « à propos, opportun » (v. 1175), supplantée par de saison (v. 1220) ; il est saison de « le moment est venu de » (v. 1220) s'est maintenue jusqu'au XVIIIe siècle ; de saison, qui a aussi signifié (v. 1210) « à point, assez cuit » en parlant de la viande, correspond à « bon à manger dans son état actuel » en parlant d'un animal (cerf de saison, v. 1250 ; bœuf de saison, 1534, Rabelais). ◆  De l'idée de « moment favorable » viennent les emplois disparus pour « prospérité » (v. 1230) et « puissance, faveur » (v. 1260-1270).
■  Au XIIIe s., saison prend dans l'usage didactique le sens aujourd'hui dominant, « chacune des quatre grandes divisions de l'année » [en zone tempérée] (v. 1260), ceci dans les usages du français en zones tempérées (Europe, Amérique du Nord). Le mot a une autre valeur dans les régions francophones des zones (sub)tropicales : « chacune des époques de l'année caractérisée par un climat relativement constant », avec par exemple l'expression saison des pluies (v. 1370) aujourd'hui employée, en contraste avec saison sèche, pour caractériser les deux saisons des pays tropicaux. En outre, en français des zones tropicales africaines, on parle de grande et petite saison sèche, séparées par la grande et la petite saison des pluies (ou hivernages). En Nouvelle-Calédonie, on parle de saison chaude et saison fraîche (ou saison sèche) pour l'été et l'hiver austral, la première étant dite saison des cyclones. ◆  Par métonymie de l'emploi en agriculture, saison s'est dit d'une terre qu'on laboure dans l'année tandis qu'on laisse reposer les autres (1303, en ancien wallon ; relevé, en 1690, par Furetière). ◆  En moyen français (1440-1475) apparaît le sens particulier, en emploi qualifié, de « période de l'année propice à une activité » (voyages, bains, etc.). Au XVIe s., on relève la locution en temps et en saison « en temps voulu » (1538) puis en temps et saison (1613, encore en 1678), opposée à hors temps et saison (1538). Cette dernière a été supplantée par hors de saison (mil. XVIe s.) puis hors saison. Avant la saison « prématurément » (1538) puis avant saison (1669) est sorti d'usage. ◆  Par figure, le mot désigne (mil. XVIe s., Du Bellay) une période particulière de la vie, d'où la vieille saison « l'âge avancé » (fin XVIe s., Brantôme), et la durée de la vie (déb. XVIIe s.), emplois disparus, comme jeune saison « la jeunesse » (1re moitié XVIIe s.). À partir du XVIIe s., l'emploi du mot dans des locutions se développe ; on relève la belle saison (1669), opposé à la mauvaise saison (attesté en 1835) ; saison de l'amour « époque de l'année où les animaux s'accouplent » (mil. XVIIIe s., Buffon), devenu saison des amours (1805). ◆  L'emploi pour « durée pendant laquelle on prend les eaux » est relevé au XVIIIe s. (1770, Diderot, saison d'eaux ; puis absolument au XIXe s.) ; il s'est étendu à toutes sortes d'activités plus ou moins périodiques (avant, pendant la saison). Au milieu du XIXe s., le mot désigne en emploi absolu l'époque de l'année où des visiteurs, des touristes affluent en un lieu, d'où haute saison, basse saison, hors saison (XXe s.), et du moment où un sport s'exerce. De demi-saison, par exemple en parlant d'un vêtement, est attesté en 1870, et quatre-saisons « variété de fraise remontante » en 1875.
■  Enfin les Saisons, comme nom propre didactique, s'applique aux trois déesses qui présidaient à l'année chez les Grecs (1788) et aux quatre déesses représentant les saisons chez les Romains (1842).
Le dérivé SAISONNIER, IÈRE adj. et n. qualifie (1775) ce qui est propre à une saison, ce qui ne dure qu'une saison (1870) ; il désigne et qualifie spécialement (1928, adj.) un ouvrier qui travaille à des tâches liées à une saison et une activité qui varie selon l'époque de l'année. SAISONNER v. intr. a signifié (1295) « être de saison » ; terme d'agriculture, il s'est employé au XVIe s. pour « rendre fertile (une terre) ». Aujourd'hui c'est un terme technique (v. 1560) qui signifie « donner une grosse récolte (de fruits) ». ◆  SAISONNALITÉ n. f. (1985) désigne le caractère saisonnier d'un phénomène social, économique.
Les composés et préfixés sont usuels. ASSAISONNER v. tr. apparaît (1209) avec le sens de « disposer, préparer », proprement « approprier à la saison » d'où le participe passé asaisnié, assesonné « apprêté », en parlant d'un plat (XIIIe s.), et soi asaizoner « se préparer, se mettre en état convenable » (v. 1320). Le verbe s'est employé au sens concret de « cultiver (la terre) » (1371), proprement « conduire les cultures selon les saisons », d'où assaisoné « mûr » en parlant du blé (1407), des fruits (XVIe s.) et le sens de « faire mûrir » (mil. XVIe s.). ◆  Au XVIe s., assaisonner prend le sens aujourd'hui courant d'« accommoder (un plat) avec des produits qui en relèvent le goût » (1538 ; mais antérieur, car saysonner est relevé en 1530). Par figure, le verbe signifie (1572) « donner du piquant, de l'agrément à (qqch.) », métaphore littéraire. Il s'est employé au XVIIe s. pour « accommoder ensemble (des choses différentes) ». Le sens métaphorique et familier de « maltraiter (qqn) » (XXe s.), qui correspond à arranger, est très vivant.
■  Le dérivé ASSAISONNEMENT n. m. désigne ce que l'on emploie pour assaisonner (1538), l'action, la manière d'assaisonner un plat (1597). Il a vieilli au sens figuré (1580, Montaigne).
■  ASSAISONNEUR, EUSE n. (1538) est noté peu usité par Furetière.
MORTE-SAISON n. f. (v. 1380), de 2 mort, s'est d'abord dit du temps de l'année où la terre ne produit rien, où l'on ne fait rien ; l'emploi moderne, en parlant de l'époque de l'année où l'activité économique ou commerciale est réduite, est attesté dès 1517 à propos de la pêche.
■  ARRIÈRE-SAISON n. f. (v. 1500), de arrière, désigne l'automne, dernière saison de l'année, et la fin de l'automne, le commencement de l'hiver. Dans le domaine agricole, le mot se dit de la fin d'une saison, des mois qui précèdent la nouvelle récolte (1690, vin, blé d'arrière-saison) ; par extension, il s'emploie en parlant de toute fin d'époque (1907) et au figuré de l'âge voisin de la vieillesse.
■  CONTRE-SAISON (À) loc. adv., qui signifie d'abord (déb. XVIIe s.) « hors de saison », est d'emploi littéraire et s'applique notamment aux fruits, légumes ou fleurs produits hors de la saison normale.
■  INTERSAISON n. f. (1934), de inter-, se dit en sports de l'espace de temps qui sépare deux saisons sportives.
❏ voir INSÉRER.
SAÏTE adj. (attesté en 1923 ; on trouve saïque au début du XIXe s.) est dérivé du nom de Saïs, ville d'Égypte. Il qualifie en histoire les événements de l'histoire égyptienne antique, sous la 26e dynastie.
SAJOU → SAPAJOU
SAKÉ n. m., qui apparaît d'abord sous les formes saqué (1667), sakki (1719), sacki (1777), saki (1818), puis saké (1863), est la transcription d'un mot japonais.
❏  Il désigne une boisson alcoolisée obtenue par fermentation du riz, dite aussi bière de riz, que les Japonais consomment tiède.
SAKI n. m. est, comme saï, saïmiri, sagouin, un emprunt au tupi (dans Buffon 1766) pour dénommer un singe à épaisse fourrure grise, à large queue.
SAKIEH n. f., écrit saquiès (1850), puis sakieh (1875), est un emprunt à l'arabe sāqiyāh « canal d'irrigation » (→ seguia). Le mot désigne une noria mue par un manège de bœufs, pour l'eau d'irrigation.
SALACE adj. est emprunté (1555) au latin salax « lubrique » et « aphrodisiaque », dérivé de salire, au participe passé saltus, « sauter, bondir » et spécialement, dans la langue des éleveurs, « saillir », emploi dont procède le sens de salax (→ saillir). On a rapproché erronément le mot de sel* et on l'a défini par « qui a en soi beaucoup de sel » (Furetière, 1690), par référence aux emplois figurés du type propos salés.
❏  L'adjectif, d'emploi littéraire, qualifie (1576) une personne lascive et spécialement prompte aux rapprochements sexuels. Il se dit aussi des animaux (première valeur attestée). Salace qualifie aussi (1638) un comportement, des propos, des paroles.
❏  SALACITÉ n. f., emprunté (1552, Rabelais) au dérivé latin salacitas « lascivité », se dit de la propension aux plaisirs érotiques.
1 SALADE n. f. est emprunté (1414) aux formes dialectales salada, salatta (fin XIIIe-déb. XIVe s.) de l'italien insalata, également emprunté par l'espagnol ensalada, le catalan ansalada (1456), ensalada (1502) et l'occitan ensalada ; en revanche, l'ancien provençal a salada (1333). L'italien insalata a été formé, par préfixation in- (du latin in-) sur le participe passé du verbe salare « saler », dérivé de sale, lui-même emprunté au latin sal (→ sel).
❏  Salade désigne d'abord un mets composé d'herbes potagères ou de légumes, assaisonnés d'huile et de vinaigre ou de citron, de poivre et de sel. Par métonymie, le mot se dit (1536, Rabelais) de la plante, du légume que l'on mange en salade et, spécialement, des espèces cultivées à cet effet, par exemple salade de chanoine « mâche » (1591). ◆  Aujourd'hui, salade sans détermination équivaut à salade verte ; s'il y a risque de confusion, c'est à ce syntagme que l'on recourt, les autres salades ayant des désignations spécifiques. Salade composée, désigne un mélange comprenant une salade au sens spécial ; le même mélange s'appelle, en français d'Alsace, salade mixte. Salade au lard se dit d'une salade (souvent, de pissenlit) accompagnée de lardons, l'expression ayant un sens plus général dans l'est de la France (Marne, Ardennes). ◆  La salade étant un mélange, le mot désigne des compositions diverses : à base de fruits (1690, salade de fruits), de viandes froides (1694), de légumes variés (1877, salade russe) ; avec la « nouvelle cuisine », salade folle (avec du foie gras, des haricots verts...), expression des années 1980 déjà vieillie. Salade niçoise (riz, œufs durs, thon...), salade de pâtes, salade piémontaise, salade de lentilles, dénomment des plats froids spécifiques, parmi beaucoup d'autres. En français du Pacifique, on connaît la salade tahitienne, de poisson cru mariné au citron, avec du lait de coco. ◆  En salade signifie « accommodé comme une salade » (1876).
À partir du XVIIe s. apparaissent des emplois figurés ; plusieurs ont disparu, comme salade de Gascogne pour désigner le chanvre dont on fait les cordes (1619) et salade de Gascon « corde de pendu » (1690). Salade s'est aussi employé pour « correction manuelle » (1798), « réprimande » (1803). ◆  De l'idée de « mélange hétérogène », « ensemble de propos, récits, actions embrouillés », déjà illustré par la Salade d'Antoine de la Sale (1441), viennent les emplois (1732) dans (troupes de) salades « formées d'hommes tirés de divers corps » et régiment de salade « petit régiment qui n'a pas encore servi » ; plus largement, le mot se dit d'une mêlée confuse (1830), puis (1856) d'une réunion de choses confusément assemblées (Cf. salmigondis, étymologiquement apparenté). ◆  On aboutit à la fin du XIXe s. à salade (souvent des salades au pluriel) pour « histoires, mensonges » (1901, Bruant) et à la locution c'est toujours la même salade « la même histoire », emploi précédé par une valeur argotique du mot, « réponse, message » (1836, Vidocq). De l'idée de « proposer, vendre », souvent associée à un discours ambigu et flatteur, procède vendre sa salade, d'abord dans l'argot du spectacle, où la locution s'est dite d'un artiste qui essaie d'être convaincant en public (1901). ◆  C'est à l'idée péjorative de « complication, confusion » que se rattache la locution populaire chercher des salades à qqn « chercher querelle ». Une autre valeur négative, dans l'usage populaire (1902, en usage jusqu'aux années 1950-1960) est « complication, ennui », qui reprend un sens antérieur (ci-dessus). ◆  De panier à salade, qui a remplacé saladier (ci-dessous) au sens propre, vient figurément le sens de « voiture cellulaire » (où l'on est secoué) (→ panier).
❏  Le dérivé 1 SALADIER n. m. a d'abord désigné (1558) un fournisseur de légumes, puis s'est employé comme adjectif en parlant d'une herbe qui se sert en salade (1580-1587) et pour qualifier ce qui concerne la salade (1611). ◆  Le sens moderne de « plat où l'on sert la salade » est attesté au XVIIe s. (1660). Saladier s'est dit aussi (1680) d'un panier à jour dont on se sert pour secouer la salade après l'avoir lavée, acception encore attestée en 1923 (Cf. ci-dessus panier à salade).
■  2 SALADIER, IÈRE n. dérive des emplois figurés de salade au sens de « bonimenteur » (1901), puis en argot de « personne (notamment femme) qui embrouille tout par ses mensonges ». La variante saladeur ne s'est pas maintenue. ◆  En argot également, SALADER v. tr. (1899) s'est employé pour « raconter des salades », puis « discourir ».
2 SALADE n. f. est emprunté (1417), avec une variante celade (1611), à l'italien celata signifiant proprement « pourvu d'une (grande) voûte », comme l'espagnol celada, et issu du latin caelum « ciel* ». La transformation de ce- en sa- pourrait s'expliquer par le passage du mot par le domaine provençal ou franco-provençal ; un document de Savoie fait mention en 1417 de cellatas que le duc Amédée VIII avait fait venir de Milan.
❏  Le mot désigne un casque profond de forme presque sphérique porté par les cavaliers aux XVe et XVIe siècles ; par métonymie, il s'est dit (1557) d'un soldat équipé de ce casque. ◆  Salade a été repris pour désigner un casque plat en usage dans l'armée britannique, mais il est alors senti comme relevant de 1 salade (plat à salade).
SALAFISTE adj. et n., qu'on peut dater en français de 1929, date où salafisme est attesté, qualifie et désigne les partisans de cette doctrine, les idées qu'elle présente.
❏  SALAFISME n. m. désigne une doctrine réformiste fondamentaliste de l'islam. Ces deux mots sont la francisation de l'arabe salafiya.
SALAIRE n. m. est emprunté (v. 1260) au latin salarium, à l'origine « ration de sel » puis « somme donnée aux soldats pour acheter leur sel », d'où « solde, traitement », dérivé de sal (→ sel).
❏  Le mot désigne au sens large, dès le XIIIe s., la rémunération d'un travail ; il s'emploie ensuite par figure (v. 1380) pour parler d'une récompense ou d'une punition méritée par des actions. ◆  Salaire se dit au XVIIe s. d'une somme d'argent payable régulièrement par l'employeur à celui qu'il emploie. Cette acception, aujourd'hui courante, ne se répand qu'au XIXe siècle et donne lieu à de nombreux syntagmes au début du XXe s. : salaire minimum (puis salaire horaire minimum garanti, 1930), salaire de base (1923), puis au milieu du siècle et ensuite : allocation de salaire unique (1941), salaire minimum interprofessionnel garanti ou SMIG [1950], remplacé par de croissance ou SMIC [v. 1969] ; salaire minimum d'insertion (1988), remplacé par revenu minimum, etc. Ces syntagmes institutionnels français, rapidement remplacés, donnent lieu à des sigles lexicalisés qui ont eux-mêmes des dérivés : SMIGARD, ARDE (v. 1964) puis SMICARD, ARDE n. (v. 1969). ◆  D'une manière générale, le compte du salaire, en France, est mensuel, alors qu'il est hebdomadaire ou encore annuel au Québec, le mot acquérant donc des connotations différentes.
❏  Du radical de salaire a été dérivé savamment SALARIER v. tr., attesté en 1369, puis fin XIVe s., rare jusqu'au XVIIIe s. où le dictionnaire de Trévoux ne le donne, avec des restrictions, qu'au figuré pour « récompenser » (attesté 1456-1457) ; il est remis en usage par les physiocrates (1766, Turgot). On relève au XVIe s. une forme salariser, disparue. ◆  Le verbe a fourni, par son participe passé, SALARIÉ, ÉE adj. et n., employé au figuré pour « récompensé » (XVe s.), au sens moderne « qui reçoit un salaire d'un employeur », comme nom et adjectif (1758 ; sens précisé, en 1810, dans le Code pénal). ◆  Son opposé SALARIANT n. m. (1758) ne s'est pas maintenu ; on dit employeur.
■  De salarié dérive SALARIAT n. m., « état, condition d'une personne salariée » (1845) et « ensemble des salariés » (v. 1860, Proudhon).
■  L'adjectif SALARIAL, ALE, AUX (mil. XXe s.), dérivé savant de salaire, qualifie ce qui est relatif au salaire ; il est usuel et s'emploie en économie, en administration (masse salariale, 1953, etc.).
SURSALAIRE n. m. (1925) correspond à « supplément de salaire », puis à « salaire surévalué ».
■  PRÉSALAIRE n. m. (attesté 1949) est un terme administratif, en France, qui concerne l'allocation perçue par les étudiants au cours de leurs études.
SALAMALEC n. m. est emprunté (1559) à l'arabe as-salām ῾alayk, formule de salutation signifiant « paix sur toi ».
❏  Introduit avec le sens de « salut à la turque, grande révérence » (on relève aussi l'ancien provençal çalamalec « salut arabe »), le mot est employé à partir du XVIIe s. (1659) avec une connotation péjorative et n'a conservé que le sens familier, surtout au pluriel, de « révérences, politesses exagérées » (faire des salamalecs).
On rencontre la graphie salamalek chez Nerval et, en français d'Afrique, la forme empruntée salamalekoum, formule de salutation équivalant à « la paix soit avec vous (pluriel) ». En français du Maghreb, salamalecs correspond à « discussion oiseuse, paroles inutiles ».
❏  SALAM n. m., emprunt direct à l'arabe, désignait en français d'Afrique la prière rituelle musulmane (faire le salam).
❏ voir ISLAM, MUSULMAN.
SALAMANDRE n. f., emprunt du XIIe s. (1121-1134), a eu plusieurs variantes, salemandre (v. 1265), salmandre (1538), salmande (1549), salmende (1554), etc. Il s'agit d'un emprunt au latin salamandra « gros lézard », mot grec sans origine connue.
❏  Le mot désigne d'abord, comme en latin, un batracien à la peau jaune et noire. ◆  C'est ensuite le nom (1298, salemandre) donné à l'amiante flexible, qui ne brûle pas quand on la jette dans le feu, par référence à la faculté que l'on attribuait à l'animal de vivre dans le feu. De cette croyance vient l'emploi pour « esprit, animal vivant dans le feu » (XVIe s., d'après Paracelse), « esprit de feu » (1670), et la valeur symbolique d'« ardeur amoureuse » en blason. Pour les mêmes raisons, sang de salamandre (1708) a désigné en alchimie la vapeur rouge qui s'élève pendant la distillation de l'esprit de nitre et se condense dans la sublimation, le soufre incombustible (1721) et le mercure philosophal. En chimie ancienne, l'amiante est dénommé salamandre fossile, salamandre de pierre (1765) ou pierreuse (1828).
■  Le lien entre l'animal et le feu se retrouve enfin dans l'emploi de salamandre pour désigner (1889 ; d'abord marque déposée) un poêle à combustion lente, placé dans une cheminée.