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Le mot a d'abord désigné, dans un château, la grande pièce où avaient lieu les réceptions (aussi
grand-salle). Jusqu'au
XVIe s., le mot s'emploie seul ; il s'est dit par métonymie pour « palais, résidence d'un souverain » (v. 1250) et pour « bâtiment » en général (1340). Également au
XIVe s., il a désigné l'ensemble des rideaux et des tapis dont on peut garnir une pièce, sens disparu. Il s'est employé à la même époque pour parler de la salle du palais où se tenait l'audience d'un tribunal, d'où le sens de « tribunal » (1382), lui aussi disparu (on dit
salle d'un tribunal). C'est toujours l'idée de « lieu vaste » que l'on a avec le sens de « cour pour les tournois ».
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Salle capitulaire (du chapitre) semble une expression d'archéologue (1832).
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À partir du
XVIe s., le mot, souvent qualifié, se spécialise pour désigner un lieu destiné à des activités spécifiques ou un lieu ouvert au public. On relève
salle d'audience (d'un tribunal) en 1538 et l'emploi de
salle pour « lieu vaste et ouvert destiné à un service public » (1559), puis
salle du bal (1582), et
salle de bal (1591), forme qui est restée.
Salle désigne aussi l'endroit où le maître d'armes enseigne (1594), puis on emploie
salle d'escrime (1636),
salle d'armes (1677).
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Au
XVIe s. (1558) et au
XVIIe s.,
salle se disait couramment de la pièce où l'on vivait et recevait ; cet emploi reste régional et rural,
salle désignant encore la pièce principale, notamment dans l'ouest de la France, en Bourgogne, aussi dans l'Est (Meuse) ; en ville, il a été concurrencé et supplanté par
salon, puis
living et
salle de séjour (1955, Camus), d'où
le séjour (1960).
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Salle du commun « salle où les domestiques mangent » (1616) a disparu. Il en est de même pour
salle employé seul pour « endroit du collège où l'on se réunit, spécialement pour les punitions » ; de là
avoir la salle « être fouetté » (1611),
donner la salle « le fouet » (1636) aujourd'hui incompréhensibles.
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Salle, au sens de « pièce disposée pour y prendre les repas » (
XVIIe s.), est sorti d'usage, remplacé par
salle à manger (1584), véritable composé qui s'emploie aussi, par une métonymie commune aux mots désignant des pièces d'habitation
(chambre, salon), pour le mobilier de cette pièce. Au Québec, on emploie traditionnellement
salle à dîner, dans ce sens. En restauration, en français de France,
salle peut s'opposer à
cuisine (
travailler en salle, au service), à
terrasse (cafés), à
bar.
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Salle de danse (1669) ou
salle (1690) « lieu où l'on enseigne la danse » n'est plus employé.
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Salle désigne spécialement (1680) une pièce où sont les lits des malades, dans un hôpital. Le mot employé seul, dans ce contexte, semble très antérieur à
salle d'hôpital (attesté 1833, P. Borel).
Salle d'opération (1855) a vieilli (par rapport à
bloc opératoire) mais
salle reste usuel dans de nombreux termes hospitaliers.
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Salle s'est dit (1690) pour « pièce où l'on fait la classe », remplacé par
salle d'étude (1855), puis
salle de classe (1900, Colette) et plus couramment
classe.
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Plusieurs expressions ont disparu :
salle des gardes (1643) pour les gardes du corps du souverain,
salle de garde, aujourd'hui réservé à la salle où se tiennent les internes de garde, dans un hôpital, expression toujours vivante et qui évoque l'humour particulier des carabins dans
chansons de salle de garde, en général obscènes.
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Salle de bains a désigné (1691) une pièce d'un appartement de bains ; au sens moderne,
salle de bains (1765) a remplacé
salle à bains, en usage aux
XVIIIe et
XIXe s., et est devenu usuel vers la fin du
XIXe s., avec la diffusion de l'hygiène domestique.
Salle d'eau (1952), dans ce sens, est indépendant de
salle d'eau « partie basse d'une fontaine » (1691).
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À la fin du
XVIIIe s.,
salle de discipline se dit du local disciplinaire d'une caserne, aussi nommé
salle de police (1835).
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Salle d'asile (1801) « établissement public où l'on reçoit les très jeunes enfants » a été remplacé au
XXe s. par
(école) maternelle.
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Le mot désigne aussi un local aménagé pour recevoir des spectateurs, dans salle des comédies (Académie, 1694), salle de spectacles (1738) et aussi dans salle de concert (1835), absolument salle, en particulier pour le théâtre, le cinéma (1917, salle obscure « cinéma », le plus souvent au pluriel).
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Par métonymie, la salle désigne (1835, Vigny) le public d'une salle de spectacle.
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Salle des pas perdus, nom d'une grande salle au Palais de justice de Paris (1835), se dit de la pièce qui précède la salle d'audience, puis au XXe s. du hall d'une grande gare.
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On relève, aussi au XIXe s. (1835), salle de réception et salle d'attente (1823 ; 1835 dans une gare ; ensuite aussi à propos de la pièce d'un cabinet médical, d'un bureau, etc., où l'on attend). Salle de contrôle est apparu en radiodiffusion (1934).
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Salle des ventes est attesté au XIXe s. (1860, Duranty) à propos du local réservé à des ventes aux enchères.
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Fille de salle, garçon de salle correspond à « domestique chargé de l'entretien d'une pièce commune » (1875).
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Salle est rarement appliqué à un espace sommairement aménagé ; cependant, en français de l'océan Indien, on parle de salle verte pour un abri de branchages installé temporairement, par exemple pour une fête.