SARRACÉNIE n. f., adaptation (1829) du latin botanique sarracenia (1700), est tiré du nom d'un médecin français, Sarrasin, pour dénommer une plante carnivore d'Amérique du Nord, croissant sur le littoral atlantique.
SARRANCOLIN n. m. vient, d'abord sous la forme sérancolin (1675), du nom d'un village des Pyrénées, Sarrancolin, pour désigner le marbre rouge violacé, veiné de gris, provenant de cette région.
L
1 SARRASIN, INE n. et adj. est issu (1080) du bas latin Sarracenus, singulier de Sarraceni n. m. pl., nom d'un peuple de l'Arabie, étendu par les Byzantins à tous les peuples soumis au calife. Le latin viendrait de l'arabe šarqiyyīn, pluriel de šarqī « oriental », mais cette hypothèse est controversée. Le mot a d'abord désigné une peuplade de l'Arabie, puis un ensemble de tribus arabes nomades (IIIe s.). En bas latin, chez les écrivains ecclésiastiques, il n'est appliqué qu'aux tribus de l'est de la Jordanie et du sud de la Palestine. C'est à partir de l'époque byzantine que le mot prend sa valeur définitive. Il se propage ensuite en Occident ; il est employé pour « Arabe » et désigne tout ce qui vient de l'Orient (Machrek), parfois même des marchandises européennes fabriquées d'après les modèles orientaux. Au moyen âge, son emploi est fortement coloré par les relations de guerre des Croisades.
❏
Sarrasin, aussi sous la forme
sarradin (v. 1175, Chrétien de Troyes) et avec des variantes suffixées
sarrazineis, sarrazinois, qualifie et désigne en ancien français ce qui vient d'Orient et notamment tout païen, spécialement les musulmans d'Orient, d'Afrique ou d'Espagne.
Sarrasine n. f. (fin
XIe s.,
sarazine) s'est dit d'un vêtement ample de dessus, à la façon des Arabes.
◆
L'adjectif a eu le sens de « cruel », caractère prêté aux Sarrasins, ennemis pendant les Croisades (
XIIIe s.), et de « trompeur » (1518). Il a signifié de manière plus neutre « d'origine ou d'imitation orientale » (1224), spécialement dans
lettres sarrasines (1368),
lettres de sarrasin (1380) « inscriptions imitées des décorations d'étoffes orientales ».
Loi sarrasine correspond à « paganisme » au
XVe siècle.
◆
Blé sarrasin (1545), substantivé en
2 SARRASIN n. m. (1551), désigne une céréale introduite au
XVe s., originaire d'Asie centrale, aussi appelée
blé noir ; le nom vient de la couleur du grain, que l'on comparait au teint des Sarrasins ; on relève en latin médiéval
frumentum sarracenorum (1460).
◆
L'adjectif s'emploie aussi depuis le
XIXe s. dans des domaines spéciaux, techniques :
tuile sarrasine (1842) « tuile large » utilisée en Provence, que l'on fait remonter à l'occupation sarrasine,
voûte sarrasine (1842) « ogivale » qui s'oppose à
plein cintre, et au
XIXe s.
art sarrasin pour
art gothique (noté « vieux », en 1842, Académie) viennent de ce qu'on attribuait à l'ogive une origine arabe, d'où aussi
art maure, mauresque et parfois
arabe, tandis que l'art roman était nommé
byzantin.
■
Dans l'argot des typographes (1867), SARRASIN n. m. a désigné un ouvrier qui brise une grève ou n'est pas syndiqué.
❏
SARRASINE adj. et n. f., attesté au milieu du
XVIe s. (1551,
sarrazine ; 1676,
herse sarrasine ; 1814,
sarrasin n. m.), terme d'archéologie, désigne une herse de château fort, qui en fermait l'accès ; on pensait que les Arabes l'avaient inventée.
■
SARRASINER v. intr. (1907) dans l'argot de l'imprimerie « briser une grève » a fourni SARRASINAGE n. m. (1907).
SARRAU n. m. est une altération qui semble tardive (1732) de sarrot (fin XIe s., Raschi ; 1276, en picard), lui-même altération de sarroc (fin XIe s.), emprunté au moyen haut allemand sarroc qui désignait un vêtement militaire.
❏
Le mot se disait d'un vêtement de dessus, puis (av. 1549) d'un vêtement féminin, et au XVIIIe s. (1740) d'une ample blouse de travail en grosse toile, portée par-dessus les vêtements. Cette valeur du mot est restée vivante en français, ou plutôt a été reprise (1961) pour remplacer des mots populaires.
◆
Par extension, sarrau désigne une blouse d'écolier, boutonnée dans le dos (1857, sarrau d'enfant, Flaubert) et, par métonymie (1876), une toile de fil de lin, ordinairement bleue, employée à la confection des sarraus.
SARRETTE ou SERRETTE n. f., nom de plante attesté au XVIIe s. (1669), est dérivé du latin serra « scie », directement ou par l'occitan. Il s'agit d'une plante vivace à feuilles dentelées, apparentée aux chardons.
SARRIETTE n. f. représente le diminutif (1350) de l'ancien français sarree (XIIe s.), sarreie, serrie (v. 1290), sarriee (XIIIe s.), d'abord sadree (fin XIe s.), issu du latin satureia. L'ancien provençal sadriega (v. 1280), de même origine, a été emprunté en moyen français sous la forme sadriege (1528) puis sadree (O. de Serres, 1600), encore attestée en 1767. Les noms de plantes utilisés régionalement sont souvent altérés, ce qui explique la variété des formes. En français, on écrit aussi sariette.
❏
C'est le nom d'une plante herbacée aromatique dont une variété, la sarriette des jardins (1556) ou de jardin (1562), est cultivée ; d'autres variétés sont appelées sarriette de montagne (1562), d'été (1667), d'hiver (1667).
SARRUSSOPHONE n. m., tiré (1836) du nom de l'inventeur Sarrus, et de -phone (Cf. saxophone), dénomme un grand instrument à vent à anche double, d'usage limité aux fanfares et aux premiers orchestres de jazz, exceptionnellement.
L
SAS n. m., succédant (1380) aux formes saaz (v. 1200), saas (XIIIe s.) et aussi saz, est issu du latin médiéval s(a)etacium « tamis », dérivé du latin classique saeta ou seta « soie de porc, crin de cheval » (→ soie).
❏
Le mot désigne d'abord une pièce de crin, de soie, etc., montée sur un châssis et servant à tamiser notamment de la farine ; de là viennent les locutions figurées passer (qqch.) au gros sas « l'examiner rapidement » (mil. XVe s.) et faire tourner le sas « prédire l'avenir en examinant le contenu d'un sas après l'avoir fait tourner » (mil. XVIe s.), sorties d'usage.
◆
Sas, avec l'idée de filtrage, se dit (XVIe s.) de la partie d'un canal comprise entre les deux portes d'une écluse, qui se remplit et se vide alternativement.
◆
Avec sa première valeur, le mot désigne spécialement un tamis pour le plâtre (mil. XVIe s.), une grosse claie qui sert à passer la terre pour l'épierrer (1690).
◆
La deuxième valeur aboutit au nom (1885, sas à air, sas) d'une pièce étanche entre deux milieux différents (air à des pressions différentes, etc.) et d'une ouverture pratiquée dans un oléoduc pour son nettoyage (1975).
❏
SASSER v. tr. (1362), d'abord
saacier (v. 1193), signifie « passer au sas » et au figuré, dans la langue classique (1660), « examiner minutieusement » (voir ci-dessous
ressasser).
◆
Le verbe entre ensuite (1876) dans le vocabulaire de la navigation fluviale.
■
Sasser a fourni plusieurs dérivés techniques : SASSEUR n. m. (XVe s. ; v. 1380, saceur), terme de meunerie qui désigne une personne puis une machine (1875, n. m. « crible mécanique » ; 1881, sasseur électrique), SASSEMENT n. m., employé en meunerie (1611 ; v. 1400, sacement) et pour « éclusage » (1900), SASSAGE n. m. (1875), plus rare.
◈
Le composé
RESSASSER v. tr., d'abord
resasser (1549, jusqu'en 1752) puis écrit avec deux
s (1680), a signifié « repasser au sas (la farine, etc.) » puis par figure, à l'époque classique, « examiner minutieusement » (1690,
sasser et ressasser).
◆
Par extension du premier sens, le verbe a signifié « agiter, secouer » (2
e moitié
XVIIe s.) et au sens figuré « faire des recherches contre qqn » (1694, jusqu'à fin
XVIIIe s.), « examiner la conduite de qqn » (1718 ; encore relevé en 1878). Le sens initial se perd alors et le verbe se détache de son origine.
◆
Au sens métaphorique de « répéter (qqch.) sans cesse », seul usuel en français moderne, il est attesté depuis 1721.
■
Ressasser a produit, avec sa valeur figurée, RESSASSEUR, EUSE n. et adj. (1764, Voltaire), rare, RESSASSEMENT n. m. (1777), assez courant, RESSASSAGE n. m. (1877) et RESSASSANT, ANTE adj. (mil. XXe s.) qui correspondent tous à la dernière acception du verbe.
SASHIMI n. m. est la transcription (XXe s.) d'un mot japonais formé de sashi « percer » et de mi « chair ».
❏
Le mot désigne un plat, traditionnel et courant au Japon, constitué de poisson cru, découpé suivant diverses techniques (en lamelles, en petites barres, en dés, en vagues, etc.), accompagné de sauce de soja, de lamelles de gingembre confit au vinaigre et de radis, ainsi que de raifort japonais (wasabi), l'ensemble étant présenté de manière à flatter l'œil.
SASSAFRAS n. m. (1612) est un emprunt (1590, arbre de sassefras) à l'espagnol sasafras, p.-ê. d'une forme mozarabe issue du latin saxifraga (→ saxifrage).
❏
Le mot désigne un arbre d'Amérique du Nord, dont l'écorce était employée en pharmacie.
SASSANIDE adj. et n. est un emprunt (attesté en 1816) au latin médiéval Sassanidae, tiré du nom du roi perse Sasan. Il qualifie ce qui est relatif à une dynastie perse, du IIIe au VIIe siècle.
SASSENAGE n. m. est tiré du nom d'une ville de l'Isère pour désigner (fin XVIIIe s.) un fromage à pâte ferme, provenant d'un mélange de laits, vache, chèvre et brebis.
SATAN n. m. est un emprunt (1165-1170), d'abord sous les formes satanas (v. 980) et Sathan, nom propre (mil. XIIe s.), au bas latin ecclésiastique Satan ou Satanas « Satan, le diable », lui-même au grec Satan ou Satanas (Nouveau Testament), d'origine hébraïque. L'hébreu śāṭān, « adversaire », désigne dans le livre de Job l'ange chargé de tenter le héros pour le mettre à l'épreuve. Le nom est devenu celui du prince des anges déchus, le démon et, par figure, d'une personnalité maléfique.
❏
C'est d'abord le nom du chef des anges rebelles (v. 980) ; le mot désigne plus largement (1165-1170) un diable quelconque, emploi rare aujourd'hui. Satanas s'est employé jusqu'au XVIIe siècle. Richelet (1680) le considère comme un mot burlesque (archaïque et stylistique).
◆
Plusieurs locutions sont sorties d'usage, comme fils, enfant de Satan « homme méchant » (1768), qui succède à un satanas (v. 1130), un satan (1175), ou encore orgueil de Satan « extrême » (1798).
◆
L'emploi de le grand Satan « ce qui incarne le mal absolu », par calque du persan (emprunt à l'arabe) et appliqué aux États-Unis par l'Iran intégriste, est journalistique en français (1987).
❏
SATANIQUE adj., dérivé du nom propre et emprunt au latin médiéval
satanicus (
XIIe s.), s'applique à ce qui fait penser à Satan (1475), est propre à Satan (1691) ou à ce qui est digne de Satan, inspiré par l'esprit du mal (apr. 1850).
◆
Il a plusieurs dérivés.
■
SATANISTE n. (1577), « disciple de Satan », est rare.
■
SATANISER v. (1832) « rendre satanique » a été récemment repris avec diaboliser, mais est moins usité que ce dernier.
■
SATANISME n. m., didactique, signifie « culte de Satan » (1855, Baudelaire) et « esprit satanique » (1842, Mérimée).
■
SATANIQUEMENT adv. (1868) est didactique et littéraire.
■
SATANÉ, ÉE adj. s'applique familièrement (1792 dans la Mère Duchesne) à qqn dont la conduite est considérée comme abominable, puis par affaiblissement et à l'image de sacré, damné se dit (av. 1870) d'une chose désagréable, pénible, puis, par antiphrase, équivaut (av. 1876) à « très bon, remarquable ».
SATELLITE n. m. et adj., écrit satelite vers 1265, B. Latini, (avec deux l vers 1355), est un emprunt au latin classique satelles, satellitis « garde du corps », « soldat », « serviteur », « auxiliaire, complice » ; le mot est souvent employé au pluriel. D'origine obscure, satelles est peut-être un emprunt à l'étrusque.
❏
Le mot a désigné, du
XIIIe au
XVIIe s., un homme armé à la suite d'un chef, qui exécute ses ordres (v. 1265), péjorativement un homme aux gages d'un puissant (1492), puis (1580) un homme dépendant d'un autre et, par figure, ce qui accompagne qqch. (1660).
■
Satellite prend au XVIIe s. (1665) le sens du latin scientifique des astronomes satelles (1611, Kepler, De quattuor Jovis satellitibus erronibus « Des quatre planètes satellites de Jupiter »), c'est-à-dire « corps céleste gravitant sur une orbite elliptique autour d'une planète ».
◆
Par analogie, le mot s'emploie pour « élément périphérique ou secondaire » en anatomie (1814, adj. veine satellite ; 1805 comme nom), en mécanique (1902) « élément d'un engrenage différentiel », en physique (v. 1960, électron satellite). Il désigne dans certains aéroports, notamment celui de Roissy près de Paris, un bâtiment annexe, relié par un couloir (1964) au bâtiment central.
◆
Par extension de la première acception, il s'applique (1941) à un État sous l'étroite dépendance d'un autre, sens diffusé à partir de 1945 à propos des pays socialistes d'Europe centrale et orientale par rapport à l'ancienne U. R. S. S.
■
Satellite artificiel (v. 1950) ou satellite, par extension du sens astronomique, désigne un engin destiné à être lancé dans l'espace de manière à décrire une orbite autour de la Terre ou d'un autre corps céleste ; cette dénomination s'applique surtout à des engins de taille réduite ; les satellites artificiels conçus pour recevoir un équipage sont désignés par des termes spécifiques, comme cabine, navette spatiale, station orbitale (1961, satellite habité). Le développement des applications civiles et militaires de l'exploration de l'espace a fourni de nombreux syntagmes plus ou moins lexicalisés : satellite-relais (1962), satellite-observatoire (1965 ; satellite d'observation, 1961), satellite de télécommunications (1963), satellite-ballon (1968), satellite-espion (1969), etc.
❏
SATELLISER v. tr. s'emploie en astronautique (1957) et, par analogie, au sens de « rendre dépendant (un pays, etc.) » (1966).
◆
Le verbe a fourni les dérivés
SATELLISATION n. f. (1961, au figuré 1958), d'où
DÉSATELLISATION n. f., et
SATELLISABLE adj. (1964), seulement en astronautique.
■
SATELLITAIRE adj. (1975) est un terme technique, pour « observé par satellite », et « qui utilise les liaisons par satellite ».
SATI n. f. et n. m. inv. (1875, précédé par suttie, 1829 et suttee, 1839) est un emprunt au sanskrit (puis hindi) çuddhi, du radical signifiant « sage », par l'anglais.
❏
Le mot s'applique au féminin à la veuve qui s'immolait rituellement sur le bûcher funèbre de son mari, en Inde, et au masculin, au rite lui-même.
SATIÉTÉ n. f., réfection du XVIe s. (1588, Montaigne) de sazieted (v. 1120), satietet (XIIe s., isolément), est un emprunt au latin satietas « abondance », « suffisance », « satiété », dérivé de satis.
❏
Comme en latin, le mot désigne un état d'indifférence proche du dégoût lorsqu'un désir est pleinement satisfait ; il ne s'emploie aujourd'hui, en parlant d'une personne rassasiée (v. 1530), que dans les expressions
jusqu'à satiété (v. 1580),
à satiété (1827), usitées aussi avec la première valeur (fin
XIXe s.,
répéter à satiété).
SATIABLE adj. est emprunté (mil. XVe s.) au latin satiabilis et signifie, au concret puis à l'abstrait (1486) « qui peut être satisfait ». Il est beaucoup plus rare que l'antonyme insatiable*.
❏ voir
RASSASIER, SATIRE, SATISFAIRE, SATURER, SOÛL.
SATIN n. m. est emprunté (1351, zatin ; 1387, satin), sans doute par l'intermédiaire de l'espagnol aceituní (avec l'article arabe), setuní, à l'arabe Zaytūnī, proprement « de la ville de Zăytun », c'est-à-dire Tsai-Toung (en Chine) où l'on fabriquait des étoffes de satin.
❏
Le mot désigne une étoffe de soie, moelleuse et lustrée sur l'endroit et sans trame apparente, puis (1690) toute étoffe moelleuse et lustrée, avec des syntagmes comme satin grec (1877) « dont la trame est en laine », satin duchesse (1887), etc. Armure satin ou satin (1751) se dit en tissage d'une des trois armures fondamentales.
◆
Au figuré, peau de satin s'est employé (1751, Crébillon) pour satiné.
◆
Satin désigne aussi, par analogie d'aspect et de toucher (1933), un bois utilisé en ébénisterie pour son aspect satiné, originaire de Sri Lanka (Ceylan).
❏
Le mot a fourni plusieurs dérivés.
■
SATINÉ, ÉE adj. et n. m. (1603, sans indication de sens), attesté dans l'acception figurée, disparue, de « doux, aimable » (1689), s'applique (1690) à ce qui a la douceur ou les reflets du satin.
◆
Le satiné n. m. désigne (1706) ce qui est satiné, en a l'apparence.
◆
Le mot qualifie plusieurs essences de bois tropicaux qui fournissent des placages d'aspect satiné (1765, bois satiné), substantivé (1890).
■
SATINETTE n. f., « étoffe de coton et de soie, ou de coton qui a l'aspect du satin » (1703), semble inusité avant la seconde moitié du XIXe s. (1877) ; SATINET n. m., de même sens (1718 à Québec) a disparu.
■
SATINER v. tr. est attesté depuis 1690, figurément au XIXe s. (1835, Balzac).
◆
SATINEUR, EUSE n. est un terme technique (1842), comme satiner dont il dérive. Ainsi que SATINAGE n. m. (1785), il apparaît d'abord en imprimerie, d'après satiner le papier (1785).
SATIRE n. f., réfection (1352-1356, Bersuire) de la forme altérée satre (v. 1290), est emprunté au latin impérial satira, variante du latin classique satura « macédoine de légumes » puis en littérature « pièce de genres mélangés » (Cf. en français salade, macédoine et aussi farce), appliqué à certains textes d'Horace et de Juvénal au sens de « poème qui critique les vices ». Le mot a été rattaché à satur « rassasié » (→ saturer), en parlant de nourritures, lié à satis « assez* ».
❏
Satire se dit d'abord d'une danse parodique et, en littérature latine, d'une pièce dramatique de portée morale, où se mêlaient les vers, la musique et la danse ; c'est ensuite (1486) le nom d'un poème en vers, en hexamètres chez les Latins, en alexandrins en France, où l'auteur attaque les ridicules de ses contemporains ; les Satires de Perse sont une référence littéraire majeure à l'époque classique. Par extension, le mot désigne un écrit mêlé de prose et de vers (1594, La Satyre ménippée [Satire Ménippée]), puis plus couramment un écrit, un discours qui s'attaque à qqch. ou qqn en s'en moquant (av. 1613, M. Régnier), genre bien illustré au XVIIe s. (Boileau, Furetière, etc.). On trouve la variante satyre (1549), encore en 1740 (Académie), reprise du latin satyrus qui désignait aussi un drame satirique (→ satyre). Les deux formes sont aujourd'hui nettement distinctes.
◆
Le mot s'emploie dans trait de satire (av. 1696), faire la satire de qqch., qqn (1711) « critiquer ».
❏
SATIRIQUE adj. s'applique à ce qui appartient à la satire (v. 1380), à une personne portée à la satire (1488) ;
un satirique n. (1524) ne se dit plus qu'en littérature antique (depuis 1529).
■
Le dérivé SATIRIQUEMENT adv. (1549) est rare.
■
SATIRISER v. tr. (1544, Scève) est noté « peu usité » dès 1718 ; il l'est resté.
■
SATIRISTE n. « auteur de satires » (1683, saty-), aujourd'hui didactique, s'est employé pour « mauvais plaisant » (1812).
■
SATIROGRAPHE n. m., emprunt (1842, Académie) au latin satirographus « auteur de satires », lui-même du grec (→ graphe), ne s'est pas imposé.
SATISFAIRE v. tr. est un emprunt (1219), adapté d'après faire*, au latin classique satisfacere v. intr. « s'acquitter de (une demande, un devoir) », « satisfaire (un créancier) », « faire des excuses (à qqn) », « donner une explication, une justification », puis « donner satisfaction en expiant ». Ce verbe est composé de satis « assez* » et de facere « faire* ». On relève en ancien français les formes satifier (1288), satisfier (XIVe s., attestée jusqu'en 1530), faites d'après les verbes en -fier.
❏
Ce verbe a eu des constructions variées en ancien et en moyen français, intransitives comme en latin, dans plusieurs acceptions. On relève d'abord satisfaire qqch. à qqn « payer », sorti d'usage comme satisfaire en qqn du prix (XIVe s.), de même que l'emploi intransitif (1538).
◆
La construction moderne satisfaire à qqch. « s'acquitter de ce qui est attendu ou exigé », « remplir une exigence », est attestée depuis le XIVe s., ainsi que satisfaire qqn « lui payer ce qui lui est dû », alors que satisfaire à qqn ne se dit plus (1559, satisfaire à ses créanciers).
◆
Satisfaire « accomplir une pénitence » (XVe s.) est sorti d'usage ; avec cette idée de réparation, satisfaire à qqn (fin XVe s.) s'est employé jusqu'à l'époque classique pour « remplir son devoir envers qqn », satisfaire à Dieu (v. 1570) signifiant « donner à Dieu la réparation de l'offense que constitue le péché ». De même, satisfaire à qqch. « expier » (1538), satisfaire qqn de qqch. « rémunérer un service » (1545) ne s'emploient plus.
◆
Se satisfaire « contenter le désir qu'on a de faire qqch. » est relevé depuis Montaigne (1580).
◆
Au XVIIe s., l'idée de réparation et surtout celle de contentement se développent parallèlement à celle de satisfait. Le verbe s'emploie à l'époque classique au sens de « réparer une offense », comme intransitif (1636) et comme transitif (satisfaire qqn), d'où se satisfaire « se venger soi-même d'une offense » (1694) et « s'apaiser » (1638). Satisfaire qqn signifie aussi « être pour qqn ce qu'il demande » (1640), se satisfaire « se donner à soi-même une explication suffisante » (1640) et « trouver suffisant » (1642, se satisfaire de qqch. ; 1650, ...de qqn). Avec un sujet nom de chose, satisfaire, transitif, signifie « correspondre aux exigences de (qqn) » et « plaire à l'esprit, aux sens » (1644) en parlant d'une sensation (musique, etc.), puis « répondre aux besoins de clarté de l'esprit » (1660), à propos d'une réponse, d'une hypothèse, etc. ; ces valeurs sont restées vivantes.
◆
Le verbe s'emploie également avec le sens de « contenter (un désir) » (1667), « répondre à (un besoin) » (1678), et satisfaire qqn « assouvir ses désirs » (1690) s'emploie notamment dans le domaine sexuel. Avec un sujet nom de chose, satisfaire qqn correspond à « répondre à son attente » (1718). Satisfaire à qqch. prend enfin au XIXe s. le sens de « remplir les conditions requises ».
❏
SATISFAIT, AITE adj. et n. m. a signifié dans le vocabulaire religieux « pardonné, absous » (
XVe s.). Il s'applique à qqn qui a ce qu'il attend (1580,
satisfait de), d'où
être satisfait de soi-même (1690), à une personne à laquelle on a donné satisfaction (1611), d'où
un air satisfait (1761). Dans le vocabulaire publicitaire, l'expression
satisfait ou remboursé promet à l'acheteur un produit, un service satisfaisant. Il qualifie aussi ce qui est assouvi, réalisé (1611), ce qui a reçu satisfaction (1713).
◆
L'emploi comme nom masculin est attesté au milieu du
XIXe siècle.
■
L'adjectif a fourni l'antonyme préfixé INSATISFAIT, AITE adj. (1510), inusité dans la langue classique, repris en 1794 puis en 1840, mais répandu seulement à la fin du XIXe (XXe s., n.). Mal satisfait « mécontent » (2e moitié XVIIe s.) est sorti d'usage.
■
SATISFAISANT, ANTE adj., « qui est conforme à ce qu'on peut attendre » (av. 1662, Pascal), s'applique aussi à ce qui peut être accepté, sans plus (1876).
◆
De l'adjectif dérive INSATISFAISANT, ANTE adj. (1793).
◈
SATISFACTION n. f. est emprunté (v. 1155) au latin
satisfactio « excuse, justification, amende honorable », puis « réparation » et « action d'acquitter une dette », dérivé de
satisfactum, supin de
satisfacere.
◆
Ce nom désigne d'abord l'acte par lequel on obtient réparation d'une offense, surtout dans des locutions verbales comme
donner, obtenir satisfaction.
◆
Dans le vocabulaire théologique (1260), le mot se dit de l'acte destiné à réparer envers Dieu l'offense du péché.
◆
Il s'est aussi employé (1280) pour l'acte par lequel on paie ce que l'on doit.
◆
Satisfaction dans l'usage courant (1611) désigne le plaisir qui résulte de l'accomplissement de ce que l'on désire, d'où le sens de « plaisir, occasion de plaisir » (fin
XVIIe s., M
me de Sévigné). Le nom se dit ensuite (1836) de l'action de satisfaire un besoin, un désir et s'emploie dans
donner satisfaction « contenter (qqn) » (1671).
◆
En français de Belgique, le mot s'emploie pour « mention pour une note de 12 ou 13 sur 20 à un examen, dans l'enseignement supérieur », abrév. fam.
SATIS n. f. (équivalant à « assez bien » en français de France).
■
Le préfixé INSATISFACTION n. f., relevé chez François de Sales au début du XVIIe s. (« mécontentement »), est repris en 1794 et ne se répand qu'au début du XXe siècle ; ces dates d'usage correspondent à celles d'insatisfait (ci-dessus).
■
NON-SATISFACTION n. f. est relevé en 1786, AUTOSATISFACTION n. f. en 1963.
◈
SATISFACTOIRE adj. est un emprunt (1495) au latin scolastique
satisfactorius « propre à expier une faute », dérivé du supin de
satisfacere.
◆
L'adjectif français conserve ce sens et s'est appliqué (1530) à ce qui satisfait, également comme terme de droit.
◈
SATISFECIT n. m., mot latin repris au
XIXe s. (1845), signifie littéralement « il a satisfait ». C'est la 3
e personne du singulier du parfait de
satisfacere.
◆
Le nom désigne d'abord une attestation qu'un maître donnait à un élève dont il était content ; il s'emploie (1866) pour « approbation ».