SATON n. m., mot d'argot, est une variante de satou, satte, ancien argot d'origine obscure, désignant (1750) un objet allongé en bois, surtout un gourdin, d'où l'idée de « coup », d'abord dans les expressions refiler du saton (1835) et coup de saton (1926). L'idée initiale a dû être celle de « bois », saton désignant un bois, une forêt, dès 1725.
❏  SATONNER v. tr., « battre, frapper », s'est employé en argot (1928 dans Lacassagne) et est encore en usage au milieu du siècle.
SATRAPE n. m. est un emprunt (v. 1265, B. Latini [interpolation du XIVe s., selon T.L.F.]) au latin satrapes « gouverneur de province, chez les Perses », emprunté au grec satrapês, lui-même du vieux perse xšathrapa « officier du roi », d'où en persan šāh (→ shah).
❏  Le mot conserve d'abord le sens de l'étymon, puis se dit (1389) d'un grand seigneur riche qui mène grand train et, au XIXe s. (1810), d'un homme puissant. Il est aujourd'hui didactique pour le sens historique, et littéraire au sens figuré pour « homme puissant et corrompu ». ◆  Le titre entre dans la hiérarchie du collège de Pataphysique.
❏  Le dérivé SATRAPIQUE adj. s'emploie (1842) au propre et au figuré.
■  SATRAPIE n. f., emprunt (1530) au latin satrapia, lui-même du grec satrapeia, dérivé de satrapês, est un terme didactique d'histoire.
SATURER v. tr. est un emprunt (v. 1300) au latin saturare « rassasier », « repaître » au propre et au figuré. Ce verbe dérive de l'adjectif satur « rassasié » (→ soûl) et au figuré « saturé », « riche, abondant », résultant de °satu-ro-s, dérivé à l'aide du suffixe -ro d'un thème °satu- ; la même racine a produit l'adverbe satis « assez* ».
❏  Le verbe apparaît au sens de « rassasier, remplir » ; il est repris dans le vocabulaire scientifique (1762), signifiant « mélanger ou dissoudre une substance dans une solution jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus en contenir ». ◆  Il prend le sens figuré (1870) de « remplir (qqn de qqch.) jusqu'à l'en dégoûter » et signifie (depuis 1827) « rendre tel qu'un supplément de la chose ajoutée soit impossible ». ◆  En emploi intransitif, il s'emploie familièrement pour « en avoir assez ».
❏  SATURANT, ANTE adj. « qui peut saturer » (1765, n. m. ; adj. 1846) est didactique.
■  SATURÉ, ÉE adj. est attesté au XVIIIe s. au figuré (v. 1770, Rousseau), spécialement dans être saturé de qqch., et concrètement (1772, air saturé de vapeur), en particulier dans le vocabulaire de la chimie (1753). Il s'applique au figuré (1835) à qqn qui est rassasié jusqu'au dégoût, puis s'emploie couramment au sens de « complètement rempli » (1870). C'est aussi au XXe s. un terme de mathématiques et de logique.
■  L'antonyme INSATURÉ, ÉE adj. (1840) est didactique.
■  SATURABLE adj. « qui peut être saturé » (1832) est sans doute antérieur. ◆  Le dérivé SATURABILITÉ n. f. est attesté en 1801 ; l'antonyme préfixé INSATURABLE adj. (1482, au figuré) est plus fréquent que saturable.
SATURATION n. f., emprunté au bas latin saturatio « rassasiement », dérivé de saturatum, supin de saturare, est d'abord relevé (1513) au figuré, puis en 1836, pour désigner l'état d'une personne qui n'accepte plus ce dont elle a été trop abreuvée (Cf. satiété). ◆  Le mot est ensuite employé en sciences (1748) avec la valeur de « saturer », d'où point de saturation (1801), avec des emplois spéciaux en électricité (courant de saturation), en logique (mil. XXe s.), en physique nucléaire, en statistique (1964), en informatique, etc.
■  SATURATEUR n. m., emprunté au dérivé bas latin saturator « celui qui rassasie », de saturatum supin de saturare, désigne en sciences (1857) un appareil qui dissout un gaz dans un liquide jusqu'à saturation et, couramment (1910), un dispositif d'évaporation pour augmenter l'humidité de l'atmosphère.
■  Le composé SURSATURÉ, ÉE adj. (1787, sel sursaturé) est attesté avant SURSATURER v. tr. (1812), didactique, qui a fourni SURSATURATION n. f. (1824) ; d'abord écrit sur-saturation 1819.
❏ voir SATIÉTÉ, SOÛL.
SATURNE n. m. est un emprunt (1564) au latin Saturnus « Saturne », nom d'un dieu fils d'Uranus et père de Jupiter, dieu du temps et personnification du temps ; le mot apparaît (Ier s. av. J.-C.) dans la série des noms de la semaine (saturnus dies « samedi »). C'est aussi en latin le nom d'une planète. Il correspond au Khronos grec.
❏  Saturne est le nom d'un dieu de Rome et désigne en alchimie (1564) le plomb, parce que ce métal était considéré comme un métal froid, comme Saturne en astrologie était la planète froide. À partir du XVIe s., Saturne est également le nom d'une des planètes du système solaire (fin XIIIe s., Saturnus, ancien provençal). ◆  Le mot s'est employé par latinisme pour personnifier le temps (1680, noté « poétique »). ◆  Comme nom propre, il est entré dans des expressions désignant un produit à base de plomb (1690, sel de Saturne « acétate de plomb cristallisé »).
❏  SATURNIEN, IENNE adj. est emprunté (v. 1380) au dérivé latin Saturnius « de Saturne ». ◆  L'adjectif entre en français en astrologie et en astronomie, rare aujourd'hui dans cet emploi. ◆  Il s'applique ensuite (mil. XVIe s., Du Moulin, Ronsard) à une personne triste, mélancolique, opposé à jovial (de Jupiter), substantivé dans ce sens au début du XVIIe siècle. ◆  Le mot a eu le sens de « livide » (v. 1561). ◆  En parlant de l'Antiquité, il qualifie ce qui a rapport au dieu Saturne (1764, n. m., Voltaire). ◆  Vers saturnien (dans l'Encyclopédie, 1765) s'applique à un vers latin formé de trois ïambes et demi suivis de trois trochées, employé à l'origine dans des poèmes en l'honneur de Saturne. En chiromancie (1900), ligne saturnienne « qui part du poignet et se dirige vers la racine du médium » est un autre nom pour « ligne de chance ».
■  SATURNALES n. f. pl. a été emprunté (1355, saturneles ; 1564, forme moderne) au latin classique Saturnalia « fêtes en l'honneur de Saturne », célébrées à partir du 17 décembre, jours de réjouissances et de liberté absolue, où les esclaves sont traités sur un pied d'égalité par les maîtres. C'est la substantivation du pluriel neutre de Saturnalis « de Saturne », dérivé de Saturnus. ◆  Le mot conserve le sens latin, employé en parlant de l'Antiquité puis, par figure et littéraire (1666, Guy Patin), signifie « temps de licence, de débauche ou de désordre », également usité au singulier.
■  SATURNIN, INE adj. et n., emprunté (1636) au latin médiéval saturninus ou dérivé de Saturne, a signifié « sombre, mélancolique ». Terme de médecine (1812), l'adjectif s'applique à une maladie provoquée par le plomb ou ses composés, d'où le sens (1876) de « personne atteinte de saturnisme ».
■  SATURNISME n. m., dérivé de Saturne (1877), désigne une intoxication par le plomb.
■  SATURNIE n. f., emprunté (1842) au latin scientifique moderne saturnia (de Saturnus), est la désignation en zoologie d'un papillon nocturne roux, communément appelé paon de nuit.
SATYRE n. m., réfection étymologique (1549) de satire (v. 1372 ; XVe s. selon T.L.F.), doit être beaucoup plus ancien : satirel est relevé au XIIe s. (1165-1170). C'est un emprunt au latin Satyrus, nom des compagnons de Bacchus aux oreilles, à la queue et aux pieds de chèvre, appliqué ensuite à un génie rustique confondu avec le Faune. Satyrus a aussi désigné un drame satyrique (où jouaient des Satyres) [→ satire] et une espèce de singe. Le mot est emprunté au grec Saturos, nom d'un être mythique de la suite de Dionysos. C'est sans doute un emprunt, mais son origine est inconnue.
❏  Satyre est introduit pour désigner, en parlant de l'Antiquité, un demi-dieu rustique réputé pour sa lascivité, d'où son emploi figuré (1651, Scarron) pour « homme débauché » à l'époque classique, vieilli aujourd'hui. Employé au féminin, il a eu le sens (1738) de « pièce dont les principaux personnages étaient des satyres », en parlant du théâtre grec. ◆  Le mot reprend ensuite (1760) le sens latin de « grand singe anthropomorphe », sorti d'usage, et se dit d'un papillon diurne aux ailes brunes, noires et jaunes (1764). ◆  C'est aussi (1870) le nom d'un champignon dont la forme, à maturité, rappelle celle d'un phallus (aussi appelé phallus impudique, latin botanique phallus impudicus). ◆  Au XXe s., le mot désigne un homme obscène qui entreprend brutalement les femmes.
❏  Au sens d'« obsédé sexuel actif », satyre a pour dérivé SATYRISME n. m. (XXe s.), après satyriasme (1802).
■  SATYREAU n. m. « petit satyre » (XVIe s.), littéraire, est la réfection de satirel (1165-1170), satyrel (XIIe s.).
■  Le féminin de satyre, SATYRESSE n. f. est relevé en 1701 et il est demeuré rare.
SATYRIQUE adj. est emprunté au latin satyricus « qui concerne les satyres », du dérivé grec saturikos « semblable à un satyre », « qui est relatif au drame satyrique ». ◆  L'adjectif s'applique d'abord (1555) à une danse, un mouvement qui consiste en postures indécentes, en parlant de l'Antiquité. ◆  Satyrique n. m. a désigné (1662) un genre de la poésie pastorale ; le mot est noté « inusité » dans Littré ; il était archaïque depuis le XVIIIe siècle. ◆  L'adjectif s'emploie dans poème satyrique (1701) « qui appartient à la satyre des Grecs » ; il qualifie ensuite (1765) ce qui a rapport aux satyres, en parlant de la mythologie. Jeux satyriques désigne les farces jouées à Rome avant les grandes pièces, imitation des drames satyriques grecs ; drame satyrique se dit (1870) d'une pièce bouffonne jouée après la trilogie tragique, chez les Grecs.
SATYRIASIS n. m. reprend (1538) un mot du bas latin médical (Ve-VIe s.) désignant l'exagération morbide des désirs sexuels chez l'homme, et lui-même emprunté au grec médical saturiasis, dérivé de saturian « être atteint de priapisme », de saturos « satyre ». ◆  Le mot, didactique, conserve le sens de l'étymon et s'est dit pour « érection pathologique » (Cf. priapisme).
■  Il a fourni SATYRIASIQUE n. m. et adj. (1874).
L SAUCE n. f., d'abord sausse (1165-1170), forme attestée jusqu'en 1740, salse (1172-1174) et sauce (v. 1240, Roman de la Rose et Roman de Renart), représente l'emploi substantivé de l'adjectif féminin salse « salée » (de l'eau) [1080], encore relevé au début du XVIIe s., puis sause (XIIe s.). L'adjectif est issu du latin populaire salsa, féminin de salsus « salé », participe passé passif de sallere « saler », lui-même dérivé de sal (→ sel).
❏  Le mot s'est d'abord employé par métaphore pour « eau de mer », sorti d'usage lorsque le sens culinaire (attesté 1266, mais antérieur) s'est affirmé, mais peut-être conservé dialectalement si l'on en juge par saucer « mouiller (par la pluie) ». Il désigne parallèlement (1172-1174, salse) un assaisonnement liquide où entrent du sel et des ingrédients divers ; la variété des éléments utilisés et leur plus ou moins grande liaison explique que de nombreux syntagmes viennent en préciser la nature ; dès le XIVe s. on relève sauce verte isolément, puis sauce vert (fin XIVe s.) et sause blanche (1393) ; sauce au pauvre homme (1680), à pauvre homme (1718) se disait d'une sauce froide à base de ciboule et de sel ; au XIXe s. sont attestés sauce piquante (1870), sauce italienne, indienne (1876), etc. ; plusieurs dénominations où le mot est sous-entendu sont employées substantivement (→ béchamel, mayonnaise, vinaigrette, etc.) et adjectivement (→ marinière, etc.). Par ailleurs, le mot entre dans plusieurs locutions, avec sa valeur propre ou métaphoriquement pour « manière de traiter qqn, d'utiliser qqch. » : metler (mêler) salse, mélanger la sauce (1172-1174) « faire une machination coupable » a disparu avec ses nombreuses variantes, ainsi que avoir amere sause (v. 1300) « éprouver une déception » ; faire la sauce à qqn (1440-1475) « le réprimander » s'est employé jusqu'au XIXe siècle ; gober la sauce (1867) « être puni pour les autres » est familier et archaïque. Donner ordre aux sauces « aller dans la cuisine pour faire en sorte que le repas soit bien apprêté » (1566) se maintient jusqu'au XIXe siècle ; il n'est sauce que d'appétit « quand on a faim, tout ce qu'on mange est bon » (1577) semble lui aussi sorti d'usage. Au XVIIe s., sauce désigne par figure, après un emploi ancien avec la valeur d'« accessoire » (v. 1165), ce qui est accessoire, accompagne, est opposé à l'essentiel, dans des locutions comme à toutes les sauces (1610) « à toutes sortes de services », aujourd'hui dans mettre qqn à toutes les sauces ; donner la saulse « orner la fin d'un discours » (1640), disparue ; mettre à telle sauce « présenter de telle façon » (1680, être bon à certaines sauces, Mme de Sévigné ; 1680, à quelle sauce peut-on mettre cela ?), surtout aujourd'hui mettre à toutes les sauces ; allonger la sauce,sauce équivaut à « accompagnement inutile », sont relevées au XXe siècle. ◆  Le mot sauce, dans plusieurs régions du sud de la France (de la Provence à l'Aquitaine) par calque de l'occitan, désigne divers ragoûts. Dans le français d'Afrique subsaharienne, sauce désigne un ragoût (de poisson, viande ou légumes) servi avec un féculent (sauce d'arachide, sauce gombo). Sauce-graine : à la pulpe du fruit du palmier à huile.
■  Par analogie, sauce, dans le vocabulaire technique, désigne une solution comprenant de l'eau salée, ajoutée au tabac pour en modifier le goût (1765), une solution d'or ou d'argent employée pour la dorure ou l'argenture (1803), un crayon très friable pour dessiner à l'estompe (1832), une bouillie dans laquelle on trempe les peaux (1875).
■  Au figuré, le mot se dit pour « averse » (1881), d'où (1888) il va tomber de la sauce « il va pleuvoir ». Ces emplois sont très postérieurs à ceux de saucer (ci-dessous). ◆  En argot, sauce tomate s'est dit pour « menstrues » (1889). ◆  Sauce est aussi utilisé dans remettre la sauce « les gaz » (1905), mettre toute la sauce et pour « courant électrique » (1918), comme jus*. En argot envoyer, balancer la sauce vaut pour « décharger (une arme à feu) » et pour « éjaculer » (dans Céline 1936).
❏  Le dérivé SAUCER v. est d'abord relevé au sens figuré (v. 1200 « tromper » ; XIIIe s., sauser) de « plonger (l'épée dans le sang) », disparu. ◆  Le verbe signifie ensuite « garnir de sauce » (XIVe s., saucier ; 1538, saucer). Il s'est employé pour « humecter » (v. 1375, saucer), puis au sens de « tremper (du pain, etc.) dans la sauce » (1532, saulser ; 1611, saucer), également sorti d'usage en français d'Europe, mais vivant au Québec (saucer son pain dans du sirop d'érable), et encore employé pour « essuyer la sauce de (un plat) avec du pain », sens qui semble avoir été repris déb. XXe s. De là une valeur extensive « tremper (qqch.) dans un liquide » (déb. XVIIe s.), qui ne survit qu'en technique. ◆  On relève ensuite, peut-être en relation avec le premier emploi de sauce « eau de mer », se saucer dans la rivière « y tomber » (1690) et aujourd'hui être saucé « être trempé (dans une averse) » (1725), se faire saucer, saucer « mouiller abondamment » (1800), emplois familiers, de même que l'impersonnel il sauce, ça sauce, synonyme familier de pleuvoir, qui paraît récent (mil. XXe s.). ◆  Par ailleurs, le verbe s'est employé au figuré pour « réprimander fortement » (1718), valeur sortie d'usage, de même que sauce pour « réprimande » (1808). ◆  Saucer signifie enfin (XXe s.) « essuyer en enlevant la sauce » (pour la manger).
■  SAUCÉE n. f., familier pour « averse, forte pluie » (1864), ne s'emploie plus au sens figuré et familier de « volée de coups » (1896 ; Cf. trempe).
■  SAUÇAGE n. m. est un terme technique (1906) dans l'industrie du tabac.
SAUCIER n. m., d'abord saussier (1285), avec l'orthographe actuelle en 1723, désigne un cuisinier spécialisé dans la préparation des sauces, autrefois dans une grande maison (1285), aujourd'hui dans un restaurant (1845). Il s'est dit d'un vendeur de sauces (1394). ◆  Le mot, dans l'ancienne marine (1773), se disait d'une pièce évidée recevant le pied d'un étançon, peut-être par spécialisation de saucier « récipient » (ci-dessous).
■  SAUCIÈRE n. f., d'abord écrit saussiere (1328), forme utilisée jusqu'au milieu du XVIIIe s. à côté de saucière (1379), désigne un récipient qui reçoit des sauces. On a eu aussi avec le même sens sauser n. m. (v. 1190) et saucier (1306 ; encore au XVIe s.).
SAUCETTE n. f., dérivé du verbe se saucer pour « se tremper dans l'eau », est en usage en français du Canada pour « courte baignade » (Cf. trempette). Par extension, faire une saucette chez qqn, une rapide visite.
L SAUCISSE n. f. est issu (v. 1265) du latin populaire °salsicia, substantivation du féminin du bas latin salsicius, adjectif, lui-même dérivé de salsus « salé » (→ sauce). Le mot correspond donc à « une salée ».
❏  Saucisse se dit d'une préparation de viande de porc assaisonnée et contenue dans un boyau. La locution figurée ne pas attacher ses chiens avec des saucisses « être avare » (1870) est sortie d'usage (mais encore connue) de même que fabricant de saucisses pour « Allemand » (1884), puis mangeur de saucisses, allusions à l'importance de la charcuterie dans la nourriture allemande. De nombreux syntagmes ont cours dans les régions françaises, comme saucisse sèche (Aveyron), saucisse aux choux (à préparer avec des choux), proche de la saucisse de Morteau (se dit aussi en Suisse). En français d'Alsace, saucisse de bière, saucisse bière est un calque de Birwurst, qui signifie en réalité « saucisse-poire », par contresens. Saucisse de pâté, de jambon (Lorraine germanophone). Le français de Suisse connaît aussi saucisse à rôtir, équivalant à l'allemand Bratwurst, saucisse au foie (1876, allemand Leberwurst), saucisse de Vienne (alémanique Wienerli), petite saucisse allongée, plus mince que le schublig*, aussi une vienne (comme, en France, une francfort).
Par analogie de forme, le mot a désigné un rouleau rempli de toile, pour mettre le feu à une mine (1593), une fascine pour revêtir les embrasures des batteries (1611). ◆  Par une métaphore argotique claire, il désigne aussi le pénis (XVIIIe s.). ◆  Par analogie de forme, saucisse désigne (attesté en 1914) un ballon captif de forme allongée. Dans rouler une saucisse « donner un baiser prolongé », familier (1931), le mot est pris pour langue.
Un sens d'abord argotique, « prostituée » (1880), devenu terme d'injure à l'adresse d'une femme, pourrait venir d'une métonymie sur l'acception de « pénis », mais aussi d'une métaphore (Cf. boudin) sur la grosseur informe comme dans saucisse à pattes « chien bas sur pattes ». ◆  Quant au terme d'injure, au sens d'« imbécile » (1901, adj. ; 1906 comme nom en français d'Algérie), il se rattache probablement au sens de « pénis ». De toutes façons, comme terme d'adresse, il est démotivé et quasiment affectueux. ◆  Un calembour sur z'aussi (eux aussi...) a produit moi sauciss' (1900).
❏  Le dérivé SAUCISSIER, IÈRE n., « personne qui fait et vend des saucisses » (1467 ; encore en 1826), est sorti d'usage, comme les variantes SAUCISSEUR n. m. (1475) et le féminin SAULCICIERE (Villon).
■  SAUCISSON n. m. est un emprunt (1552, Rabelais, saulcisson) à l'italien salsiccione « grosse saucisse », augmentatif de salsiccia du latin populaire °salsicia. ◆  Le mot a d'abord eu, à l'époque classique, le sens de l'italien. Puis, il désigne une préparation de viandes hachées et assaisonnées, cuites ou séchées dans un boyau. Le saucisson s'oppose à la saucisse en partie parce qu'il est le plus souvent consommé froid (saucisson sec). Le mot donne lieu à des syntagmes désignant des variétés (saucisson de Lyon, de montagne, etc.) et il a de nombreux synonymes. Par analogie de forme, saucisson s'est dit d'une fusée d'artifice (1623, Sorel) et, comme saucisse, d'un fascinage de branchages en cylindres (1678), d'un rouleau empli de poudre (1736). ◆  Par une figure familière, saucisson à pattes « personne courte et grosse » (1877, A. Daudet), puis « cheval » ou « chien bas sur pattes », est archaïque (mais on dit encore saucisse à pattes pour un basset — ci-dessus) ; saucisson ficelé « individu maladroit » (1888) a disparu, mais la locution être ficelé comme un saucisson « mal habillé » demeure usuelle.
Saucisson a pour dérivé SAUCISSONNER v., relevé chez Vallès (1885) comme verbe transitif signifiant « envelopper étroitement, attacher (comme un saucisson) ». Il est attesté isolément au sens de « manger du saucisson » (1894), repris vers 1950 pour « manger froid, pique-niquer ». ◆  Par figure il se dit pour « découper en tranches ». ◆  En dérivent SAUCISSONNADE n. (mil. XXe s.) « réunion où l'on mange du saucisson, des mets froids », SAUCISSONNEUR, EUSE n. (v. 1952) « personne qui saucissonne » et « malfaiteur qui ligote ses victimes » (années 1980), SAUCISSONNAGE n. m. « fait de ficeler comme un saucisson, de ligoter » (1959), et aussi « fait de découper en tranches », au propre (1963) et au figuré (1971).
■  SAUCIFLARD n. m. (1951), formé à l'aide du suffixe -ard, — avec un élément de liaison fl- suscité par siffler — est argotique puis familier pour « saucisson » ; on trouve par aphérèse SIFFLARD n. m., dans le même sens.
SAUCISSONNIER n. m. est le nom donné à un arbre (Bignoniacées) d'Afrique tropicale, dont le fruit en forme de saucisson est un symbole (phallique) de fécondité (l'arbre est appelé aussi arbre à [aux] saucisses).
L + SAUF, SAUVE adj. succède (1155) à salv (v. 980), salve (1080, féminin) et est issu comme eux du latin classique salvus « entier, intact », d'où « en bonne santé, bien conservé » ; le mot a pris en latin ecclésiastique le sens moral de « sauvé du mal (par le Sauveur) ». Le latin a par ailleurs créé integer, sans nuance religieuse, pour « entier, intact » (→ intègre). Salvus se rattache, comme solidus (→ solide, sou, souder), à une racine indoeuropéenne que l'on retrouve dans le grec holos (issu de °sol-wos ; → holo-), dans le gotique alls. Salvus a pour correspondant latin le substantif salus (→ salut).
❏  L'adjectif a d'abord signifié dans un contexte religieux « qui a le salut éternel » (v. 980, salv ; v. 1155, sauf), d'où lei salve « loi (religieuse) qui assure le salut » (1080). ◆  Le sens laïque semble un peu moins ancien ; il s'applique à ce qui n'a reçu aucune atteinte (1080) et à une personne qui a échappé à un grave péril (v. 1155, sauf ; XVIe s., au féminin sauve).
SAUF prép. s'est d'abord employé (v. 1155) pour « sans qu'il soit porté atteinte à », sens sorti d'usage ; avec cette valeur, sauf est entré dans des locutions, d'abord sous la forme variable sauf, sauve, dans sauve la grace (1373), sauve votre grâce (XVe s.), formule pour excuser des paroles trop hardies (encore attestée en 1690), puis sauf votre honneur (1538), sauf votre respect (1671), sauf le respect que je vous dois, employée encore régionalement. À partir du XVIe s., on trouve sauf avec un féminin.
■  L'adjectif substantivé a eu en ancien français le sens de « sûreté » dans mettre en sauf (v. 1180), d'où sauf « lieu sûr » (1250), sauve n. f. « salut de l'âme » (v. 1285), acceptions disparues. ◆  Sauf de « exempt de » (1220) ne s'est pas maintenu.
■  Suivie d'un nom, la préposition a pris au XIIIe s. (1247) le sens de « si l'on ne tient pas compte de », également accompagnée de de (fin XVe s.). La locution conjonctive sauf que (et indicatif) est attestée v. 1500 ; on employait aussi avec le même sens sauf ce que (1265 ; sauf ço que, v. 1155). ◆  Sauf « sans exclure l'éventualité de » (1549) s'emploie spécialement dans sauf correction (v. 1570), sauf erreur de calcul (1690), sauf erreur (1835). Sauf à (et infinitif) « sans s'interdire de » (1655) est littéraire. Sauf si locution conjonctive (1580, Montaigne) semble rare avant le XXe s. et signifie « excepté le cas où ».
❏  Le dérivé SAUVETÉ n. f., qui vient de l'adjectif au féminin, a désigné le salut de l'âme (v. 1050, salvetet ; v. 1175, forme moderne), puis l'état d'une personne hors de danger (XIIe s.). Il s'est dit (1376, salveté) d'une juridiction médiévale jouissant d'une immunité. ◆  Le mot a été repris en apiculture (1899) dans cellule de sauveté, puis reine de sauveté « reine rapidement éduquée par les abeilles pour remplacer une reine morte ».
SAUVEGARDE n. f. (mil. XIVe s.), d'abord salve garde (v. 1155), est composé du féminin de sauf et de garde*.
■  Le mot se dit d'abord de la protection et garantie (de la personne, des droits, etc.) accordée par une autorité ; de là vient lettres de sauvegarde « écrit par lequel la protection est accordée par une autorité » (1573), ensuite « lettre accordée à qqn pour l'exempter de loger des militaires » (1690), qui semble employé jusqu'au XIXe s. et a disparu. Le mot s'est dit aussi (1549) de la garde d'un prince et (déb. XVIIe s.) d'une troupe envoyée dans une propriété ennemie pour la préserver du pillage. ◆  Sauvegarde désigne aujourd'hui l'état de ce qui est protégé, gardé sauf et aussi (v. 1485) une personne ou une chose assurant une défense, une protection.
■  Le mot, cette fois composé à partir de sauver* et de garder*, désigne en marine un cordage, une chaîne qui lie un objet au navire, pour l'empêcher d'être emporté par la mer (1678), d'où sauvegarde de gouvernail (1702). Il se dit aussi (1842) de chacune des bandes de papier qui protègent les gardes d'un livre pendant le travail de reliure. Comme sauvegarder, le nom s'emploie en informatique (1972).
■  Le dérivé SAUVEGARDER v. tr. (1788) s'applique à des réalités abstraites avant d'être employé en informatique pour « mettre à l'abri (les données enregistrées) d'un effacement ».
SAUF-CONDUIT n. m., formé (v. 1160) de conduit, désigne un document délivré par une autorité et qui permet de circuler sans être arrêté. On trouve en ancien français sauf alant et venant n. m. (XIIIe s.).
❏ voir 1 et 2 SALVE, SAUGE, SAUVER.
L SAUGE n. f. est issu (1320), par l'intermédiaire de formes comme salje (fin XIe s.), saulje (XIIIe s.), du latin salvia « sauge », de salvus « bien portant, en bonne santé », à cause des propriétés médicinales de la plante (→ sauf).
❏  Le mot désigne comme en latin une plante aromatique, utilisée comme assaisonnement et comme antispasmodique, tonique, etc. Il s'est employé dans la locution figurée n'y avoir ni sel ni sauge « être insipide », en parlant d'un ouvrage (1549), et dans ne sentir ni sel ni sauge (1640), n'avoir ni sel ni sauge (1690) « être mal assaisonné ». ◆  Il a désigné une nuance de gris, dans gris de sauge (1690).
❏  Le dérivé 1 SAUGÉ, ÉE adj. « qui contient de la sauge » s'applique d'abord (1352) au vin ; au XIVe s. comme nom masculin, il désigne une « boisson où l'on a infusé de la sauge ».
■  2 SAUGÉ ou SAUGET n. m., peut-être dérivé de sauge, désigne (1875) une variété de lilas.
SAUGRENU, UE adj. (1611), d'abord noté sogrenu (1578), représente l'altération d'après grenu de l'ancien adjectif saugreneux « piquant, salé », employé au figuré en parlant d'un conte ou d'un juron, seulement attesté chez Brantôme à la fin du XVIe siècle. Le mot peut être rapproché de saugrenée n. f. « assaisonnement d'un plat avec de l'eau et du sel » (v. 1534), « fricassée de fèves, de pois » (1552, Rabelais). Il est formé de sau (XIVe s.), forme dialectale de sel* en position atone, et de grenu, dérivé de grain*.
❏  L'adjectif s'applique à ce qui est bizarre et quelque peu ridicule, surtout à propos de paroles et d'écrits, plus rarement (1694) à des personnes et des comportements. L'influence formelle de sot, sotte est sensible (on dit familièrement aussi sotte que grenue).
❏  Le dérivé SAUGRENUITÉ n. f. (1840) est rare.
G SAULE n. m. est issu (v. 1215) du francique °salha (Cf. allemand Salweide, anglais sallow). Le mot a supplanté sauz (XIe s.), saulx (1420) encore relevé en 1671, issu du latin salix (→ salicaire). Le mot germanique et le mot latin reposent sur la même racine.
❏  Saule se dit d'un arbre qui croît dans les lieux humides. Qualifié, le mot désigne diverses variétés de saules, par exemple saule pleureur (1771).
❏  En dérivent : SAULAIE n. f. (1277), variante soloié (1328) qui a éliminé sauçoi, sauçoie (XIIIe s.), dérivé de sauz.
■  SAULET n. m. (1791), régional, est le nom d'un moineau qui vit dans les saules.
■  SAULÉE n. f. (1810) signifie « rangée de saules ».
❏ voir SAUSSAIE.
L SAUMÂTRE adj., d'abord saumastre (1298, Marco Polo), écrit saumâtre depuis 1718, est issu d'un latin populaire °salmaster « qui a un goût amer et salé comme l'eau de mer », lui-même du latin impérial salmacidus par changement de suffixe. Ce dernier est le croisement de salgama nom pluriel neutre « conserves (de fruits, de légumes) », sans étymologie sûre, mais peut-être apparenté à sal (→ sel), et de acidus « aigre » (→ acide). On relève aussi chez Marco Polo salmace (emprunté à salmacidus) « eau salée » ; eau somache (1678), saumache (1694) se maintiennent jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
❏  L'adjectif conserve le sens du latin ; il s'applique (en picard) à une personne rusée (1464). ◆  Le sens figuré (1774, Beaumarchais), qualifiant ce qui est désagréable, amer et pénible, est lui aussi courant. La locution familière la trouver saumâtre, attestée en 1915 doit être antérieure.
L SAUMON n. m. (v. 1165, Chrétien de Troyes), d'abord salmun (v. 1138), est issu du latin salmonem, accusatif de salmo, -onis. Ce mot d'origine gauloise, attesté par des noms de lieux (Salmona « Salm », affluent de la Moselle), est aussi passé dans le domaine germanique (ancien haut allemand salmo). Plusieurs variantes sont attestées jusqu'au XVIe siècle : samon (1396), psalmon (1421) par fausse étymologie, saulmon (1530 ; encore en 1660, chez Oudin), etc.
❏  C'est le nom d'un grand poisson de mer à chair rose, qui remonte les rivières au moment du frai. Le mot est usuel du fait de la consommation du saumon, poisson estimé (d'où des syntagmes comme saumon fumé, œufs de saumon, etc.).
■  Par analogie de forme, saumon se dit (v. 1452) d'une masse de métal (plomb, étain, fer) obtenue en fonderie et, spécialement (1690), d'une masse de fonte ou de plomb lestant un voilier.
■  Saumon, adjectif invariable, qualifie (1830) ce qui est d'une couleur rosée rappelant la chair du poisson.
❏  SAUMONEAU n. m., diminutif de saumon (1611, avec deux n), d'abord sous la forme saulmonneau (1552, Rabelais), désigne un jeune saumon.
■  SAUMONÉ, ÉE adj., postérieur à l'ancien provençal salmonat (1343), s'écrit saulmonnée (1564, adj. f.) et saumoné (1636) ou saumonné au XVIIe siècle. ◆  L'adjectif se dit de poissons qui ont la chair rose comme le saumon (1564, truite saulmonnée) et qualifie des objets d'une couleur rose légèrement orangée (1876).
À partir du latin salmo, -onis a été dérivé savamment SALMONIDÉS n. m. pl. (1829), qui désigne une famille de poissons dont le saumon est le type.
■  SALMONIFORMES n. m. pl. (XXe s. ; du latin salmo et -forme) est aussi un terme de zoologie.
■  SALMONICULTURE n. f., mot technique, est composé (1910) de salmon(idés) et de (pisci)culture, et se dit de l'élevage des salmonidés (notamment des truites). ◆  De là SALMONICULTEUR, TRICE n. semble antérieur (1907).
■  SAUMONNÉE n. f., en français de Nouvelle-Calédonie, désigne deux poissons comestibles.
L SAUMURE n. f. apparaît (1105) sous la forme salmuire ; on relève ensuite saumuyre (XIVe s.), saumeure (1394), resuffixé en saumure (1549, Estienne). La graphie latinisante saulmeure (1530) ne s'est pas imposée. Le mot est issu du latin médiéval salimuria (VIe s.), composé du latin classique sal, salis (→ sel) et de muria « saumure ; eau salée » (→ muriate) ; une forme °salmuria est attestée par le germanique et le vieil anglais soelmeyrie.
❏  Saumure désigne l'eau salée dans laquelle on conserve certains aliments (viandes, poissons, etc.), puis un liquide formé de sucs organiques et du sel dont on a imprégné des substances à conserver (v. 1560, Paré). À partir du XIXe s. le mot est employé par analogie, avec une valeur technique (1835), pour parler de l'eau de mer d'un marais salant qui, en partie évaporée, constitue une solution de sel concentrée. ◆  Saumure désigne aussi (1964) le liquide salé refroidisseur de certains appareils frigorifiques.
❏  Saumure a servi à former des dérivés techniques.
■  SAUMURÉ, ÉE adj. (1575, « salé ») s'applique (1611) à ce qui est conservé dans la saumure.
■  SAUMURAGE n. m. désigne (1803) l'opération qui consiste à mettre (qqch.) dans la saumure ; l'emploi ancien de saulmurages au pluriel (1611), « débris de pierres servant aux fondations d'un bâtiment », n'est pas clair.
■  SAUMURER v. tr. (1859) signifie « conserver dans de la saumure ».
SAUNA n. m. ou f. est un mot finlandais relevé en 1930 (Garnier et Delamare) et répandu vers 1950 (1951, n. m. ; 1958-1961, n. f.). Une forme seano est attestée en 1839 (X. Marmier). La langue finnoise ne marque pas la distinction des genres ; en français, le mot s'emploie aux deux genres mais le masculin est plus courant.
❏  Sauna désigne un établissement où l'on prend des bains de vapeur, à la manière finlandaise, et par métonymie le bain de vapeur, obtenu à l'origine par projection d'eau sur une pierre volcanique brûlante, puis par des procédés analogues. ◆  Il se dit par extension d'un établissement de mise en forme physique comportant un sauna. ◆  Le composé BAIN-SAUNA n. m. s'emploie au Québec.
L SAUNIER n. m. est l'aboutissement au XIIIe s. (féminin sauniere, v. 1250 ; saunier, 1260) des formes salnier n. m. (v. 1138), salnere n. f. issues d'un latin populaire °salinarius « relatif aux salines » (Cf. italien salinaro, espagnol salinero), lui-même dérivé du latin classique salinae n. f. pl. « salines », dérivé de sal, salis (→ sel et 1 saline).
❏  Le mot signifie d'abord (v. 1138) « marchand de sel », valeur dont procède le composé faux-saunier (1478, faulx-saulnier) qui désignait une personne se livrant à la contrebande du sel. Cette acception a disparu, sauf en histoire. ◆  Saulnier désigne (depuis le XIIIe s. et encore aujourd'hui saunier) un ouvrier qui travaille à la production de sel (dans ce sens, il continue le dérivé latin salinator) et une personne qui exploite un marais salant ou une saline (1611, saonier, sannier ; 1636, saunier). Saunier, aussi écrit saulnier, du XVe au XVIIe s., est usuel avant la Révolution, surtout au sens initial, du fait de la réglementation sévère du commerce du sel, soumis à la gabelle*. Le mot est entré dans des locutions figurées aujourd'hui disparues : il se fait payer comme un saunier « il se fait payer comptant » (1690), avoir léché le cul au saunier « avoir toujours soif » (1752). ◆  Saunier a désigné aussi (1845) un bateau dans lequel on transporte le sel.
❏  SAUNERIE n. f., réfection (1321) de sanerie (1234), désigne un établissement où l'on fabrique le sel.
■  SAUNIÈRE n. f., relevé une première fois au XIIIe pour « saloir » et repris au XVIe s. (1529), est le féminin de l'ancien français saunier « chaudière pour fabriquer le sel » (v. 1220) et en moyen français « récipient où l'on conserve le sel » (1611, saulnier). Attesté au XIIIe s. au sens de « saloir », saunière désigne ensuite (1529) le coffre où l'on conservait la provision de sel d'un foyer. ◆  Le mot demeure, dans le vocabulaire de la chasse, pour désigner (1834) un pain d'argile et de sel que l'on dépose dans un parc ou une forêt pour attirer le gros gibier.
■  SAUNER v. intr., attesté en 1660, mais certainement antérieur d'après son dérivé saunage, est issu d'un latin populaire °salinare « produire du sel », dérivé de salinae. ◆  Sorti d'usage au sens d'« extraire le sel » (1660), le verbe reprend aussi (1680) le sens du latin.
■  SAUNAGE n. m., terme technique (1497), désigne l'époque à laquelle on récolte le sel dans les marais salants. Il a signifié « action de faire le sel » (1499, saumage) et « trafic de sel » (1660 ; faux saunage, 1606, Sully) ; on dit aussi SAUNAISON n. f. (1870).
■  Le composé FAUX-SAUNAGE n. f. (1606), formé d'après faux-saunier, se disait sous l'Ancien Régime de la contrebande du sel.
SAUPIQUET n. m. est dérivé (v. 1380) d'un verbe non attesté °saupiquer, proprement « piquer avec du sel » (Cf. l'ancien provençal salpicar, v. 1220), composé de sau, forme atone de sel*, et de piquer*, avec suffixe -et.
❏  Terme de cuisine, saupiquet désigne une sauce piquante qui accompagne du gibier, du bœuf et par métonymie le plat lui-même. ◆  Le mot, qui a des variantes en moyen français (XVe s., saulpicquet ; 1490, sopicquet), s'est employé au figuré aux sens d'« homme subtil, éveillé » (v. 1460) et de « mauvais tour » (v. 1550) ; l'expression gras en saupicquets signifiait « grivois » (fin XVIe s., Brantôme). Tous ces emplois figurés sont sortis d'usage.
❏  Le dérivé SAUPIQUETER v. tr., « donner un goût piquant à (qqch.) » (1611), a lui aussi disparu.
SAUPOUDRER v. tr., relevé à la fin du XIVe s. (E. Deschamps), est composé de sau (XIVe s.), forme ancienne et dialectale de sel*, et de poudrer*.
❏  Le mot, lié à sel, a déjà une valeur plus large dans le premier emploi (fin XIVe s.) puisque l'on dit saupoudrer de sel, mais il intègre le concept de sel dans les emplois absolus : saulpoudrer (1538), saupoudrer (1558) « couvrir (qqch.) d'une légère couche de sel », sens déjà archaïque au XVIIe siècle : il est donné pour « inusité » par Bossuet. ◆  Cependant, l'emploi moderne est déjà attesté au XVIe s. (1580, Montaigne) ; il correspond à « couvrir (qqch.) avec une poudre, une substance pulvérisée (sucre, farine, etc.) ». ◆  Saupoudrer a signifié, en agriculture (1690), « couvrir légèrement de fumier sec (les laitues, etc.) ». ◆  Au XVIIIe s. (1747) apparaît le sens figuré d'« orner, agrémenter (un discours, une conversation) de qqch. (éloges, citations, etc.) ». La quantité qui recouvre étant peu importante, saupoudrer s'emploie au XXe s. (av. 1960) pour « répartir (des crédits, des moyens) entre de très nombreux bénéficiaires ».
❏  SAUPOUDROIR n. m. (1825), terme technique, désigne un ustensile de pâtisserie et de cuisine.
■  SAUPOUDRAGE n. m., « action de saupoudrer » (1873), a remplacé SAUPOUDRATION n. f. (1842) et s'emploie aussi au figuré (1954).
■  SAUPOUDREUR, EUSE adj. et n. (1900, n. m.) désigne la personne qui saupoudre, et SAUPOUDREUSE n. f. (dans les dictionnaires généraux, 1964) est un équivalent de saupoudroir.
SAUR adj. m., relevé au XIIIe s. sous la forme sor, puis au XVIe s. soir (1549) et la graphie actuelle en 1573, est selon Wartburg un mot emprunté au moyen néerlandais soor « séché, desséché ». P. Guiraud propose un rapprochement, utile pour expliquer la forme moderne, avec une base latine saur- (doublet de sor-) que l'on retrouve dans le bas latin saura (→ saurien), saurus (nom d'un poisson), servant à désigner des animaux à couleur mêlée de brun.
❏  Le mot qualifie le hareng salé et fumé (XIIIe s., hareng sor) ; il s'est employé au figuré en moyen français (v. 1440-1475, sore) pour « dénué de, pauvre ». ◆  Hareng saur est encore employé dans des locutions figurées, maigre, sec comme un hareng saur.
❏  L'adjectif a fourni plusieurs dérivés.
■  SAURER v. tr., d'abord relevé au participe passé (écrit soré, 1284) et à l'actif en 1350 (saurer 1606, Cotgrave), est un terme technique pour « faire sécher (notamment des poissons mis en saumure) à la fumée » (Cf. fumer). ◆  Il a pour dérivé 1 SAURAGE n. m. (1876), synonyme de saurissage (ci-dessous).
■  Le dérivé SAURIR v. tr. (1318, sorir ; 1606, forme moderne) équivaut à saurer et signifie « faire sécher le hareng à la fumée » ; il s'est employé en moyen français (1380, sorir) pour « dessécher, griller (du pain) » et signifie (1876) « arroser de saumure ». ◆  Le verbe a servi à former les termes techniques SAURISSEUR, EUSE n. (1606), SAURISSAGE n. m. (1741, sorissage), SAURISSERIE n. f. (1808) et SAURIS n. m. (1842), « saumure de harengs ».
■  SAURET adj., d'abord nom masculin (1360, soret) puis adjectif (1573, hareng sauret), est un équivalent sorti d'usage de « hareng saur ». Sauret n. m. « hareng saur » s'emploie encore dans le nord et l'est de la France (du Pas-de-Calais à la Champagne).
■  SAURIN n. m., terme technique (1680, sorin) autrefois employé pour « saurisseur », désigne (1839) un hareng laité nouvellement séché.
❏ voir SAURE.
G SAURE adj., écrit sor et saur dans La Chanson de Roland (1080), représente le francique °saur « brun jaune (en parlant des feuilles) » qui, selon Bloch et Wartburg, est apparenté au moyen néerlandais soor « séché » (→ saur) et, selon P. Guiraud, à la racine latine saur- (→ saur ; saurien). Saure est passé en roman avec d'autres adjectifs désignant la couleur du pelage des chevaux. Il s'est par ailleurs répandu comme terme technique dans certaines langues romanes : ancien provençal saur, italien saura « alezan » ; italien, espagnol soro « qui n'a pas mué (d'un faucon) ».
❏  L'adjectif s'est appliqué à un cheval dont la robe est d'un jaune tirant sur le brun. ◆  En fauconnerie, le mot, écrit sors (1765), qualifie encore aujourd'hui un faucon pris jeune, mais déjà à taille adulte, et s'oppose à hagard et à niais. On parle aussi de plume saure.
❏  Certains dérivés de saure ont disparu, comme SOREL adj. (1080) « roux, fauve » (jusqu'au XVe s.), SORET adj. (XIIe s.) « blond roux » puis (1373) « né de l'année (d'un oiseau) », etc.
■  D'autres se sont maintenus, mais SAURÉ, ÉE adj. « jaune brun » (déb. XIIIe s., soré ; repris fin XIXe s., Huysmans) est rare.
■  2 SAURAGE n. m. est un terme de fauconnerie, désignant d'abord le temps de mue du faucon (XIIIe s., sorage), puis la période pendant laquelle un oiseau est sors (1373, sorage ; 1690, saurage).