SAURIEN n. m. est un dérivé savant (1800, sauriens n. m. pl., Brongniart) du grec saura, sauros « lézard », emprunté en bas latin saura, sans origine connue. Le nom du lézard varie dans les langues indoeuropéennes, car cet animal était méprisé et peut-être frappé d'un tabou.
❏  Le mot désigne un sous-ordre des reptiles comprenant les lézards, les crocodiles, etc. Le mot est aussi employé (1836) comme adjectif.
❏  SAUR-, SAURO-, premier élément tiré du grec saura, sauros, sert à former des termes de zoologie. SAUROPHIDIENS n. m. (1845) est composé avec ophidiens ; SAUROPSIDÉS n. m. pl. (-psides, 1888) a remplacé sauropsides (1888) et vient du grec ops, opsis « vue, aspect » (→ optique) ; SAUROPODES n. m. pl. (1904) est formé avec -pode*.
-SAURE, élément tiré du grec saura, entre dans la composition de mots désignant des reptiles fossiles comme brachiosaure, brontosaure, dinosaure, etc.
SAUSSAIE n. f., attesté en 1314 (sauçoie, sauçaye) est dérivé de l'ancien français sans, issu du latin salix (→ solicaire, saule) ou issu du dérivé latin saliceta.
❏  C'est une variante régionale de saulaie (→ saule), encore présente dans des noms de lieux.
L SAUT n. m. est issu (v. 1155), par l'intermédiaire de saltz (1080), du latin saltus, saltus « saut, bond », nom d'action correspondant au verbe salire « sauter, bondir » (→ saillir, sauter).
❏  Le mot désigne le mouvement par lequel une personne, un animal quitte le sol pour s'élever, se projeter. De l'idée de « mouvement » on passe à celle de « mouvement brusque » pour changer de position, de place, dans des emplois adverbiaux tous disparus : les salz « en toute hâte » (1080 ; v. 1180, les saus), les saus menus « par sauts pressés » (v. 1190), de saut « aussitôt » (v. 1360), du premier saut « dès le début » (v. 1360) et de prime saut (d'où vient primesautier), tout d'un saut « aussitôt » (1685) et « sans intermédiaire » (1694), de plein saut (1485, de plain saut) pour « tout à coup ». En saut « en rut », attesté isolément au XIIIe, puis au XVe (en sault), a été repris au XVIIIe siècle ; saut a désigné le moment où l'étalon couvre la jument (1765), aujourd'hui l'action de saillir (1835 ; Cf. saillie et sauter). ◆  La locution faire le saut (v. 1210) signifie encore « prendre une décision hasardeuse », aussi sous la forme franchir le saut (1572) remplacée par franchir le pas. ◆  Les valeurs métonymiques apparaissent en moyen français : saut à moulin « chute d'eau qui fait aller le moulin » (1310), aussi saut de moulin (1409), est sorti d'usage, mais saut « rupture de pente (d'un cours d'eau) » (1605) se dit encore. À la même époque (XIVe s.) apparaît une locution où saut a la valeur de « déplacement rapide » : ne faire qu'un saut (de... à...) « aller d'un endroit à un autre très rapidement » (1547), valeur que l'on a aussi dans la locution disparue en deux pas et un saut « très rapidement » (1611), aujourd'hui dans faire un saut quelque part « y aller pour un instant » et aussi y aller d'un saut, en trois sauts. Faire un saut, le saut se dit en français québécois pour « sursauter ». ◆  Le mot s'emploie également (XIVe s.) pour désigner un pas de danse. Saut périlleux « pendant lequel le corps du sauteur effectue un tour complet » (1502) et saut de carpe (1694), d'abord saut de la carpe (1611), « saut fait en se retournant latéralement » concernent aussi des mouvements réglés. La locution saut de mouton (1611) s'emploie en termes de manège, en parlant du cheval qui ramène les pattes sous le ventre et effectue un mouvement de côté. ◆  Saut a la valeur figurée de « chute » (1170), spécialement dans faire le saut « faire banqueroute » (1611) et aussi « perdre sa virginité » (1674), expressions disparues au cours du XVIIIe siècle. ◆  L'idée de pendaison s'est exprimée par saut (1585) puis au XVIIe s. par faire le saut (1640), faire le saut en l'air (1690), puis faire le saut sur rien (1718). Plus généralement faire le (grand) saut équivaut à « mourir ». ◆  Les anciens emplois recourent à l'idée de destruction brutale qu'exprime le verbe sauter, ainsi que faire un saut « être détruit par une explosion » (v. 1650), faire faire le saut « détruire (qqch.) » (1668) ou spécialement « raser (une maison, etc.) » (1690), puis « faire perdre son emploi (à qqn) » (1835), valeurs disparues mais qu'a gardées le verbe sauter*. ◆  Une autre extension plus paisible est au saut du lit (1588) « au lever, dès qu'on est sorti du lit » (ci-dessous saut-de-lit). ◆  N'aller que par sauts et par bonds s'emploie figurément avec les sens de « parler d'une façon décousue » (1674), « manquer de suite dans sa conduite » (1835). ◆  Parmi les emplois figurés, saut désigne un passage par degrés disjoints (1703, en musique), un mouvement interrompu, un changement brusque (v. 1710), spécialement en mathématiques une discontinuité en un point. Enfin, saut correspond abstraitement à « mouvement subit de l'imagination » (1872, Th. Gautier).
❏  Le composé SAUT-DE-LOUP n. m. (1740) désigne un large fossé qui défend l'accès à un lieu privé.
■  SAUT-DE-MOUTON n. m., terme technique, d'abord au sens de « saute-mouton » (1822), se dit (1835) du passage d'une route ou d'une voie ferrée au-dessus d'une autre.
■  SAUT-DE-LIT n. m. (1888 ; 1829, « descente de lit ») a remplacé saut-du-lit (1877), « déshabillé que portent les femmes au saut du lit ».
SURSAUT n. m. vient de la locution adverbiale en sorsaut « à l'improviste, d'une manière brusque » (v. 1160), de sor (→ sur), puis en sursaut (1549) ; il a eu le sens de « surprise » (1573) et désigne un mouvement brusque, une réaction physiologique subite (1550). ◆  Par figure, le mot s'emploie pour parler du regain subit (d'un état psychologique) conduisant à une réaction vive. En physique, sursaut se dit d'une brève émission d'un rayonnement.
■  Le dérivé SURSAUTER v. intr., attesté au XVIe (1542), a été repris au XIXe s. (1842) puis est devenu usuel.
❏ voir aussi ASSAUT, PRIMESAUT, RESSAUT, SALTARELLE, SOUBRESAUT.
L + SAUTER v. est issu (v. 1175) du latin classique saltare « danser (avec pantomime) » et « représenter par la danse », qui a pris en bas latin le sens de « sauter ». Ce verbe est l'itératif-intensif de salire « sauter, bondir » (→ saillir).
❏  Le verbe français, qui se développe parallèlement à saut*, a d'abord le sens de « quitter le sol pendant un instant, par un ensemble de mouvements », qui est celui de salire en latin classique. ◆  Au XVe s., il est employé pour « saillir (une femelle) » (1440-1475, salter), emploi où il a été remplacé par saillir, mais qui se prolonge par un usage récent, très familier, pour « posséder sexuellement ». ◆  Le verbe signifie aussi (XVe s.) « monter, descendre vivement ». ◆  La première valeur « faire un saut » se développe à partir du XVIe s., avec l'idée de « mouvement rapide » sans qu'il n'y ait à proprement parler de franchissement, en particulier dans des locutions comme sauter sur qqn (v. 1500) « l'attaquer », et, avec ou sans idée de franchissement, reculer pour mieux sauter (v. 1530, Marot) [→ reculer]. ◆  Le verbe signifie aussi (1527) par extension du premier sens « franchir un espace, un obstacle, en s'élançant en l'air », d'où sauter un obstacle, un fossé et au figuré sauter le fossé « prendre une décision hasardeuse » (1732 ; 1690, dans un autre sens) ou encore sauter à pieds joints au-dessus de... « ne pas tenir compte de... » (1767, Rousseau). De même sauter à la corde, exercice enfantin, surtout de filles, s'est employé au figuré pour « se priver » (renforçant la sauter). ◆  Sauter reprend (1538) le sens latin de « danser », qui ne s'est pas maintenu, de même que celui de « changer brusquement de place » (1538) ; avec cette valeur, il signifie au figuré « passer vivement (d'une chose à l'autre) » en parlant d'un propos (1538), du regard, etc. Sauter au col à qqn (1538), puis de qqn (1549) « embrasser avec empressement » devient au XVIIe s. sauter au cou... (1666).
■  Plusieurs sens figurés apparaissent à partir du XVIe siècle. Sauter signifie (1587) « voler en éclats », « exploser de soi-même », sens exploité par métaphore dans se faire sauter la cervelle (1680, faire sauter...). On trouve aussi se faire sauter le caisson (1833), la caisse. Ce sens est resté plus vivant que l'emploi correspondant de saut*. ◆  Faire sauter (qqch.) est relevé en 1619 au sens figuré de « voler », qui est sorti d'usage, d'où en argot ancien sauter v. intr. « cacher le produit d'un vol » (1827). ◆  Dans l'abstrait, sauter s'emploie avec l'idée de passage rapide pour « ne pas lire, dans un texte » (1636, intr.), d'où (fin XVIIe s.) sauter par-dessus un chapitre et transitivement sauter un passage. ◆  Le factitif faire sauter s'est employé au figuré dans faire sauter qqn « le maltraiter, le tuer » (1640), faire sauter l'argent « le dépenser avec prodigalité » (1640) et faire sauter un lieu « le fermer » (1694), tous sortis d'usage ; faire sauter la tête de qqn « le décapiter » (1694) comporte l'idée de déplacement brusque, que l'on a dans faire sauter un bouchon (1798) et dans se faire sauter « se saborder » (1740). ◆  Faire sauter, en termes de cuisine, signifie « faire revenir à feu vif » (1767), avec l'idée de mouvements vifs des aliments en train de cuire. Cet emploi succède au transitif sauter qqch (1612). ◆  Sauter aux yeux, d'abord « attirer l'attention » (1648) en parlant de qqch., signifie ensuite « être évident » (1680), à côté de sauter aux yeux de qqn (sujet nom de personne) « se jeter sur lui pour le battre » (1651) et se sauter aux yeux « se quereller » (1652), sortis d'usage, remplacés par sauter sur (par ex. sauter sur le paletot) et se sauter dessus. Sauter aux nues (1664) signifiait « être très surpris ». ◆  Sauter « faire un ou plusieurs sauts » se dit aussi à la même époque (1672) en parlant des animaux. En termes de marine, le verbe a le sens (1678) de « changer brusquement de direction » en parlant du vent, alors en relation avec saute. ◆  Faire sauter sa charge à qqn « l'obliger à s'en défaire » (1690) a probablement inspiré sauter « perdre brusquement sa place » et faire sauter qqn « le renvoyer » (1798). ◆  C'est aussi à la fin du XVIIe s. que l'on trouve sauter « faire un saut acrobatique » (1690) et « s'élancer d'un lieu élevé vers le bas », dans sauter les fenêtres (1694) remplacé en français moderne par sauter par la fenêtre. ◆  Avec l'idée apparue au XVIe s. (ci-dessus) de « passer sans intermédiaire », sauter est employé en musique (1705, sauter d'un ton à un autre). ◆  Dans un emploi technique, sauter signifie (1772) « presser et fouler (les harengs) en caque ». ◆  L'emploi figuré, en argot, de sauter qqn « l'arrêter par surprise » correspond plutôt au sémantisme de la surprise, comme dans sauter sur qqn, lui sauter dessus et à celui de la possession (sexuelle) (sauter une femme, 1922). La sauter « se passer de manger » (1914), d'où « avoir faim », recourt à l'idée de « franchir sans s'arrêter », donc « manquer ». ◆  Par extension de l'idée d'exploser, le verbe s'emploie en parlant de fusibles, pour « fondre par un court-circuit » (1935) : les plombs ont sauté.
❏  Sauter a de nombreux dérivés.
■  SAUTERELLE n. f., (XIVe s., d'abord salterele v. 1120), désigne un insecte orthoptère sauteur à grandes pattes postérieures puis couramment (1551) le criquet, emploi erroné en zoologie. Par analogie, le mot s'applique régionalement à la crevette grise (1551, saulterelle) dite aussi (1769) sauterelle de mer. ◆  Par analogie de forme, sauterelle désigne (1506) une fausse équerre, dont les branches mobiles sont comparées aux pattes d'une sauterelle et, par ailleurs (1711), un piège à oiseaux (qui saute). C'est aussi le nom (1870) d'un mécanisme d'attache à crochet vertical que l'on peut faire sauter rapidement. ◆  Par jeu sur sauter au sens sexuel — attesté plus tard —, le mot s'emploie (1791) pour « prostituée », d'où probablement la valeur familière (1842) de « femme maigre » (sentie comme une métaphore de l'insecte) et, péjorativement, de « fille, femme » (XXe s.).
■  SAUTEREAU n. m., apparu (1165-1170, sauterel) avec le sens de « lutin sauteur », équivaut ensuite à sauterelle (XIIIe s., sotereaux ; fin XIVe s., forme moderne) ; ces emplois ont disparu comme l'acception « enfant vif et agile » (1611), employée jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. ◆  Le mot, en musique, désigne (1611) une languette mobile qui fait vibrer la corde dans un instrument à clavier et à cordes pincées puis, dans le vocabulaire des tapissiers (1733), une lame de bois à laquelle est attachée un bâton lisse (aussi sautriau n. m.).
SAUTEUR, EUSE n. et adj., d'abord attesté au féminin au sens disparu de « danseuse » (1380, sauteresse), est ensuite employé comme adjectif, appliqué à un cheval dressé pour le saut (1525), puis comme nom au même sens (1678). ◆  Le nom désigne d'abord une personne qui saute (1530 ; sauteuse, 1663), spécialement qui fait des sauts acrobatiques (1549). Il s'utilise ensuite pour parler d'un animal qui avance en sautant (1768 ; 1790, adj.). En français de Nouvelle-Calédonie, un sauteur est un mollusque (un strombe) qui se retourne sur son pied. ◆  Sauteur est sorti d'usage au figuré (1690, n. m.) pour « personnage inconsistant et brillant, qui saute d'un sujet à l'autre ». Sauteur est repris au XIXe s. pour « homme prêt à changer d'opinion selon son intérêt » (1867). ◆  C'est l'idée de « changement » et aussi l'écho des emplois sexuels de sauter qui motivent le sens de « femme de mœurs légères » (1816), vieilli. ◆  Enfin, au sens premier du mot mais dans le contexte moderne des sports, le nom, aux deux genres mais moins fréquent au féminin, sauf dans des syntagmes (sauteuse en hauteur), se dit (1903) d'un athlète spécialiste des épreuves de saut.
■  Dans le registre analogique où sauter s'emploie avec des sujets noms de chose, SAUTEUSE n. f. désigne (1875) une casserole dans laquelle on peut faire sauter des légumes, etc. ◆  Une sauteuse ou scie sauteuse (1933) est une scie à bois munie d'une lame animée d'un mouvement de va-et-vient.
SAUTELER v. intr., « palpiter, bondir » (v. 1200) en parlant du cœur, signifie ensuite « faire de petits sauts redoublés » (XIIIe s.) ; désuet en ce sens dès le XVIIe, le verbe est repris au XIXe s. (Hugo, Gautier) mais reste d'emploi littéraire, supplanté par sautiller (ci-dessous). ◆  Le verbe a aussi eu la même valeur que sauter, « changer brusquement de sujet » (1580).
SAUTOIR n. m., d'abord terme de blason (v. 1230), se dit d'une pièce honorable formée de la bande et de la barre, en forme de croix de Saint-André (X), d'où en sautoir en parlant d'un meuble de blason (v. 1360), puis en général (1690). ◆  Sautoir a désigné (1352-1353) une pièce du harnais pendant à la selle et servant d'étrier, pour monter vivement (« sauter ») à cheval. Il s'emploie (1430 et 1486 isolément ; puis XIXe s.) au sens de « barrière en X, empêchant le passage des bestiaux, mais qu'un homme peut sauter ». ◆  La locution en sautoir, d'abord « en forme de X » (ci-dessus), a signifié « en bandoulière » (1775, porter en sautoir), aujourd'hui « en collier sur la poitrine » (1798) ; de là viennent les emplois de sautoir pour « décoration » (1800), « pointe d'étoffe nouée sur la poitrine » (1829) et « chaîne de perles qui se porte sur la poitrine » (1800). ◆  Parallèlement, le mot s'utilise en sports, pour désigner un cylindre servant aux sauts en gymnastique (1830, aussi cheval sautoir) et couramment (1912) un emplacement pour le saut.
Le XVIe siècle voit apparaître trois dérivés.
■  SAUTELLE n. f., terme d'agriculture, est le nom d'une marcotte de vigne faite avec un sarment pour regarnir un vide (1551) ou le nom du sarment que l'on recourbe pour augmenter la production de grappes (1876).
■  SAUTILLER v. intr. signifie « faire de petits sauts successifs » (1564 [1572, T.L.F.]) et au figuré « passer rapidement et sans liaison (d'un sujet à l'autre) » (1694). Il s'emploie par extension en parlant de choses (1893) pour « être agité de petits mouvements rapides et saccadés ». ◆  Sautiller, qui est usuel et a remplacé dans une large mesure sauteler, a ses propres dérivés. SAUTILLANT, ANTE adj. s'emploie au propre (1668) et au figuré (1768) ; SAUTILLEMENT n. m. « action de sautiller » (1718), comme SAUTILLAGE n. m. (1735) moins employé, désigne aussi (1859) au figuré le passage rapide d'une idée à une autre. Un SAUTILLÉ n. m. est en musique (1885) un coup d'archet bref et rapide.
■  SAUTERIE n. f. a été employé (fin XVIe s., d'Aubigné) dans un contexte dramatique pour parler du saut dans une rivière (la Saône) auquel on obligea les protestants. ◆  Le mot a été reformé au XIXe s. (1824) pour désigner une petite réunion dansante, employé aujourd'hui par plaisanterie. Il a disparu au sens (1845) de « petits sauts répétés ». En argot policier, d'après sauter « arrêter », il signifie « arrestation ».
La langue classique voit apparaître SAUTANT, ANTE adj., qui a signifié « représenté debout » en héraldique (1690) et a été remplacé par sautillant (ci-dessus), appliqué au style (1776). ◆  Repris au XXe s., il est employé dans montre à chiffres sautants, opposé aux montres à cadran et aiguilles, mais on dit plus couramment à affichage numérique (ou digital, anglicisme).
■  SAUTAGE n. m., terme technique, s'emploie pour désigner l'action de faire sauter des poissons salés pour les presser (1730) ou de faire sauter des explosifs (1772).
■  SAUTE n. f., terme de marine, désigne un brusque changement dans la direction du vent (1771, saute-de-vent). ◆  Il est devenu usuel dans cet emploi et surtout au figuré pour « brusque changement (de l'humeur) » (1868, Goncourt), couramment dans saute d'humeur.
Au XIXe s. apparaît SAUTÉ, ÉE adj. qui se dit d'un aliment cuit à feu vif et en remuant (1803, ragoût sauté), puis est employé comme nom (1806, n. m.), notamment dans sauté de veau (1835) ; Cf. ci-dessus sauteuse, sous sauteur.
Saute entre aussi dans la formation de composés, dont plusieurs ont disparu, par exemple SAUTE-EN-BARQUE n. m., qui a désigné (1538) une casaque boutonnée devant, à manches courtes, puis un manteau féminin, court et à manches (1870) porté au XIXe siècle.
■  SAUTE-RUISSEAU n. m., d'abord « agent de spéculateur » (1791) puis « petit clerc de notaire qui fait les courses » (1832), s'emploie encore parfois pour « garçon de courses ».
■  SAUTE-MOUTON n. m. (1845), qui s'est employé au figuré au XVIIIe s. (1777), a remplacé saut-de-mouton (1822) et ne s'emploie que dans jouer à saute-mouton, jeu de saute-mouton « jeu où l'on saute par-dessus un autre joueur, courbé » (le « mouton »).
■  SAUTE-MINES n. m. inv. est le nom technique (mil. XXe s.) d'un appareil destiné à faire exploser les mines.
■  SAUTE-AU-PAF adj. est composé (1953) avec paf, mot d'argot désignant le sexe de l'homme, pour qualifier une femme sexuellement très active. Ce composé est plus connu que SAUTE-AU-BOCK adj. et n.bock signifie « vulve », ou SAUTE-AU-CRAC adj. et n. de même sens (attestés aussi dans les années 1950). Dans un autre registre, SAUTE-AU-RAB n. désigne une « personne avide, qui réclame des suppléments de nourriture » (1958 chez José Giovanni).
Outre assaut et prime-saut, un composé préfixé apparaît en moyen français : TRESSAUTER v. intr. (mil. XIVe s.), de tres*, signifie « être secoué d'un mouvement violent, sous l'effet de la surprise, etc. » et s'emploie par extension en parlant de choses (XXe s.). ◆  En dérivent TRESSAUTEMENT n. m., attesté en 1569 mais rare avant 1857 (Goncourt), et TRESSAUT n. m., déverbal (mil. XIVe s.), également « mouvement brusque du corps », qui a signifié « action de franchir par un saut » (1611) et a eu des emplois techniques. Le mot est archaïque.
❏ voir SAUT, SAUTIER ; EXULTER, INSULTER, RESSAUT, RÉSULTER, SALTIMBANQUE, SALTATION.
L SAUTIER n. m. est issu du latin saltuarius « garde forestier », dérivé de saltus, saltus « défilé, gorge », l'idée de passage rattachant le mot à son étymon, saltare (→ sauter), comme le pas, dans Pas-de-Calais, vient de passer. De l'idée de « passage étroit, à parcourir rapidement », on est passé à l'idée de bocage, bois, forêt, avec un dérivé pour la personne qui surveille ce lieu.
❏  Ce mot d'ancien français (1192) a eu en Suisse une longue vie, d'abord au sens d'« huissier », puis avec la création d'une fonction officielle à Genève, en 1483, a désigné le secrétaire administratif du Grand Conseil de Genève. Lorsque c'est une femme, malgré le Dictionnaire féminin-masculin, on a dit (1996) Madame le Sautier.
L SAUVAGE adj., d'abord salvage (déb. XIIe s.) puis sauvage (v. 1175), représente l'aboutissement du bas latin salvaticus, altération par assimilation vocalique du latin classique silvaticus « fait pour la forêt » et, en parlant des végétaux, « qui est à l'état de nature ». Cet adjectif dérive de silva « forêt, bois », « parc, bosquet », au pluriel « arbres, plantes », qui a donné plusieurs mots romans au sens de « forêt ». Synonyme du grec hulê (→ hylo-), silva en a repris en partie les sens, notamment ceux de « matériaux de construction », de « matière (d'un ouvrage, d'un poème, etc.) », d'où l'emploi du mot comme titre d'ouvrage au sens de « matériaux » ; l'acception de « matière philosophique » qu'avait hulê est rendue en latin par materia (→ matière). Silva a abouti en français à selve (1080), éliminé par forêt et ne demeurant que dans des noms de lieux (→ selve, sylvestre, sylvicole).
❏  L'adjectif, qui s'écrit aussi en ancien français et jusqu'au XVIe s. salvage, salvaige, saulvage, s'applique d'abord à des animaux carnassiers qui vivent en liberté dans la nature (v. 1300, en parlant d'oiseaux). Parallèlement à cette idée d'état de nature, se développent à partir du XIIe s. des valeurs morales attachées à l'emploi du mot à propos des humains. Sauvage se dit (XIIe s.) d'ermites ou de brigands qui vivent solitaires, généralement dans les bois. Cependant, dès le XIIe s., l'idée initiale de forêt tend à s'oublier, comme en italien pour forestiere qui en est venu à signifier « étranger ». Salvage, l'ancienne forme, est en effet attesté dans ce sens (1125), par une opposition sous-jacente entre la civilisation et la nature non défrichée (silva) représentant l'opposition entre la société où l'on vit et le monde extérieur. La gent salvage s'applique en particulier (v. 1131) aux Sarrasins, opposés aux chrétiens dans le contexte des Croisades. Le mot comporte aussi, en ancien français, l'idée d'étrangeté (Cf. la parenté étrange-étranger) et sauvage s'applique à la fois aux humains considérés comme anormaux, extraordinaires (v. 1165) et, dans la culture elle-même, à ceux que l'on juge rudes, grossiers, qui sont comme proches d'un état de nature (1165-1170). ◆  Le sémantisme initial se manifeste quand l'adjectif qualifie des lieux incultes, où la présence humaine ne se manifeste pas (v. 1150, Eneas) : le « désert » est par nature « sauvage » ; au XVe s., un lieu sauvage peut aussi être un lieu inaccessible. ◆  À propos des humains, le mot a deux valeurs distinctes. La première, individuelle, apparaît en moyen français ; elle qualifie des individus que l'on côtoie dans le groupe social, et sert à exclure ceux qui ne participent pas à l'affinement des mœurs propre à la courtoisie : on appelle ainsi compagnon sauvage (v. 1300) celui qui ignore les manières de l'amour courtois. Au XIIIe s. est apparu un sens qui restera vivant à l'époque classique : « de mauvaise humeur, grincheux » (Cf. la métaphore de l'ours). Dès le XVIe s., le substantif s'emploie pour qualifier un mode de vie solitaire, asocial : vivre au salvage (1555), puis en salvage.
■  Une deuxième valeur est collective et, pour employer un anachronisme, anthropologique. Dès la fin du XIIe s. (v. 1196), sauvage qualifie des êtres humains, des peuples considérés comme étrangers à toute civilisation. Le mot équivaut à peu près à barbare, à primitif (en français moderne), mais avec une connotation de violence naturelle, et qualifie aussi les coutumes, les caractéristiques des sociétés en question (1580). Cette acception se précise et se développe à la Renaissance, avec les contacts de l'Europe et des Indiens d'Amérique, avant les Africains. C'est aussi au XVIe s. que l'on commence à employer sauvage dans ce sens comme nom, le féminin étant d'abord sauvagesse (1632, ci-dessous), puis une sauvage (1762). Aux XVIIe et XVIIIe s., le nom et les expressions qu'il sert à former, comme le bon sauvage (1592), syntagme attesté dès le XVIe s., concept développé et diffusé au XVIIIe s. par Rousseau, témoignent du débat entre valeurs naturelles et valeurs sociales. ◆  À la même époque, à partir des voyages d'exploration, au XVIe s. (attesté 1536), et dans toute l'histoire de la Nouvelle France, les Sauvages, en français, désigne normalement les Amérindiens, et cet usage se maintiendra au Canada jusqu'au XIXe siècle ; il est aujourd'hui senti comme indûment péjoratif. À partir du milieu du XIXe s., le mot Indien, ienne fait concurrence à Sauvage, qui continue de s'employer. Après les années 1960, Sauvage pour « Amérindien » est décidément incorrect et devient « une appellation historique [qui] ne survit dans son emploi neutre que chez les gens âgés » (Dictionnaire historique du français québécois), sauf peut-être dans des locutions où le mot est démotivé. Son usage ancien n'était pas, en général, péjoratif. L'expression été des Sauvages (1858) d'après l'anglais Indian summer a été peu à peu remplacé par été des Indiens (été indien en français de France). Attendre la visite des Sauvages, attendre les Sauvages s'est dit au Québec (XIXe s.) pour « attendre un enfant » et petit sauvage pour « nouveau-né ».
■  En français central, le caractère de plus en plus dépréciatif du nom, s'agissant d'êtres humains, se marque par les applications courantes qui, aux XVIe et XVIIe s., vont de « qui aime à vivre seul, qui fuit les relations mondaines » à « qui se plaît à choquer », valeur aussi appliquée à l'expression (v. 1640), aux attitudes et aux actions (1660). Ces acceptions disparaissent au cours du XVIIIe siècle ; au XIXe s., un sauvage est un être humain grandi sans contact avec la civilisation (1831) ou encore un individu cruel (1847), puis grossier, un béotien (1887).
■  L'évolution est bien différente s'agissant des animaux et des plantes. Sauvage s'oppose alors, depuis le début du XIIIe s. (v. 1210), à domestique et qualifie en termes de chasse (fin XIIe s.) les bêtes qui ont le goût de gibier (Cf. sauvagine). Ce sens est resté vivant, sans grande évolution et en général sans connotation péjorative. À propos de plantes et de productions animales, l'adjectif se rencontre isolément au XIIIe (sarvage) puis normalement au XVIe s. (depuis 1530) pour « qui pousse ou est produit sans intervention humaine » : plante, chicorée (1542), miel (1550) sauvage ; on dit aussi (v. 1550) un jardin sauvage « inculte, à l'abandon ». S'agissant de plantes et de produits, l'emploi de l'adjectif a reçu au XXe s. une connotation méliorative, en relation avec l'appréciation des produits naturels ; de nombreux syntagmes en témoignent : soie sauvage, miel sauvage, saumon sauvage « non élevé ». ◆  Complémentairement, les emplois péjoratifs pour « amer, âcre », à propos du goût d'un fruit (1694), d'une huile (1718), ont disparu. Le passage alternatif du mot par des valeurs positives et négatives est d'ailleurs attesté dès le XVIe siècle. Montaigne, en effet, écrivait (Essais, I, chap. 31, Pléiade p. 213), parlant des « cannibales » : « Ils sont sauvages, de mesme que nous appellons sauvages les fruicts que nature [...] a produicts : là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons alterez par nostre artifice [...] que nous devrions appeller plutost sauvages. » ; ce passage manifeste la péjoration du mot. ◆  Avec d'autres connotations, on parle de bétail sauvage en français de Nouvelle-Calédonie, à propos des bovins laissés en liberté.
■  Au XXe s., sauvage a vieilli en ce qui concerne le domaine humain, anthropologique, remplacé par primitif (au XIXe s. surtout), lui-même devenu archaïque. ◆  Outre les valeurs nouvelles que l'on vient d'évoquer (« naturel, sans artifice »), sauvage évoque l'intensité des sensations. Il a en outre pris le sens (v. 1965) de « qui surgit spontanément, sans organisation », dans grève sauvage ou affichage sauvage, « illégal », le sémantisme central, qui oppose la notion de sauvagerie à celle de civilisation, d'organisation, étant respecté.
❏  Sauvage a de nombreux dérivés.
■  SAUVAGEMENT adv. a signifié (v. 1180) « d'une manière extraordinaire ». Il s'emploie couramment au sens de « avec brutalité, férocité » (v. 1300), mais est sorti d'usage pour « à la manière de ce qui n'est pas habité par l'homme » (v. 1360), « d'une manière solitaire » (1554), « avec un aspect inculte » (1574).
■  SAUVAGINE n. f. (v. 1175), d'abord salvagine (v. 1119), a désigné l'ensemble des bêtes sauvages, puis une bête sauvage (v. 1138), une réserve de gibier (v. 1155, salvecine). Le mot s'est spécialisé à propos de l'ensemble des oiseaux d'eau qui sont chassés (v. 1240, sauvegine). Il a signifié aussi « odeur d'une bête sauvage » (1240). Par métonymie (1273, sauvegine), il désigne l'ensemble des peaux des animaux qui vivent à l'état sauvage en France, vendues sur le marché de la fourrure. ◆  Sauvagine a eu plusieurs sens directement rattachés à sauvage, désignant un caractère analogue à celui d'un animal sauvage (v. 1265), l'état sauvage des hommes (1284). ◆  Les dérivés SAUVAGINEUR n. m. (1914) et SAUVAGINIER n. m. (mil. XXe s.) sont des termes techniques de chasse.
■  SAUVAGIN, INE adj. et n. m., d'abord « sauvage » en parlant d'animaux carnassiers (1416, sauvaizin ; v. 1420, sauvagin), s'est appliqué au XVIe s. à ce qui est propre aux bêtes sauvages (apr. 1550). Le nom a désigné une chose rude, âpre (1583). Il demeure comme terme de vénerie, au sens de « goût propre à certains oiseaux d'eau » (1671, le sauvagin).
■  SAUVAGEON, ONNE n. et adj. désigne d'abord un arbre venu spontanément, sans culture (1396, sous la forme altérée sauvargon ; 1559, sauvageon) ; en ce sens on a aussi employé sauvechon « pomme sauvage » (XIIIe s.) et sauvageau (1525). Le mot se spécialise ensuite en arboriculture (1595) pour « arbre non greffé, qui peut servir de sujet pour la greffe ». Il s'applique (1793) à ce qui appartient à un sauvageon, mais cet emploi adjectif est rare. Par métaphore il se dit de jeunes gens peu policés (1801), puis d'une personne fruste (attesté en 1883, Zola). Le mot a été repris par un ministre de l'Intérieur (1998) pour qualifier de jeunes délinquants.
D'autres dérivés apparaissent en français classique.
■  SAUVAGESSE n. f. a désigné (1612) une femme d'une civilisation considérée comme peu évoluée, en concurrence avec femme sauvage (Amérindienne, français du Canada, XVIIIe-XIXe s.). L'emploi figuré pour parler d'une femme peu cultivée, sans éducation (1824, Balzac) est demeuré exceptionnel (aujourd'hui archaïsme littéraire).
■  SAUVAGERIE n. f. désigne (1739, d'Argenson) le caractère, les habitudes d'une personne qui vit à l'écart de la société. Le mot s'est employé pour « lieu retiré » (1825). ◆  Il est sorti d'usage aux sens de « période de l'histoire où l'homme n'était pas civilisé » (v. 1825) et de « mœurs, condition des sauvages » (1807, Destutt), opposé à civilisation. ◆  Sauvagerie, proscrit en anthropologie, équivaut aujourd'hui en général à « barbarie, brutalité » (v. 1855) pour qualifier un comportement cruel.
Le préfixé ENSAUVAGER v. tr., « rendre sauvage » en parlant de l'homme, des choses humaines, est rare et littéraire (v. 1792 ; 1866, Goncourt, au pronominal). Ce verbe reprend l'ancien français ensauvagir v. intr., « agir en sauvage » (fin XIe s., ensalvagir) et « devenir sauvage » (1270), et transitif pour « rendre sauvage » (1240) jusqu'au XVIe s.
SAUVEGARDER → SAUF, SAUVE
L SAUVER v. tr. (v. 1180), par les formes salvar (842), salver (1050), est issu du bas latin salvare « rendre bien portant, guérir », « maintenir, conserver », « délivrer » et dans la langue ecclésiastique « procurer le salut éternel » ; salvare est dérivé de salvus « bien portant, en bon état » (→ sauf).
❏  Le verbe a d'abord eu le sens général de « défendre (qqn), le secourir », qui ne s'est pas maintenu. Il est attesté vers 980 (salvar) avec son sens religieux, puis avec l'acception demeurée courante de « faire échapper (qqn, un groupe) à un danger » (v. 1050, salver) ; de là viennent l'emploi pour « tirer (qqn) d'un danger mortel » et la construction sauver la vie à qqn (1165-1170, salver la vie). Le verbe signifie par extension « empêcher que soit détruit (qqch.) », par exemple dans sauver l'honneur (v. 1208), et « conserver intact (qqch.) » (v. 1210). ◆  Sauver s'est employé (v. 1370) jusqu'au XIXe s. au sens de « faire excuser ou faire passer (qqch. de médiocre) par une présentation adroite ». ◆  En moyen français et avec la valeur la plus courante, sauver s'emploie dans il se sauve qui puet (fin XIVe s.), puis sauve qui peut ! (1419) « que celui qui le peut se sauve », substantivé en SAUVE-QUI-PEUT n. m. (1614, puis 1819) « fuite générale et désordonnée ». ◆  Sauver s'est employé en droit au sens de « réfuter (les raisons de qqn) » (v. 1450), spécialement en parlant des attaques des témoins (1549). Dans l'usage général, il a signifié « excuser » (1440-1475), acception notée « rare » en 1694 et qui a disparu. ◆  Sauver qqn de (et infinitif) « préserver », autre emploi du moyen français, s'est conservé dans des usages régionaux. ◆  Se sauver, d'abord au sens religieux (v. 1200), est attesté au XVIe s. (1538) pour « échapper à un danger », « se tirer d'affaire », sens sortis d'usage, et pour « s'enfuir pour échapper à un danger » (v. 1280), qui est resté courant. Se sauver (1673) est familier avec la valeur de « s'en aller, prendre congé ». Il se dit aussi (1795) d'un liquide qui bout et s'échappe. ◆  Sauver qqch. à qqn (1636) s'est employé jusqu'au XIXe s. au sens de « faire que qqn ne subisse pas (un mal) ». ◆  Plusieurs expressions prennent le verbe au sens de « préserver » (Cf. ci-dessus sauver l'honneur) : sauver les apparences « ne rien laisser paraître qui puisse scandaliser » (1621) reste vivante ; sauver les dehors (1652) a disparu et sauver la face est récente (1914, Jaurès). Sauver les meubles correspond à « préserver ce qui peut l'être » (1918). Le verbe est chez Furetière (1690) dans plusieurs expressions alors nouvelles, comme sauver la partie, terme de jeu, sauver une dissonance, en musique. Sauver un coup « l'éviter » (1798) est sorti d'usage. Sauver qqch. « en empêcher la vente, la dispersion, etc. » est attesté à la fin du XIXe siècle.
❏  Le dérivé ancien SAUVOIR n. m., « bassin aménagé pour conserver les poissons » (1253), a été supplanté par vivier* et a disparu.
SAUVETAGE n. m., formé (1773) d'après l'ancien français sauveté (→ sauf), a remplacé les dérivés directs du verbe salvaige (XVe s.), et sauvage (1591). Le mot désigne l'action de sauver un navire en détresse, ses passagers, etc. et plus généralement de sauver qqn d'une situation périlleuse (1801), de la noyade (1811). De là échelle de sauvetage (des pompiers) [1801], bouée de sauvetage (1811), bateau de sauvetage (1863), précédé par bateau sauveteur, etc., et en droit maritime droit de sauvetage « perçu sur les choses sauvées d'un naufrage » (1812), disparu. Le mot s'emploie aussi au figuré (v. 1920).
■  Du radical dérivent SAUVETEUR n. m. (1816, selon Dauzat ; puis 1836, canot sauveteur, « bateau de sauvetage »), « personne qui sauve qqn » (1860), et SAUVETER v. tr. (1870), terme de marine peu employé.
À LA SAUVETTE loc. adv. s'est d'abord employé en argot dans la locution jouer à la sauvette « jouer à se courir après » (1867, aussi ...à la sauvinette) et pour désigner (1898) la fuite du marchand sans patente, à l'arrivée de la police. Le mot reste usuel dans vendre à la sauvette (v. 1920), marchand à la sauvette et au figuré dans à la sauvette (v. 1920) « à la hâte et comme en se cachant ».
SAUVEUR n. m. et adj. m. est l'aboutissement (v. 1380), par la forme sauveor (v. 1175), de salveur (1140), salveor (1170), forme évoluée de salvedor (salvedur, v. 1120), cas régime de salvaire (1050). Ces formes sont issues du bas latin salvator « celui qui sauve ». Ce mot, employé en latin chrétien pour désigner Jésus-Christ, dérive de salvatum, supin du bas latin salvare.
■  Sauveur s'emploie d'abord en parlant de Jésus-Christ, celui qui a sauvé les hommes, d'où la saint salvor « la fête-Dieu » (1237), disparu, et au XVIe s. le sauveur du monde « Jésus-Christ » (1550). ◆  Le nom désigne aussi une personne qui sauve qqn (v. 1120, salvedur) ; en ce sens le féminin sauveresse (1165-1170) s'est employé jusqu'au XVIIe siècle. ◆  L'usage de sauveur comme adjectif remonte au XVIe s. (1555). Par extension, il s'est dit de ce qui rend la santé (1845) : un médicament, un traitement sauveur.
Le latin salvator a été emprunté sous la forme SALVATEUR, TRICE adj. « qui sauve », inusité au masculin (1485, n. m.), repris à la fin du XIXe s. au féminin salvatrice, notamment à propos de la Vierge Marie, et littéraire (1886, L. Bloy), le féminin de sauveur étant inexistant.
■  SALVATION n. f. est emprunté (v. 1120, salvaciun) au bas latin ecclésiastique salvatio « action de sauver, salut », dérivé du supin de salvare. ◆  Le terme religieux désigne l'action de sauver l'âme ; il a disparu dans son emploi général pour « action de sauver, de préserver » (1172-1174, salvatiun ; XIIIe s., salvation). ◆  SALVATIONS n. f. pl. a désigné en droit (1340) jusqu'à la fin du XVIIIe s. les documents par lesquels on réfutait des objections (1549, salvation de témoins). Le mot est archaïque dans tous ses usages.
❏ voir SAUF, adj. ; 1 et 2 SALVE.
SAUVETÉ → SAUF, SAUVE
SAVANE n. f. est emprunté (1529) à l'espagnol çavana, zabana (XVIe-XVIIe s.), sabana (1701), lui-même pris au taïno (langue indienne disparue d'Haïti) zavana, zabana. On relève aussi en français la forme savana (1598) et la graphie savanne (1645, encore en 1851).
❏  Le mot désigne une vaste prairie des zones tropicales, pauvre en arbres. Au Canada, savane se dit depuis le XVIIe s. (1683) d'un terrain marécageux ; en français de Louisiane, par extension, « jachère, terrain vague ».
❏  SAVANISATION n. f. (XXe s.), terme de géographie, se dit de la transformation en savane d'une forêt.
SAVANT, ANTE adj. et n. est l'ancien participe présent de savoir*, adjectivé (v. 1120). Le mot l'a emporté sur l'adjectif sachant « qui a beaucoup d'expérience, de la sagesse » (v. 1155), « habile, expérimenté » (v. 1210) et « savant » (v. 1450, saichant). Par ailleurs, l'ancien français a employé le nom savance « connaissance, fait de savoir » (XIIe s.), encore attesté en 1636. Le composé nonsavant « ignorant » (1210), d'abord nunsavant (XIIe s.), est utilisé jusqu'au XVIIe siècle ; on relève aussi insçavant au XVe siècle.
❏  L'adjectif savant a d'abord signifié « qui a des connaissances étendues » et, de façon plus précise (v. 1155), « qui sait beaucoup, en matière d'érudition ou de science ». Cet emploi l'a emporté et est réalisé par exemple dans femme savante (1672, Molière), société savante. Par extension, savant se dit (1538) d'une personne informée, au courant de qqch., d'où la locution figurée classique (1694) je n'en suis pas plus savant « je n'en sais pas plus (avec cela) ». Savant en qqch. (déb. XVIIe s.) « qui est très habile, s'y connaît dans un art, une spécialité » a succédé à savant à qqch. (1549) qui a disparu. ◆  L'adjectif qualifie ensuite (1622) une chose faite avec art, avec habileté.
■  SAVANT n. m. (1588, Montaigne : un sçavant) est sorti d'usage avec la première valeur de l'adjectif, « personne qui a de vastes connaissances ». Dès le XVIIe s., par une spécialisation qui s'est répandue au XIXe s., le nom désigne une personne qui, par ses connaissances et ses recherches, contribue au progrès d'une science ; en français contemporain, il s'applique normalement à des scientifiques du passé ; il est encore employé dans le discours journalistique ou de la fiction pour parler de contemporains, mais il a vieilli par rapport à scientifique, chercheur ; il emporte en général l'idée d'une grande notoriété.
■  L'adjectif signifie aussi (1677) « où il y a de l'érudition », employé par extension dans édition* savante. Mots savants s'applique aux mots empruntés tardivement au latin ou au grec (ou formés d'éléments latins, grecs) et n'ayant pas suivi l'évolution phonétique des formes populaires ; on dit aussi, avec une valeur voisine, formation savante. ◆  Langue savante désigne (1835) une langue qui n'est plus parlée (langue morte) et que l'on apprend par les livres (latin, grec, etc.). ◆  Par extension, savant s'applique (1767) à une chose qui, par sa difficulté, est inaccessible au profane. ◆  Savant « habile » est employé depuis le XIXe s. dans animal savant « dressé » (1845, chien savant), par exemple dans puces savantes.
❏  Le dérivé SAVAMMENT adv., d'abord « d'une manière érudite » (1553) avec la variante disparue savantement (1611), signifie ensuite « avec habileté » (1627, sçavamment) et « en connaissance de cause » (1690). Un emploi didactique en linguistique correspond à mot savant, formation savante.
■  SAVANTASSE n. m. (1646), formé avec le suffixe péjoratif -asse, est sorti d'usage. Le mot, péjoratif pour « pédant qui joue les savants », a été aussi écrit savantas (v. 1650), adaptation du gascon sabantas, employé par d'Aubigné (déb. XVIIe s.), de l'ancien provençal saben, sabent.
■  SAVANTISSIME adj. (1664) est ironique pour « très savant ».
SAVARIN n. m., abréviation (1861) de brillat-savarin (1856), est tiré du nom de Brillat-Savarin, célèbre gastronome et écrivain français (1755-1826).
❏  Le mot désigne un gâteau en forme de couronne que l'on sert garni de crème et imbibé d'un sirop à la liqueur.
SAVART n. m., tiré du nom du physicien Savart (1904), désigne l'unité pratique d'intervalle musical (1/25e du demi-ton tempéré).
? SAVATE n. f., noté chavate en picard à la fin du XIIe s., puis çavate (v. 1220) et savate au XIVe s., est d'origine obscure. Ses correspondants sont attestés en ancien provençal (sabata), en italien (ciabatta), en espagnol (zapato « soulier » ; 978, zapatones dans un texte latin), en portugais (çapato). On a proposé de faire de toutes ces formes des adaptations de l'arabe sabbāṭ ou ṣabbāṭ « pantoufle », qui n'est attesté que dans les textes postclassiques mais est vivant dans tous les pays de langue arabe ; le mot arabe serait lui-même d'origine orientale. P. Guiraud, partant des sens de l'ancien provençal sabatas, sabata « gros soulier » et « crapaud », propose plutôt de voir dans savate l'emploi métaphorique d'un dérivé de °sapare « produire de la sève » d'où « baver » (comme un crapaud) ; savate aurait donc selon lui la même origine que sabot*.
■  Les différences phonétiques entre les variantes romanes, qui viennent selon Bloch et Wartburg des migrations du mot, sont liées pour P. Guiraud au fait que l'étymon avait deux formes °sapare et °sappare. La variante s / z à l'initiale se retrouve dans le nom du crapaud (pour le s espagnol sapo, portugais sapo) ; l'italien cia- et le picard cha- pourraient être d'origine onomatopéique (Cf. le wallon chapoter « barboter », c'est-à-dire « faire chap, chap »).
❏  Savate désigne d'abord une vieille chaussure, une vieille pantoufle. Il s'emploie au figuré dans la locution familière traîner la savate « vivre misérablement » (1748 ; 1661, traîner ses savates). ◆  Par figure, le mot est employé familièrement (1564) en dérision à l'adresse d'une personne maladroite, par une métaphore courante (Cf. pied, pantoufle, sabot et ne pas valoir deux savates, 1508). ◆  Il désigne ensuite (1828, savatte, Vidocq) une forme de combat où l'on porte des coups de pied à l'adversaire. ◆  Par référence à la forme d'une savate, il désigne (1842) un type de chaussure dont le quartier est rabattu. Un sens voisin « sandale ouverte, tong » est usuel en français du Pacifique, et aussi de l'océan Indien (courant à l'île Maurice pour « sandale » et « pantoufle » ; savate éponge désigne une sandale en caoutchouc).
■  Enfin, par analogie d'usage, c'est un terme technique employé (1617) pour parler de la pièce de bois sur laquelle repose un navire au moment de son lancement, puis d'une semelle de bois placée sous un objet lourd (1871, Littré).
❏  Le dérivé SAVETIER n. m. (1213, çavetier), « raccommodeur de souliers », est sorti d'usage remplacé par cordonnier, sauf pour parler du passé.
■  SAVATER v. tr. « donner des coups de pied à (qqn) », « pratiquer la savate », d'abord écrit sabater (1898), est demeuré rare, sauf en argot.
L SAVEUR n. f. (1256), d'abord savor (v. 1150), savour (v. 1190), est issu du latin sapor « goût, saveur caractéristique d'une chose », « odeur, parfum », « action de goûter » et, au pluriel, « choses de bon goût » et « les sens » ; sapor s'est employé aussi au figuré, par exemple en parlant d'un homme sans personnalité (homo sine sapore) ; c'est un dérivé de sapere « avoir du goût » (→ savoir).
❏  Le mot signifie d'abord (XIIe s.) « qualité perçue par le sens du goût » et figurément (v. 1150) « agrément, attrait ». ◆  Il a désigné ensuite une sauce, un assaisonnement, c'est-à-dire ce qui donne du goût (XIIIe s.) et, par métonymie au pluriel, des légumes pour le potage (1239), acception encore attestée en 1667. ◆  Il reprend aussi le sens latin de « parfum, odeur » (v. 1240), disparu, sauf en français du Québec, où l'on parle de la saveur d'une crème glacée. ◆  Lié à sapere « savoir », saveur s'est employé en moyen français (1440-1475) au sens de « connaissance qu'on a de qqch. ». ◆  Dans l'usage figuré, le nom désigne (v. 1820) ce qui flatte le goût, dans les arts, etc.
❏  SAVOURER v. tr. est dérivé de saveur, peut-être sur le modèle du bas latin saporare « rendre savoureux », au propre et au figuré. ◆  D'abord intransitif (v. 1225, savorer ; le participe passé est attesté v. 1125, écrit savuret), le verbe signifie en ancien français « être agréable », sens disparu et « avoir de la saveur ». ◆  Il s'emploie dès le XIIIe s. au sens figuré de « profiter lentement, de manière à prolonger le plaisir » et au sens propre, « apprécier (un mets, etc.) par le sens du goût » (v. 1260). Par antiphrase et littérairement (v. 1380), savourer s'emploie avec un complément désignant une chose déplaisante (savourer son chagrin).
SAVOUREUX, EUSE adj. est l'aboutissement au XVIe s. (v. 1508, sapvoureux), par l'intermédiaire de formes comme saveros (v. 1190), savoreux (v. 1380), du bas latin saporosus (VIe s.), dérivé de sapor. ◆  L'adjectif qualifie ce qui a une saveur agréable (v. 1220) et s'applique par figure (v. 1190) à ce qui est délicat, agréable, en parlant d'une personne, d'un baiser, etc. ◆  Par extension, il se dit (1694) d'un plaisir dont on jouit.
■  Le dérivé SAVOUREUSEMENT adv. est sorti d'usage pour « en savourant » (v. 1210 saverousement ; 1337, forme moderne) ; il signifie « avec saveur ».
❏ voir INSIPIDE, MAUSSADE, SADE, SAPIDE.
L 1 SAVOIR v. tr., resuffixation (v. 1165) de la forme saveir (v. 980), est issu du latin populaire °sapēre (premier e long), altération du latin classique sapĕre (premier e bref), verbe intransitif aux sens d'« avoir du goût », « exhaler une odeur » et par ailleurs « sentir par le sens du goût », d'où par figure « avoir de l'intelligence, du jugement », « être sage » ; transitivement le verbe signifie « se connaître en qqch. », « connaître », « comprendre ». Sapere a un correspondant en germanique, avec le vieux saxon af-sebbian « apercevoir, remarquer ».
■  Le latin classique scire « savoir » n'est pas représenté en français, sauf par le participe présent sciens, dans le dérivé scientia (→ science) et des composés (→ conscience, omniscient) ; mais à partir du XVe s., savoir a été erronément rattaché à scire, d'où les graphies scavoir, sçavoir à côté de savoir, encore au XVIIe siècle.
❏  Savoir a d'abord un sens général : « avoir la connaissance de (qqch.) » ; il s'emploie aussi, suivi d'un infinitif, pour « avoir la possibilité de (faire qqch.), après un apprentissage » (savoir marcher) et, suivi d'un nom, pour « connaître (qqch.) pour en avoir été informé » (savoir une nouvelle). Ensuite, le verbe signifie (v. 1050) « être en mesure de pratiquer (un art, etc.), grâce à des connaissances », puis « être capable de (faire qqch.) parce qu'on le veut, qu'on en a le pouvoir, etc. » (1080), alors construit avec un infinitif (savoir attendre). Deus le set (v. 1050), Dieu sait si (fin XIVe s.), Dieu le sait (1530), Dieu sait (XVIIe s.) introduisent un fait qu'on présente comme connu de Dieu, garant du vrai. La formule Que sais-je ? apparaît à la Renaissance, illustrée par Montaigne (1580). ◆  La construction savoir qqn, qqch. suivie d'un adjectif (on le sait bon, mauvais...) [XIe s.] marque que la qualité indiquée par l'adjectif est dans la chose, dans l'être. ◆  Avec un sens affaibli, le verbe s'emploie dans ço est a savoir « c'est-à-dire » (v. 1090), devenu à savoir (v. 1150), locution conjonctive de coordination, et par ellipse savoir (1658 ; fin XVe s., sçavoir) ; de là vient assavoir conj. (XVe s., hapax ; puis 1534) sortie d'usage. ◆  Au XIIe s., le sens latin d'« avoir du goût », en relation avec saveur, est repris (v. 1165, en emploi transitif), spécialement dans des locutions : mal saveir « déplaire » (v. 1150), savoir buen « avoir du goût (en parlant du pain) » (v. 1175) ; il ne se maintient pas au-delà du XIVe siècle. ◆  Dès l'ancien français (fin XIIe s.), savoir prend le sens d'« avoir conscience de (qqch.), percevoir ». ◆  Faire savoir (qqch. à qqn) « informer, communiquer » (v. 1165) a pour variante faire assavoir (1170-1175), d'où faire à savoir (1538) employé autrefois en chancellerie, de même que la formule faisons savoir que (1549). ◆  La construction savoir de qqch. « avoir des connaissances en qqch. » (XIIe s.) a disparu. Savoir qqn, qqch. « avoir connaissance de qqn, de qqch. » (déb. XIIIe s.) est devenu archaïque ou régional, savoir étant alors le plus souvent supplanté par connaître. Il en va de même pour se savoir (1580). ◆  En revanche, se savoir « être su » (1580, Montaigne) est toujours en usage. Au sens d'« être capable d'utiliser ou de trouver (qqch.) », le verbe est aujourd'hui d'emploi littéraire. ◆  Ne sai qui pour « une personne quelconque » (v. 1300) survit sous la forme je ne sais qui (1538), aussi un je ne sais qui (1666) « un individu quelconque », vieilli. Je ne sais quoi (1534), adjectif vieilli pour « indéfinissable » en parlant d'un sentiment, de qqch., qui succède à ne sais quoi (1440-1475), survit en tant qu'allusion littéraire à son emploi comme nom masculin (1546), surtout à l'époque classique,. ◆  Savoir vivre (1466) « être capable de se conduire dans le monde selon les règles en usage » a fourni savoir-vivre n. m.
■  Savoir v. intr. « avoir des connaissances, de l'expérience » est attesté au début du XVIe siècle ; savoir en qqch. « avoir des connaissances en qqch. » (1549) a disparu. ◆  Savoir qqch. « avoir qqch. présent à l'esprit dans tous ses détails » a été remplacé dans cette nuance par son expansion idiomatique savoir par cœur, employée transitivement au XVIIe s. (1662 ; 1669, savoir qqn par cœur). ◆  Au XVIIe s., on relève plusieurs locutions, savoir son monde (1612) et savoir bien le monde (1671) « connaître bien ceux à qui on a affaire », je sais ce que je sais (1666) « je suis au courant, mais je n'en parlerai pas », en savoir plus d'un (1668 ; plus d'une, 1798) « se conduire habilement », sortie d'usage, faut savoir ! (1690), formule exprimant l'admiration ; c'est à savoir, elliptiquement à savoir, savoir (1694) est alors employé pour marquer le doute. ◆  La négation exprime soit l'ignorance, par exemple dans ne savoir ni a ni b (1672), archaïque, ne savoir rien de rien (1690), soit l'indécision, la déraison : ne pas savoir où se mettre, ne pas savoir ce qu'on fait (fin XVIIIe s.) ; est-ce que je sais ? (1781) exprime aussi l'ignorance comme n'en savoir rien (familier : j'en sais rien). ◆  C'est le même usage qu'on entend à l'oral spontané au Québec, avec je l'sais-tu ? « j'en ai aucune idée » (je l'sais-t'y). ◆  En français du nord de la France et en Belgique, savoir s'emploie pour « pouvoir, avoir la possibilité de ». Cet emploi, dénoncé par les puristes comme belgicisme, peut se confondre avec celui du verbe avec un sujet désignant des choses pour « être en mesure de, pouvoir ».
❏  SAVOIR- entre comme premier élément dans des composés dont le second est un infinitif.
■  SAVOIR-VIVRE n. m. est formé au XVIe s. avec vivre, pour « art de bien diriger sa vie », puis (2e moitié du XVIIe s.) « bonnes manières ». ◆  SAVOIR-FAIRE n. m. (1671) « habileté à réussir ce que l'on entreprend », est devenu un terme de droit commercial, par traduction de l'anglais know how.
■  À partir de 1970, des composés sur ces modèles apparaissent, surtout dans le vocabulaire des médias, comme SAVOIR-DIRE n. m. (1970), SAVOIR-ÊTRE n. m. (1970), SAVOIR-MANGER n. m. (1973), etc. ◆  SAVOIR-MOURIR n. m. est une formation analogique sur savoir-vivre (1866).
Les seuls dérivés du verbe sont trois de ses formes, l'infinitif et les participes (→ savant). 2 SAVOIR n. m. s'est employé pour désigner la connaissance, le fait de savoir (842, savir), puis aux sens de « sagesse, intelligence », « habileté » (savier, fin Xe s. ; saveir, 1080, et savoir, XIIe s.), d'où grant saveir « grande sagesse » (1080) et la locution disparue dire savoir « dire une chose sensée » (v. 1175). ◆  Le mot (v. 1155, saveir ; 1193-1197, savoir) désigne encore en français moderne un ensemble de connaissances acquises par l'étude, l'expérience, d'où grand savoir « connaissances très étendues » (1673) ; il a signifié spécialement « art magique » (v. 1210). Par métonymie, il se dit (XVIIe s.) pour « les savants, la science ». ◆  Le mot s'emploie spécialement en histoire littéraire dans gai savoir « poétique des troubadours » (1842), adaptation de l'ancien provençal gai saber (XIVe s.). L'expression fait aussi allusion à Nietzsche (→ science).
■  SU, SUE adj. et n. m. s'est d'abord employé dans des locutions : tut a soüt « d'une manière certaine » (v. 1120), senz le seü de « à l'insu de » (v. 1155), encore au XVIIe s. (sans le su de), emplois disparus. ◆  L'adjectif s'applique (v. 1175, seü ; XVIe s., su) à ce qui est connu, notoire. Au su de (qqn) « à la connaissance de » (1440-1475, au sçu de ; 1671, au su de) est moins courant que au vu et au su de (qqn) [1549, sceu], qui continue a la sue et a la veüe de (v. 1283).
■  Le préfixé INSU, UE adj. et n. m. (v. 1500, « inconnu ») est repris au milieu du XXe s. comme terme didactique (→ insu [à l'insu de]).
❏ voir INSIPIDE, MAUSSADE, SABIR, SADE, SAGE, SAPIDE, SAPIENCE, SAVANT, SAVEUR, SAVOUREUX.
L SAVON n. m. est issu (fin XIIe s.) du latin saponem, accusatif de sapo « savon » ; le nom latin est emprunté à un germanique °saipôn qui désignait probablement à l'origine une substance employée pour teindre les cheveux. Sapo est représenté dans les langues romanes par l'italien sapone, le portugais sabão, le roumain săpun, etc. Le savon était bien connu des Gaulois.
❏  Le mot a dès ses premières attestations son emploi moderne, « produit utilisé pour le dégraissage et le lavage » ; un qualificatif indique la composition, l'usage, etc. du savon dans savon mol (XIIIe s.), disparu, équivalant aujourd'hui à savon noir (1530) ; savon blanc (1530), vert (1667), marbré (1680) ne s'emploient plus, mais savon de Marseille (1723), savon de toilette (1835) restent usuels. Au XXe s., on parle aussi de savon liquide, savon en paillettes. En français de Belgique, du Québec, savon à vaisselle : détergent liquide ; savon à linge, en poudre : lessive.
■  Comme déverbal de savonner (ci-dessous), savon s'est employé (1634, Corneille) pour savonnage « action de réprimander » ; c'est avec cette valeur active qu'avant la fin du XVIIe s. (donner un savon est dans le premier dictionnaire de l'Académie, 1694) ; au XVIIIe s. le mot prend le sens figuré et familier (1744 au Canada, attesté en France en 1788) de « sérieuse réprimande », issu de savonner la tête.
■  Par analogie, savon naturel (1767) désigne en minéralogie l'argile smectique, savon de montagne (1828) le silicate d'aluminium qui se dépose dans certaines eaux thermales ; savon des verriers (1812) le bioxyde de manganèse employé pour décolorer le verre ; ces emplois ont vieilli. ◆  Le mot s'est employé en argot ancien pour « honoraires d'un avocat » (1830), l'avocat « blanchissant » son client. ◆  Un savon désigne (1823) un morceau moulé de savon.
❏  Le mot a plusieurs dérivés.
■  SAVONNIER, IÈRE n. m. et adj., « fabricant de savon » (1292), s'est employé comme adjectif (1611). Il désigne aussi (1694) un arbre exotique dont l'écorce, la racine, contenant de la saponine, font mousser l'eau.
■  SAVONNERIE n. f. signifie « lieu où l'on fait le savon » (1313) et « fabrication du savon » (1875).
■  SAVONNER v. tr. « nettoyer avec du savon » (v. 1500) s'emploie au figuré dans la locution, vieillie, savonner la tête de qqn « le réprimander » (1669 ; Cf. laver la teste sans savon, 1597) et aussi « rosser (qqn) » (1690), d'où un savon (ci-dessus). Par métaphore sur le caractère glissant du savon, savonner la planche (à qqn) signifie familièrement « préparer sa perte » (Cf. l'escalier savonné des concessions, donné comme un cliché du discours politique par Alphonse Allais). ◆  Le verbe signifie spécialement (1690) « enduire de mousse de savon le menton (avant de se raser) ». ◆  En dérive SAVONNAGE n. m. (1680 ; 1579, savonnement, même sens). SAVONNÉE n. f. s'emploie en français de Belgique pour « lessive faite à la main ».
■  Le diminutif SAVONNETTE n. f. « petit pain de savon » (1579) est rare avant le XVIIe s. (1640). Le mot s'est employé au figuré pour « charge qu'un roturier achète pour s'anoblir » (1701), d'où l'expression archaïque savonnette à vilain*. ◆  Il s'est dit du fruit du savonnier (1721), qu'on nommait arbre à savonnettes (1765). ◆  Montre à savonnette (1842), d'où une savonnette (1878), a désigné une montre dont le cadran est recouvert d'un couvercle bombé en métal, qui s'ouvre au moyen d'un ressort. ◆  Dans l'argot automobile, savonnettes n. f. pl. équivaut par allusion au glissement (1953) à « pneus lisses n'ayant plus d'adhérence ». Dans l'argot des joueurs, il s'est dit pour « plaque d'un million de francs (anciens) ».
■  SAVONNEUX, EUSE adj. s'applique (v. 1700 [attesté 1740]) à ce qui rappelle le savon ou à ce qui en contient (1845). La métaphore de la pente savonneuse est attestée chez Léon Daudet, en 1915.
PORTE-SAVON n. m. (1899) désigne le support ou le petit récipient destiné à recevoir le savon, sur un lavabo, une baignoire, un évier.
❏ voir SAPONAIRE.
SAVOURER → SAVEUR
SAVOYARD, ARDE adj. et n. a remplacé avec un autre suffixe (1566, n.) la forme savoisien (v. 1460), aussi savoyen (v. 1360 ; jusqu'au XVIIe s.), et est dérivé comme elles du nom propre Savoie.
❏  Qualifiant tout ce qui concerne la Savoie, le mot s'emploie spécialement à partir de la fin du XVIIIe s., en raison des tâches saisonnières que faisaient les Savoyards lorsqu'ils descendaient dans les vallées, pour désigner un garçon de courses (av. 1798), un ramoneur (1802). ◆  De ce dernier emploi sont venus, par analogie, le sens de « personne sale et mal élevée » (1803) et l'emploi du mot comme injure (XIXe s.), sortis d'usage. ◆  Savoyard s'est aussi dit (av. 1798) pour « biscuit de Savoie ».
■  Au XIXe s., SAVOYARDE n. f. désigne (1821) un grand bateau de la Saône et du Rhône destiné surtout au transport de la houille. ◆  Il s'est dit en argot pour « malle » (1837) par référence à la profession de coursier exercée par les Savoyards. Ce nom féminin est aussi attesté (1870) aux sens de « barque avec laquelle on transporte le fumier sur le canal de Lunel » et (1875) de « contrepoids suspendu à l'une des extrémités du rouleau sur lequel est monté le poil des velours frisés et des velours coupés », peut-être d'après la valeur de « personnage grossier ».
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