❏
En français, l'adjectif reprend les acceptions du latin avec des valeurs concrètes et abstraites ; il s'emploie aussi comme nom masculin et comme adverbe. On passe de l'idée d'« absence d'humidité » à celle de « manque (de liquide, puis d'un élément quelconque) ».
Sec qualifie une plante desséchée et s'applique ensuite (v. 1112) à ce qui est dépourvu d'humidité, ne renferme pas d'eau, d'où l'emploi substantif pour « lieu sec », collectivement (v. 1112,
au sec).
Le sec n. m. désigne (1773) une terre sèche à marée basse.
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Au
XIIIe s., le sens concret s'applique aussi à ce qui est séché par un traitement approprié (1273), d'où
raisins secs et
le sec, pour « fourrage sec » (1342), opposé à
le vert. Au figuré, on disait
employer le sec et le vert « tous les moyens » (1450).
◆
La peau, la langue dépourvue de son humidité naturelle est aussi dite
sèche (1389,
bouche sèche).
■
À sec, où sec est substantivé, correspond à « sans eau » en parlant d'une rivière (XIVe s.) et à « sans se mouiller » à propos d'un être vivant (1530). À pied sec, où sec est adjectif, a le même sens (a sec pé, XIVe s.). À la fin du XVIe s., par figure, être à sec signifie « n'avoir plus d'argent » ; de là viennent réduire qqn à sec (1658), aujourd'hui mettre qqn à sec (1690 ; dès 1531, mettre qqn à sec d'argent). À sec évoque en même temps l'emploi suivant.
◆
En termes de marine, à sec s'est dit pour « hors de l'eau » (1607), puis pour « sans voile hissée » (1611), remplacé par à sec de voiles (1871), à sec de toile. À sec évoque aussi l'échouage — Cf. sur le sable* — et se prête à diverses métaphores, comme on vient de le voir. En outre, être à sec « n'avoir plus rien à dire » (1559) s'emploie moins que être, rester sec « être incapable de répondre (par ex. à un examen) », beaucoup plus récent (1866) ; mettre qqn à sec « le réduire au silence » (1678) est sorti d'usage, mais on peut y rattacher des emplois plus récents.
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Sec se dit aussi pour « sans pluie », dans saison* sèche, d'où le sec n. m. (v. 1265), et il fait sec (XVIIe s.), repris plaisamment en argot (1881), pour « on a soif ».
Sec se dit par analogie à partir du XIIe s. d'une personne qui a peu de graisse, d'où les locutions être sec comme un pendu (1690), disparue, sec comme un hareng (1845), un échalas, etc. et l'emploi comme nom masculin (1835, un grand sec). L'emploi figuré pour « sans argent » (1640, être sec), qui vient peut-être de ces comparaisons, est sorti d'usage (remplacé par à sec, ci-dessus).
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Depuis le milieu du XIIe s., l'adjectif s'emploie pour qualifier ce qui n'est pas accompagné du liquide (ou d'un autre élément) auquel il est généralement associé, dans pierre sèche « sans mortier » (1538, mur de pierres sèches). Toux sèche (1210) réalise une valeur voisine.
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L'adjectif s'applique (1156, pays sec) à ce qui est sans humidité atmosphérique, le nom désignant (v. 1265) l'état de ce qui est sec.
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Par figure (fin XIIe s.), vin sec s'oppose à vin doux avec l'idée de « non sucré » ; cet emploi a entraîné celui de demi-sec.
Par extension,
sec signifie « non accompagné d'un autre élément », d'abord comme adverbe dans
payer sec « comptant », puis dans
argent sec « net de tout frais » (1260), d'où
rente sèche (1610), sens disparu.
Pain tot sec « sans autre aliment » (
XIIIe s.) est devenu
pain sec, spécialement à propos d'une punition au collège (1671). Dans cet emploi, on retrouve, par opposition à
frais, l'idée concrète de « desséché ». La même métaphore se retrouve dans
coup sec « rapide et bref » (1696), et aussi « coup unique, décisif », par exemple au jeu de dés et dans l'expression familière — très courante au Québec —
d'un coup sec « d'un seul coup ».
Cf. ci-dessous en cinq sec, etc. et
bruit sec « sans résonance » (déb.
XIXe s.).
■
Dans le domaine abstrait avec l'idée d'absence, l'adjectif s'applique à une personne qui manque de sensibilité (v. 1226, cœur sec) et à ce qui manque de grâce, de charme (v. 1265).
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Au figuré, tout sec, loc. adv., a signifié « aussitôt » (XVe s.) puis « uniquement, absolument » (1580).
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Sec s'emploie aussi comme adverbe pour « d'une façon brusque » (XVe s.), « avec netteté » (fin XVe s.), puis « rapidement », « brutalement » (1582, aller sec).
◆
Au début du XVIe s., sec s'employait comme interjection pour « vivement ! », emploi disparu sauf en alpinisme pour donner l'ordre de tendre la corde.
Toujours avec une valeur abstraite, sec se dit de paroles, de manières qui témoignent de brusquerie, d'une intention blessante (1580), par exemple dans d'un ton sec, d'où les locutions disparues la donner sèche « donner une mauvaise nouvelle sans précautions » (1661) et tête sèche « personne qui se met facilement en colère » (1694).
À partir du
XVIIe s. se développent de nouvelles valeurs, surtout dans des locutions ou expressions. Ainsi,
tissu sec (1636) signifie « à tissage bien marqué ».
◆
L'adjectif s'emploie figurément en parlant d'un discours, d'une œuvre (1636), ensuite du style (1680) et de l'esprit (1690), sens qui existaient en latin et qui ont pu faire l'objet de réemprunts. Par allusion aux larmes absentes,
d'un œil sec signifie « indifférent » (1670).
◆
Dans l'usage familier,
sec a signifié au
XVIIe s. « mort » (1676 ; 1690,
il y a longtemps qu'il est sec).
◆
L'adjectif s'applique spécialement (1676) à une œuvre d'art dont les contours sont marqués durement et, techniquement (1690), à des métaux cassants. Dans ce même domaine artistique, mais avec le sens propre,
gravure à la pointe sèche (1765) est concret et technique.
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Sec peut correspondre à « sans élément ajouté »
(Cf. ci-dessus tout sec). Dans
jouer en cinq secs (1877) « jouer en une seule manche de cinq points (à l'écarté) »,
sec est substantivé ; d'où l'emploi adverbial
en cinq sec « rapidement » (1896). La locution adverbiale
aussi sec « sans hésiter et sans tarder » (1904) est familière.
L'avoir sec (1914-1918, argot de la guerre) « éprouver une déception », « être mécontent », familière, n'est pas clairement expliquée, mais recourt à l'idée de privation.
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La valeur initiale, « sans liquide », se réalise dans de nouveaux emplois spécialisés. Ainsi, nourrice sèche (1871) signifie « personne qui élève un enfant sans lui donner le sein ».
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Si boire sec, où sec est adverbe, signifie depuis le XVIIe s. (1640) « boire sans eau », c'est-à-dire « boire beaucoup de vin et d'alcool », sec peut correspondre à « sans alcool » dans pays sec, désignant (1923) un pays qui interdit la consommation d'alcool, et régime sec (1933) « qui exclut toute boisson pendant les repas », par extension « régime sans alcool ».
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Au sens extensif de « non accompagné d'un autre élément » (ci-dessus), sec qualifie une guitare sans amplificateur, un licenciement sans mesures sociales, un voyage en avion sans prestations hôtelières (mil. XXe s.).
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SÉCHERESSE n. f. désigne concrètement l'état de ce qui est dépourvu d'humidité (v. 1120,
secherece ; XIVe s., écrit avec deux
s), en particulier en parlant de l'atmosphère (v. 1175).
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Le mot a eu le sens extensif de « privation de qqch. » (1195,
secherece).
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En emploi absolu, il se dit pour « temps sec » (v. 1354).
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Avec une valeur abstraite, il désigne un comportement froid, brusque (v. 1650), l'aridité de l'esprit (1659) et le manque d'argent (1668) ; les deux derniers emplois ont disparu.
◆
Le substantif s'emploie (1667) pour une œuvre « sèche », qui manque d'ampleur, de douceur, et spécialement une œuvre littéraire qui manque d'agréments (1690).
◆
Le sens de « manque de sentiment » (1680) a vieilli, comme, en termes de religion, « manque de ferveur » (1690), en ce sens souvent employé au pluriel.
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Enfin,
sécheresse est sorti d'usage pour « maigreur (d'une personne) » (1756).
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SÈCHEMENT adv. est d'abord attesté au figuré (XIIe s., sekement) pour « d'un ton sec, froid » ; il a signifié « en un lieu sec » (1308), sens disparu, et s'emploie pour « avec un style sans agrément » (1636 ; 1690, en peinture).
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SÉCHERON n. m., attesté isolément au XIIIe s. pour « échalas usé », désigne régionalement (Est) un pré sec situé sur une pente (XVIe s.).
◆
Il est dialectal au sens de « personne maigre » (1871).
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1 SÈCHE n. f., féminin substantivé de l'adjectif, a d'abord eu le sens de « terre » (v. 1300, saiche). Le mot désigne un banc (de sable, etc.) à sec à marée basse (1515, sesque ; 1619, sèche) et, en marine, des écueils qui affleurent (1730).
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Le mot s'est dit d'une poire séchée (1607, seiche). Depuis 1786, sans doute par emprunt aux dialectes francoprovençaux, sèche désigne (Jura, Franche-Comté) un gâteau de pâte friable, mince, qu'on poudre de sucre (la sèche comtoise).
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Il désigne aussi une vergue sans voile (1842), et une maladie des pins, qui les dessèche, dans les Landes.
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Au sens d'« écueil », sèche a pour variante 1 SEICHE n. f., mot régional (Genève) qui désigne les oscillations à la surface d'un lac (1730).
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SÉCOT, OTE adj. (av. 1850) et n. (1867), diminutif de sec, est familier pour « maigre ».
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2 SÈCHE n. f., terme familier et vieilli (1874) pour « cigarette », est peut-être une substantivation du féminin de
sec : la sèche, cigarette de manufacture, aurait été opposée à la cigarette roulée à la main, dont on collait le papier en l'humectant de salive. Cette étymologie est hypothétique.
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SÉCHER v. (v. 1120), aussi
sechier (
XIIe s.), est issu du latin
siccare tr. et intr. « rendre sec », « faire sécher », « vider complètement », « se sécher », dérivé de
siccus. Le verbe signifie d'abord « assécher, tarir », puis « rendre sec » (v. 1150) et « faire dépérir, faire tomber (le vent) » (v. 1160).
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Il a aussi un emploi intransitif, « devenir sec » (v. 1155), en particulier en parlant de la végétation (v. 1175), d'où
sécher sur le pied (1694), aujourd'hui
sécher sur pied, au figuré « ne pas trouver à se marier » (1718).
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Sécher, intransitif, signifie « s'assécher » (v. 1170). Au
XVIe s., il s'emploie en parlant d'une partie du corps (1550), remplacé par
se dessécher, et dans la locution
sécher sur ses pieds « être plein d'inquiétude », qui a diverses formes à l'époque classique.
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Le transitif s'emploie aussi dès le XIIe s. pour « rendre sec par un procédé (des fruits, etc.) » (v. 1170).
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Se sécher est attesté au XVIe s. (1547 ; sens passif 1538).
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Dans un tout autre domaine, sécher les larmes de qqn (1559) correspond à « consoler » et sécher ses larmes s'emploie (1640) au propre, et au figuré pour « dominer son émotion ».
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Sécher un verre signifie familièrement « boire, vider » (1880).
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Le pronominal se sécher est attesté au XVIe s. (1538) pour « devenir sec ». Avec un sujet nom de personne (1670), il signifie en particulier « sécher ses cheveux, son corps, ses vêtements ».
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Le verbe est employé au XIXe s. (1866) en argot scolaire pour « mal noter (un candidat) de manière à recaler », sorti d'usage, puis « être embarrassé pour répondre » (1866), en relation avec être sec (ci-dessus) et avec 3 sèche (ci-dessous). Sécher un cours (1878) correspond à « ne pas y assister » et sécher a pris par extension le sens de « manquer l'assistance à (une réunion, etc.) ». À cet emploi du français de France correspond brosser en français de Belgique. En argot de France, sécher, avec pour complément un nom de personne, a signifié « tuer » (1915) et plus précisément « frapper, assommer » (années 1980).
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Le participe passé SÉCHÉ, ÉE, adjectivé dès l'ancien français (v. 1160), concerne surtout les valeurs concrètes du verbe.
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3 SÈCHE n. f. est le déverbal de sécher au sens de « ne pas répondre » (ci-dessus) dans piquer une sèche (1880), qui correspondait à être, rester sec en ne répondant pas à une interrogation. Ce mot familier est sorti d'usage, mais le préfixé ANTISÈCHE n. f. (XXe s.), « information qui permet de ne pas rester sec dans une épreuve d'examen », mot d'argot scolaire, est toujours vivant.
◈
Le verbe a lui-même plusieurs dérivés.
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SÉCHERIE n. f. est attesté isolément (XIIIe s., secherye) au sens de « sécheresse ». Régionalement, il désigne un lieu où l'on fait sécher diverses matières (en parlant du poisson, 1333, Bretagne) ; cet emploi se généralise au XVIe siècle. Il a signifié (1591) « action de faire sécher le poisson ».
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Une sécherie a désigné (1835) un lieu sec dans une forêt et (1933) une installation industrielle destinée au séchage.
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SÉCHAGE n. m. a désigné (1339, saichaige) un droit payé pour faire sécher qqch. dans le four du seigneur ; il est repris en 1797 pour « action de faire sécher ».
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SÉCHOIR n. m., attesté isolément au XVe s. (sechor), désigne (1660) un lieu aménagé pour le séchage, puis un dispositif pour faire sécher (1701). Il se dit (1846) d'un appareil à faire sécher par évaporation, notamment (1904) les cheveux (emploi courant en français québécois), et d'un dispositif composé de tringles pour faire sécher le linge (1902).
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SÉCHEUR, EUSE adj. et n., autrefois « personne qui fait sécher qqch. » (1611, seicheur), désigne au masculin un appareil de séchage (1871), spécialement un séchoir à tabac (1874) et un séchoir industriel (1904).
◆
Par ailleurs, SÉCHEUSE n. f. se dit notamment d'une machine pour sécher le linge (1876), emploi courant au Québec (en France sèche-linge ou séchoir) et de la partie d'une couveuse où les poussins sont séchés après l'éclosion (1920).
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Le verbe a fourni plusieurs composés : SÈCHE-CHEVEUX n. m. inv. (1910), SÈCHE-LINGE n. m. (1936) et SÈCHE-MAINS n. m. inv. (XXe s.).
◈
SÉCOT adj. et n. s'emploie (1866 comme nom) pour « maigre, sec ».
◈
SECCOTINE n. f., marque déposée d'une colle, est devenu en argot familier (1936, dans
Fric-frac, d'Édouard Bourdet) le nom d'une personne importune, « collante ».
◈
SECCO n. m., emprunt à l'italien
secco correspondant au français
sec, désigne une claie faite de tiges sèches de graminées entrelacées et l'enclos qu'elles délimitent, où l'on peut stocker des récoltes (arachides, coton...).
◈
DESSÉCHER v. tr., formé avec
des-, préfixe à valeur intensive (latin
de-), est d'abord intransitif au sens de « devenir sec » en parlant d'un cours d'eau (v. 1170,
desechier ; dessécher, XVIe s.) ; on trouve dans ce sens en latin médiéval
dessicare (
VIIIe s.) et
dissicare (
IXe s.) d'où le verbe peut provenir.
◆
Dessécher est attesté ensuite au sens de « redevenir frais, perdre sa maigreur » (1215) : il s'agit clairement ici d'un composé en français et le préfixe
des- a ici une valeur négative (latin
dis-). Depuis le
XIIIe s.
(desekier), il signifie « rendre maigre » puis, comme intransitif, « devenir maigre » (mil.
XIVe s.).
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Il s'emploie ensuite au
XIVe s., en parlant d'un arbre
(desicier) et au sens de « rendre (plus) sec », spécialement en médecine (1559).
◆
Dessécher prend une valeur abstraite avec le sens de « rendre insensible » (1553), d'où
dessécher l'esprit, l'imagination (1680).
■
Le pronominal est attesté depuis le XVIe s. (1553, se desecher) et signifie au figuré « devenir maigre » (1672). Au sens abstrait, depuis le début du XVIIIe s., se dessécher se dit pour « désirer qqch. avec impatience au point de maigrir » ; on dit encore se dessécher d'ennui, de chagrin, etc. Il signifie aussi (1829) « devenir insensible, sec ».
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Du verbe dérive DESSÉCHEMENT n. m., employé avec une valeur concrète (1478 ; 1690, d'un étang) et au figuré (mil. XVIIIe s.), la graphie dessèchement est admise par l'Académie (1878).
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DESSÉCHANT, ANTE adj. s'utilise au propre (1555) et au figuré (XIXe s.).
◈
ASSÉCHER v. tr. procède (déb.
XIIe s.), d'après
sécher, du latin
adsiccare « sécher », préfixé de
siccare. Il signifie « rendre sec (un terrain) » et « vider l'eau de (un réservoir, un récipient) ».
◆
L'emploi intransitif, d'abord pour « rester à sec (d'un bateau) » (v. 1155), puis en marine pour « devenir sec »
(la mer assèche à marée basse), reste technique.
◆
Le pronominal
s'assécher et le participe adjectivé
ASSÉCHÉ, ÉE sont en revanche usuels, au propre et au figuré, comme variante de
se dessécher, desséché.
◆
Asséché s'emploie figurément et familièrement pour « qui a très soif ».
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Le dérivé
ASSÈCHEMENT n. m. (1549) s'emploie au concret, d'abord en médecine, figurément.