L SERPENT n. m. est issu (1080), comme l'ancien provençal serpent n. f. (1050), de serpentem, accusatif du latin classique serpens, -entis n. f. « serpent », « ver (du corps humain) » et nom d'une constellation (au masculin). C'est le participe présent substantivé de serpere « ramper, se glisser », au propre et au figuré. Serpens, d'abord serpens bestia « animal rampant », sans doute à cause d'interdictions de vocabulaire concernant cet animal, a remplacé anguis, mot plus ancien utilisé dans la langue religieuse (→ anguille) ; on relève aussi comme substituts vipera (→ vipère), draco (→ dragon). Serpere, comme le grec herpein « se traîner » (→ herpès) et le sanskrit sárpati « il rampe », se rattache à la racine indoeuropéenne °serp- qui provient probablement d'un élargissement de °ser- « aller, couler » (→ sérum).
❏  Serpent, parfois sarpent (v. 1160) en ancien français, désigne comme en latin un reptile ophidien au corps très allongé ; dans la langue courante, il se dit aussi des sauriens serpentiformes, comme l'orvet (v. 1130) appelé plus tard serpent de verre (1791), ou de poissons anguiformes, spécialement marin serpent (v. 1112) puis serpent de mer (1855), animal marin fabuleux de grande taille, employé au figuré à propos d'une information fausse ou sans intérêt qui revient périodiquement dans la presse. ◆  Par allusion aux caractères de ruse, de finesse, etc. attribués traditionnellement au serpent, symbole de l'esprit du mal dans la Bible, le mot s'emploie pour « personne méchante » (v. 1175, Renart), emploi vieilli. En revanche, les allusions bibliques aux relations entre le serpent tentateur et Ève (à partir de 1501) restent courantes. Avec une valeur analogue, la locution le serpent est caché entre les belles fleurs (1572), puis sous les fleurs « le danger est dissimulé sous des dehors séduisants » vient d'un vers de Virgile : frigidus latet anguis in herba. ◆  Le XVIIe siècle voit apparaître l'expression réchauffer (élever, nourrir) un serpent dans son sein « élever, aider un ingrat » (1662). Au sens propre, le nom est qualifié dans des noms d'espèces : serpent cornu (1611), aujourd'hui à cornes (1904) « vipère à cornes », serpent à sonnettes (1680) « crotale », serpent à deux têtes (1671) « amphisbène », serpent à lunettes (1763) « cobra naja », serpent-minute, « dont le venin agit très rapidement », mot qui désigne des espèces différentes selon les lieux (le typhlops, en français d'Afrique). Certains syntagmes sont propres à une zone francophone : en Afrique subsaharienne, où le mot a des résonances symboliques fortes, d'origine totémique (être du serpent protège des morsures), on parle de serpent des bananiers (le mamba vert), de serpent cracheur (cobra à cou noir) et serpent boa se dit du python. ◆  Dans le domaine des mythes, on peut citer le serpent à plumes, nom d'un dieu indien du Mexique, Quetzalcoatl.
Par analogie, serpent se dit d'une chose longue et sinueuse (av. 1606) ; c'est spécialement le nom (1636) d'un ancien instrument à vent dont le tube était recourbé plusieurs fois et par métonymie (1718) le nom de l'instrumentiste. Dans le vocabulaire technique, le mot désigne (1908) un cordage fixé sous la nacelle d'un ballon. ◆  Par métaphore, il s'emploie en économie (1972) pour une marge de fluctuation des cours d'un ensemble de monnaies, spécialement dans serpent monétaire européen, abrégé en S. [officiellement pour système] M. E. (1978).
Serpent avait repris au XVIIe s. (1691) le sens latin de « constellation de l'hémisphère boréal » qui n'est plus connu.
❏  Le dérivé SERPENTEAU n. m. (fin XVe s.), d'abord serpentel (1165-1170), désigne un jeune serpent. Le mot a pris par analogie (1629) le sens de « petite fusée volante à mouvements sinueux ». Il s'est dit (1690) d'une boucle de cheveux longue et sinueuse puis (1701) d'un cercle de fer muni de petites grenades qu'on jetait sur une brèche.
■  SERPENTE n. f., d'abord « serpent » (v. 1280) puis « femelle du serpent » (déb. XIVe s.), est aujourd'hui didactique (1680) et désigne un papier très fin utilisé pour faire des éventails et pour protéger les gravures des livres ; à l'origine, ce papier, nommé papier (à la) serpente, portait un serpent en filigrane.
SERPENTER v. intr. (v. 1370) signifie « aller ou être disposé suivant une ligne sinueuse » (v. 1650, pour des personnes). Au sens figuré (av. 1784), « s'introduire de manière insidieuse », il a disparu.
■  Le verbe a fourni plusieurs dérivés. SERPENTANT, ANTE adj. est attesté au XVIe s. (1564) ; SERPENTEMENT n. m., « chemin tortueux » (1614), s'emploie ensuite en mathématiques (1754) pour « partie d'une courbe qui va en serpentant », aujourd'hui dans point de serpentement (1904). ◆  Comme substantif d'action (attesté depuis 1756), « action, fait de serpenter », il est rare.
■  SERPENTAGE n. m. (v. 1970), terme technique pour « mouvement d'oscillation d'un avion », est un mot proposé pour traduire l'anglais snaking, dérivé de to snake « ramper », lui-même de snake « serpent ».
Au XIXe s. apparaissent SERPENTUEUX, EUSE adj. (1836), équivalent de « sinueux », littéraire, et le composé SERPENTIFORME adj. (1824), de -forme, didactique.
Quelques mots sont empruntés à des dérivés du latin serpens.
■  SERPENTIN, INE adj., emprunt au bas latin serpentinus « de serpent », s'applique (mil. XIIe s.) à ce qui a la forme d'un serpent qui rampe. Au sens de « relatif au serpent » (v. 1165), il a disparu. Par figure, il s'est dit pour « perfide, méchant » (v. 1225), d'où langue serpentine (v. 1500), devenu archaïque. ◆  L'adjectif qualifie aussi (1534) ce qui est marqué de taches et rappelle la peau du serpent. ◆  Enfin, ligne serpentine (1812) signifie « sinueuse ».
■  De l'adjectif vient SERPENTINE n. f., disparu comme mot générique pour « les serpents » (v. 1180), devenu au XIIIe s. le nom de roches d'aspect rubané, d'où SERPENTINEUX, EUSE adj., « formé de serpentine » (1801). ◆  Par analogie de forme (av. 1453), serpentine a désigné une bouche à feu. C'est aussi le nom (1871) d'une figure de manège en ligne sinueuse et d'un petit ornement en passementerie. ◆  Tous les emplois ont vieilli.
■  2 SERPENTIN n. m. désigne (fin XVe s.) une bouche à feu à canon allongé (Cf. couleuvrine), encore en usage au XVIIe siècle. Par analogie de forme, alambic serpentin se dit (1564) d'un tube en spirale utilisé dans les appareils de distillation. ◆  Aujourd'hui, le mot désigne couramment (1892) un petit ruban de papier coloré qui se déroule quand on le lance.
SERPENTAIRE n., emprunt au latin impérial serpentaria, nom d'un arum, en conserve la valeur (XIIIe s., n. f.) et nomme d'autres plantes (1723, serpentaire de Virginie « aristoloche »). ◆  Le mot est ensuite repris (1819, n. m.) au latin zoologique (falco) serpentarius (XVIIIe s.) pour désigner un oiseau rapace qui se nourrit de serpents.
SERPER v. tr. (1611) ou sarper (v. 1508) est emprunté à l'ancien italien serpare, sarpare (XIVe s.), dérivé de serpe « serpent », spécialisé en marine au sens de « partie de la proue où était placée l'ancre ». Serpe vient d'un latin populaire °serpem, accusatif de °serpes, altération de serpens. ◆  Cet ancien terme de marine signifiait « lever (l'ancre) » ; le verbe était employé aussi absolument (1677).
SERPULE n. f. est la francisation (1800) du latin zoologique serpula, dérivé diminutif de serpens, pour dénommer un ver marin, annélide vivant dans un tube calcaire.
❏ voir SERPOLET.
SERPIGINEUX, EUSE adj. est un mot médical de la Renaissance (1560), dérivé de serpigine (XVe s.), emprunt au latin médical serpigo, -inis, altération du latin serpedo « dartre », de la famille de serpere (→ serpent). Le mot qualifie les affections de la peau qui progressent de façon sinueuse, un côté s'altérant quand l'autre guérit (ulcères, érysipèle...).
? SERPILLIÈRE n. f., réfection (1403) de sarpilliere (v. 1180), est d'origine incertaine, le premier sens mal établi désignant une étoffe précieuse (or et argent et rice sarpilliere). Le mot est peut-être issu d'un latin populaire °sirpicularia désignant une étoffe faite avec un tissu analogue à du jonc (Cf. espagnol herpil « sorte de sac grossier »), du latin classique s(c)irpiculus adj. « qui concerne le jonc » et n. « panier de jonc » ; ce mot dérive de s(c)irpus « jonc », d'origine inconnue (passé en français dans l'emprunt savant SCIRPE n. m. en botanique). Par ailleurs, les variantes dialectales en ch- (charpillère) suggèrent à P. Guiraud un rapprochement avec charpiller « réduire en charpie », qui a pu se croiser avec son synonyme serpiller « tailler à coups de serpe, grossièrement », mais ce verbe est attesté tard (1611).
❏  Serpillière désigne au moyen âge une étoffe de laine ou un manteau fait de cette étoffe (v. 1180). Par la suite, les différents emplois restent liés à l'idée d'étoffe grossière : le mot s'est dit d'une grosse toile que les marchands mettaient devant leur boutique pour la protéger du soleil (1244, sarpilliere), d'un linceul (1288, sarp-), encore au XVIIIe siècle. Il désigne ensuite une grosse toile servant à emballer les marchandises (1302, sarpilliere ; 1403, serpilliere), sens du latin médiéval sarpilleria (1233) que reprennent l'ancien provençal serpeliera, l'ancien catalan sarpellera (XIIIe s.) et d'où vient l'espagnol harpillera. Le mot a parfois désigné de belles étoffes (rice sarpillere, v. 1270). ◆  Serpillière a désigné ensuite (1345, sarpillière) un tablier de grosse étoffe, porté par certains corps de métiers et, dans la seconde moitié du XVIe s., une couverture de cheval. En argot, il s'est dit au XVIIe s. pour « robe de prêtre » (1628).
■  Le mot n'est plus en usage que pour « pièce de toile épaisse servant à laver les carrelages, à éponger » (déb. XXe s. ; charpillere, Saône-et-Loire, fin XIXe s.) ; il est d'ailleurs concurrencé sauf dans l'usage dominant de France, par des mots régionaux comme wassingue (dans le nord de la France, en Belgique), loque, torchon, panosse (Suisse), patte, bâche, chiffon de parterre (français du Maghreb).
SERPOLET n. m. est emprunté au XVIe s. (av. 1525 ; serpoulet v. 1500) au provençal serpolet, diminutif de serpol (XIIIe s.), repris aussi en moyen français (1387) et issu du latin classique serpullum ou serpillum, serpyllum. Le mot latin est emprunté au grec herpullos « thym, serpolet », dérivé de herpein « ramper, glisser » (→ herpès), le serpolet étant une plante rampante. Herpein se rattache à une racine indoeuropéenne °serp-. Cette racine est sans doute un élargissement de °ser- « aller, couler » (→ sérum) et est aussi représentée par le sanskrit sárpati « il rampe, se glisse » et le latin serpere (→ serpent) ; une influence de serpere expliquerait le s de serpullum.
❏  Surtout régional, serpolet désigne une plante aromatique appelée aussi thym* sauvage.
SERPULE → SERPENT
SERRAN n. m., mot des zoologistes de la Renaissance (1554), est dérivé de l'ancien français serre (XIIIe s.), emprunt au latin serra « scie (de mer) » → 1 serre. Serran est le nom d'un poisson carnassier des mers tropicales, aussi appelé perche de mer.
❏  La famille des Serranidés comprend le serranus scriba « serran écriture », dont la tête présente des dessins sinueux jaunâtres, et le serranus cobrella « serran chevrette », qui présente des bandes verticales brunes et une bande longitudinale bleutée. Le serran de la Méditerranée est appelé localement SARRAN n. m. ; il est apprécié pour les soupes de poisson.
1 SERRE n. f. a repris en géographie (v. 1726) l'ancien français serre « scie » (fin XIe s.) puis « montagne » (v. 1190), qui s'est maintenu dans les dialectes du Centre, à côté de serra dans le Sud-Ouest et en Provence, de même sens (XIIe s., en ancien provençal). Ces deux mots sont issus du latin serra « scie » et « ordre de bataille en dents de scie », terme technique sans étymologie claire (→ serrer).
❏  Serre désigne une colline étroite et allongée.
❏  Le latin a abouti en espagnol à sierra, de même sens que l'ancien français serre, emprunté par le français.
■  SIERRA n. f. (1669) désigne en français une chaîne de montagnes ou une montagne allongée, dans un pays de langue espagnole. ◆  En toponymie portugaise, on dit serra.
2 SERRE → SERRER
L + SERRER v. tr. est issu (fin XIe s. [mil. XIIe s. selon T.L.F.]) d'un latin populaire °serrare, altération du bas latin serare « fermer avec une barre », sans doute sous l'influence de ferrum « fer* » ou de serra « scie » (→ 1 serre) à cause de la forme dentelée de certaines pièces de serrure ; le verbe dérive du latin classique sera désignant à l'origine une barre de bois qu'on glissait derrière la porte, puis un verrou ou un cadenas. Ce terme technique n'a pas d'étymologie claire.
❏  Serrer apparaît avec le sens de « presser (qqch.) de manière à ne pas laisser échapper », où l'idée de rapprochement est liée à celle de clôture. De là le sens de « maintenir énergiquement fermé (la main, etc.) ». La valeur étymologique est reprise (v. 1155) par l'acception de « fermer (avec un verrou, etc.) », sortie d'usage et remplacée par fermer, verrouiller, régionalement barrer. De cet emploi vient au XVIe s. le sens de serrer le passage à qqn « le fermer, l'interdire » (1553), qui a disparu après le XVIIe siècle.
■  Les principaux sens en usage en ancien français, outre les précédents, sont l'intransitif serrer, correspondant aujourd'hui à être serré employé du XIIIe (v. 1250) jusqu'au XVIIe s., en emploi transitif, la valeur physiologique pour « oppresser » (ci-dessous, à propos du cœur), le sens militaire pour « assiéger » (serrer une place, 1165-1170) qui utilise à la fois l'idée concrète de rapprochement et celle, abstraite, de contrainte. Cette idée concrète se réalise par l'emploi de serrer pour « joindre étroitement », « rapprocher autant qu'on le peut (des choses, des personnes) » (v. 1175), sens vivant, mais plus usuel au pronominal, au passif et dans le participe passé serré (ci-dessous).
À partir du XIIIe s., le verbe correspond par extension à « enfermer (des personnes, des animaux) dans un lieu clos » (v. 1210), valeur sortie d'usage, et à « mettre à l'abri, remiser, garder dans un lieu sûr » (v. 1240), cet emploi étant ensuite concurrencé par ranger mais encore très vivant régionalement. L'emploi du verbe pour « mettre à l'abri », sans idée de pression, était partout en usage avant la diffusion du verbe ranger. À l'époque moderne (XIXe-XXe s.), il continuait à s'employer dans l'ouest et le centre-ouest de la France, et aussi dans une large part des régions occitanes, de l'Auvergne à la Provence et à l'Aquitaine, et aussi dans le Centre-Ouest. Il est courant en français du Québec.
En moyen français, le sens initial (serrer le poing) se réalise dans des locutions marquant la violence, l'étranglement, l'étouffement : serrer la vaine [veine] à qqn « l'étrangler » (fin XIVe s.), serrer le cou (1738), la gorge, le kiki (1888, le quiqui). Serrer le ventre à qqn a signifié au figuré (fin XIVe s.) « lui couper les vivres », sorti d'usage ; l'expression a été reprise au XVIIe s. (1636) pour « constiper ». ◆  Le sens d'« étouffer » s'est utilisé dans des imprécations du type que la fièvre (v. 1460), la peste le serre, usuelles en français classique. Ce sémantisme initial se retrouve, derrière les définitions fonctionnelles modernes, dans de très nombreuses locutions formées avec ce verbe.
L'idée de « rapprocher, mettre ensemble », croisée avec celles de « fermer » et de « ranger », a fait que serrer, avant plier, s'est appliqué aux bagages, d'où la locution figurée serrer bagages « s'esquiver » (v. 1500), « lever le camp » (1566-1568). ◆  L'idée de « rendre plus étroit », de « diminuer le volume » apparaît (1527) dans serrer un nœud, d'où plus tard, par figure, serrer les nœuds de l'amitié (1666) et en argot ancien (1867) serrer le nœud « se marier ». ◆  Avec cette valeur et avec un sujet nom de personne, se serrer « se tapir » (1538) a disparu, mais le pronominal se maintient aux sens de « se rapprocher » (1549) et « se mettre tout contre (qqch., qqn) » (1553). ◆  Serrer près (1538), aujourd'hui serrer de près (qqn), signifie « poursuivre » et spécialement (v. 1660) serrer de près une femme « lui faire une cour pressante ». Serrer près (qqn) a signifié aussi « le pousser en le gênant », sens où l'on emploie ensuite serrer qqn.
■  S'agissant des organes et parties du corps, les emplois vont du geste matériel de pression aux emplois figurés évoquant l'angoisse. Ceux-ci, très anciens à propos du cœur, dont on dit qu'il se serre depuis le XIIe s. (v. 1150) à côté de un sentiment, etc. serre le cœur (v. 1270), sont mal attestés concrètement en ancien français. Ainsi serrer la main (de, puis à qqn), geste essentiel qui accompagne le salut et qui est un symbole très ancien de bonne intention (la main, étant libre, ne porte pas d'arme), n'est attesté qu'à la fin du XVIe siècle. ◆  De même, serrer les dents est évidemment antérieur à 1607 (où l'expression est attestée) puisque desserrer les dents existe dès l'ancien français (ci-dessous). ◆  D'autres expressions, comme serrer les doigts à qqn « contraindre à avouer » (1636), ont disparu.
Depuis le XVIIe s., le verbe s'emploie aussi avec le sens d'« aller plus près », « passer auprès de » (1648) surtout en marine, par exemple dans serrer le vent « naviguer au plus près du vent » (1678). ◆  Serrer « rendre étroit, entourer étroitement » (1653) donne lieu à des spécialisations. Serrer s'emploie spécialement en imprimerie (1688 ; sans doute antérieur, Cf. serrage) dans serrer la forme « fixer solidement la composition dans la forme » et en marine (1691) dans serrer les voiles « les plier ». Par figure, serrer son style s'est employé pour « écrire d'une manière plus concise » (1690). ◆  Concrètement, le verbe a en général la valeur de « comprimer par l'action de la main ou d'un instrument », avec des expressions courantes comme serrer la main (la pince, la cuillère...), en serrer cinq « prendre la main de qqn et la presser en signe de salut, d'amitié ». Serrer dans ses bras correspond à « embrasser ». En technique, le verbe prend le sens de « faire mouvoir (qqch.) de manière à rapprocher, à fixer » (1690, serrer une vis). Dans quelques expressions où il est question de « gorge » (serrer le kiki, le gaviot...), le verbe vaut pour « étrangler ». Au figuré, serrer la vis a eu le sens (1867) de « presser un travail » puis d'« étrangler (qqn) » (1872) ; il ne s'emploie plus aujourd'hui qu'au figuré (1889) pour « exercer une contrainte rigoureuse ». Serrer les boulons se dit (années 1960-1970) pour « être plus strict (financièrement, politiquement) ». ◆  Avec la valeur de « tenir à l'étroit », se serrer le ventre (1808) a eu au figuré le sens de « se passer de manger » ; on dit aujourd'hui se serrer la ceinture. ◆  En emploi familier, serrer les fesses (1812) exprime la contention de la peur. Serrer la mine se dit en français d'Afrique pour « se renfrogner, bouder ».
■  En argot, serrer qqn s'est employé (années 1930) pour « tromper, abuser ». Se serrer s'emploie pour « comprimer sa taille » (1842), par figure « se priver », et serrer pour « appliquer étroitement (un vêtement) contre le corps » (XIXe s.).
■  En emploi intransitif (1876), serrer signifie « se rapprocher de » (serrer à (sur) sa droite).
En argot serrer, qui au sens de « ranger » a signifié « voler » (1830), se dit (1906) pour « dévaliser qqn en le serrant entre deux agresseurs ». Il signifie aussi (1841 dans Balzac) « arrêter, appréhender (qqn) », c'est-à-dire « prendre » (la police l'a serré) ; cette acception est restée vivante.
❏  SERRÉ, ÉE adj. a le même sémantisme que le verbe. Le mot s'applique (v. 1112) à un ensemble dont les éléments sont très rapprochés ou (v. 1155) à des personnes, des choses placées près les unes des autres. Avoir le cœur serré, qui vaut d'abord pour « être sans pitié » (v. 1130), prend le sens moderne « être angoissé, dans la peine » vers 1165-1170. Avec un sémantisme voisin, être serré s'emploie en français de Belgique pour « être dans l'angoisse ». ◆  Nuit serrée a signifié « nuit noire » du XIIe au XVIIe siècle. ◆  Le mot qualifie (v. 1175) ce qui est comprimé, contracté et, aussi, dense ; l'idée est réalisée dans conseil serré « restreint » (1492) ; l'adjectif s'est maintenu jusqu'au XIXe s. pour « étroit, qui occupe peu de place » (1538). ◆  Avec une valeur adverbiale, serré a signifié « fortement » (1559), d'où mentir serré (1690), disparu au cours du XVIIIe siècle. ◆  Il s'emploie pour « concis, précis » (1559), mais est disparu au sens de « secret » (fin XVIe s.). Jouer serré (où serré est adverbial) « avec prudence » (1606) se dit par figure pour « agir avec circonspection » (1784) et avoir un jeu serré s'emploie au propre (1718) et au figuré (1835). ◆  Serré « mis en lieu sûr, rangé » (1607) ne s'emploie plus que régionalement. Avoir le ventre serré « être constipé » (1765) donne lieu à être serré (1690) qui a disparu. Avoir la mine serrée, en français d'Afrique, correspond à serrer la mine (ci-dessus). ◆  L'adjectif a aussi disparu pour « assiégé (d'une ville) » (1681) et « peu communicatif ». Au XVIIIe s., fortune serrée a indiqué une situation financière difficile. ◆  C'est l'idée de « contrainte » qui s'exprime avec le sens de « très sévère » (1798), en parlant d'une éducation, etc. ◆  Être serré signifie aussi « avoir peu d'argent et en être gêné, contraint » et l'adjectif s'emploie en parlant d'un vêtement (1809) ou d'une personne. ◆  Avec la valeur de « dense », il a été repris au XXe s. dans un café serré et, récemment, dans montage serré (1973), terme technique de cinéma.
2 SERRE n. f., déverbal de serrer, a eu en ancien français des emplois aujourd'hui sortis d'usage : « fermeture » (mil. XIIe s.), « suite, ordre » (1165-1170), « prison, endroit clos » (v. 1175), d'où au XIIIe s. mettre en serre « emprisonner ». ◆  Le mot a désigné des pièces qui serrent, par exemple la branche d'un mors de cheval (v. 1138). ◆  Comme nom d'action, il se dit de l'action de garder, puis de la garde elle-même (XIIIe s.), d'où tenir en serre « assujettir » (1302), encore relevé en 1669.
■  Au XVIe s. apparaît la valeur logiquement première, « action de serrer, son résultat », seulement aujourd'hui dans des emplois techniques, par exemple (mil. XVIe s.) pour parler de chacun des pressurages successifs d'une substance. Au figuré, ce sens actif a donné (1680) la locution avoir la serre bonne « être avare » (c'est-à-dire attraper, garder et ranger, c'est-à-dire serrer l'argent) puis (1690) « avoir une forte poigne ». Par métonymie, les serres désigne (1538) un élément de la membrure d'un navire. ◆  Tous les emplois précédents ont disparu ou ont vieilli.
■  L'emploi le plus courant en français moderne, surtout au pluriel, concerne les griffes des oiseaux de proie (1549) ; serre a désigné ensuite une pince qui serre bien (1611), sens conservé en fonderie (1723).
■  Avec l'idée de rangement et en emploi concret, il s'est dit d'un lieu où l'on conserve qqch. (1640, des fruits), d'où serre à légumes (1845), valeur remplacée par resserre (ci-dessous). ◆  Par extension, c'est le nom d'une construction vitrée où l'on met des plantes à l'abri (1660), et cet emploi est resté vivant avec des syntagmes comme culture en serre, de serre, serre chaude (1762), qui s'est employé par métaphore dans c'est un fruit de serre chaude (1835) ou (éducation) en serre chaude (1875) avec l'idée de protection excessive. ◆  Serre s'est aussi employé pour « réservoir à eau » (1874), aujourd'hui terme technique (mil. XXe s.) équivalent de « vivier ». ◆  Effet de serre (v. 1960) désigne par analogie la rétention de l'énergie calorifique du soleil par absorption de l'atmosphère.
■  De serre « protection pour faire pousser les plantes » viennent deux mots techniques. ◆  SERRE n. f., déverbal du sens argotique pour « action d'arrêter (qqn) », est homonyme de sert (→ servir). ◆  1 ENSERRER v. tr. (1718), « mettre en serre », est sorti d'usage. ◆  SERRISTE n., « spécialiste de la culture en serres », est récent (attesté v. 1973).
SERREMENT n. m. (1538), d'abord sarrement (v. 1500), désigne l'action de serrer. Il est rare, sauf dans la locution serrement de main, et disparu pour « action de mettre en réserve » (serre ci-dessus). ◆  Le mot désigne le fait d'être contracté, au figuré (1671, serrement de cœur). ◆  Par métonymie (1812), il se dit d'un barrage qui s'oppose à l'invasion des eaux dans une mine.
■  SERRAGE n. m. a désigné une opération d'imprimerie (1567, Plantin). Le mot a été reformé au XVIIe s. en marine (1643) pour désigner l'ensemble des pièces de membrure appelé serres ; il s'agit alors d'un collectif, alors que serrage (1845) « opération qui consiste à serrer qqch. et son résultat », d'où « dispositif servant à serrer » (XXe s.), est un nom d'action formé avec un autre suffixe -age. ◆  SERRANTE n. f., tiré du participe présent du verbe en argot, pour « serrure » (1821 au bagne de Brest), a désigné aussi la main (1875). Ces emplois ont disparu.
SERRE-, tiré du verbe serrer, est le premier élément de mots composés dont beaucoup ont disparu, par exemple serre-croupière (1532, dans un emploi érotique) ou serre-brosse n. m. (1690), terme de marine ancienne ; restent SERRE-FILS n. m. inv. (1869), pour un dispositif électrique, SERRE-ÉCROU n. m. (1904), SERRE-TUBE n. m. (1904). ◆  D'autres composés, plus courants, sont traités au radical (→ file, joindre, livre, papier, tête). ◆  Par calembour sur serrer et la première syllabe de sergent, SERRE-PATTE n. m., qui reprend l'ancien argot SERRE-PIED n. m. (1888), s'est employé pour « sergent de ville », puis « agent de police ».
Serrer a fourni plusieurs composés verbaux.
■  2 ENSERRER v. tr. apparaît (v. 1120) avec le sens figuré d'« angoisser » qui a disparu. Le verbe a signifié « enfermer (qqn, qqch.) » (v. 1125), sorti d'usage (dès 1680), « faire prisonnier » (déb. XIIIe s.) et « enterrer » (v. 1501), valeurs toutes disparues. ◆  Il ne signifie plus qu'« entourer en serrant étroitement » (1549), aussi au figuré (1870).
■  DESSERRER v. tr. a eu des acceptions très nombreuses, liées à l'idée générale d'ouvrir, de défaire. Il apparaît avec les sens d'« ouvrir (une porte) » (v. 1125), de « déchirer, rompre » (v. 1130) et aussi d'« écarter (un bateau du rivage) » (1165-1170), tous sortis d'usage. ◆  Il s'emploie depuis le XIIe s. (v. 1175) pour « relâcher ce qui est serré », sens toujours usuel, d'où au figuré « donner libre cours à (un sentiment) » (v. 1172-1174) et « libérer » (déb. XIIIe s.), valeurs disparues avant l'époque classique. ◆  Les métaphores de l'emploi concret usuel, comme desserrer les nœuds de l'amitié (1656), etc. sont littéraires alors que l'emploi concret, desserrer un nœud (1694, mais antérieur), est demeuré usuel. ◆  C'est au XIIIe s. qu'apparaît isolément desserrer les dents « ouvrir la bouche », puis desserrer les dents à qqn (XIVe s., hapax), emplois repris au milieu du XVIIe s., notamment au figuré, d'où ne pas desserrer les dents « rester muet » (1656). ◆  Le verbe avait eu le sens (1310) de « lancer (des coups, etc.) », encore à l'époque classique ; de là desserrer un coup de pied (v. 1550), disparu. ◆  Avec l'idée d'ouvrir, le verbe s'emploie pour « s'épanouir » (fin XIVe s.) en parlant des fleurs et au figuré dans desserrer le cœur « soulager » (1527), encore vivant au pronominal (1863).
■  Le dérivé DESSERRE n. f., apparu au sens de « vêtement qu'on quitte », a eu de nombreuses acceptions, en particulier « action de desserrer » (v. 1530). Il est sorti d'usage.
■  DESSERRAGE n. m. (1794) est d'abord un terme d'imprimerie et prend une valeur générale au XIXe s. (1874).
■  DESSERREMENT n. m. s'emploie au propre (déb. XXe s.) et au figuré en parlant des activités économiques (v. 1965 ; Cf. déconcentration).
RESSERRER v. tr. développe ses acceptions avec le sens de « serrer de nouveau ou encore plus », serrer étant pris dans ses divers sens ou comme antonyme de desserrer. Il apparaît comme équivalent de « rengainer » (1197), sorti d'usage. Il signifie ensuite « rapprocher davantage (des parties disjointes) » (1287) puis s'est employé pour « fermer de nouveau » (v. 1462). ◆  Au sens général de « presser de nouveau, davantage », il s'emploie (1465) au pronominal pour « se rétrécir, se contracter ». De là le sens de « diminuer le volume (d'une chose) » (1538). ◆  Resserrer a eu de nombreux sens du XVIe au XVIIIe s., vieillis ou littéraires aujourd'hui, par exemple « fermer » (1534), « assiéger » (1534), « enfermer (un prisonnier) » (1552), « cacher, retirer » (déb. XVIIe s.). À l'époque classique, il s'emploie aussi pour « constiper » (1534), d'où se resserrer (1740) [voir resserré, ci-dessous], et par figure en parlant du cœur, de l'âme (1660) ainsi que pour « abréger (un récit, etc.) » (1667), emploi aujourd'hui très littéraire. Se resserrer a vieilli pour « réduire ses dépenses » (fin XVIIe s.). Le sens concret « rendre plus serré (un lien) » est resté vivant avec des métaphores comme resserrer les liens (de l'amitié) [1718], littéraire.
■  L'adjectif RESSERRÉ, ÉE s'applique (1538) à ce qui est enfermé en des limites étroites ; dépense resserrée « peu élevée » (1559) ne s'emploie plus, ni resserré « avare » (déb. XVIIe s.). ◆  Le mot a le sens de « contracté », d'où spécialement être resserré « constipé » (1611). Il s'est appliqué à une personne qui a de la retenue (1611), qui communique peu (apr. 1652) ou, concrètement, qui est enfermée dans un lieu étroit (1697). Tous ces emplois ont été concurrencés par ceux de serré.
■  RESSERREMENT n. m., d'abord « état de ce qui est resserré » (1550), désigne aussi l'action (1669). Il a signifié « constipation » et « action d'enfermer (qqch., qqn) » (1671). ◆  Il s'emploie encore, mais de manière très littéraire au figuré en parlant du cœur, de l'esprit (1671). ◆  Il a disparu pour parler d'une moins grande circulation de l'argent (1798). ◆  Au sens propre, notamment à propos d'un nœud, il n'est attesté qu'après 1850.
■  RESSERRE n. f. apparaît en 1629, désignant en Normandie la paroi qui sépare le bûcher du four. Le mot se dit aujourd'hui (1835, Balzac) d'un endroit où l'on range certaines choses, puis (XXe s.) de marchandises stockées dans un marché de gros. Il a remplacé quelques emplois de serre (ci-dessus).
❏ voir SERRURE.
SERRURE n. f. (v. 1170), d'abord seredure (fin XIe s.), puis serreüre (v. 1165), est dérivé de serrer au sens de « fermer (par ex. avec un verrou) », courant en ancien français (→ serrer). On relève aussi dans les dialectes du Nord-Est (v. 1165) le déverbal sarre (de sarrer, serrer), encore attesté au XVIe siècle. La dérivation n'est plus sentie.
❏  Serrure désigne (fin XIe s.) un dispositif fixe qui permet de verrouiller une porte, un tiroir. À partir du XVIIe s., le mot prend des valeurs figurées : remuer les serrures (1611) s'est dit pour « se donner l'air d'être fort occupé », brouiller une serrure « en déranger le mécanisme » (1680) donne au figuré avoir la serrure brouillée « l'esprit dérangé » (1680, Mme de Sévigné) ; vous avez la serrure et nous avons la clef « vos précautions ne nous empêcheront pas d'obtenir ce que nous voulons » (1690). ◆  Dans le domaine érotique, et par allusion aux anciennes ceintures de chasteté, on a dit familièrement mettre un cadenas à la serrure « s'abstenir de faire l'amour » et laisser la clef à la serrure « avoir un enfant par surprise » (1888). ◆  Regarder par le trou de la serrure (XXe s.) évoque le fait de se montrer indiscret. ◆  Serrure, en technique, désigne (XXe s.) un dispositif de sécurité employé dans les chemins de fer.
❏  Le dérivé SERRURIER n. m. (v. 1260 ; 1237, sareürier) désigne couramment un ouvrier qui fait ou répare des serrures, fabrique des clés et, par extension (XXe s.), un entrepreneur ou un ouvrier qui fabrique ou pose certains ouvrages métalliques. Le féminin serruriere est attesté v. 1330 ; il est rare en français moderne.
■  SERRURERIE n. f. (1393 ; v. 1268, serreürerie) désigne couramment le métier de serrurier puis, altéré en serreuzerie au XVe s. et repris en 1694 (serrurerie), un ouvrage fait par le serrurier et, par la suite, en technique, la confection de certains ouvrages en fer (1871, grosse serrurerie ; 1876, serrurerie du bâtiment).
SERTÃO n. m., transcrit phonétiquement sertaun (1822), le ã marquant la nasalisation (sertan eût été préférable), est un emprunt à un mot portugais du Brésil, désignant la zone semi-aride du Nord-Est brésilien (Nordeste) où l'on pratique un élevage extensif.
L SERTIR v. tr. apparaît (fin XIIe s.) sous la forme sartir (le participe passé adjectif sarti est relevé v. 1130), refaite en sertir (1636 ; XIVe s., selon Bloch et Wartburg). La première forme représente l'aboutissement d'un latin populaire °sartire, dérivé de sartum, supin du latin classique sarcire. Sarcire, terme technique, a eu probablement le sens de « recoudre » et plus généralement « réparer, raccommoder », au propre et au figuré. La racine de ce verbe n'a pas de correspondant exact dans d'autres langues. Le participe passé a été emprunté par l'espagnol et le portugais sarta, désignant une série de choses enfilées (collier, chapelet). Par ailleurs, le latin classique sarcire a été emprunté par l'ancien français sarcir « recoudre (une déchirure) » (XIIe s.) et l'ancien provençal sarcir (XIIIe s.) de même sens. Quant au nom d'agent sartor « tailleur », il n'a laissé que des noms propres (Sartre).
❏  Le verbe s'est employé (fin XIIe s., sartir) au sens d'« attacher solidement » (plusieurs pièces, surtout de métal), encore en usage au XVIIe s. (1660). ◆  Sertir se spécialise au XVIIe s. en joaillerie, pour « enchâsser (une pierre) dans le chaton d'une bague, la monture d'un bijou » (1622, sartir ; 1642, sertir). ◆  Le verbe prend ensuite d'autres acceptions techniques ; sorti d'usage en serrurerie (1871), il se dit encore pour « assujettir, sans soudure, deux pièces métalliques » ou « par insertion d'un couvercle » (1871), spécialement dans sertir une cartouche (1904), puis en broderie et dans le travail du cuir (XXe s.).
❏  Sertir a fourni quelques dérivés techniques.
■  SERTISSURE n. f. désigne (1328) la partie du chaton d'une bague qui maintient la pierre et (1701) la manière dont une pierre précieuse est sertie.
■  SERTE n. f. (1765), « opération qui consiste à sertir une pierre précieuse », est un synonyme rare de SERTISSAGE n. m. (1871), usuel en joaillerie et qui a pris d'autres acceptions techniques au XXe s., par exemple en optique, en broderie.
■  SERTI n. m., participe passé substantivé (1875) de sertir, désigne un ouvrage serti.
■  SERTISSEUR, EUSE n., « ouvrier qui sertit (des pierres, des pièces métalliques) » (1837), désigne aussi un appareil qui sertit les cartouches de chasse (1902, sertisseur n. m. ; plus récemment sertisseuse n. f.) et un appareil pour sertir les boîtes de conserve, les œillets (1950).
■  SERTISSOIR n. m. (XXe s.) équivaut à sertisseur dans le domaine de la fabrication des cartouches et désigne un outil de maroquinier.
Le composé DESSERTIR v. tr. est employé dès l'ancien français (v. 1180, desartir) au sens de « rompre l'assemblage des mailles (d'un haubert), mettre en pièces (un bouclier) ».
■  De dessertir, « enlever une pierre précieuse de sa monture » (1751), dérive DESSERTISSAGE n. m. (1870), également terme de joaillerie.
SÉRUM n. m., réfection (1538) de la forme diminutive sérot (1478), est emprunté au latin serum « petit-lait » puis « liquide séreux » en général ; ce mot de la langue rustique se rattache à une racine indoeuropéenne °ser- « couler », qui a donné en sanskrit sarít « cours d'eau » et qui, par un élargissement, serait à la base d'herpès, serpent, serpolet.
❏  Sérum s'est employé au sens étymologique de « petit-lait », sorti d'usage, aussi dans serum du lait (v. 1560 ; repris en 1812), ou ser du lait (1567), ser de lait (1611), ser étant une forme francisée conservée après le XVIIe s. dans des dialectes (voir sérac, séré).
■  Au XVIe s., sérum prend en physiologie le sens de « partie liquide du sang constituée par le plasma débarrassé de la fibrine » (sérum sanguin). Le mot est repris au XIXe s. (1888) en médecine pour désigner une préparation à base de sérum d'animal immunisé qui, contenant un anticorps spécifique, est utilisée en injection à titre curatif ou préventif (sérum thérapeutique). Une solution de chlorure de sodium injectée pour certains lavages est nommée sérum physiologique, sérum artificiel (1883) ou sérum. ◆  La locution sérum de vérité (mil. XXe s.) est un synonyme usuel de penthotal.
❏  Sur le radical de sérum a été formé le terme de médecine SÉRIQUE adj. (1924), « relatif au sérum ».
■  Le nom entre par ailleurs en composition dans la formation de termes de biochimie : SÉRUM-ALBUMINE n. f. (1903), de albumine, et SÉRUM-GLOBULINE n. f. (1903), de globuline.
SÉRO-, élément tiré de sérum, entre dans la composition de termes de médecine.
■  SÉRODIAGNOSTIC n. m. (1896), de diagnostic*, désigne le diagnostic de certaines maladies, fondé sur la recherche d'anticorps spécifiques dans le sérum du malade ; le mot s'est diffusé vers 1985, à la suite de la banalisation de séropositif.
■  SÉROPOSITIF, IVE adj. et n. (déb. XXe s., adj.), de positif*, signifie « qui présente une réaction positive lors d'un sérodiagnostic » ; le substantif, employé (v. 1985) à propos du diagnostic du sida*, s'est largement répandu, comme l'adjectif, avec l'extension de cette maladie. Le mot est abrégé en SÉROPO adj. et n. (1989) et en SÉRO (années 1990). ◆  SÉRONÉGATIF, IVE adj. (déb. XXe s.) est parallèle.
■  D'autres formations restent d'usage didactique : SÉRO-SANGUIN, INE adj. (1837), de sanguin (→ sang) ; SÉROTHÉRAPIE n. f. (1888), de thérapie, aussi sous la forme SÉRUMTHÉRAPIE en 1890 « soins à l'aide de sérum (thérapeutique) », a fourni SÉROTHÉRAPIQUE adj. (1891).
■  SÉROLOGIE n. f. (déb. XXe s.), de -logie, « étude des sérums », a donné SÉROLOGIQUE adj. (1913) et SÉROLOGISTE n. (mil. XXe s.).
■  SÉROVACCINATION n. f. (1923), de vaccination, concerne aussi le sérum thérapeutique. SÉROCONVERSION n. f. (années 1980) désigne le fait de passer d'un état séronégatif à un état séropositif et, quelquefois, l'inverse.
SÉREUX, EUSE adj. a été dérivé (v. 1363, Chauliac) du radical de serum. ◆  L'adjectif s'est employé en physiologie pour qualifier ce qui a les caractères de la partie liquide des « humeurs » (v. 1363) et en pathologie pour qualifier ce qui est abondant en sérosités anormales (1540), d'où maladies séreuses, en médecine ancienne. ◆  Séreux s'est dit aussi (1835) pour « aqueux », en parlant du lait (ci-dessus sérum). ◆  Le mot prend sa valeur moderne au début du XIXe s., qualifiant ce qui est relatif à la sécrétion de liquides (par ex. de l'œil, de l'oreille interne), spécialement à propos des liquides qui facilitent le glissement de parties en contact : ainsi membrane séreuse (1806) et la séreuse (1825), système séreux « ensemble des membranes séreuses » (1835). ◆  Pour « relatif au sérum » (ci-dessus sérique), l'adjectif s'emploie dans anémie séreuse (1904).
■  Le dérivé SÉROSITÉ n. f., « partie la plus aqueuse des humeurs animales » (1495, cerosité), prend sa valeur moderne au début du XIXe s., surtout au pluriel, et désigne des liquides organiques (1810) et, en pathologie (1835), le liquide des hydropisies, œdèmes, etc.
SÉROPRÉVALENCE n. f. se dit en statistique du nombre d'individus séropositifs, pour un germe donné, dans une population définie à un moment donné.
SÉROTONINE n. f., emprunt à l'anglais serotonine (1948), formé de sero-, tonic et -ine. Le mot désigne une substance aminée élaborée par des cellules intestinales et des cellules cérébrales, véhiculée par les plaquettes sanguines, et jouant un grand rôle dans la régulation de la motilité intestinale et comme médiateur de l'activité cérébrale, par exemple dans la régulation du sommeil.
❏ voir SÉRAC, SÉRÉ.
L SERVICE n. m. (v. 1050, servise ; v. 1155, service) est issu du latin classique servitium « condition d'esclave », « esclavage » et « classe des esclaves », puis « office » dans le latin ecclésiastique. Il est dérivé de servus « esclave » (→ serf).
❏  Mot du vocabulaire religieux (v. 1050) et féodal (1080), service désigne d'abord l'obligation de servir et l'activité qui en résulte, et notamment le culte rendu à Dieu, aussi nommé service de Dieu (v. 1207). Par extension, il se dit (v. 1175) de l'ensemble des pratiques destinées à honorer Dieu, spécialement de la messe et des prières pour un mort (v. 1175), d'où service du bout de l'an (1690), pour le premier anniversaire d'un décès, et au XIXe s. l'expression service funèbre (1876).
■  Avec la même valeur d'obligation, service désigne (fin XIe s.) dans le système féodal les charges du vassal envers le supérieur, spécialement dans service de l'ost « de l'armée » (XIIIe s.) [→ hôte]. Au XIIe s., le mot s'emploie (v. 1185 ; services, 1270) en parlant de l'ensemble des devoirs envers une collectivité (voir ci-dessous service public). Ces deux valeurs se maintiennent au XVIe s., où homme de service désignait (1538) un homme qui servait dans l'armée, encore employé à l'époque classique, et où service désigne (1549) la fonction de ceux qui servent l'État et les activités militaires exercées pour le compte d'un pouvoir ; on a dit ensuite pour ces activités service militaire (XVIIIe s., att. 1720, devenu institutionnel en 1798), appelé aujourd'hui en France service national (1971) ou service dans l'usage courant (faire son service ; pendant son service). ◆  Être de service « occupé par sa fonction » (1671) s'emploie en particulier à propos d'un militaire ; être service ou service-service signifie (1901) familièrement « être très pointilleux ».
■  Parallèlement, service désigne une activité particulière que l'on doit accomplir auprès d'une personne, les obligations de la personne qui sert un maître (v. 1170), un employeur et, en général, ce que l'on fait pour qqn, d'abord dans la locution rendre malvais service a qqn « lui nuire » (1080), devenue en français moderne rendre un mauvais service, puis employé seul (v. 1155). On trouve aussi offrir (un) service (v. 1170), faire un service à qqn (1370) et rendre service (1610, H. d'Urfé) seul demeuré en usage. De là viennent les sens de « salaire, rémunération pour son service » (v. 1155) et (fin XIIe s.) « hommage rendu à la femme que l'on courtise », employé au pluriel dans la langue classique (1670). Le mot est entièrement sorti d'usage à propos de l'attachement que l'on porte à une femme (XIIIe s.).
Dès le XIIIe s., service se spécialise et désigne l'action, la manière de servir à table (déb. XIIIe s., faire le service) et plus généralement la situation, la fonction de domestique (XIIIe s.). ◆  Par extension, service s'est employé (1175) pour désigner les plats qu'on apportait sur la table ; de là premier, second service « première, seconde série de plats servis » (1552), repris au XXe s. pour « première, seconde série de repas servis à la fois » (1935), par exemple au wagon-restaurant. ◆  Le mot s'emploie ensuite (fin XVe s., service de table ; 1508, service) pour l'ensemble de la vaisselle et du linge utilisés pour servir à table. Il se spécialise en vaisselle, argenterie (service à café), vénerie. La locution figurée service trois pièces (v. 1930), argotique, équivaut à « parties génitales de l'homme ». ◆  Services, au pluriel, se dit couramment en français de Suisse pour les ustensiles de table, couteaux, fourchettes, cuillères (depuis 1820, après un usage analogue en Franche-Comté, attesté en 1753). On dit aussi services de table, en reprenant l'expression ancienne.
■  Service a eu le sens général (1508) d'« activité utile », demeurant dans des expressions avec la valeur d'« usage, fonctionnement » comme mettre en service (1883), être en service, hors de service (1893), usuelles à propos d'une machine, d'un dispositif automatique. La variante hors service est abrégée en H. S., au figuré « épuisé ».
■  Par ailleurs, service désigne (1580) les avantages que l'on tire de qqch. et s'emploie dans la locution rendre service à (qqn) « l'aider » (1610). ◆  Avec la même valeur (être) de service s'emploie pour « qui rend volontiers service, serviable » (dans l'ouest de la France et dans le Centre-Est, en Suisse). ◆  Lié à la fonction de domestique, service s'emploie depuis le milieu du XVIIe s. pour désigner le travail de la personne qui sert, la manière dont elle le fait, le temps pendant lequel elle sert et aussi (1694) ce qu'un maître exige d'un serviteur. Avec cette valeur, on relève ensuite escalier de service (1842) et porte de service, destinés aux employés de maison, aux fournisseurs (au figuré, en argot, « anus »). ◆  La locution à votre service (mil. XVIIe s.) s'est employée comme réponse à la question comment allez-vous ? (Cf. serviteur, dans un emploi analogue). En français de Suisse, et aussi d'Alsace, en Belgique wallone, service !, exclamatif, s'emploie en réponse à des remerciements (comme bienvenue au Québec).
■  C'est l'idée d'activité qui se réalise en sports au XVIIe s., le service étant l'action de mettre la balle en jeu à la paume (1669) et, spécialement, le jeu pendant lequel on sert (1690, « côté où est celui à qui l'on sert la balle »). La balle de service, à la paume, était annoncée par l'interjection tenez !, d'où vient tennis*. ◆  Service a été repris au tennis (1894), au ping-pong pour désigner le premier coup d'un échange.
Depuis le XIXe s., service désigne un organisme chargé d'une fonction administrative (av. 1835, Académie) ; l'expression service public « institutions administratives, mission d'intérêt général » (1835) a pris dans l'usage courant une acception plus large. Au sens d'« obligation envers la collectivité » (ci-dessus) service public avait désigné le fait de servir dans l'administration (1580). ◆  En économie, le mot se dit (1875) d'une activité qui représente une valeur économique sans correspondre à la production d'un bien matériel, surtout utilisé au pluriel : les biens et les services, société de services. Service désigne également (1876) une organisation chargée d'une branche d'activités dans un établissement public, en particulier dans l'armée (1888), par opposition aux unités combattantes. ◆  En français de Suisse, l'expression service de feu désigne le corps des pompiers. ◆  Le mot entre au XXe s. dans de très nombreux syntagmes comme services sociaux, service après-vente (av. 1969), abrégé couramment en S. A. V. ◆  En histoire, on désigne par Service du travail obligatoire (S. T. O.), l'organisation de l'État vichyssois pour procurer de la main-d'œuvre à l'Allemagne. ◆  Avec la valeur d'« action de servir qqch. », c'est au XIXe s. que service a pris le sens de « distribution (d'un journal) » (1867), employé spécialement dans service de presse (XXe s.) « envoi (d'un livre, d'un disque) aux journalistes », d'où par métonymie « exemplaire envoyé gratuitement », abrégé en S. P. Service signifie également « invitation à un spectacle » (1871 ; aussi billet de service). ◆  Un emploi très particulier, en français du Proche-Orient, est celui de taxi service ou service pour un taxi collectif adaptant son itinéraire selon la clientèle. ◆  En zoologie, le mot, en relation avec un sens spécialisé de servir, équivaut (1904) à « saillie (d'un étalon) ».
❏  SELF-SERVICE n. m. est un emprunt (1949) à un mot anglo-américain composé (1934) de self (→ self-) et de service, lui-même repris à l'ancien français. Cet anglicisme, abrégé familièrement en self n. m. (1961), est parfois remplacé dans l'usage par l'adaptation française LIBRE-SERVICE n. m. (v. 1950), de libre.
❏ voir SERVIR.
SERVIETTE → SERVIR
SERVILE → SERF
L + SERVIR v. est issu (880) du latin servire « être esclave », « vivre dans la servitude ». Le verbe latin, qui a donné l'italien servire, l'espagnol servir, est aussi employé pour « frapper une terre d'une servitude » et, au figuré avec diverses acceptions, « être sous la dépendance de », « se mettre au service de », « être dévoué à » et, avec un sujet nom de chose, « être utile à ». Il dérive de servus « esclave » (→ serf), qui avait antérieurement fourni servare « garder, protéger », maintenu dans la langue religieuse et senti comme séparé du nom.
❏  C'est avec la valeur du latin, « être soumis ou dévoué à (qqn) », que le verbe apparaît dans servir diaule (diable) « se vouer au diable » (880) et servir Dieu (fin Xe s.), aussi servir a [à] Dieu (v. 1050) « l'honorer », construction disparue en ce sens. ◆  Le verbe s'est employé intransitivement, en relation avec service, au sens de « dire la messe » (v. 1050), aujourd'hui remplacé par servir la messe. ◆  Il s'utilise dans un contexte non religieux (v. 1050), le sujet désignant un domestique, un subordonné, d'où l'emploi intransitif (v. 1165) pour « s'occuper des hôtes à table ». Le pronominal se servir, dans ce contexte, paraît beaucoup plus tardif (1832). ◆  Servir a par extension (1080) le sens de « s'acquitter d'obligations envers (une personne ou une institution à qui on obéit) », spécialement dans la société féodale (servir un suzerain) ; servir por armes (XIIe s.) s'est dit en parlant de jeunes nobles qui n'étaient pas encore armés chevaliers. ◆  Par analogie, servir à une dame (v. 1165), puis servir une dame (v. 1175), c'était être son chevalier servant, fidèle et dévoué. ◆  Le verbe avait repris par ailleurs le sens latin de « subir la domination de (qqn), être esclave » (v. 1150, servir à qqn ; v. 1550, intr.), sorti d'usage au XIXe siècle. ◆  Par figure, servir à qqn d'un coup (v. 1155) a signifié « le frapper », valeur maintenue dans servir à qqn (du bâton) [1204-1209]. ◆  Servir qqn de qqch. « lui présenter (un compliment), lui raconter (une histoire) » (v. 1155) a été remplacé par servir qqch. à qqn (1633).
Depuis la fin du XIIe s. le verbe, avec a [à] ou de et un infinitif pour complément, signifie « mettre à la disposition d'une personne » (v. 1175, servir à déjeuner), « être utile à, utilisé à » dans servir de (faire) qqch. (v. 1175). Servir pour, plus tardif (XIVe s., apr. 1360) et encore employé à l'époque classique, a été remplacé par servir à (1508). ◆  Servir à qqn équivaut aussi (v. 1165) à « être utile à (qqn) », en parlant d'une chose, d'où faire servir à « employer pour » (1658). ◆  Servir à signifie aussi (XIIIe s. ; v. 1050 d'après T.L.F.) « apporter une aide à (qqn), hors de toute obligation » ; servir à (qqch.) « donner ses soins à qqch. » (1213) est sorti d'usage (1300, servir à l'amour), remplacé par servir qqch. (1680). ◆  Servir de peu « être peu utile » (v. 1300) se maintient à l'époque classique, proche de la construction (ne) servir de rien « être inutile » (XIVe s.), toujours en usage mais plus littéraire que ne servir à rien, très usuel dans ça (ne) sert à rien, à quoi ça sert ?, etc. ◆  Servir de « être utilisé en guise, être utile à titre de » (1440-1475), qui s'est imposé aux dépens de servir en lieu de (1538), s'emploie au figuré, par exemple dans servir de couverture « de prétexte » (1613). De quoi sert-il de suivi d'un infinitif (1538) « quel avantage a-t-on de » a pour équivalent moderne que sert de... (1553).
■  Au XVIe s. apparaît servir « être soldat » (1538, intr.), spécialisation du sens ancien, féodal, toujours liée aux emplois correspondants de service.
■  Se servir de « faire usage de » (1538) va devenir très usuel, alors que servir à (une passion, etc.) « se laisser aller à » (v. 1550) a disparu, remplacé par la construction transitive. ◆  L'emploi transitif direct de servir qqch. au sens d'« utiliser », synonyme de se servir de, bien que considéré en général comme fautif, s'est répandu en français de Suisse (attesté depuis 1746), à l'oral (servir sa voiture, son ordinateur). Servi, ie correspond à « usagé ».
On retrouve le sémantisme de la mise à disposition au XVIIe s. dans des expressions comme servir une semaine « être de service pendant une semaine » (1636), pour vous servir (av. 1648), formule utilisée comme réponse affirmative. ◆  Servir la balle (av. 1650 ; 1669, intr.) « la mettre en jeu », malgré le caractère usuel de service*, ne se dit plus, remplacé par l'intransitif (notamment au tennis). ◆  Dans le contexte du service de table, l'emploi figuré de servir un plat de sa façon (1655) « traiter mal » est sorti d'usage. ◆  Au passif, être servi équivaut (1694) à « pouvoir se mettre à table » et correspond à servir qqn, qui a vieilli, alors que le déjeuner est servi (1835) est le passif de servir le déjeuner, très vivant. ◆  Le complément accompagnant servir au sens d'« aider » peut désigner un sentiment, une idée (1667, servir les passions de qqn) et le sujet un nom de chose (1669, le hasard l'a servi). Servir (qqn) a signifié spécialement « être le second dans un duel » (v. 1675). Par ailleurs, le verbe s'emploie par euphémisme à propos d'un animal pour « couvrir (une femelle) ». Dans le domaine commercial, servir un client correspond à « vendre ce que le client demande » (1768). ◆  Les emplois de servir dans les jeux et les sports sont moins courants que ceux de service. Ils sont attestés au jeu de dés (1718), aux cartes (1803), au tennis. ◆  En argot, le verbe a eu diverses acceptions figurées et ironiques au XIXe s. et jusqu'aux premières décennies du XXe s. : « assassiner », « voler » (1830), « arrêter (qqn) » (1837), « dénoncer » (1867). ◆  Par un euphémisme de même nature, ou par reprise de la valeur ancienne de servir un coup à qqn (voir ci-dessus), servir, en vénerie (1865), c'est « achever (une bête forcée), avant la curée ». ◆  Avec pour sujet un nom de personne, servir, absolument ou intransitif, put correspondre à divers emplois du transitif. Un sens particulier, correspondant à celui de service pour « emploi, fonction officielle », est usuel en français d'Afrique, pour « occuper un poste » (un instituteur qui sert en brousse).
Voir aussi le schéma.
❏  Le participe présent a été adjectivé et substantivé de manière courante, tant au masculin qu'au féminin.
■  SERVANT adj. m. et n. m. a désigné (v. 1140) celui qui se consacre au service de Dieu. Le servant était aussi un religieux convers chargé des travaux matériels dans un monastère (1213-1219), plus tard nommé frère servant (1659). Le mot s'applique aussi (v. 1150) à un domestique ou un écuyer, d'où spécialement (1339) servant de l'écuelle, du vin, etc. désignant diverses fonctions assurées par des officiers à la table du roi. Dans gentilhomme servant (1611), de même sens, le mot est adjectif. ◆  En relation avec le sens correspondant de servir, le mot s'est employé (1213-1239) pour « amoureux », dans la locution servant d'amour (1830), sortie d'usage, et dans chevalier servant « compagnon dévoué (d'une femme) » (v. 1840), allusion tardive au passé, toujours usuelle, et qui utilise l'expression chevalier servant, allusion à la féodalité, qui semble elle aussi très postérieure (1690) à la période de référence. ◆  S'appliquant aux choses, l'adjectif est propre à l'ancien français (XIIIe s. ; sorti d'usage en 1690, Furetière) ; il s'est employé dans des locutions : homme de servent condition « serf » (1461), fief servant « qui relève d'un autre fief » (1539), terme de droit féodal. ◆  Le français moderne a vu une évolution du nom en fonction des mœurs et du statut des domestiques ; par rapport au vocabulaire désignant les « gens de maison », le mot servant, à la différence de son homologue anglais, se situe dans d'autres domaines que serviteur. Il désigne par exemple (1812) celui qui sert le prêtre pendant la célébration de la messe (différent de desservant) et, dans le vocabulaire militaire (1835), un artilleur qui approvisionne une pièce. ◆  En sports (paume, puis tennis et ping-pong), et d'après les valeurs correspondantes de servir et service, le servant est le joueur qui met en jeu la balle de service (1894). ◆  Enfin, servant, en moyen français (depuis 1539), a désigné un objet de service, une petite étagère posée sur un buffet ; ce sens est sorti d'usage.
■  Le féminin SERVANTE n. f. a désigné (v. 1330) une femme employée comme domestique ; le mot était encore en usage au XIXe siècle. Servante-maîtresse (1746) « servante qui a pris autorité dans la maison » est aujourd'hui un archaïsme littéraire. Servante a aussi désigné une femme qui sert Dieu fidèlement (1550), aujourd'hui dans des expressions comme servante de Dieu, de Jésus-Christ (av. 1704), du Seigneur, ou dans le nom de congrégations catholiques. ◆  La locution je suis votre (très humble) servante, le masculin étant alors serviteur, était à l'époque classique la formule de politesse des femmes pour prendre congé (1649) ou pour exprimer un refus (1663, être servante à, de qqn). ◆  À partir du XVIIIe s., servante a pris, comme servant au XVIe s. (ci-dessus), des acceptions techniques et désigne des choses : un petit meuble de salle à manger servant de desserte (1746), un support de hauteur réglable utilisé par un forgeron ou un menuisier (fin XVIIIe s.). Lampe servante ou servante (1879) a désigné une lampe de théâtre, employée pour les répétitions. Ces acceptions ont vieilli.
SERVIABLE adj., dérivé d'après amiable (v. 1130-1140), a été en concurrence avec servisable (v. 1155), serviçable (v. 1200), dérivé de servise (→ service) ; l'adjectif s'est d'abord appliqué à un animal qui peut être dressé pour qu'il « serve ». ◆  Il qualifie aujourd'hui et depuis l'ancien français (v. 1210) une personne qui aime à rendre service. ◆  Il a eu diverses acceptions liées au sens de servir « être utile » : « qui fait bien son service » (v. 1175), « utile », en parlant d'une chose (1499-1508), sens maintenu seulement dans quelques régions (« commode, pratique ») et « soumis à une servitude ».
■  L'adjectif a fourni les dérivés SERVIABLEMENT adv. (v. 1200), rare, et SERVIABILITÉ n. f. (1859), auparavant serviableté (1530), relativement usuel.
■  Le composé INSERVIABLE adj. (1875), de 1 in-, est très littéraire comme son dérivé INSERVIABILITÉ n. f. (1920).
■  SERVABLE adj. signifie d'abord « serviable » (XVe s.) puis « utilisable » (1600). Il a disparu, sauf quand il peut s'opposer à INSERVABLE adj. Ce dernier (1875), formé de 1 in-, s'emploie à propos de ce qui n'est pas présentable au repas.
SERVEUR, EUSE n., aboutissement du bas latin servitor (serviteur ci-dessous), d'abord serveor (v. 1240), serveour (v. 1255), a eu le sens de « serviteur, valet » avec pour féminin serveresse (v. 1300). Il a aussi désigné un gardien (de troupeaux) [1275]. ◆  Le mot a disparu en moyen français et réapparaît au XVIIIe s., alors dérivé de servir, pour désigner (1739) celui qui sert la messe (ci-dessus servant) ; cette acception a elle aussi disparu. ◆  Le mot désigne en sports (1824, à la paume ; 1904, au tennis) la personne qui met la balle en jeu (servant ci-dessus). ◆  Le nom masculin se spécialise dans le vocabulaire technique, autrefois pour « aide-mineur qui déblaie le minerai, apporte les matériaux de boisage » (1871), aujourd'hui pour désigner un ouvrier qui alimente une machine (XXe s.). ◆  Repris d'un sens de servir (et de service), serveur désigne aussi et surtout un garçon de restaurant (av. 1885) avec pour féminin serveuse (v. 1920). ◆  Aux cartes, le serveur est la personne qui sert les cartes (XXe s.). ◆  Dans un réseau, un serveur est un ordinateur fournissant des services à d'autres ordinateurs. Serveur s'emploie aussi en apposition dans centre serveur (v. 1975).
■  SERVEUSE n. f., nom d'objet, équivaut à « verseuse » (XXe s.).
SERT n. m., mot d'argot (1832), a désigné un signal de mise en garde, et aussi (1844) le fait de guetter, surveiller (synonyme : pet). Le mot, écrit aussi SERRE, évoque aussi les valeurs argotiques de serrer « arrêter » (le sert empêche d'être serré).
SERVIETTE n. f. (1328) a remplacé touaille (v. 1155, toaille), qui, issu du francique °twahlja, est encore représenté par l'anglais towel (moyen anglais towaille). C'est un dérivé de servir qui n'est plus du tout perçu comme tel. ◆  Serviette désigne une pièce de linge dont on se sert à table ou pour la toilette (mil. XIXe s., serviette de toilette). Le mot s'est dit, du XVIe (1580) au XVIIIe s., de cette pièce de linge, pliée, utilisée comme bandage et par ailleurs (v. 1630) pour « couvert (à table) ». ◆  Il s'est employé en argot (1789) au sens de ce qui sera nommé plus tard papier hygiénique.
■  D'abord dans l'argot des avocats (1840), serviette désigne un sac, généralement pliant, servant à porter des papiers, des livres (Cf. portefeuille) ; le mot s'est développé dans ce sens, à côté de sac, cartable, etc.
■  Le composé SERVIETTE-ÉPONGE n. f., au sens premier de serviette, est attesté en 1890.
■  PORTE-SERVIETTES n. m. (1868), « support pour les serviettes de toilette », est demeuré distinct de PORTE-SERVIETTE n. m. (recréé au XXe s., attesté 1962) « pochette destinée à ranger une serviette de table ».
SERDEAU n. m. représente (1440-1475) une variante de sert-de-l'eau (XIVe s.), composé de (il) sert, de servir, et d'eau*. ◆  Ce terme d'histoire désigne l'officier de bouche qui recevait les plats desservis de la table royale, puis (1680 ; d'abord écrit cerdeau, 1644) le lieu où ces plats étaient déposés et (1798) l'endroit où on les revendait.
SERVITEUR n. m. (XIVe s.) s'est substitué avec un suffixe français à la forme servitor, empruntée (v. 1050) au bas latin servitor « serviteur (des dieux) », dérivé de servitum, supin de servire. ◆  Le mot a désigné (v. 1050) celui qui est dévoué à Dieu, à la religion, d'où, à l'époque classique, serviteur de Dieu « chrétien, fidèle », grand serviteur de Dieu « personne très pieuse » (1690). ◆  Il s'est dit (v. 1155, servitur) pour « domestique », avec les féminins serviteresse (1293), serviteure (v. 1380) et serviteuse (1485), en concurrence avec servante (ci-dessus) qui les élimine. Cet emploi est générique par rapport à valet, etc. et sera concurrencé par domestique. Enfin le mot a désigné (1723) un ouvrier loué à l'année. ◆  Il désigne aussi (v. 1225, servitour) la personne qui sert qqn ou une collectivité et envers lesquels elle a des obligations, d'où serviteur de justice « bourreau » (1501), serviteur du roi, serviteur de l'État (apr. 1650), ce dernier étant toujours en usage. ◆  Le mot s'est employé (v. 1430) jusqu'au milieu du XVIIIe s. comme équivalent de chevalier servant dans le vocabulaire galant ; être serviteur « avoir du dévouement pour qqn » (1594) a subsisté jusqu'au XVIIIe siècle. ◆  Serviteur a également été utilisé dans des formules de politesse comme votre très humble et très obéissant serviteur (1564), à la fin d'une lettre. Employé oralement, serviteur est devenu au XVIIe s. une formule ironique (1640 ; 1666, je suis votre serviteur) ou de salut avant de quitter qqn, de partir (1658) ; dans ces emplois sociaux, où le féminin est toujours servante, le mot a été en usage aux XVIIe et XVIIIe, disparaissant au XIXe siècle. La locution faire serviteur « faire la révérence » (1680), donnée comme populaire en 1718, s'est maintenue jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. L'expression votre serviteur « soi-même » (v. 1740), en s'adressant à qqn, est encore connue, sinon en usage, avec une nuance archaïque ou plaisante.
1 DESSERVIR v. tr., composé de dés- négatif (→ dé-) et de servir, signifie « débarrasser (une table) des plats qui ont été servis » en emploi absolu (1393) et dans desservir la table (1530), le repas ; comme servir, il est également employé avec un complément désignant une personne (1440-1475). ◆  Lié à un autre emploi de servir, desservir a aussi le sens de « rendre un mauvais service à qqn » (fin XVe s.) comme l'ancien provençal deservir « manquer à son devoir » (v. 1120). Cette acception s'est développée quand 2 desservir « mériter » a disparu (ci-dessous). De là viennent les emplois desservir qqn de qqch. « le dépouiller » (fin XVe s.) et desservir qqn « le maltraiter » (v. 1500), qui ont disparu en français classique.
■  Le dérivé 1 DESSERTE n. f. a désigné à la fois (1393) les plats qui ont été servis et ce que l'on mange à la fin d'un repas, d'où la locution à la desserte « à la fin » (1579), sortie d'usage. Il s'emploie ensuite à propos de l'action de desservir (1611). ◆  C'est enfin le nom (fin XIXe s.) d'une table ou d'un meuble où l'on met les plats qui ont été desservis ou qui sont prêts à être servis.
■  DESSERT n. m., réfection (déb. XVIe s.) de desert (1466), d'abord employé au premier sens de desserte « plats déjà servis » (1466), a désigné (1539) le dernier service d'un repas, constitué de fromages, pâtisseries et confitures ; aujourd'hui, il ne s'applique plus qu'à ce qui est servi après le fromage. Par métonymie (1690), il désigne le moment où l'on mange le dessert, mais il ne se dit plus de la corbeille qui contient les fruits du dessert (1723). ◆  Par figure, le mot signifie (1560 ; repris XIXe s.) « achèvement », « complément agréable ».
2 DESSERVIR v. tr. est issu (v. 1050) du latin deservire (de intensif) « servir avec zèle », « se consacrer à » et au figuré « être destiné à ». ◆  En ancien français, le verbe conserve la valeur propre du latin dans desservir Dieu (v. 1050) et en emploi intransitif (v. 1155) pour « faire du service militaire », puis dans desservir qqch. à qqn « le payer de retour » (fin XIIe s.) ; ces acceptions ont disparu, comme le sens de « mériter » (1080), qui était encore en usage au XVIIe siècle. ◆  Desservir ne s'emploie plus aujourd'hui que dans le vocabulaire religieux, le complément désignant un lieu (desservir une chapelle). ◆  Dans un tout autre contexte, le verbe s'utilise couramment avec un sujet désignant une voie de communication, un moyen de transport (1859). Par extension, il signifie (1890) « faire communiquer, donner dans », à propos d'une porte, d'une voie, et (XXe s.) « assurer un service de distribution (dans un lieu) ».
■  2 DESSERTE n. f. a signifié (v. 1150) « récompense ou punition » et (v. 1155) « action de mériter », « mérite », encore au milieu du XVIIe siècle. ◆  Le mot s'est dit (1680) de la fonction de desservant, sens noté « vieux » en 1870 et sorti d'usage. Il s'est spécialisé pour désigner (1838) le fait de desservir une localité, en parlant d'une voie ou d'un moyen de transport.
■  DESSERVANT n. m. « ecclésiastique qui dessert une cure » (1322) est rare avant le XVIIIe s. (1752).
RESSERVIR v. a signifié (1165-1170) « être utile », en parlant de qqn, puis « rendre service en retour » (XIIIe s., tr.). Le verbe prend au XVIe s., le préfixe re- étant repris au sens itératif, la valeur générale de « servir de nouveau » (1549, intr. reservir ; puis 1870), par exemple dans ça pourra resservir, le pronominal se resservir de qqch., de qqn étant attesté au début du XVIIIe siècle. ◆  Le verbe s'emploie avec un sujet nom de personne au sens de « replacer un plat sur la table » (1842). Comme intransitif, il signifie aussi « servir une nouvelle fois dans l'armée », vieilli (Cf. le familier rempiler).
❏ voir CONCIERGE, CONSERVER, OBSERVER, PRÉSERVER, RÉSERVER, SERGENT, SERVICE, SERVITUDE, SERVO-.
⇒ tableau : La notion indoeuropéenne de garde : servir
SERVITUDE n. f. (v. 1270) a été en concurrence en ancien français avec servitute (v. 1180), mot emprunté au latin classique servitus, -utis « servitude, esclavage », dérivé de servus « esclave » (→ serf). Servitude est un emprunt au bas latin servitudo, variante du latin classique. Les deux formes sont en concurrence jusqu'au XVe s., où servitude l'emporte. Quant à servitume (v. 1170) « esclavage », construit d'après coutume, il n'a pas vécu.
❏  Le mot a d'abord désigné l'état d'esclavage, encore au XVIIe s., et dans la langue chrétienne (v. 1190, servituit) l'état d'un homme livré au péché. Par extension, il se dit (XIIIe s.) de l'état de dépendance totale d'un individu soumis à un maître et (v. 1270) de ce qui crée cet état de dépendance, emploi aujourd'hui littéraire. ◆  Servitude s'est aussi employé (v. 1283) pour « condition de serf » et (une, des servitudes) « redevances dues au seigneur ». De même que dépendance, servitude a parfois le sens de « bâtiment annexe ». ◆  En français de Polynésie, le mot désigne un chemin, une impasse desservant, à partir d'une voie publique, des terrains sans accès à cette voie (habiter servitude X, à Papeete). ◆  La valeur plus générale de « service, usage », qui correspond à celle de l'ancien provençal servitut (v. 1140), demeure en droit civil (1473), en parlant de la charge établie sur un immeuble pour l'utilité d'un autre immeuble, d'où servitude de vue (1690) et, en droit public (fin XVe s.), à propos des restrictions au droit de propriété immobilière (1936, servitude aérienne). ◆  Servitude est vieilli et littéraire pour désigner l'état d'une nation privée de l'indépendance nationale (1492) ou d'un peuple privé de sa liberté politique (fin XVIIe s.). ◆  À l'époque classique, le mot a signifié « servilité » (1559), « dévouement à l'égard de qqn » (XVIe s.), « complète soumission » (déb. XVIIe s.), en particulier dans le vocabulaire galant (Cf. service, servir) et dans des formules de politesse comme assurer qqn de sa complète servitude. ◆  Bâtiment de servitude (1871) désigne en marine un bateau destiné au service des ports, des rades.
SERVO-, premier élément tiré du latin servus « esclave » (→ serf), entre dans la formation de mots techniques, marquant un asservissement mécanique : servo-commande, servo-mécanisme, servo-moteur, servo-freins, etc. (voir au radical).