2 SOUCI → SOUCIER
L SOUCIER v. tr. et pron. est issu (v. 1270, aussi soussier ; 1223, susiant au part. prés.) du latin populaire °sollicītare (second i long), altération du latin classique sollicĭtare (second i bref) « remuer totalement, agiter fortement », « troubler, inquiéter, tourmenter », « provoquer, soulever », « solliciter », verbe qui a été emprunté sous la forme solliciter*.
❏  Ce verbe a d'abord signifié « causer de l'inquiétude à (qqn) » et se soucier « se tourmenter » (v. 1270, se soussier de), sens disparu, alors que dès le XIIIe s. se soucier de signifie déjà « prendre intérêt à (qqch., qqn) », le plus souvent, à partir du XVIe s., dans un contexte négatif ou restrictif : ne pas se soucier de qqch. (1538), se soucier peu de qqch., ne pas se soucier de signifie aussi « ne pas craindre de » (1549) et « n'avoir pas envie de » (1559). Se soucier de (qqch., qqn) est souvent suivi d'une comparaison qui se substitue à la négation, s'en soucier autant que de cela (1655), comme de ses vieilles bottes (1690), sortis d'usage, comme de l'an quarante (attesté 1791 ; Cf. an), comme de sa première chemise (1875 ; Cf. chemise), comme d'une guigne (déb. XXe s.), où guigne désigne une variété de cerise. ◆  Se soucier de qqn « l'aimer » (1672), l'amour étant une marque particulière d'intérêt, est sorti d'usage.
■  Le transitif, au sens initial, s'est maintenu dans l'usage littéraire avec un sujet nom de chose (cela me soucie).
❏  Le préfixé S'INSOUCIER v. pron. (attesté en 1801), « ne se soucier de rien », ne s'est pas maintenu.
■  En revanche, INSOUCIANT, ANTE adj. et n. se dit d'une personne qui ne se soucie de rien (1752). Substantivé, insouciant, ante, nom, a désigné pendant la Révolution un indifférent en matière politique (1792), aussi construit avec de (être insouciant de qqch., 1835). L'adjectif s'applique à ce qui dénote cette disposition d'esprit (1834), à ce qui est caractérisé par l'absence de souci (1853). ◆  De l'adjectif procèdent INSOUCIANCE n. f. (1752), usuel, désignant une attitude générale et, plus rarement, le fait de ne pas se soucier de qqch. (1867, insouciance de qqch.), et INSOUCIAMMENT adv. (1842), littéraire.
■  SOUCIANCE n. f., « inquiétude » (1788), ne s'est pas imposé.
2 SOUCI n. m. (v. 1225) est la réfection (1530) de soussi (v. 1217), dérivé de soussier, soucier.
■  Le mot désigne l'état de l'esprit absorbé par un objet et que cette préoccupation inquiète ou trouble. Jusqu'au XVIIe s., il a le sens spécial de « préoccupation amoureuse » (1300, sousi). Une autre spécialisation concerne l'inquiétude que causent les dangers, les difficultés (v. 1260), d'où les locutions être en souci de qqch. (v. 1260, soussi), pour qqn (XVe s.), pour qqch. (1560), sorties d'usage, et remplacées aujourd'hui par se faire du souci pour, à propos de... (XXe s.). ◆  Prendre du souci, en français de la zone franco-provençale (de Lyon à la Savoie, à la Suisse romande) se dit pour « se préoccuper » et en particulier « se préparer à partir ». ◆  Tirer souci, en français de Provence, « causer du souci ». ◆  En relation avec l'un des sens de se soussier, soucier, le nom (XIIIe s., sousi) se dit de l'attitude d'une personne qui recherche un résultat, dans n'avoir souci de (v. 1310), avoir souci de (v. 1550), avoir en souci « aimer », sortis d'usage.
Un, des soucis désigne par métonymie (1549) ce qui est cause de souci, spécialement une personne qui occupe l'esprit (1573), sens caractéristique de l'usage classique, et une chose, en particulier dans l'expression mon beau souci, empruntée à un vers de Malherbe (déb. XVIIe s.). Dans cet emploi, souci peut reprendre la nuance d'intérêt actif (ci-dessus), avec c'est là le moindre de mes soucis (dans Ronsard 1554), le cadet de mes soucis (1798), le dernier de mes soucis.
Dans les années 1990, le mot souci a commencé à remplacer, à l'oral familier, en France, problème, dans des expressions négatives. Cet usage s'est répandu très rapidement, rendant désuète l'expression y a pas de problème, naguère en honneur. La manie anglicisante qui a suscité le pseudo-anglicisme no souçaï a pu jouer son rôle.
Le dérivé SOUCIEUX, EUSE adj. est la réfection (1530 ; soussieus, XIVe s.) de souciex (1280) ; le mot, blâmé par Malherbe, a été considéré comme archaïque au XVIIe s. et remis en usage plus tard. ◆  Il s'applique à une personne absorbée par les soucis (1280), par extension à ce qui dénote du souci (v. 1530). Au sens actif, il qualifiait une chose qui inquiète, trouble (XIVe s.). ◆  Pour qualifier une personne qui prend intérêt à qqch. (v. 1360), valeur qui correspond à se soucier et à souci, soucieux n'est plus en usage que dans soucieux de... (1580) et soucieux que, suivi du subjonctif (1870), « qui se préoccupe ».
■  L'adjectif a fourni SOUCIEUSEMENT adv. (av. 1850) et le préfixé INSOUCIEUX, EUSE adj. (1761), d'où INSOUCIEUSEMENT adv. (1842).
■  Le composé SANS-SOUCI n. et adj. inv. s'est d'abord employé dans Compagnons sens soutie (XIIIe s., hapax), Enfants sans-souci (1611), expressions qui désignaient une troupe d'acteurs bouffons. Le mot est vieilli pour désigner une personne insouciante (1718), mais se rencontre encore comme adjectif (1875). Un caractère sans-souci (1870), le sans-souci (1839, Balzac) ne se disent plus.
■  INSOUCI n. m., de 1 in- (av. 1836), a désigné le fait de ne pas se préoccuper de qqch., puis l'absence de soucis (1867). Il est très peu usité.
❏ voir SOLENNEL.
SOUCOUGNAN n. m., variante francisée de SOUKLIAN n. m., mot de créole, désigne, le premier à la Martinique et en Haïti, le second à la Guadeloupe, un esprit maléfique se manifestant sous la forme d'une boule de feu, ou, en Haïti, d'une forme humaine, un sorcier se déplaçant dans les airs et diffusant de la lumière la nuit venue.
SOUCOUPE → COUPE
L SOUDAIN, AINE adj. et adv. est la réfection (v. 1210) de sudein (v. 1120), issu du bas latin subitanus (Ve s.), altération du latin impérial subitaneus « soudain, subit », dérivé du latin classique subitus « qui vient sans être vu » d'où « soudain, subit » (→ subit).
❏  Parallèlement à la forme héritée et orale, sudein, soudain, on relève au XIIe s. la forme savante, empruntée, subitein, eine (1155), ou subitain, aine (1160-1170), notamment dans le syntagme mort subiteine « mort subite » qui s'est maintenu dialectalement (Wallonie, Suisse). La variante semi-savante soubdain se rencontre au XVIe s. (1534).
■  Soudain s'emploie d'abord comme adjectif pour qualifier ce qui arrive, intervient brusquement, provoquant une certaine surprise ; par extension, avec l'idée de rapidité, il a pris le sens de « vif, qui agit promptement » (v. 1360) avec l'expression estre soudain à faire qqch. « faire vite » (fin XVe s.) ; ce sens a disparu au cours du XVIIIe siècle. L'adjectif s'est aussi employé, par figure, pour qualifier une personne emportée, prompte à s'irriter (1380), sens encore attesté en 1700, puis sorti d'usage.
■  L'emploi adverbial apparaît à la fin du XVe s., au sens de « sur-le-champ, aussitôt » (1487), courant à l'époque classique, ainsi que tout soudain (v. 1530), devenu archaïque, et la locution conjonctive soudain que « aussitôt que, dès que » (1538), sortie d'usage au début du XVIIIe s. (Trévoux, 1721 : « ne se dit plus »). ◆  La valeur moderne de l'adverbe, « tout à coup », apparaît au XVIe s. (1549). Une autre acception (1636), « rapidement, dans un court laps de temps », a disparu vers la fin du XVIIe s. (Académie, 1694 : « vieux »).
❏  Soudain a fourni deux dérivés.
■  SOUDAINEMENT adv., forme refaite (fin XIVe s.) de soubdainement (v. 1190), « d'une manière rapide et imprévue » (v. 1130, sodainement), s'est employé pour « sur-le-champ, aussitôt » (fin XIVe s.) et « rapidement » (1541), valeur où il a été éliminé par la forme simple soudain.
■  SOUDAINETÉ n. f., réfection (v. 1460) de sodeineté (XIIIe s.), se dit du caractère de ce qui est rapide et imprévu et s'est employé aussi pour « vivacité, promptitude » (1380) jusqu'au XIXe s., spécialement « promptitude à se mettre en colère » (v. 1400).
❏ voir SUBIR, SUBIT.
SOUDAN → SULTAN
SOUDANAIS, AISE adj. et n. est dérivé du nom géographique Soudan, adaptation française de l'expression arabe Blad (« le pays », → bled) as (el + s) Sūdan (« les Noirs »), sûdan étant la forme plurielle de aswad « noir ». Le Soudan français étant devenu le Mali indépendant, soudanais n'est plus l'adjectif que de la république du Soudan (1956), ancien Soudan anglo-égyptien, sauf en géographie où soudanais, aise peut concerner l'ensemble de la zone ; dans ce cas, on préconise l'adjectif SOUDANIEN, IENNE. Les deux adjectifs s'appliquent au groupe des langues dites nilo-sahariennes parlées de l'Éthiopie au Tchad et du sud de l'Égypte à la Tanzanie.
SOUDARD n. m., écrit souldar (v. 1352), puis soudard (fin XIVe s.), est la réfection de soldeier (1080) [→ 2 soudoyer], devenu soudoiier (v. 1175) « soldat engagé pour une certaine solde ». Le changement de suffixe provient sans doute d'une influence de l'italien soldato (→ soldat). Le mot dérive d'une forme ancienne de solde* ou de sout (→ 1 soudoyer). Diez pense que le mot a d'abord été employé en Picardie, dans le Dauphiné, des hommes d'armes de ces régions ayant antérieurement combattu en Italie. Le suffixe -ard à valeur péjorative s'employait au XIVe s. dans la formation de mots marquant l'indiscipline militaire (Cf. pillard). On relève de nombreuses variantes parmi lesquelles soudart (déb. XVe s.), employée normalement au XVIIe s. ; souldrille (v. 1589) représente un croisement avec drille*.
❏  Soudard et les formes antérieures ont désigné jusqu'au XVIIe s. un soldat engagé pour une certaine solde, surtout un mercenaire, en relation avec soudoyer ; le mot est encore employé par archaïsme dans un contexte historique. De ce sens viennent soudard, arde adj. « martial » (1597, soldard) et à la soudarde « à la façon des soldats » (1608). Ces emplois ont disparu. ◆  Soudard, remplacé par soldat*, prend à la fin du XVIe s. une valeur péjorative et s'applique dès lors surtout à un homme de guerre brutal et grossier, un bravache (1587), puis par extension (1665) à un homme aux manières grossières. Cette acception est aujourd'hui littéraire.
❏ voir SOLDAT, 1 SOLDE, SOU.
SOUDE n. f., réfection (1578) de soulde (1527) et soudre (1544), est emprunté au latin médiéval soda qui reprend l'italien soda, lui-même emprunté à l'arabe suwayd, suwwād « soude », nom d'une plante utilisée en médecine pour combattre la migraine et dont les cendres produisent la soude, mot de la racine s-w-d « noir ». Cette plante fut exportée en grandes quantités vers la Sicile ; c'est par cette voie que le nom fut introduit dans toutes les langues européennes : italien, espagnol, portugais soda ; anglais soda (d'où le français 1 soda — à l'ordre alphabétique), allemand Soda.
❏  Le mot est introduit (1527, soulde) pour désigner la substance alcaline riche en carbonate de sodium, obtenue en brûlant certaines plantes marines ; il désigne aussi la plante (1542, Gesner). C'est une de ces substances qui reçoit le nom de sode (1542) puis soude (1578). Le mot s'est conservé après que les chimistes eurent analysé la substance en carbonate de sodium, et l'eurent obtenue à partir du chlorure de sodium. On parle alors de soude artificielle (1806), puis de soude du commerce (1793) avant de désigner la cendre comme une soude naturelle (1874). ◆  Le concept est alors passé de « cendre de plante » à « carbonate de sodium ». Le nom commercial de la substance est synonyme de l'expression cristaux de soude (1893), « soude en cristaux utilisée dans l'industrie et autrefois pour des usages ménagers ». Soude caustique (1787, Guyton de Morveau) désigne l'hydroxyde de sodium. ◆  En français du Québec, la forme 2 SODA n. m. désigne le bicarbonate de soude utilisé comme levure (soda à pâte). Biscuit soda, biscuit à soda « biscuit salé accompagnant une soupe ou des hors-d'œuvre ».
❏  Le dérivé SOUDIER, IÈRE adj. et n. a désigné d'abord (1796, n. f.) une usine où l'on fabrique de la soude, puis comme adjectif (1871) qualifie ce qui est relatif à la soude.
■  SOUDIER n. m. (1872) « fabricant de soude » désigne ensuite l'ouvrier employé dans une fabrique de soude (1877).
❏ voir SODA, SODIUM.
L SOUDER v. tr., représente une réfection (1160-1170) de solder (fin XIe s.), issu du latin classique solidare « rendre solide, consolider », « durcir », employé au figuré en bas latin ; ce verbe est un dérivé de solidus (→ solide) et a fourni soldar en espagnol, catalan et portugais, saldare en italien (XIIIe s., soldare). Parmi de nombreuses variantes, saulder (XIIe s.) est relevé jusqu'en 1660.
❏  Le verbe signifie « réunir par adhésion (deux parties organiques, les lèvres d'une plaie) », d'où être soudé (v. 1265, sodé). L'emploi intransitif, au sens de « se cicatriser » (1314), a été éliminé par se souder (1562), lui aussi sorti d'usage. Le verbe transitif a signifié par extension « boucher (un tonneau défectueux) » [fin XIe s.]. ◆  Il s'est spécialisé (v. 1130, solder) au sens de « joindre des pièces d'une matière solide, spécialement des pièces métalliques » par l'intermédiaire d'une composition fusible ou (1676) par fusion des parties en contact ; ce sens est dominant en français moderne (Cf. ci-dessous soudure et soudage). De là viennent la locution figurée souder argent vif « faire une chose impossible », sortie d'usage, et l'expression concrète fer à souder (1676), toujours usuelle.
■  Par figure du sens général archaïque, être saudé (v. 1225), puis sauder (v. 1330), comme l'ancien italien soldare (XIIIe s.), correspondent à « attacher (être attaché) fortement » ; souder veut dire « unir étroitement (des personnes ou des choses) » [v. 1268, sauder], surtout au participe passé et au pronominal. ◆  Soudé se dit dans la terminologie hippique en parlant des parties du corps d'un cheval, au sens de « réuni et proportionné, bien ou mal » (1871, cheval bien soudé).
❏  SOUDURE n. f. est la réfection (v. 1240) de sodure (XIIIe s.), auquel correspond la forme savante soldedure (fin XIe s. ; Cf. latin médiéval solidatura argenti, IXe s.). ◆  Le mot désigne l'alliage fusible servant à souder les métaux, d'où dans le vocabulaire technique soudure grasse, où domine l'étain, soudure maigre, au plomb (1845). ◆  Dès le XIIIe s., soudure, comme le verbe souder (ci-dessus), signifie par figure « union étroite entre deux personnes » ; le nom s'emploie avec cette valeur à propos d'éléments abstraits (1689, soudure des volontés) et concrets. ◆  Le mot signifie aussi (1314, sous la forme soudeure ; 1562, soudure) « jonction de deux parties », spécialement en botanique (1871, soudure des pétales). ◆  Par extension du sens initial d'« alliage », il a désigné le mortier (v. 1360) et un plâtre utilisé pour raccorder des enduits (1694). Par une autre extension métonymique, soudure désigne (av. 1502) une partie soudée et la manière dont les pièces sont soudées. ◆  Depuis le XVIIe s. (1636), et peut-être dès le moyen français (Cf. souder et l'ancien provençal sosdadura, 1390), soudure a pris la valeur active d'« opération par laquelle on réunit deux corps solides », en concurrence avec soudage, mot beaucoup plus technique. Cette valeur pourrait être beaucoup plus ancienne ; elle est d'ailleurs attestée dès le XIVe s. en occitan (voir ci-dessus). Dans le vocabulaire technique, le mode de soudage est précisé : soudure autogène « sans autre matière que les parties à souder » (1847), soudure à l'arc (1933), au laser, etc.
■  Le mot est repris au figuré au XXe s., dans faire (assurer) la soudure (1941, à propos des récoltes), « assurer la continuité (d'un approvisionnement entre deux livraisons, du fonctionnement d'une entreprise avant une rentrée) », par extension (v. 1960) « assurer une transition ». Une valeur spéciale de cette acception existe en français d'Afrique pour la période de pénurie alimentaire qui précède une récolte (on dit charnière, dans ce contexte, à Madagascar). ◆  En argot, soudure s'est employé (1933) pour « argent », notamment dans envoyer la soudure « payer, régler ».
Souder a fourni d'autres dérivés d'emploi technique.
■  SOUDEUR n., « spécialiste de la soudure » (1313), s'emploie rarement au féminin, SOUDEUSE n. f. (1933) désignant une machine à souder.
■  SOUDAGE n. m. se dit de l'action de souder et de son résultat (1459) et s'emploie au figuré (1875), littéraire ; dans l'usage technique moderne, soudure désigne plutôt l'alliage et le procédé spécifique, soudage se réservant la valeur active plus large. En technique, on distingue le soudage à l'arc (électrique), le soudage par résistance (électrique), le soudage au chalumeau (dit oxyacétylénique), le soudage au laser, par jet de plasma...
■  SOUDABLE adj. (1840) a donné SOUDABILITÉ n. f. (1840).
■  SOUDANT adj. et n. m. a qualifié ce qui se soude (1871) et s'emploie en métallurgie dans blanc soudant (1859), « blanc éclatant du fer, de l'acier, suffisamment chauffé pour être soudé », d'où le soudant n. m. (1933).
Deux verbes ont été formés à partir de souder par préfixation.
■  DESSOUDER v. tr. est la réfection (1223) de dessolder (1165), attesté jusqu'à la fin du XVe s. au sens de « briser », aussi dessauder (fin XVe s.). ◆  Le verbe a signifié « perdre sa soudure » (1223, intr.), valeur prise par se dessouder (1690) ; transitivement, il correspond à « ôter la soudure de » (1538). ◆  Il s'est employé en agriculture (1765, dessouder la terre) au sens de « défricher la terre en soulevant une partie de la seconde couche », sens conservé par l'italien dissodare (XVe s.). ◆  Par métaphore, dessouder a pris en argot le sens de « tuer » (attesté 1935). ◆  Le dérivé DESSOUDAGE n. m. (1924), « action de dessouder », a remplacé dessoudure n. f. et dessoudement n. m. (1636).
■  RESSOUDER v. tr., réfection (1397) de resolder (XIIIe s.), a succédé aux variantes resouder (1260) et resodeir (v. 1190) ; la forme moderne ne s'impose qu'au milieu du XVIIIe siècle. ◆  Le verbe s'emploie au propre (v. 1190 ; v. 1175, selon G. L. L. F.), par extension pour « joindre deux parties organiques », en chirurgie (1560) et aussi au figuré.
1 SOUDOYER v. tr. est un dérivé (1440-1475, aussi soldoyer) de soulde (1430), variante de 1 solde*. L'ancien français soudoier, v. intr., « servir en qualité de mercenaire » (v. 1160), dérive, comme souder, v. tr., « payer » (v. 1155), de l'ancien français sout, n. m., « solde payée aux soldats » (1265, sout), emploi spécialisé de solt « sou* » ; sout a été précédé par le pluriel souz (v. 1170).
❏  Soudoyer a signifié « payer une solde à (des soldats) », acception relevée jusqu'en 1788 ; en ce sens, le verbe a été remplacé par 1 solder.
■  Soudoyer a pris par extension une valeur péjorative (1732), « s'assurer le concours d'une personne à prix d'argent ». La péjoration a dû être renforcée par celle de soudard.
2 SOUDOYER n. m., représente une réfection (v. 1165, soudoier) de soldeier (1080), soudeier (v. 1150), soldoier (v. 1155), dérivé de sout, n. m., « solde payée aux soldats » (→ 1 soudoyer) ; le y a été introduit tardivement par influence du verbe. La variante soldoiour (1135) a disparu. ◆  Le féminin soudeiere s'est employé aux sens de « servante » (1160-1170) puis de « prostituée » (v. 1210, soldoiere) comme l'ancien catalan soldadera (XIIIe s.) ; Cf. fille à soldats.
❏  Soudoyer, « homme d'armes à la solde d'un chef », est un terme d'histoire.
❏ voir SOUDARD.
L SOUE n. f. est une réfection du XVIIIe s. (1744, soue à cochon, au Canada) par ajout de e, le mot étant féminin, de sou (1632), lui-même de l'ancien français seu (XIIIe s.) qui, comme les formes archaïques sot (v. 1210), sout en Dauphiné (1560) et sau (1611), viennent d'un bas latin sutis (508, sutem, Loi Salique), lui-même du gaulois °sū-tĕg « étable à porcs ». On a vu dans °sū-tĕg une composition à partir du latin classique sus, suis « sanglier, porc » avec un élément -teg, du latin classique tegere « couvrir, recouvrir », d'où « garantir, protéger » (→ toit, tuile). Sus est un mot d'origine indoeuropéenne en rapport avec le grec hus (→ hyène, jusquiame), l'avestique hū, le gotique swein, le sanskrit sū-karah qui, concurrencé par porcus (→ porc), n'est pas représenté dans les langues romanes. En revanche, il est usuel dans les langues germaniques (allemand moderne Schwein, anglais swine, etc.) [→ marsouin]. On a proposé par ailleurs de voir dans le mot gaulois un hybride, construit à partir de sus et d'un mot celtique teg « toit ».
❏  Soue, mot technique ou régional, a conservé son sens étymologique, mais on dit plus couramment étable à cochons. Au figuré, le mot peut désigner un lieu, une habitation très sale (emploi rare, archaïque et littéraire en français d'Europe), plus courant au Québec (surtout soue à cochons).
❏ voir SOUILLER.
L + SOUFFLER v. représente la réfection (fin XIIe s.) de sofler (v. 1120), sufler (v. 1155), issu par évolution phonétique du latin classique sufflare « souffler » et au figuré « se gonfler (d'orgueil) », « gonfler », « souffler sur (le feu, qqn) ». Ce verbe est composé de sub- marquant la position en dessous (→ sub-) et de flare v. intr. « souffler », « exhaler », « souffler dans un instrument », et « faire fondre (des métaux) », remplacé à l'époque impériale par la forme flatare. Flare n'a pas de correspondant exact ; on en rapproche dans d'autres langues indoeuropéennes des mots expressifs comme l'ancien haut allemand blāen (allemand blähen « gonfler, enfler »), le vieil anglais blāwan (anglais to blow) ainsi que, à l'intérieur du latin, le groupe de fluere (→ fleuve).
❏  Souffler conserve le sens étymologique, signifiant « expulser de l'air, par la bouche ou par le nez, par une action volontaire » ; de cette valeur découlent de multiples emplois en construction transitive ou intransitive, concrets et figurés.
■  Par figure, le verbe signifie « se répandre, se manifester », d'abord en parlant de l'esprit de Dieu (v. 1120), spécialement dans l'expression biblique l'Esprit souffle où il veut « la volonté de Dieu est imprévisible » (1718) ; la métaphore associe le souffle à la parole et le verbe s'emploie aussi pour « dire, prononcer » dans ne sofler mot « se taire » (v. 1130), devenu ne pas souffler le mot (1652), enfin ne pas, ne plus souffler mot (1835). Par extension, il prend le sens de « dire à voix basse, en confidence », en particulier dans souffler (qqch.) en l'oreille (1538) puis souffler à l'oreille de qqn (1537) ; on passe au sens de « dire discrètement qqch. pour aider » avec souffler sa leçon à qqn (1549), spécialement au théâtre (souffler une réplique), d'où souffler un acteur (1622). Par l'idée de confidence, on aboutit à l'emploi pour « suggérer », avec un sujet nom de personne (1662) ou de chose (fin XVIIe s.) ; ne pas oser souffler « ne pas oser ouvrir la bouche (pour parler, pour se plaindre) » [1668] est sorti d'usage.
Dès le XIIe s. apparaissent d'autres acceptions. Souffler équivaut à « respirer avec peine » ou « en expirant fort, bruyamment » (v. 1155) ; de là souffler sa peine « respirer fort à cause de la douleur » (déb. XVIIe s.), sorti d'usage, et les comparaisons du type souffler comme un bœuf (1694), comme un phoque (1846) « avec grand bruit ». ◆  Souffler signifie aussi « envoyer un courant d'air sur qqch. », par exemple le feu (v. 1155) pour l'activer, une chandelle (XIIIe s.) pour l'éteindre ; souffler sur le feu s'emploie au figuré pour « exciter (une querelle) » [déb. XVIIIe s.]. Cette valeur se réalise également dans la locution figurée ancienne souffler la plume « boire » (v. 1450), d'où souffler (1699) ; dans cet emploi, le verbe a été remplacé par siffler*. ◆  Souffler sur qqn s'est dit pour « ensorceler » (1553), par allusion aux pratiques du sorcier qui jetait un sort par le souffle vers une personne. ◆  Dans la Bible, souffler contre, sur (qqch. ou qqn) [1564] s'applique à la colère divine qui détruit, disperse. C'est probablement la locution figurée souffler la châtaigne à qqn (1560) qui a servi de modèle pour souffler qqch. à qqn (1655) « le lui enlever » par exemple au jeu de dames, où souffler le pion (1671) signifie « le prendre quand il n'a pas pris alors qu'il le pouvait » ; de là le précepte souffler n'est pas jouer « le fait de souffler un pion ne constitue pas un coup » (1790) et la locution figurée souffler le pion (à qqn) [1690], équivalent métaphorique ancien de souffler une affaire (1694). Cet emploi figuré s'est répandu au XVIIIe s. dans le langage poissard (1752) pour « détourner, subtiliser » (il lui a soufflé sa maîtresse). Il est encore en usage, à côté d'autres verbes, comme piquer. ◆  On relève depuis le XVIIe s. des applications de souffler « exhaler », dans des contextes particuliers : souffler la poussière (1636), pour la faire partir, souffler sur ses doigts (1685), pour les réchauffer, souffler sur son potage (1690), pour le refroidir. Transitivement, l'emploi le plus usuel est souffler le chaud et le froid, au figuré (1580) « faire alterner la douceur et la menace ».
■  Le verbe signifie en technique « faire fonctionner un soufflet, une soufflerie » (v. 1265), aussi transitif, souffler le charbon ayant signifié « faire de l'alchimie ».
■  Il se dit aussi du vent, pour « produire un courant d'air » (1372, intr.) d'où l'emploi en construction impersonnelle (1779) ça souffle !, pour « il y a beaucoup de vent », et la locution figurée regarder de quel côté le vent souffle « observer la tendance des événements » (1876). Souffler, toujours en parlant du vent, s'emploie transitivement pour « déplacer, envoyer (un fluide) » [1559].
C'est une autre acception du latin qui est reprise au XIVe s. dans souffler qqch. « envoyer de l'air ou du gaz dans » (Cf. insuffler), d'abord en parlant de la viande (1342), à laquelle l'air insufflé donne une belle apparence. ◆  Par analogie, souffler un navire (1680), en technique, signifie « en épaissir le bordage » (Cf. soufflage, ci-dessous). Avec cette valeur, on relève : souffler un animal « insuffler de l'air sous la peau pour la détacher » (1694), souffler un canon « y brûler de la poudre pour le nettoyer » (1701), sorti d'usage, souffler le verre (1701), souffler un ballon « le gonfler de gaz » (1770, souffler une vessie). Avec le sens métonymique de « souffler l'air dans (un soufflet, une soufflerie) », on a dit souffler l'orgue (1694), « le mettre en marche ». ◆  Un emploi spécial, absolu, est courant en français du Québec pour « enlever la neige (à la souffleuse) ».
À la fin du XVIIe s., le verbe entre dans le vocabulaire juridique, et souffler un exploit (1690) se dit de l'huissier qui fait paraître qu'il a donné cet exploit, quoiqu'il ne l'ait pas donné. ◆  Souffler a d'autres emplois spéciaux, comme « rejeter l'air par les évents », en parlant d'une baleine (XIXe s.), d'où elle souffle !, cri par lequel la vigie d'un baleinier signalait la présence d'un cétacé venu respirer à la surface (calque de l'anglais). ◆  Enfin, le transitif correspond à « détruire par effet de souffle » (v. 1940), en parlant d'un explosif.
Plusieurs valeurs figurées vivent en français contemporain ; par la même image que respirer, reprendre haleine ou souffle, le verbe souffler signifie depuis le XVIIe s. (1688) « prendre du repos, s'interrompre pour se reposer ». ◆  Par une autre image, le verbe étant cette fois transitif, souffler qqn signifie familièrement « stupéfier » (1940), comme couper le souffle*.
❏  Plusieurs dérivés sont usuels.
■  SOUFFLEMENT n. m. est rare pour désigner l'action de souffler qqch. (XIIIe s. ; v. 1120, soflement). En droit, d'après le sens de souffler, soufflement d'exploit s'est dit (1871) de la destruction volontaire d'une copie d'exploit. Enfin, le mot a pris (XXe s.) le sens de « bruit, mouvement d'air produit en soufflant », moins courant que souffle.
SOUFFLE n. m., réfection (v. 1220) de sofle (v. 1130), désigne le mouvement de l'air que produit une personne en expirant ; par extension, il se dit (1553) du fait d'expirer, par métonymie de l'air rejeté en respirant, et par extension de la « respiration » (expiration et inspiration). De là une acception spéciale pour le souffle « la capacité à garder son souffle » (av. 1871). Avec ces valeurs, le mot figure dans plusieurs locutions : dernier souffle « dernier soupir » (1636), par hyperbole on pourrait le renverser d'un souffle (1690). Couper le souffle « interrompre la respiration régulière » signifie par figure « étonner vivement » (1885). Cf. ci-dessus souffler. ◆  Par métaphore, le souffle étant associé à la vie, le mot désigne (1562) la force de l'inspiration, l'énergie créatrice et (1658) l'influence immatérielle de la force qui anime, inspire ; de là son emploi en tant que signe de vie, dans le souffle de la vie (1690), n'avoir pas un souffle de vie (1718), n'avoir plus que le souffle « agoniser » (1835).
■  À partir du début du XVIIe s., le mot a signifié « exhalaison » ; il désigne généralement le mouvement naturel de l'air (1604) et par extension l'air déplacé par une différence de pression (1636), spécialement employé au XIXe s. en parlant des effets d'une explosion, puis dans effet de souffle (d'un explosif) [1909]. ◆  Dans le vocabulaire médical, bruit de souffle (1832) puis souffle (1833) se dit d'un bruit anormal perçu à l'auscultation, et qui ressemble au bruit d'une colonne d'air dans un conduit, d'où par extension avoir un souffle au cœur « une lésion des orifices des valvules déterminant un souffle ». Bruit de souffle, dans ce sens, remplaçait bruit de soufflet (ci-dessous). ◆  Souffle s'emploie (av. 1871) avec une valeur plus restreinte pour désigner une respiration régulière, la capacité à garder son souffle, surtout dans des locutions comme trouver son second souffle (1907) « reprendre une respiration aisée, après un moment d'essoufflement », au figuré second souffle « regain d'énergie », « reprise d'une activité » (1965), ou encore être à bout de souffle « haletant » (1887, Zola) et par extension « épuisé » (XXe s.), par métaphore « à court d'énergie » (XXe s.) ; avoir du souffle (1910), ne pas manquer de souffle « être hardi, effronté » (Cf. il ne manque pas d'air) ; avoir du souffle se rattache aussi à l'idée d'inspiration soutenue, d'énergie créatrice (ci-dessus). ◆  Dans le vocabulaire technique, souffle désigne (1949) un bruit continu dans un appareil de reproduction acoustique.
SOUFFLET n. m. désigne (v. 1155) un instrument servant à souffler de l'air pour l'envoyer sur un foyer, dans une cheminée ; en ce sens, on relève en moyen français d'autres dérivés, comme soufflour (1371), choufflier (XIVe s.). ◆  Le mot s'est employé avec cette valeur dans des locutions figurées sorties d'usage comme soufflet contre le vent « personne qui perd son temps à des choses vaines » (v. 1300), jouer des soufflets « péter » (1640), et par métonymie en argot soufflet « cul » (1859) ; servir comme un clou à soufflet « être inutile » (1690) s'explique par la fonction strictement décorative des clous en cuivre sur le manche du soufflet. ◆  Soufflet pour « souffle » (v. 1170, sofflet) ne s'est pas maintenu, ni la locution figurée ne pas valoir un soufflet « ne rien valoir » (1690).
■  À partir du XVe s., à cause du bruit produit par le coup, soufflet désigne (1459) un coup du plat ou du revers de la main appliqué sur la joue ; on a dit aussi soufflace (XIVe s.) et souffle (v. 1510, n. f.). Cet emploi est littéraire, le mot ayant été éliminé dans l'usage courant par claque* et gifle*. Par figure, le mot équivalait à « camouflet, affront » (1580), spécialement dans donner un soufflet à Ronsard employé à l'époque classique (1640) pour « faire une faute de grammaire » ; on a ensuite substitué (1798) Vaugelas à Ronsard.
■  Par analogie, le mot désigne ce qui se replie comme un soufflet, une partie pliante entre deux parties rigides, destinée à donner du volume, de l'ampleur ; le premier emploi de ce type (1500) concerne une fenêtre ; calèche à soufflet se disait d'une voiture à capote pliante (1684), d'où soufflet de voiture (1700) ; on relève ensuite valise à soufflet (1871), soufflet d'appareil photographique (1895), soufflet de train (v. 1920) « passage articulé entre deux voitures ». Soufflet désigne aussi une pièce qui élargit un vêtement pour lui donner de l'aisance (1833). Par une autre analogie de forme, le mot se dit en histoire de l'architecture, d'un élément dans les fenêtres de style flamboyant, de forme proche du trèfle à quatre-feuilles (attesté dans les dictionnaires en 1964). ◆  C'est par comparaison avec le bruit de l'instrument que bruit de soufflet s'est employé (1819, Laënnec) en médecine pour un bruit cardiaque, nommé aujourd'hui (bruit de) souffle (ci-dessus).
■  Soufflet a servi à former quelques dérivés. ◆  SOUFFLETIER n. m., « ouvrier qui fabrique des soufflets, en particulier d'orgue » (1292), est un terme technique. ◆  SOUFFLETER v. tr. a signifié en vénerie « frapper » en parlant du faucon (XVIe s., av. 1525), puis « frapper d'un soufflet, gifler » (1546) et par extension « frapper vivement » (mil. XVIe s.), puis par figure « humilier, insulter » (1832, Hugo). Ces valeurs remplacées par gifler et des verbes abstraits sont archaïques. ◆  L'adjectif SOUFFLETÉ, ÉE (1580) « qui a reçu un soufflet » s'emploie aussi dans papier souffleté (XXe s.), autrefois soufflé (1761), « papier à tenture dont le décor est produit par soufflage d'une poussière de laine ». ◆  SOUFFLETEUR, EUSE n. « personne qui a donné un soufflet » (1611) est archaïque. ◆  SOUFFLETTE n. f. est attesté régionalement (1760, région de Liège) au sens de « soufflet de forge ». Ce terme technique désigne aussi une bulle d'air entre la surface d'une céramique et le moule (1875), la boursouflure d'un papier (XXe s.), et un dispositif qui souffle un gaz ou débite un fluide sous pression (1933).
SOUFFLERIE n. f. a désigné l'action de souffler (XIIIe s., isolément), par exemple pour alimenter un foyer en air, et s'était spécialisé pour parler du travail de l'alchimiste (v. 1500). ◆  Il se dit aujourd'hui d'un ensemble de soufflets (1636), de dispositifs qui conduisent un fluide soufflé (1802) et surtout d'une installation qui permet d'étudier les mouvements d'un fluide autour d'un matériel soumis à de grandes vitesses (1933, soufflerie aérodynamique).
SOUFFLEUR, EUSE n. et adj. a désigné une personne qui souffle (1261) ou fait fonctionner une machine soufflante (1548). D'après une spécialisation de souffler, il a signifié aussi (XIVe s.) « alchimiste ». ◆  De nos jours, c'est un terme technique (1871, n. m.) désignant l'ouvrier qui façonne le verre à chaud par soufflage. Souffleur n. m. a désigné un dauphin (1558), un cachalot (XVIIe s.) ou un cétacé en général (1690). ◆  Le nom s'est employé dans la locution figée souffleur de boudin « homme ventru » (1616) et au sens de « péteur » (1640). L'adjectif a qualifié une personne (1694) ou un cheval (1751) qui respire avec peine.
■  C'est à un autre sens de souffler qu'est lié l'usage moderne du mot, s'appliquant à une personne qui pallie les défaillances de mémoire des acteurs, en leur soufflant leur rôle (1549) d'où le trou du souffleur (1800), dispositif aujourd'hui disparu mais encore évoqué. ◆  Rattaché à souffler « suggérer », souffleur a eu le sens de « conseiller, instigateur » (1549) puis celui de « délateur, espion » (1636) qui est sorti d'usage. ◆  Le mot a développé d'autres emplois techniques : souffleur « appareilleur dans le domaine du bâtiment » (1842), SOUFFLEUSE n. f. « machine pour le soufflage des poils » (1890), « appareil pour la manutention des grains » (XXe s.) et, au Québec, usuel, « chasse-neige à soufflerie » (1944) et appareil automoteur individuel pour le déneigement.
SOUFFLANT, ANTE adj. et n. s'est appliqué (déb. XIIe s. suflanz « qui souffle » ; v. 1280, soflant) à une personne qui respire avec difficulté. Au début du XIXe s., l'adjectif qualifie une machine qui sert à souffler (1807). ◆  D'après un sens familier et figuré de souffler, il signifie familièrement « qui coupe le souffle » (XXe s.) ; Cf. époustouflant.
■  SOUFFLANT n. m., en argot « fusil, pistolet » (1752) puis « revolver » (1901), est peut-être issu de souffler « brûler de la poudre dans un canon » (Cf. aussi soufflard), mais relève plutôt, en général, de la métaphore. ◆  SOUFFLANTE n. f. est le nom (1931) d'un compresseur.
SOUFFLURE n. f. a désigné l'action de souffler, en parlant d'une personne (v. 1280, suffleure) ou du vent (XVIe s., soufflure).
■  Le mot a été reformé en technique pour désigner une petite cavité contenant des gaz, qui se forme pendant la solidification d'un ouvrage de verre ou de métal (1701), et une boursouflure de l'enduit d'un mur (1890) ; il est rare et littéraire dans l'emploi figuré pour boursouflure (XXe s. ; Cf. ci-dessous).
SOUFFLÉ, ÉE adj. et n. m. s'applique (1342) à ce qui a subi l'effet d'un souffle, spécialement dans des emplois techniques : papier soufflé (1761), sorti d'usage, poils soufflés « traités par le soufflage » (1869) et le sens de « traité par l'air comprimé », à propos d'un produit pétrolier (mil. XXe s.). ◆  L'adjectif signifie aussi « gonflé, bouffi », en parlant de personnes (1767) et de choses (1770). ◆  En cuisine, il qualifie ce qui a gonflé à la cuisson, par exemple dans omelette soufflée (1798), beignet soufflé (1835), pommes de terre soufflées (1904). De cette acception vient un soufflé n. m. « entremets qui monte à la cuisson » (1808) et par métonymie « petite marmite pour la préparation des soufflés » (1907). Sucre soufflé, d'où du soufflé (1764), signifie « chauffé jusqu'à ce qu'il forme des bulles ». ◆  Dans un contexte abstrait, soufflé s'applique au style prétentieux et creux (fin XIXe s.) et se dit des prix, d'une somme d'argent excessive (XXe s.), moins courant que gonflé. Par figure, soufflé signifie familièrement (1935) « abasourdi ».
■  SOUFFLÉE n. f. (v. 1550), « souffle, haleine », est sorti d'usage.
SOUFFLAGE n. m. signifie d'abord « action de souffler » (v. 1480, soufflaige), acception sortie d'usage. ◆  C'est devenu un terme technique désignant l'augmentation d'épaisseur du bordage d'un navire (1675) et, au sens premier de souffler, l'opération par laquelle on donne sa forme à un objet de verre (1723), ou encore celle qui sépare les poils légers (feutrables), en chapellerie. Il s'emploie notamment en métallurgie (1893, soufflage de la fonte). ◆  De là SURSOUFFLAGE n. m. (1893) « soufflage forcé ».
SOUFFLARD n. m. « ce qui souffle » était le nom d'une pièce d'artillerie (fin XVe s.) et, en argot (1596), désignait le maréchal-ferrant qui actionnait le soufflet. ◆  En technique, c'est le nom (1875) de l'orifice par lequel un gaz naturel, par exemple le grisou, se dégage brusquement. En géologie, il se dit (1907) d'un dégagement brusque de vapeur d'eau dans une zone volcanique.
Souffler a servi à former deux préfixés.
■  ESSOUFFLER v. tr., réfection de essofler (v. 1185), de es-, latin classique ex- (→ é-). D'abord employé au sens de « donner de l'air à », le verbe conserve celui de « mettre hors d'haleine » (XIIIe s., essoufler). Le pronominal s'essouffler signifie au figuré, comme être à bout de souffle, « perdre le souffle de l'inspiration » et « ne plus pouvoir suivre un rythme de croissance » (v. 1965). ◆  ESSOUFFLÉ, ÉE adj. (v. 1220, essoflé) signifie « hors d'haleine ». ◆  Le dérivé ESSOUFFLEMENT n. m. (v. 1500, repris en 1772) s'emploie au propre et au figuré en parlant de choses.
BOURSOUFLÉ, ÉE adj., également formé sur souffler, est la réfection (XVe s.) de borsoflé, ée (1230), borsouflé (v. 1200, selon G. L. L. F.) et s'écrit aussi avec -ff-, d'après souffle ; cette graphie n'a été admise par l'Académie qu'en 1975. ◆  L'adjectif est formé du radical onomatopéique bou- (variante bod-) exprimant le gonflement (Cf. boudin). ◆  Il s'applique (v. 1230) à ce qui est gonflé, bouffi, d'où BOURSOUFLÉ n. m. « personne replète » (1669), relevé jusqu'en 1878. Par figure, il signifie péjorativement « plein (de) » [1546, boursouflé de vanité] et, en parlant du style (av. 1701), « emphatique et vide ». ◆  Le dérivé BOURSOUFLER v. tr. signifie « rendre enflé » (1530) ; il s'emploie au pronominal (1658) et au figuré (av. 1822).
■  BOURSOUFLURE n. f. désigne le gonflement que présente par endroits une surface unie (1552 ; 1547, boussouflure, en médecine) et par figure équivaut (1798) à enflure en parlant du style.
■  BOURSOUFLEMENT n. m., attesté isolément en 1590 pour désigner l'état de ce qui est boursouflé, a été repris en chimie (1803) pour parler de l'augmentation du volume d'un corps sous l'effet de la chaleur. ◆  Le mot se dit par figure pour l'enflure du style, comme BOURSOUFLAGE n. m. (1765), usité aussi avec une valeur concrète.
❏ voir ENFLER, FLAGEOLET, FLATULENT, FLEURER, FLÛTE, GONFLER, INSUFFLER.
SOUFFRETEUX, EUSE adj. représente la réfection (v. 1270) de l'ancien français suffraitus (v. 1120), sofreiteus, sofraitos (1165), soufreteus (v. 1300) ; ces formes dérivent de l'ancien français suffraite, n. f. (1080), sofraite (1167) « privation, manque, misère, disette » qui est issu, comme l'ancien italien soffrata, d'un latin populaire °suffracta « choses retranchées ». Ce dernier est la substantivation du féminin de °suffractus, participe passé passif de °suffrangere. Ce verbe est une altération du latin classique suffringere « rompre en bas », « briser par le bas », formé de sub- qui marque la position inférieure (→ sub-) et de frangere « briser » (→ fraction) qui se rattache à une racine indoeuropéenne °bhreg-, comme le germanique °brekan (Cf. allemand brechen, anglais to break). °Suffrangere avait abouti en ancien français à soufraindre, v. intr., « manquer, faire défaut » (fin XIIe s.), en ancien catalan à sofranyer, etc. (en ancien provençal, v. 1180). La variante en souffr- marque l'influence de souffrir.
❏  Le mot, comme adjectif (1165), et comme nom (v. 1220) est d'abord appliqué à une personne qui est dans le besoin, notamment dans les locutions être souffreteux de qqch. « manquer de qqch. » (1165), être souffreteux de, suivi de l'infinitif, « être incapable de » (déb. XIVe s.) ; cette acception, synonyme de besogneux (de besoin), est encore relevée au XVIIIe siècle.
■  Puis le mot, senti comme dérivé de souffrir, qualifie (1826) une personne qui éprouve momentanément une douleur, emploi sorti d'usage. ◆  Souffreteux se dit d'une personne de santé débile, souvent malade (1832), d'où un air souffreteux (1875). ◆  Il se dit par analogie d'une plante malingre, rabougrie (1843, Gautier).
❏  Le dérivé SOUFFRETEUSEMENT adv. (1636) avait été repris dans le Journal des Goncourt (1855), mais ne s'est pas imposé.
❏ voir SUFFRAGE.
L SOUFFRIR v. est la réfection (v. 1112) de susfrir, suffrir (1080), issu d'un latin populaire °sufferire, altération par changement de conjugaison du latin classique sufferre « supporter » et « se soutenir, se maintenir », au figuré « endurer (la soif, une punition) ». Ce verbe est composé de sub- marquant la position inférieure (→ sub-) et de ferre « porter, supporter » (→ -fère) qui a fourni une série de verbes préfixés (→ conférer, différer, offrir, préférer, etc.). Ferre se rattache, comme le grec pherein (Cf. -phore) à une racine indoeuropéenne °bher- « porter », également représentée par le sanskrit bhárāmi, le gotique baira.
■  °Sufferire a abouti à l'italien soffrire, à l'espagnol sofrir, au catalan sofrir ; par ailleurs, le latin classique sufferre avait donné en ancien catalan et en ancien provençal (mil. XIe s.) soferre « supporter, endurer », et en ancien français soferre (v. 1150) de même sens, qui se maintient, à côté de suffrir, souffrir, jusqu'au XVIe s. (1530, refait en souffere).
❏  Le verbe apparaît avec la valeur première de « supporter », au sens concret de « soutenir (une bataille) », encore vivant à l'époque classique (1694, souffrir un assaut, un siège), puis remplacé par soutenir. Par extension, on a dit souffrir qqn « résister à qqn (dans un combat) » [v. 1155] et souffrir qqch. (déb. XIIIe s.). ◆  Souffrir a eu en ancien français, comme en ancien provençal (soffrir, fin XIe s.), le sens étymologique de « porter, soulever » et « soutenir (un poids) », d'où se souffrir « se tenir debout » (1200) et « se soutenir mutuellement » (v. 1283). Cette valeur a été éliminée notamment par porter. ◆  Cependant, le sens de « supporter, endurer avec fermeté (ce qui est pénible moralement) » est plus ancien (1080 pour susfrir ; v. 1112, souffrir). En procèdent par extension plusieurs valeurs : « attendre » (v. 1130), en ancien français se souffrir de « se passer de » (1160-1170), se souffrir « patienter » (v. 1180, soffrir). Parallèlement, le verbe prend les sens de « subir (une chose douloureuse, désagréable) » [v. 1120] et de « tolérer, permettre » (v. 1131), qui se développent dans diverses constructions et locutions.
■  Souffrir qqn « tolérer sa présence » ne s'est pas maintenu au-delà de l'époque classique, mais la tournure négative (1677) ne pas souffrir, également à propos de qqch. (1689), est toujours vivante et même familière (je ne peux pas le souffrir). ◆  Souffrir le mâle « en permettre l'approche », en parlant de la femelle (1690), s'est restreint à souffrir l'étalon, à propos d'une jument (1872). ◆  Souffrir le droit « se laisser juger » (v. 1190, suffrir dreit) n'existe qu'en ancien français. ◆  Cependant, plusieurs constructions de même sens sont encore employées à l'époque classique : souffrir accompagné d'une proposition infinitive pour « laisser » (v. 1175), souffrir qqch. à qqn (v. 1210) ou à qqch. (1642) « le lui accorder », « le laisser passer », souffrir de qqn « en supporter des choses désagréables » (1440-1475), souffrir à qqn de, suivi de l'infinitif, « lui permettre de » (av. 1550). Souffrir que, avec le subjonctif, « permettre que » (v. 1165, sufrir), qui représente le même sémantisme, est encore en usage dans le registre soutenu. ◆  Avec cette valeur, souffrir signifie « pouvoir recevoir, admettre » (1640), et entre dans la locution le papier souffre tout « tout est possible sur le papier » (1548). Souffrir, surtout négativement, veut dire spécialement « supporter sans inconvénient » en parlant d'une marchandise (1782). ◆  Se souffrir, qui avait à l'époque classique le sens d'« être toléré » (av. 1650, Descartes), signifie « se tolérer mutuellement » (1761), surtout au négatif.
Avec le sens attesté dès l'ancien français (v. 1120, Cf. ci-dessus) de « subir (une chose douloureuse) », le verbe est aujourd'hui littéraire, y compris lorsqu'il est employé dans des locutions : souffrir mort et passion (v. 1283), souffrir mort (v. 1354), d'abord « endurer la mort », a pris par exagération la valeur de « supporter de vives contrariétés » (1694), comme souffrir mille morts (1690), d'où à l'époque classique faire souffrir mille morts « importuner » (1690). Une évolution analogue concerne souffrir le martyre « subir des tortures pour sa foi » (1656) puis « éprouver de grandes douleurs » (1666) et « être très impatienté » (1835). ◆  Avec une valeur affaiblie, le verbe signifie « éprouver un dommage » (1872, souffrir des pertes).
■  Souffrir s'emploie très couramment en construction intransitive (v. 1480) avec le sens de « ressentir une douleur physique ou morale, avoir mal » ; il remplace alors l'ancien verbe douloir (→ dolent, douleur) ; cette valeur dominante donne aux autres emplois, issus d'acceptions plus anciennes, un statut archaïque ou stylistique marqué. Souffrir de peut être accompagné d'un nom qui désigne une région du corps (1740, souffrir de la tête), l'origine de la souffrance (av. 1747) ou une affection (1842). Avoir cessé de souffrir signifie par euphémisme « être mort » (1812). ◆  Par extension, souffrir de a pris le sens (1668) de « subir un dommage, un préjudice », en parlant d'une personne ou de choses ; par exagération, le verbe se dit pour « avoir bien du mal, se donner beaucoup de peine » (1876).
❏  SOUFFRANT, ANTE adj., réfection (1190) de suffrand (v. 1120), soffrant (1160-1170), a signifié « patient, indulgent » et « dur à la peine, vaillant » (v. 1190, n. m.), d'où aler sofrant « résister » (1212). Ces deux acceptions, encore vivantes à l'époque classique, sont sorties d'usage.
■  L'adjectif signifie aujourd'hui, depuis le XVIIe s., « qui éprouve de la douleur » (1690), surtout avec un nom collectif ou au pluriel : partie souffrante « partie du corps affectée » (1694), l'Église souffrante « les âmes du Purgatoire » (1718) appelées aussi souffrants n. m. pl. (mil. XVIIIe s.). ◆  L'adjectif s'applique par métonymie à ce qui exprime la souffrance (1808). ◆  Par extension, il qualifie couramment (XXe s.) une personne légèrement malade.
SOUFFRANCE n. f. (v. 1170), éliminant les variantes sofrance (v. 1180), soffrance (v. 1200), dérive de souffrir ou est issu du dérivé latin impérial sufferentia « action de supporter ». Le mot apparaît avec le sens de « trêve », dans en sofrance (v. 1180) puis seul (v. 1200) et dans la locution mettre en soffrance, en souffrance (1213) « faire cesser » (v. 1200) et dans souffrance de guerre « trêve » (v. 1240). De cette valeur disparue, on passe au sens de « délai, répit » (v. 1283), spécialement pour désigner le délai que le seigneur accordait au vassal pour faire foi et hommage (1369), emploi relevé jusqu'au XVIIIe siècle. La locution en souffrance, attestée au XVe s. dans être en souffrance (v. 1467) est le seul témoin moderne de cette valeur du mot ; tenir qqn en souffrance (1467) est sorti d'usage pour « en répit, ou avec un délai », mais on dit encore affaire en souffrance « en suspens » (1770) et effets (1904), quittances, puis (1930) marchandises, lettre, colis en souffrance « qui n'a pas été réclamé ».
■  Parallèlement, depuis la fin du XIIe s., souffrance a le sens de « patience, fait de supporter » dans mettre en suffrance (1184) « tolérer » et employé seul (v. 1200). Cette valeur se maintient jusqu'au XVIIe s. dans des locutions comme par la souffrance de « avec l'autorisation de » (1230), demander la souffrance « la permission » (1549). Désignant (v. 1360) l'action de tolérer ce qu'on pourrait empêcher, le mot entre dans quelques expressions juridiques comme jour de souffrance « baie qu'on peut ouvrir sur la propriété d'un voisin, à condition de la garnir d'une grille ou d'un châssis dormant » (1832) ou chemin de souffrance, où l'on accorde le passage.
■  C'est au XIIe s. (v. 1175) et surtout en moyen français (v. 1462) que souffrance semble prendre le sens de « douleur, physique ou morale » et « état d'une personne qui souffre ». Ce sens aujourd'hui dominant rend peu compréhensibles les autres emplois, parfois interprétés comme des métaphores de la douleur (le colis en souffrance pâtit d'être oublié, le jour de souffrance est triste et pénible, etc.). ◆  Le mot s'est dit par extension pour « manque, misère » (1573). ◆  Une, des souffrances (1175) est littéraire à propos de ce qui cause la souffrance (1834).
SOUFFROIR n. m. « lieu de souffrance » est dérivé de souffrir ; il est littéraire et rare (1863, Goncourt).
Le composé SOUFFRE-DOULEUR n. m. (1607), écrit aussi souffre-douleurs (1653), désigne une personne qui doit supporter les tracasseries, les propos méchants de son entourage. Le sens moderne de souffrir « éprouver de la douleur » a modifié ses emplois. ◆  Le mot s'est employé familièrement pour une bête de somme (1690) et, par analogie, pour un objet dont on se sert constamment (1743), sens relevés jusqu'en 1878.
SOUFI, IE n. m. et adj., (1751) a d'abord été emprunté sous les formes sophy (1511), sophi (1654), sofi (1694), sof (XVIIe s.) ; c'est un emprunt à l'arabe ṣŭfī, proprement « vêtu de laine », dérivé de ṣūf « laine ». Les premiers soufis étaient des ascètes qui portaient un vêtement de laine. Le mot sophi, titre des rois de Perse, est sans rapport ; il vient du nom du fondateur de la dynastie séfévide.
❏  Soufi, parfois écrit sofi, se dit d'un mystique de l'islam, adepte du soufisme.
❏  SOUFISME n. m. (1842), aussi écrit çoufisme, sofisme (1831), désigne une doctrine mystique, souvent ascétique, d'une grande exigence morale et intellectuelle, qui s'est développée à l'intérieur de l'islam.
■  SOUFITE adj., « qui est relatif au soufisme », s'est employé comme substantif (av. 1876, n. m.) pour désigner un écrivain qui expose les doctrines du soufisme ; on emploie dans ce sens soufi.
SOUFRE n. m. est la réfection (av. 1250) de sulfre (v. 1120), suffre (v. 1138), issu du latin sulfur (ou sulphur), forme grécisée de sulpur « soufre », mot probablement d'origine dialectale, sans étymologie claire. La forme soupre des gloses juives (fin XIe s.) est l'aboutissement de sulpur, ainsi que l'ancien français sopre (XIIIe s.) et l'ancien provençal solpre. Sulfur a donné, parmi les langues romanes, l'italien solfo, zolfo, l'espagnol azufre (ancien espagnol sufre), le portugais enxofre.
❏  Le mot, avec des variantes en ancien et moyen français, soffre (v. 1160), soulfre, soulphre (1549 ; encore au XVIIe s.), et souphre (1622), désigne une substance connue de toute antiquité, un corps de couleur jaune qui exhale en brûlant une odeur suffocante ; c'était, dans l'ancienne chimie, l'un des trois principes actifs, défini comme une « substance liquide et inflammable, qui monte en forme d'huile après l'esprit dans la distillation qui se tire de tous les corps » (Furetière, 1690) ; le soufre est reconnu comme un corps simple par Lavoisier (fin XVIIIe s.).
■  Au XVIe s., le mot s'est employé, d'après la Bible, avec la valeur métaphorique de « foudre, élément destructeur qui se trouve dans la foudre » (1550).
■  Il a servi à former diverses dénominations en chimie : ainsi dans Furetière (1690), soufre doré d'antimoine « pentasulfure d'antimoine », médicament expectorant et émétique, fleur de soufre « soufre en poussière obtenu par distillation », lait de soufre, obtenu par l'action d'un acide sur une solution d'hyposulfite, foie de soufre « sulfure de potassium des pharmacopées ». ◆  Soufre végétal (1768) désigne le soufre de lycopode. On a dit (1694) chemise de soufre pour désigner le vêtement donné aux condamnés au bûcher.
■  Depuis le XVIIIe s., soufre désigne une couleur jaune clair (1742), et par métonymie (un soufre) le moulage d'une médaille, fait dans du soufre (1782).
■  L'association mythique du soufre au démon se retrouve dans odeur de soufre, qui se dit par figure d'une odeur infernale, satanique (1826, Vigny), et sentir le soufre se dit d'écrits ou de propos peu orthodoxes, qui semblent inspirés par le diable.
❏  Le dérivé SOUFRÉ, ÉE adj. qualifiait ce qui renferme du soufre (1256, d'une eau) ; il se dit encore aujourd'hui de ce qui est enduit, imprégné de soufre (1690), spécialement dans allumette soufrée (1872), mèche soufrée (1876), et de ce qui est d'une couleur jaune soufre (1784).
■  SOUFRÉE n. f. a désigné (1780) la phalène du sureau et SOUFRÉ n. m. est le nom usuel donné (av. 1850) à un papillon commun dont les ailes sont d'un jaune de soufre bordées de noir.
■  SOUFRIÈRE n. f. (1495), aussi écrit soulphriere (1622), désigne le lieu où l'on extrait le soufre ; en ce sens souffrerie n. f. (v. 1500) ne s'est pas maintenu. ◆  Soufrière s'est dit aussi (1836) de l'endroit où l'on met le soufre, dans les fabriques d'allumettes. ◆  Le mot, enfin, désigne parfois un volcan ; Cf. l'italianisme solfatare.
■  SOUFREUX, EUSE adj. (1549 ; 1568, souphreux) ne s'applique plus à ce qui contient du soufre ; l'adjectif est rare et littéraire pour qualifier (déb. XXe s.) ce qui est de couleur jaune soufre.
SOUFRER v. tr. signifie « imprégner, enduire de soufre » (1636), par exemple des allumettes, et s'est spécialisé dans des emplois techniques, au sens de « traiter au soufre (la laine, la soie, etc.) » [1680]. Soufrer du vin signifie en viticulture (1690) « le muter avec de l'anhydride sulfureux ». Soufrer la vigne (1857) consiste à la traiter en répandant du soufre en poudre, pour la protéger contre certaines maladies.
■  Du verbe soufrer dérivent : SOUFROIR n. m. (1723), nom de l'étuve où l'on blanchit la laine en la soufrant ; SOUFRAGE n. m. « opération qui consiste à soufrer une étoffe » (1763), enduction de soufre (1810) et « traitement de plantes », en particulier de la vigne (1855) ; SOUFREUR, EUSE n. (1871) « ouvrier chargé de la préparation du soufre » et « personne qui soufre la vigne » et SOUFREUSE n. f. (1907) désignant l'appareil.
■  SOUFRANTE n. f. a désigné en argot (1875) l'allumette soufrée.
■  Le préfixé ENSOUFRER v. tr. (v. 1260), de en-, « imprégner de soufre, de vapeurs de soufre », est sorti d'usage ; au sens d'« enduire de soufre » (v. 1560), il a été remplacé par soufrer.
❏ voir SOLFATARE, SULF-, SULFO-.
? SOUHAITER v. tr. est la réfection, sous la forme soushaitier (v. 1119) puis souhaitier (chez Machaut, v. 1350) de sohaidier (v. 1175), soushaidier, mot d'origine discutée. Bloch et Wartburg y voient l'aboutissement d'un latin populaire °subtushaitare, composé du latin classique subtus « en dessous, par-dessous » (→ sous) et du francique °haitan « ordonner, promettre » ; le verbe signifierait proprement « promettre sans trop s'engager ». P. Guiraud reprend une autre hypothèse recourant à un latin populaire °sub-adjutare, formé sur le latin classique adjutare qui a donné le français aider ; l'ancienne forme aidier ayant signifié jusqu'au XVIIe s. « faire des efforts pour parvenir à qqch. » ; souhaiter, ce serait rester en dessous du niveau de l'effort, par un objet simplement pensé.
❏  Souhaiter signifie « désirer (pour soi ou pour autrui) la possession, l'usage de qqch., la réalisation d'un événement » (v. 1175). Le verbe est employé dans diverses constructions à partir du XVIIe s. : suivi de de, avec (1636) ou sans l'infinitif (1651), suivi de que et du subjonctif (1669) et dans il est à souhaiter que... (1834). ◆  Souhaiter qqn « désirer sa présence » (1553) a vieilli. ◆  Souhaiter entre dans des formules de vœu (1679), d'où souhaiter le bonjour, le bonsoir, la bonne année (1627), et les locutions je vous en souhaite (1752) « je prévois pour vous bien des désagréments », et par ironie je vous souhaite bien du plaisir (XXe s.), de même sens. ◆  Le participe passé souhaité, ée est adjectivé depuis le XVIe s. (1559).
❏  Le déverbal SOUHAIT n. m., forme refaite (XIIIe s.) de sohait (v. 1175), en concurrence en ancien français avec le féminin souhaite (fin XIIe s.), désigne le désir, exprimé ou non, d'obtenir qqch. Le mot s'emploie dans la locution adverbiale à sohait « comme on peut le désirer » (XIIe s.) puis à souhait, et a signifié « chance » au jeu de dés (XIIIe s.). À vos souhaits est une formule familière de politesse (1835) à l'adresse de qqn qui éternue.
■  SOUHAITABLE adj. s'applique (déb. XVIe s.) à ce qui peut ou doit être souhaité et, à l'époque classique (v. 1640), s'est dit d'une personne dont on désire la compagnie.
■  Le contraire INSOUHAITABLE adj., attesté chez Gide (1928), est littéraire et rare.
L SOUILLER v. tr. est la réfection (XVe s.) de l'ancien français suiller (v. 1120), puis souillier (v. 1155), soillier (XIIIe s.) ; on relève avant ces formes soilant (fin XIe s.), participe présent adjectivé. Suiller serait un dérivé de soil n. m. (attesté 1160-1170) ou seul (fin XIe s.), suoil (1266), et au XVIe s. souil (1573) ; la forme féminine soullye (1413, en Champagne), devenue souille (1655), s'est imposée (ci-dessous). Soil est issu du latin classique solium « siège, trône », « cuve », puis « baignoire » et en bas latin, par analogie de forme, « sarcophage, cercueil » et « reliquaire ». De « lieu empli d'eau (pour laver) », on serait passé pour souille et ses dérivés à l'idée de « dépression emplie d'eau ou de vase ». Une autre hypothèse postule un gallo-roman °suculare qui dériverait du latin classique sucula « jeune truie », lui-même de sus, suis « sanglier », « porc » (→ soue) ; dans ce cas, souille (ci-dessous) serait le déverbal de souiller. Si l'on ne retient pas cette hypothèse, on doit noter que le latin classique solium est un dérivé de sedere « être assis, siéger » (→ seoir) ; le sémantisme serait alors à rapprocher de celui de croupir, qui vient de croupe. ◆  Les valeurs du verbe en ancien français permettraient de penser à deux étymons mêlés.
❏  Souiller v. tr., « salir », est d'abord attesté métaphoriquement aux sens d'« altérer (ce qui aurait dû être respecté) » [fin XIe s., soilant], « violer » en parlant d'un traité (v. 1120, suiller), puis plus généralement (v. 1176) « altérer, corrompre », et (XIIIe s.) « manquer à l'honneur », d'où se souiller « se rendre coupable de qqch. qui souille » (v. 1240, soeillier), dans les conceptions chrétiennes. ◆  L'acte sexuel étant considéré comme une souillure, soi souiller a signifié « avoir des relations sexuelles », sens attesté isolément au moyen âge (XIIIe s.) et repris au XVIIe s. (se souiller avec qqn). Le verbe, en emploi général, entre dans des locutions métaphoriques d'usage littéraire, souiller ses mains de sang « être un meurtrier » (1636) et, avec la connotation d'impureté sexuelle, souiller le lit nuptial (1668), la couche nuptiale (1690) « commettre un adultère ». ◆  Le verbe signifie concrètement depuis le XIIe s. (v. 1155, souillier) « salir (d'abord par une matière boueuse), gâter, couvrir (de boue, de sang) », de là se souiller (1690), spécialement « se salir d'excréments, de déjections ». ◆  Du début du XIIIe au XVIe s., se souiller s'applique spécialement au sanglier qui se vautre dans la boue (v. 1220, se souillier ; 1587, souiller, intr.). L'emploi du verbe au sens de « couvrir la truie » (1606), qui mêle cet usage et le sens péjoratif sexuel du verbe semble avoir disparu.
❏  Le dérivé SOUILLON n. désignait (v. 1425) une personne sale et (v. 1450) un valet de cuisine chargé des gros travaux. Il n'est plus employé qu'en parlant d'une femme (v. 1510, souillon de cuisine ; puis une souillon, 1606). ◆  Par extension, un souillon s'emploie pour parler d'une personne malpropre (1538) ; là aussi, il tend à n'être usité qu'en parlant d'une femme ; la forme souillonne, n. f. (1606), n'est en usage qu'au XVIIe siècle. ◆  Souillon, n. f. s'est employé en argot (1867) au sens de « prostituée, fille à soldats » par influence des sens métaphoriques du verbe. ◆  Une autre valeur du mot, en rapport avec d'autres dérivés du verbe, souille, souillarde (ci-dessus), est « instrument de gros nettoyage », spécialement « baquet » (1522), mot du nord de la France, et « torchon » (1530) ; elle est sortie d'usage.
■  SOUILLONNER v. tr., « salir, souiller », est rare (XVIe s., hapax ; puis 1662, Racine).
SOUILLURE n. f., réfection (1530) de souilleüre (1268), est rare pour désigner ce qui tache, une saleté (1295, soueillure). Le mot s'emploie au figuré pour parler de ce qui souille moralement (XIVe s., soullieure) et de ce qui détruit la pureté sacrée (1553, à propos de la religion juive).
SOUILLE n. f. est probablement l'aboutissement de plusieurs formes (soil, sueil, souil...) ; la première est relevée isolément en judéo-français (fin XIe s.) au sens latin de « fauteuil, trône ». Certains en font le déverbal de souiller, si ce verbe était rattaché au latin sus « porc » (ci-dessus).
■  Le mot a désigné dans un contexte religieux l'abîme de l'enfer, lieu impur par excellence (v. 1175, soil), et par ailleurs un baquet (1266, soil). En vénerie, il désigne d'après un sens spécialisé de souiller (v. 1354, sueil, seul ; 1655, souille) ou par valeur étymologique, si l'on retient l'hypothèse où souiller se rattache au latin sus, le lieu bourbeux où le sanglier se vautre (Cf. soue, et aussi bauge) ; en ce sens, on a écrit aussi souil, n. m. (1573). ◆  Souille s'est par ailleurs employé (v. 1450) avec la valeur figurée de souillure. Il est devenu par analogie un terme technique ; le mot désigne (1538) l'enfoncement que forme dans la vase un navire échoué. Par extension, souille se dit (attesté 1933) de la trace laissée dans le sol par un projectile qui a ricoché avant d'éclater. Par analogie, c'est le nom d'un taillis formé de rejets de souche, de bois morts (XXe s.). ◆  De la valeur récente, « tranchée creusée sous l'eau, destinée à recevoir une canalisation » (v. 1960), viennent ENSOUILLER v. tr. (1968) d'où ENSOUILLAGE n. m. et ENSOUILLEUSE n. f. (1968). ◆  Un verbe S'ENSOUILLER avait été formé (1870) pour « s'échouer dans la vase, dans une souille » (ci-dessus).
SOUILLARD, ARDE n., dérivé de souille (1530), succède à soilhart (1350) ; le mot a signifié « laveur de vaisselle », et s'est employé par mépris comme terme d'injure (1356, soillars). Il a signifié aussi « mendiant » (XVe s., souillart), « menteur » (1464), puis (1530, n.) « personne malpropre, chargée de gros travaux ». ◆  Souillard adj. a qualifié (1549), jusqu'à la fin du XVIIe s., un endroit boueux, et souillarde un lieu bourbeux (av. 1573), alors synonyme de souille, s'employant encore régionalement. ◆  Souillarde a eu plusieurs sens techniques, par exemple « pierre percée d'un trou pour l'écoulement d'eaux usées ou pluviales » (1842), aujourd'hui « trou percé dans cette dalle » (1872).
■  Un dérivé, la substantivation au féminin de l'adjectif, SOUILLARDE n. f. a désigné une servante qui lave la vaisselle (1534) et une femme malpropre (1557). Cet emploi a rapidement vieilli, remplacé par celui de souillon. ◆  Souillarde signifie encore dans la France du sud, soit par reprise (1731) du sens ancien de « lieu bourbeux », soit par une nouvelle dérivation, l'arrière-cuisine où on lave la vaisselle, et aussi (1836) le baquet où se fait ce lavage (1834). Enfin, souillarde est le nom (1842), aujourd'hui archaïque, d'un grand baquet de lessive qui reçoit les soudes lessivées.
■  SOUILLARDURE n. f., terme de pêche (1753 ; 1769, var. souillardière), est le nom d'un bourrelet fait de vieux morceaux de filets et renforçant la ralingue inférieure d'un filet.