L SOUPLE adj., réfection (v. 1265) de sople (v. 1130), est issu du latin supplex, supplicis « qui se plie sur les genoux », puis « qui se prosterne » (→ supplice, supplier). L'adjectif, que l'on peut considérer comme un emprunt adapté, est sans doute formé à partir de -plex « qui se plie » (→ duplex), second élément de composés, qui se rattache à la même racine indoeuropéenne que plectere « entrelacer », dont l'intensif plicare a abouti en français à plier*.
❏  Souple s'applique d'abord moralement à une personne docile, capable de s'adapter aux exigences de la situation ; de cette valeur procèdent l'emploi pour « humble » (v. 1175) jusqu'au XVIe s., souple qualifiant aussi une aptitude à s'adapter (1580). Les locutions métaphoriques souple comme un gant (fin XVIe s.), avoir les reins souples, l'échine souple (1871), qui se disent presque toujours péjorativement d'une personne qui se prête à tout, utilisent le sens concret du mot.
■  Depuis le XIIe s., l'adjectif s'emploie concrètement, d'abord pour qualifier (v. 1170, suple) un vent léger, une étoffe fine, légère, d'où souple n. m. « sorte d'étoffe légère » (1213), et une substance molle. Ces valeurs ont disparu. ◆  Par figure et par latinisme, à partir de la position du suppliant, souple s'est appliqué à une personne triste, abattue (v. 1200), d'où temps souple « temps couvert, triste » (v. 1354) disparu en français classique.
■  C'est la valeur liée à la légèreté, à la flexibilité qui se développe à partir du XIVe s., au propre et au figuré. Le mot qualifie donc une ligne, une forme, un dessin qui donne une impression d'aisance gracieuse, de liberté (1342). ◆  Dès l'ancien français, il signifie, en parlant des membres, du corps (v. 1200), « qui se plie et se meut avec aisance » ; cette valeur aujourd'hui usuelle semble précédée par l'emploi correspondant de souplesse (ci-dessous) ; elle s'applique ensuite aux mouvements qui dénotent cette aisance (1770). ◆  Par extension, souple qualifie (1549) une chose qu'on peut plier et replier facilement sans risquer de la détériorer. ◆  Par figure, il s'emploie à propos d'une règle, d'une organisation qui n'est pas systématique ni uniforme (déb. XXe s.).
❏  Le dérivé SOUPLEMENT adv. est la réfection (fin XIIe s.) de supplement (v. 1120) qui signifiait « humblement » ; l'adverbe est d'abord attesté au figuré (fin XIIe s.), puis avec la valeur concrète de souple (1542).
■  SOUPLESSE n. f., d'abord employé au pluriel (v. 1265, souppleces), a désigné une acrobatie, un tour de saltimbanque. L'emploi pour « qualité de ce qui est souple » n'est attesté que plus tard. ◆  Puis souplesse se dit (1530 ; 1508, supplesse) de l'agilité dans les mouvements, d'où tour de souplesse « exercice de gymnastique qui demande de l'agilité » (1530) ; l'expression a pris le sens figuré (1607) de « moyen subtil pour arriver à ses fins », acception prise aussi par une souplesse (fin XVIe s.). ◆  Le mot désigne aussi (1580) la faculté d'adaptation intellectuelle, l'habileté manifestée dans l'exercice d'un art. ◆  Avec la valeur concrète et moderne de souple, il désigne la propriété d'une chose souple (1611). Par figure, il s'emploie (1636) en parlant de l'aptitude qu'a une personne à s'adapter aux circonstances, ce qui correspond au sens le plus ancien de souple (ci-dessus), et aussi (1761) de ce qui donne une impression d'harmonie.
Le composé ASSOUPLIR v. tr. est la réfection (1273) d'asoplir (1216) ; on relève auparavant, avec une autre conjugaison, assouploier (v. 1150). ◆  En ancien français, le verbe a signifié « faiblir », en parlant du courage ; il s'emploie abstraitement au sens de « devenir moins sévère, s'adoucir » (v. 1200, s'asousplir) et pour « intimider » (XIIIe s., tr.), « calmer (un animal) » [1379], valeurs qui ont disparu, mais se comprennent encore. ◆  À partir du XVIe s., assouplir se dit pour « rendre souple, flexible (qqch.) » [1564] et « ameublir (une terre) » [1570]. S'assouplir est attesté au XVIIIe s. (1778). ◆  Le verbe signifie, par référence au sens premier et psychologique de souple, « rendre plus maniable, plus doux (un caractère) » [fin XIIe s.].
■  ASSOUPLISSANT, ANTE adj. s'applique à ce qui est plus souple (1866) ou, par figure, plus malléable (1918) ; le nom désigne, d'abord en chimie (1929), un produit qui assouplit les fibres textiles, couramment, un produit qui rend le linge plus souple et, en technique (1959), un constituant qui rend plus malléable un enduit.
■  ASSOUPLISSEMENT n. m., « action ou fait de s'assouplir », s'emploie (av. 1866) au propre et au figuré.
■  ASSOUPLISSEUR n. m. (XXe s.) est en concurrence avec assouplissant (d'un textile).
■  Un autre préfixé, ENSOUPLIR v. tr. a signifié (1660) « rendre meuble (une terre) », en concurrence avec assouplir.
SOUQUENILLE n. f. apparaît tardivement sous cette forme (1680) ; le mot a eu de très nombreuses variantes, parmi lesquelles : souquanie, soganie (XIIe s.), sorquenie (v. 1265) et, avec une autre initiale, chiquenie (1559), chiquenille (1622), siquenille (1668, Molière). Il représente plusieurs adaptations du moyen haut allemand sukenîe « sorte de jaquette », lui-même d'origine slave : on relève le polonais suknia et le tchèque sukne au sens de « robe, vêtement », le russe sukno « drap ». Les variantes s'expliquent par le caractère oral de l'emprunt, le vocalisme allemand produisant en français un i ou un ou ; la finale empruntée -nie a été refaite d'après des terminaisons en -enille, peut-être d'après guenille.
❏  Souquenille a d'abord désigné un vêtement long sans manches et très ajusté, porté par les femmes, puis un vêtement à l'usage des gens de basse condition (1534, sequenie), une tunique longue (1556) et, au début du XVIIIe s., un vêtement usé et malpropre (1715), ce sens péjoratif trahissant l'influence de guenille. Le mot est archaïque ou historique.
SOUQUER v. est emprunté (1687) au provençal souca, soga « tirer fortement », « serrer fortement un nœud », « raidir un amarrage » et au figuré « peiner ». Ce verbe est d'origine incertaine. Il pourrait être, selon Bloch et Wartburg, dérivé de soc* ; P. Guiraud propose de le rattacher à l'ancien provençal soga « corde » (XIIIe s.), issu du latin médiéval soca (VIIe s.), qui a abouti à l'ancien français soue (1322), à l'italien soga (déb. XIVe s.), à l'espagnol et au portugais soga. L'hypothèse s'appuie sur l'existence dans les dialectes du Sud de termes de marine comme souca « serrer fortement un nœud », dans le Béarn.
❏  Souquer signifie en marine (1687) « tirer fortement sur (un cordage, qqch.) ». Par extension, le verbe a pris les sens d'« attacher solidement (qqn) » [1850] et, par figure, de « punir sévèrement (qqn) » [1865], sortis d'usage. ◆  Dans l'usage courant et moderne, il signifie « ramer énergiquement en tirant sur les avirons » (1868) et par figure (XXe s.), familièrement, « travailler, s'évertuer ». Le mot n'est usuel que dans les milieux concernés par ce type de navigation, du moins en français d'Europe. En effet, en français de l'océan Indien, le verbe est courant pour « prendre, saisir vigoureusement » (il l'a souqué par le bras). En français de Nouvelle-Calédonie, il se dit d'un chien qui attaque ou paraît agressif.
SOURATE n. f. est un emprunt (1697, sourat et surat) à l'arabe sūrat, forme que prend devant un nom le mot sūra « chapitre », appliqué aux versets du Coran. Le mot a été emprunté sous la forme simple au XVIe s. (sura, 1559), puis au XVIIIe s. (sura, sure, 1721).
❏  Le mot, aussi écrit SURATE, désigne chacun des textes individualisés du Coran, classés par ordre de longueur (la Surate de la vache).
SOURCE n. f., réfection (v. 1354) de sorse (v. 1155) et surse (v. 1190), représente la substantivation du féminin de l'adjectif sors, sours. Cet ancien participe passé du verbe sourdre* est issu d'un latin populaire °sursum, altération du latin classique surrectus, participe passé de surgere (→ sourdre). ◆  L'ancien français a parallèlement employé le masculin un sors (v. 1165), un sourt (v. 1175), jusqu'au milieu du XIVe siècle. Par ailleurs, la substantivation du participe présent de surgere avait abouti à deux autres formes : surdon et sourjon (1270-1275), d'où surgeon*. Le latin classique fons, fontis « source, fontaine » avait abouti à fon(t), toujours en usage dans les dialectes du Sud (→ fontaine).
❏  Source désigne dès l'origine l'eau qui sort de terre et l'issue par laquelle elle se déverse à la surface du sol, spécialement (XVIIe s.) l'endroit où un cours d'eau prend naissance ; de là sources, n. f. pl., « ensemble de fontaines et de ruisseaux artificiels qui forment un labyrinthe d'eau » (1694). ◆  Le mot s'emploie dans des locutions comme prendre sa source (1607), prendre source (1557), eau de source (1690) et couler de source « venir d'une source », en parlant d'une eau vive (1694), au figuré « être produit d'une manière naturelle, aller de soi » (1688). Par analogie, coulée en source se dit en métallurgie (1904) d'une méthode de coulée qui consiste à faire arriver le métal fondu dans les moules par leur partie inférieure. Source s'est dit en parlant d'un liquide quelconque, d'un fluide (1690), mais cet usage est vieilli.
■  Dès le XIIe s., le mot s'emploie par métaphore pour « origine ». Source désigne alors (v. 1172) un événement qui produit un effet, la cause d'une opération intellectuelle puis une personne ou un sentiment d'où découlent des biens moraux (v. 1220, sourse), ce dernier emploi étant aujourd'hui littéraire. ◆  Les emplois figurés se développent au XVIe s., le mot s'employant (1538) pour « origine (d'une famille) », acception sortie d'usage, puis pour « texte, document original » (1657), « origine (d'une nouvelle) » [1667] ; il a cette valeur dans des locutions comme remonter à la source (1677), puiser à la source (1690), tenir (une nouvelle) de bonne source (1876), citer sa source, ses sources « ses références ». Source désigne aussi le lieu d'origine, en parlant d'abstractions (av. 1648 ; la source de tous les maux). ◆  Parallèlement source, comme foyer*, désigne le lieu à partir duquel un phénomène matériel se propage (1633), par exemple dans source de lumière (1683), source du vent (1771), etc. ; de là, en sciences, source de chaleur (1690), source sonore (XXe s.), source d'énergie, source radioactive, et en électronique (v. 1965) le sens d'« origine des potentiels ». ◆  Les sources de la vie a désigné les principaux organes nécessaires à la vie (1732, Voltaire) et spécialement les organes de la génération (1748, Montesquieu). ◆  Depuis le XIXe s., source désigne aussi (av. 1848) un élément constitutif d'une doctrine ou d'une personnalité ; c'est de cette valeur que procède en psychanalyse (XXe s.) source de la pulsion « origine interne spécifique d'une pulsion déterminée ». ◆  Le mot s'est spécialisé en économie, d'abord (1690) à propos de l'origine de matières premières, de denrées, puis en général à propos de l'origine des biens matériels (v. 1850), de biens financiers, en droit fiscal (XXe s.) dans retenue à la source « perception de l'impôt avant la réception du revenu ». ◆  Dans le processus de traduction, langue source se dit (v. 1970) de la langue que l'on traduit, opposé à langue cible* ; c'est alors un calque de l'anglais source, de mêmes sens et origine.
❏  Le dérivé SOURCER v. intr., « jaillir » (1564), a signifié aussi « prendre sa source » et par figure (1611) « commencer » ; il a parfois été repris au XXe siècle.
■  SOURCIER n. m. s'est employé pour « source » (1585). ◆  Le mot est à nouveau formé au XVIIIe s. pour désigner (1781) une personne qui possède ou prétend posséder l'art de découvrir les sources cachées.
■  SOURCEUR, EUSE n. désigne en commerce (1990) la personne qui explore les ressources aptes à satisfaire la clientèle.
■  1 SOURCILLER v. intr. a signifié (1702) « jaillir à la surface du sol en formant une source » ; le dérivé 1 SOURCILLEMENT n. m., « émergence », en parlant d'une eau de source (fin XIXe s., Goncourt), est rare.
Le préfixé RESOURCE n. f. « source » (XVIe s.), et au figuré (1611) « source nouvelle », est sorti d'usage, du fait de l'homonymie avec ressource.
■  Le composé RESSOURCEMENT n. m., formé d'après ressource*, est attesté chez Péguy (déb. XXe s.) ; il s'emploie avec le sens figuré de « retour aux sources ».
■  SE RESSOURCER v. pron. « retrouver de nouvelles sources (morales, spirituelles, etc.) » [v. 1978] s'emploie le plus souvent dans des contextes marqués idéologiquement, politiques et religieux notamment.
Un préfixé scientifiquement important de source est RADIOSOURCE n. f. (attesté 1957), qui désigne en astronomie un objet céleste (astre, étoile, amas, galaxie : radiogalaxie...) détecté par ses émissions d'ondes radioélectriques (→ aussi quasar).
❏ voir INSURGER, RESSOURCE, RÉSURGENCE, SOURDRE, SURGEON, SURGIR.
L SOURCIL n. m. est la réfection (XIIIe s.) de sorcil, surcil (v. 1155), issu du latin supercilium « sourcil », au figuré « partie saillante (en architecture, chez Vitruve), sommet » et « fierté, arrogance » ; ce mot est composé de super « au-dessus de » (→ super-) et de cilium « paupière » (→ cil), le rapport entre sourcil et cil étant encore perçu en français moderne. On relève en ancien français de très nombreuses formes, dont la variante sorcille n. f. (1150), devenue sourcille (1434), attestée jusqu'en 1611. Le latin a abouti à sobrecil en ancien wallon (v. 1200), sobresill, sobrescil en ancien provençal (XIIIe s.).
❏  Le mot désigne comme en latin l'ensemble des poils qui garnissent la saillie au-dessus de l'orbite, puis spécialement en anatomie (v. 1560) la partie de l'os iliaque qui borde la cavité cotyloïde, nommée plus tard sourcil cotyloïdien (1871), et cette saillie elle-même (1876). Il s'emploie dans des expressions figurées comme froncer les sourcils (1559) « prendre un air sévère, mécontent » ; froncer le sourcil (av. 1650) est sorti d'usage. ◆  Par analogie, sorcil (1240) puis sourcil a été usité jusqu'au XIXe s. pour parler du trait coloré longitudinal qui se remarque au-dessus de l'œil des oiseaux et a désigné (1680) l'ensemble des poils situés au-dessus des yeux du cheval. ◆  Le mot est parfois attesté en poésie au sens latin de « sommet (d'une montagne, d'un rocher) » [mil. XIIIe s.], emploi courant chez Ronsard et du Bellay, et il est encore chez La Fontaine pour « sommet d'arbre ». Par figure, il a signifié à l'époque classique « air hautain, méprisant » (1559). ◆  La valeur de « sommet » s'est incarnée dans l'emploi technique en architecture, sourcil désignant comme en latin la partie supérieure (d'une porte) qui prend appui sur les pieds-droits (1691) et la partie supérieure des moulures d'une colonne (1676) ; ces valeurs ont disparu.
Le dérivé SOURCILIER, IÈRE adj. est une réfection de surciller n. m. (XIe s.) « arcade sourcilière », surciliere n. f. signifiant en moyen français (1379) « sourcil ». ◆  L'adjectif se dit en anatomie (1586, sourcilier) de ce qui est relatif aux sourcils, d'où arcade sourcilière (1793), courant, alors que muscle sourcilier (1871) ou sourcilier n. m. (1803) ne s'emploie qu'en anatomie.
2 SOURCILLER v. intr., réfection (1320) de sorcillier (v. 1230), signifie « remuer les sourcils » et couramment « manifester son trouble, son mécontentement » (1594, sourciller le front, sorti d'usage). Le verbe s'emploie surtout négativement, en particulier dans ne pas sourciller « rester impassible » (1690), sans sourciller « sans se troubler » (1694). ◆  D'autres valeurs, comme sourciller contre « manquer de respect envers (qqn) » [1560], sont sorties d'usage. ◆  Le verbe a fourni 2 SOURCILLEMENT n. m., d'emploi rare (XXe s.).
SOURCILLEUX, EUSE adj. est la réfection (1548), d'après sourcil, de supercilieux (1477) « revêche, rébarbatif », emprunt au latin impérial superciliosus, dérivé de supercilium. ◆  L'adjectif, littéraire, s'applique à une personne arrogante, orgueilleuse (1548) ou sévère (1560), ou à ce qui témoigne de ce caractère (1548). Au XVIe et au XVIIe s., il évoquait par latinisme le sens de sourcil « sommet d'une montagne » (ci-dessus).
Le composé ENTRE-SOURCILS n. m. pl., « espace entre les sourcils » (1839), d'abord entre-sourcil (1802), continue le moyen français entresourcil (v. 1350).
L 1 SOURD, SOURDE adj. et n., réfection (XIIIe s.) de surt, surz (v. 1050), sort (1138), est issu du latin surdus « qui n'entend pas » et par figure « qui ne veut pas entendre, insensible », « qui n'est pas sonore », « assourdi » et « peu perceptible » en parlant d'une couleur, d'une odeur. Cet adjectif latin a fourni l'italien et l'espagnol sordo, le catalan sort, le portugais surdo ; sans étymologie claire, il a été rapproché de susurrus (→ susurrer), mais ce rattachement à une base indoeuropéenne exprimant le bourdonnement, le murmure (Cf. sanskrit svárati « il émet un son ») ne rend pas compte du sens.
❏  Sourd, adjectif, s'applique (v. 1050) à une personne qui perçoit insuffisamment les sons ou ne les perçoit pas du tout ; l'adjectif est aussi substantivé (v. 1140, les surz). Adjectif et nom entrent dans des locutions : faire sourde oreille (XIIe s.), puis la sourde oreille (XIIIe s.) « ne pas vouloir entendre » ; il n'est si mavais sours que chuis ch'oïr (« celui qui ouïr ») ne voeilt (v. 1330), devenu il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre (1694 ; 1611, il n'est point de pire sourd...) « l'incompréhension vient souvent d'un refus de comprendre » ; faire le sourd (fin XIIIe s.) ; parler à un sourd « à une personne têtue qui ne veut rien entendre » (1538). Comme un sourd équivaut à « très fort, avec acharnement », le sourd ne pouvant percevoir le bruit d'un coup dans frapper (cogner...) comme un sourd (1593), ou le bruit de sa voix dans crier comme un sourd (1690) ; l'expression est souvent comprise comme un simple intensif, ainsi dans le vocabulaire sportif où foncer comme un sourd signifie « aller à toute vitesse ». ◆  L'extrême surdité est marquée par des comparaisons : sourd comme un pot (1763) toujours usuel (qui fait allusion aux oreilles du pot), sourd à n'entendre pas Dieu tonner (1798), sourd comme une bécasse (1875), sortis d'usage. On dit familièrement tu es sourd ? vous êtes sourd ? à qqn qui ne semble pas avoir entendu ou compris ce qu'on vient de lui dire (1740, êtes-vous sourd ?) et je ne suis pas sourd (XXe s.) « j'ai parfaitement compris ». Sourd s'emploie comme en latin pour qualifier une personne qui fait comme si elle n'entendait pas, qui refuse d'entendre, dans la construction être, rester sourd à qqch. (déb. XIIIe s.).
Sourd s'applique à partir du XVIe s. à des choses, d'abord (v. 1520) à un lieu où le son est étouffé, spécialement aujourd'hui dans chambre sourde. ◆  L'adjectif qualifie par figure (v. 1534) ce qui est dissimulé, souterrain (sourde machination). Sourd, nom, s'est employé, à partir de cette valeur, pour désigner une personne qui cache ses intentions (1611). ◆  L'adjectif signifie (1552) « qui est peu sonore, ne retentit pas », d'où par métonymie lime sourde « qui permet de limer sans bruit » (v. 1580), pédale sourde d'un piano (Cf. sourdine, ci-dessous) et spécialement consonne sourde (1845), d'où (1921) une sourde, n. f., « dont l'articulation ne compte pas de vibrations des cordes vocales », opposé à (consonne) sonore*. ◆  De cette valeur procèdent plusieurs emplois figurés sortis d'usage : « vague », en parlant d'une nouvelle (1559), « qui ne se fait pas remarquer », à propos d'une affection (1600) et au XVIIe s., « irrationnel », dans nombre sourd (1611). ◆  Par analogie, il s'emploie encore dans lanterne sourde « dont on peut cacher la lumière à volonté » (1611) et a qualifié une pierre précieuse sans éclat (1622). ◆  Sourd s'applique aussi à ce qui ne se manifeste pas nettement (v. 1520 d'un mal ; sourde rage, 1601), à qqch. qui s'accomplit sans qu'on en ait clairement conscience (1748). ◆  L'adjectif qualifie enfin une couleur, un ton qui n'est pas vif (1678), une lumière (1813), et par analogie une odeur (XXe s.).
❏  Le dérivé SOURDEMENT adv., réfection (XIIIe s.) de sordement (v. 1190), signifie « avec un bruit sourd » et s'emploie au figuré (1577).
■  SOURDAUD, AUDE n. a désigné une personne un peu sourde (1588 ; XIVe s., sourdault, adj.). Il a disparu.
■  SOURDINGUE adj. et n., dérivé argotique et péjoratif, équivaut familièrement à sourd.
■  SOURDITÉ n. f., dérivé savant de sourd, est didactique, désignant en phonétique le caractère d'un phonème sourd. Il reprend le moyen français sourdeté (1487), sourdité (1520) « surdité ».
■  Le composé SOURD-MUET, SOURDE-MUETTE n. et adj., apparu au XVIe s. (1564), a été remplacé à la fin du XVIIe s. par sourd et muet. Repris en 1791, il désigne une personne atteinte de surdité congénitale, qui entraîne la mutité.
Le composé ASSOURDIR v. tr. est attesté isolément au pronominal (v. 1120, soi assurdir) au sens de « ne pas écouter, se rendre sourd », sorti d'usage. ◆  Il signifie depuis l'ancien français (v. 1205, assordir) « causer une surdité passagère » ; avec ce sens, on relève assorder (1211) par changement de conjugaison, et ensourdir (1556) avec un autre préfixe ; s'assourdir « devenir sourd » (1636) signifie aujourd'hui « se rendre sourd momentanément » (XXe s.). ◆  Par figure, le verbe veut dire « étourdir, griser » (déb. XIIIe s., isolément ; réattesté en 1849) et « fatiguer par trop de bavardages, de bruit » (v. 1590, isolément ; repris en 1821). Il s'emploie pour « rendre (plus) sourd », dans des sens spéciaux de l'adjectif, en musique (1690, pron. ; 1863, tr.) et au figuré en peinture (1762).
■  Le dérivé ASSOURDISSEMENT n. m. désigne l'action d'assourdir qqn (1596, isolément ; puis 1675), l'état d'une personne assourdie (1803). Il s'emploie spécialement en phonétique (1899).
■  ASSOURDISSANT, ANTE adj. est attesté au début du XIXe s. (1811) au propre et au figuré.
SURDITÉ n. f. est emprunté (XIVe s. ou 1478 [Chauliac], attestation isolée ; puis 1530) au latin surditas « surdité », dérivé de surdus. ◆  Le mot s'emploie au propre, puis au figuré (1651) ; il s'est substitué à sourdité (ci-dessus), sourdesse (fin XIVe s.) et sourdise n. f. (1606), formes relevées jusqu'en 1660.
■  SURDIMUTITÉ n. f., composé savant du latin surdus et de mutité*, désigne l'état du sourd-muet (1830).
SOURDINE n. f. est emprunté (1568) à l'italien sordina, dérivé de sordo « sourd ». Le mot a désigné dans le vocabulaire militaire une trompette dont le son est assourdi grâce à la pose d'un morceau de bois dans le pavillon, correspondant à la trompette bouchée moderne. ◆  La locution adverbiale sortie d'usage à la sourdine (1585), calque de l'italien alla sordina, signifiait « sans faire de bruit » et par figure « en secret ». ◆  Par analogie, il s'est dit d'instruments à son assourdi, d'une épinette (1669), d'un luth ou d'un violon (1690). Par métonymie, sourdine désigne couramment le dispositif qu'on adapte à un instrument à vent (1611, à une trompette), à un instrument à cordes (1680, à un violon) pour en amortir le son, enfin (1875) la pédale du piano qui affaiblit le son. ◆  Après à la sourdine (ci-dessus) on dit en sourdine, loc. adv., « en diminuant l'intensité du son » (1823), au figuré « de manière secrète » (1904) et « d'une manière atténuée » (XXe s.). La locution figurée mettre une sourdine à (qqch.) signifie « modérer, tempérer » (av. 1850) ; mettre la sourdine s'emploie familièrement pour « baisser le ton » (déb. XXe s.). ◆  Par analogie, sourdine a le sens technique de « pièce qui empêche le ressort d'une montre à répétition d'agir en frappant sur le timbre » (1743). ◆  Il désigne aussi un volet en bois matelassé à l'intérieur d'une baie, pour assourdir les bruits (1904).
■  On emploie régionalement en ce sens un autre dérivé, SOURDIÈRE n. f. (1871), qui correspond à l'ancien provençal sordiera (XIVe s.).
■  Le dérivé SOURDINER v. tr., terme technique (1933), signifiant « empêcher de vibrer (un support de ligne électrique) », a fourni SOURDINAGE n. m. (1933).
2 SOURD n. m., réfection (1552) de sort (v. 1174), désigne la salamandre terrestre ; on a longtemps cru que certains animaux étaient dépourvus d'organes auditifs et sourd a été aussi employé pour nommer l'orvet (mil. XVIe s.), une espèce d'aspic (1690), une sorte de lézard du Sénégal (1803). Ces acceptions, surtout régionales, ont vieilli. ◆  SOURDE n. f. demeure le nom d'une bécassine, dite aussi bécassine sourde.
❏ voir ABSURDE.
L SOURDRE v. intr. est une réfection (déb. XIIIe s.) de surdre (1080), sordre (v. 1155), issu comme l'italien sorgere du latin classique surgere, transitif, « mettre debout, dresser » dans la langue archaïque, puis intransitif, signifiant « se lever, se mettre debout », « s'élever » au propre et au figuré, et dans la langue ecclésiastique « ressusciter », « s'insurger ». Surgere (°sub-rigere) est composé de sub- qui marque le mouvement de bas en haut, et de regere « diriger (en droite ligne) » aux sens physique et moral, dont plusieurs composés ont été empruntés en français (→ corriger, diriger, ériger ; rectitude, etc.). Regere, comme rex « roi » et regula « règle », se rattache à la racine indoeuropéenne °reg- indiquant un mouvement en ligne droite.
❏  Le verbe, littéraire dans tous ses emplois, ne subsiste qu'à l'infinitif et à la troisième personne de temps de l'indicatif, surtout présent et imparfait ; une grande partie de ses acceptions anciennes a été conservée par surgir*, doublet savant. ◆  Le verbe a signifié (1080) « se présenter, apparaître » en parlant de personnes et, plus généralement, « s'élever, se soulever » (v. 1120), aussi transitif du XIVe au XVIe siècle. Probablement par l'intermédiaire d'emplois régionaux de l'ouest de la France, sourdre se dit en Acadie pour « arriver brusquement », avec sa conjugaison oubliée en France (il a sourdu). D'autres sens procédant de cette valeur sont sortis d'usage : « s'élever », en parlant du vent (v. 1155) et au figuré d'une rumeur (v. 1210), « se lever, voler », pour un oiseau (1354, intr.), et la locution sourdre le cul « se dépêcher » (v. 1380).
■  Au XIIe s., il prend le sens de « se manifester progressivement », encore aux XVIIe-XIXe s. en parlant d'idées, de sentiments. ◆  Sourdre signifie en particulier « sortir de terre », en parlant de l'eau (v. 1138) [→ source] et, par analogie, s'emploie à propos des larmes, du sang (v. 1175) ; sourdre (une source) « la laisser jaillir » (déb. XIVe s.) ne s'est pas maintenu. ◆  Le verbe a eu le sens figuré (1160-1170) de « susciter, fomenter (une querelle, des troubles) » ; ce sens a disparu. On retrouve l'idée de manifestation soudaine dans les emplois figurés : sourdre de « être la conséquence de, provenir de » (v. 1462), sourdre « apparaître » en parlant d'un astre, d'un phénomène lumineux (1440-1475), d'un bruit (XXe s.) et « s'élever en sortant de terre, pousser » (1440-1475) à propos de plantes (→ surgeon).
❏  Le verbe RESSOUDRE, intr. s'emploie en français du Québec pour « sourdre, jaillir de la terre », avec plusieurs sens figurés. Il se dit d'une personne qui arrive, survient assez brusquement, d'une balle qui rebondit et aussi pour « reparaître après avoir disparu ». Le participe passé est, soit ressoud, soit ressoudu.
❏ voir INSURGER, RESSOURCE, RÉSURGENCE, SOURCE, SURGEON, SURGIR.
SOURGE adj. s'emploie en français acadien, en cuisine, pour « léger » (pâte sourge et par extension pain sourge « bien levé »).
L 1 SOURIRE v. intr., réfection avec le préfixe sous- (v. 1175) de sorrire (déb. XIIe s.), sozrire (v. 1130), est issu d'un latin populaire °subrīdĕre (premier e bref), altération du latin classique subrīdēre (premier e long) « sourire » ; ce verbe est composé de sub- marquant l'atténuation (→ sub-) et de ridere (→ rire).
❏  Le verbe signifie « prendre une expression rieuse » d'où (XIIIe s.) sourire à qqn « lui témoigner par un sourire l'affection, la sympathie, ou des égards de politesse, de courtoisie » et l'emploi figuré au sens de « rayonner, être radieux », avec un sujet nom de chose (av. 1613), propre à l'usage littéraire. ◆  Se sourire de (qqn, qqch.) [v. 1175], « se moquer », correspond à un sens du latin ridere et a disparu. Cette valeur a été reprise dans sourire « se moquer » (1636), sourire de qqn, de qqch. (av. 1778) « être amusé par » ; de là faire sourire « prêter à la moquerie » (1843). ◆  Par analogie, le verbe a signifié « faire des rides », en parlant de l'eau (v. 1390). ◆  Par extension du sens dominant, il s'emploie (1683) en parlant du visage, de la bouche, des yeux. Avec un sujet nom de chose, sourire à (qqn) veut dire au figuré « lui être favorable » (1745).
❏  2 SOURIRE n. m., emploi substantivé du verbe (v. 1175), désigne l'action de sourire avec des valeurs extensives, notamment dans les locutions récentes avoir le sourire « montrer sa satisfaction » (1904) et garder le sourire « rester souriant en dépit d'une déception » (XXe s.). ◆  Le nom, concurrencé par souris (ci-dessous) au XVIe et au début du XVIIe s., l'a emporté ; il est d'emploi littéraire au figuré (1764, Voltaire : le sourire de l'âme).
■  SOURIANT, ANTE adj. (XIIIe s., isolément) est rare avant le début du XIXe s. ; le mot s'applique à une personne, par extension à un comportement, un visage (1876) ; il se dit par figure de choses concrètes, naturelles (1831).
■  2 SOURIS n. m. (1556, dans Ronsard), réfection de soubriz (v. 1480), soubris (1538), sousris (fin XVIe s.), est formé de soubs, sous et ris*. ◆  Ce mot, synonyme archaïque de 2 sourire, usuel au XVIe s., a été éliminé progressivement par sourire au cours du XVIIe siècle.
■  SOURIEUR, EUSE adj., « qui sourit », est un synonyme rare de souriant, attesté dans le Journal des Goncourt (1874).
L 1 SOURIS n. f., forme refaite (v. 1220) de soriz (1160-1170), suriz (v. 1180), est issu de °soricem, accusatif d'un latin populaire °sorix, altération du latin classique sorex, soricis, peut-être d'origine onomatopéique, mais que l'on peut rattacher au grec hurax et tenter de faire remonter à une racine indoeuropéenne °swer-, dont relèvent le sanskrit svávati « il émet un son », le latin susurrus. Sorex et hurax ont pu désigner de petits mammifères à cri aigu — telle la musaraigne — encore que sorex soit devenu le mot spécial pour désigner la souris, à côté de mus, muris qui, joint à différentes épithètes, servait à nommer divers animaux (→ musaraigne) ; mus a abouti à un type murica « souris » dans le Sud-Ouest ; ce mot d'origine indoeuropéenne a fourni le grec mus, l'allemand Maus, l'anglais mouse, le russe myš'. Le reste du domaine gallo-roman se partageait entre souris et rat*, mot commun aux langues romanes et germaniques. En zoologie, souris et rat désignent aujourd'hui des genres différents. La forme soriz, soris (fin XIIe s.) est attestée jusqu'en 1715.
❏  Souris est le nom d'un petit mammifère rongeur du genre mus et, spécialement, de la souris commune au pelage gris. Dès les premiers emplois, le mot entre dans des locutions figurées, parfois devenues proverbes, où les caractères de la souris (discrétion, petitesse) et l'antinomie chat / souris sont mis en jeu. Soris qui n'a c'un trau [trou] poi [peu] dure (fin XIIe s.) est devenu souris qui n'a qu'un trou est bientôt prise (1690) « quand on n'a qu'un seul expédient, on est vite à bout de ressources » ; cette locution est sortie d'usage comme brûler les souris « mettre le feu à une maison » (1446) ; l'adage de grand dessein une souris (répertorié en 1611) a pris la forme imagée répandue par La Fontaine la montagne accouche d'une souris « le résultat ne répond pas à l'attente » (1668). On entendrait trotter une souris (1640) signifie « le silence est complet » ; on le ferait cacher dans un trou de souris (1640), se dit d'une personne peureuse ou timide ; être éveillé comme une portée (ou potée) de souris « très vif » (1640), à propos d'un enfant, est vieilli. C'est le nid d'une souris dans l'oreille d'un chat « c'est une chose impossible » (1690) ne s'est pas maintenu ; pour d'autres locutions qui mettent en scène le chat et la souris, Cf. chat*.
■  Par extension, le mot qualifié désigne diverses variétés de souris ou d'autres mammifères : souris blanche (XVIe s.), élevée pour servir de sujet d'expériences, souris d'Inde (1538) s'est dit de l'ichneumon ; souris terrestre (1562) puis souris d'eau (1812), pour la musaraigne, a vieilli (1611) ; souris d'Amérique (1765) puis souris des bois (1871), souris à miel s'est dit pour diverses espèces de sarigues ; souris de montagne (1768) « lemming » ; souris de terre (1768) ou des bois (1845) « mulot » ; souris de montagne ou des bouleaux « gerboise » ne s'emploient plus guère. ◆  Le mot entre dans le nom de diverses plantes ou animaux, à cause de leur forme ou de leur couleur : oreille de souris « myosotis » (1546), toujours vivant, souris rose (1836) « espèce d'agaric », souris de mer (1777) pour divers poissons osseux, dont la baudroie.
Par analogie de forme avec le corps de la souris ou un de ses membres, le mot s'est employé comme le latin mus, et surtout son dérivé musculus (→ muscle), désignant la partie charnue du bras, de la main ou de la jambe (v. 1250, soris), l'espace de la main entre le pouce et l'index (1690), sens disparu au XIXe s. ; souris est le nom encore usuel (1694) d'un muscle charnu à l'extrémité du gigot, contre l'os. ◆  Souris désignait aussi (v. 1550) un mécanisme qui maintenait baissé un pont-levis.
■  D'autres métaphores portent sur le nom de l'animal. Pas-de-souris s'est dit (1691), dans une place fortifiée, de la largeur de terrasse qui, entre le fossé et le rempart, retenait la terre en cas d'éboulement, puis d'un escalier très étroit dans la gorge d'un ouvrage avancé ; par extension, c'est aujourd'hui (XXe s.) la largeur réduite du giron d'une marche tournante. ◆  Gris de souris (1660), souris (1762) ou gris souris (XXe s.) est le nom du gris clair, du poil de la souris commune. ◆  Aux XVIIe et XVIIIe s., le mot a désigné (1689) un nœud de ruban qui ornait la coiffure des femmes et (1752) une fausse coiffe sans barbes. ◆  Il s'est employé pour la mèche qui permettait de mettre le feu à une mine (1765) et désigne (1933) un outil spécialisé pour calibrer les trous obtenus par alésage. ◆  En pyrotechnie (XXe s.), il équivaut à serpenteau*, par allusion aux mouvements de la fusée.
■  Par référence à la discrétion de la souris ou à son activité de rongeur qui cause des ravages, le mot s'emploie aussi en parlant de personnes. Au début du XVIIe s., souris s'est dit familièrement pour « avocat, procureur » (1611), c'est-à-dire « dévoreur de procès », et au XVIIIe s. pour la rumeur publique qui condamnait ou absolvait un accusé (1752). ◆  Faire la souris « voler adroitement dans les poches d'un homme » (1640) ne s'est pas maintenu, mais souris d'hôtel (1904) désigne encore une femme qui s'introduit dans les chambres d'hôtel pour y voler (Cf. rat d'hôtel). Souris de rempart s'est dit d'une fille à soldats (1833) et souris, employé seul, d'une femme de petite vertu (1905). Souris grise a désigné, pendant l'occupation de la France par l'Allemagne, dans les années 1940, les militaires allemandes. Aujourd'hui le mot équivaut plus largement à « jeune femme, jeune fille » (1938), sans péjoration.
Par calque de l'anglo-américain mouse, le mot désigne en informatique un appareil mobile correspondant à chaque position sur l'écran et capable de donner des instructions.
❏  Le mot a plusieurs dérivés.
■  SOURICEAU n. m., nom du petit d'une souris, est la réfection graphique (1559) de sourisseau (1373) ; on a employé avec le même sens de nombreux dérivés suffixés, sourisete (v. 1220), souriette (XIVe s.), sourichon (1553).
■  SOURICIÈRE n. f. (1464), antérieurement sourisiere (1380), sourissière (1416), est le nom d'un piège à souris, comme ratière ; les variantes sourisoire n. f. (1380) et souricier n. m. (1515) ont rapidement disparu. ◆  Le mot a désigné par analogie un ensemble de filets pour attraper le poisson (1772), un hôtel où la police pouvait arrêter des suspects (1789) et plus largement un lieu public mal famé surveillé par la police (1842). ◆  Ce fut le nom des caves de la Conciergerie (1794), puis des salles de la préfecture de police à Paris (1840), où l'on plaçait provisoirement les détenus ; ces derniers emplois ont disparu, alors que souricière désigne encore (1791, prendre en souricière) un piège tendu à des malfaiteurs par la police et, par extension (1829, Balzac), un lieu où l'on se trouve coincé.
■  SOURICIER s'est appliqué comme adjectif masculin à ce qui concerne les souris (1611) et, comme nom, désigne un animal qui attrape les souris (1611), comme ratier. Ce mot rare ne semble pas attesté entre le XVIIe s. et 1872.
■  SOURIQUOIS, OISE adj., « relatif aux souris et aux rats », a été forgé plaisamment par La Fontaine (1668) d'après les noms des peuples en -ois ; on le trouve au XVIIIe s. (Trévoux, 1721 à 1771 ; n. m.) comme nom d'un peuple indien.
CHAUVE-SOURIS n. f., réfection (XIIIe s.) de chalve soriz (fin XIe s.), chalve suriz (v. 1180), aussi soris chauve (fin XIIIe s.), est un calque du bas latin (VIIIe s., calves sorices), formé de chauve*, l'animal ayant des poils ras sur la tête. En wallon, chawe-sori, cauwe soris (fin XIIIe s.) est probablement formé à partir d'un latin populaire °cawa, du francique °kawa « chouette* », et les deux types ont dû se rencontrer. La graphie chauve-souri (sans s) [1549] est relevée jusqu'en 1715. Le latin classique vespertilio s'est conservé en zoologie (→ vespertilion) et a fourni l'italien pipistrello (Cf. pipistrelle).
■  Le mot désigne un mammifère à ailes membraneuses et, par analogie, s'est dit d'une sorte d'écureuil à replis membraneux (1835). Par allusion à la forme de l'animal en vol, il a été employé à l'époque classique (1690) comme nom d'un déguisement qui consistait à s'attacher une jupe de femme au cou. ◆  Chauve-souris de Cythère (1741), puis chauve-souris (1800), s'est dit pour « prostituée ». ◆  Chauve-souris de mer, comme souris, a désigné (1777) divers poissons, dont la baudroie. ◆  Par analogie, le mot s'est employé est en marine (1831) à propos de la ferrure la plus élevée d'un gouvernail, s'étendant en forme d'ailes le long de l'étambot.
2 SOURIS → SOURIRE
SOURNOIS, OISE adj. représente très probablement un dérivé (1640) du provençal sourne, ancien provençal sorn « sombre, obscur » (v. 1280), d'où la forme sornois au XVIIe siècle. L'origine de sorn est discutée, le mot étant rattaché au latin surdus « sourd* » ou à sordes « saleté » (→ sornette).
❏  Sournois a d'abord désigné comme nom masculin (1640), une personne qui simule la niaiserie ; le mot est aussi défini (1656, Oudin) « qui a l'humeur sombre et triste ». L'adjectif qualifie un peu plus tard, semble-t-il, la personne qui dissimule ses sentiments, le plus souvent dans une intention malveillante (1680, sornois ; 1668, sournois n. m.) et s'emploie par extension en parlant d'un animal (XIXe s.). L'adjectif qualifie ce qui dénote une dissimulation (v. 1750), le caractère, la conduite d'une personne hypocrite (1862). ◆  Par figure, l'adjectif s'applique à des choses qui ne se déclarent pas franchement (douleur sournoise) ; cette acception n'est attestée qu'au XXe s. (1927).
❏  SOURNOISEMENT adv. s'emploie au propre (fin XVIIe s.) et au figuré.
■  SOURNOISERIE n. f., « caractère sournois » et « action sournoise » (1814, in Robert), a eu pour variante sournoisie (1836, Académie).
L SOUS prép., réfection (v. 1180) de sost (v. 980), soz, suz (fin XIe s.), écrit aussi en ancien français sos et, avec un b étymologique, soubz, soubs, sub, est issu du latin classique subtus, adverbe, « en dessous, par-dessous », et préposition en latin impérial ; rare dans les textes, ce dérivé de sub (→ sub-) a dû être courant dans la langue parlée ; il est représenté dans toutes les langues romanes, par exemple l'italien sotto, le catalan sots.
❏  Sous a pour valeur générale de marquer la position « en bas » par rapport à ce qui est « en haut ». La préposition s'emploie à propos d'une chose qui est surplombée par une autre, sans contact avec elle (v. 980) ou dont la situation fait qu'elle est dominée par autre chose ou par une personne (1160-1170). Sous la terre, sous l'eau (en français de Belgique sans article, sous eau), sous la mer marque des domaines physiques particuliers. De là des expressions métaphoriques, du type être sous les armes (v. 1650), sous le drapeau de (1694) « au service de » et sous les drapeaux « en service » en parlant d'un soldat (1835), ou encore sous tel numéro (1690). ◆  Sous s'emploie dans des noms de lieu pour indiquer que le premier est en aval de l'autre (v. 1673). En termes de marine, être sous voiles (1678), naviguer sous tel pavillon (1868) utilise le même sémantisme. ◆  Parallèlement, sous introduit le nom d'une chose qui est en contact avec une autre et s'appuie sur elle (v. 1050), en particulier en parlant d'un milieu dont on considère la surface (1080, sous terre). De là viennent des emplois analogiques, comme être sous le verrou, sous les verrous* (1829) « enfermé ». ◆  Dans un contexte concret et spatial, sous introduit (v. 1560) l'idée de position sur la face inférieure de (qqch.), par exemple avoir une ampoule sous le pied. ◆  La préposition s'emploie aussi (XIIIe s.) à propos d'une chose qui en recouvre une autre, partiellement ou totalement, par exemple dans sous enveloppe (1690) et, familièrement (1611), dans faire sous soi « ne plus contrôler ses besoins naturels ». ◆  Par extension, sous équivaut (XVe s.) à derrière (ce qui cache) dans un contexte abstrait ou concret dans sous tel nom (1559), sous le masque, au propre et (1871) au figuré.
■  Sous marque par figure un rapport de subordination ou de dépendance, par exemple dans être sous les ordres de qqn (1363), servir sous qqn (1405). À l'époque classique, la préposition équivalait aussi à « en se laissant instruire par » (XVIe s. : 1534 Rabelais, apprendre sous qqn). Elle exprimait la cause (fin XVe s., sous le poids de), dans sous l'espérance de « en faisant espérer » (1642). Cette nuance sert à former des locutions prépositives, introduisant l'explication d'un fait, comme sous l'effet de, sous l'action de, sous l'influence de. ◆  De l'idée de dépendance, on passe, avec le nom d'un chef ou d'un régime politique, à une valeur temporelle, équivalant à « pendant le règne de » (1559, sous François Ier), « à l'époque de » (1690). ◆  En procédure, sous signifie « avant que ne soit écoulé (tel espace de temps) » [1773, sous huitaine] et dans l'usage courant indique une durée nécessaire (1788, sous peu).
Sous signifie « en considérant (par un aspect, un côté) », devant un nom de chose abstrait (fin XVIIIe s., sous cet angle) ou concret (1831) ; dans ce cas, la préposition conserve une valeur du latin sub (Cf. sub specie aeternitatis « du point de vue de l'éternité »). Récemment, par influence de l'anglais under, sous s'emploie pour « en subissant l'effet de... » (sous contrôle). Cet emploi est très courant dans le contexte médical (être sous antibiotiques, sous perfusion). Cette préposition s'est imposée aussi en informatique, pour « en utilisant (un système d'exploitation) ».
❏  SOUS- préf., entrant dans la formation de nombreux composés, est un emploi spécialisé de sous et a valeur de préposition (sous-main) ou d'adverbe (sous-occupé). Rares avant le XVIe s. (XVe s., par exemple sous-maître, sous-pied), les préfixés se développent surtout à partir du XIXe s. et forment aujourd'hui une série ouverte. La productivité de sous est plus forte encore que celle des éléments savants hypo-, infra- et sub- avec lesquels il est parfois en concurrence. Parfois même, le composé en sous- est plus courant que le simple (sous-jacent).
1 DESSOUS prép. et adv. est une réfection (v. 1175) de desoz (v. 980), issu du bas latin desubtus, composé de de et subtus.
■  Employée seule au sens de « sous » (v. 980), la préposition n'a aujourd'hui qu'une valeur concrète. ◆  Elle a eu en ancien français une partie des emplois de sous, signifiant « sous les murs de (une ville) » [v. 1150], marquant l'ordre de la dignité, par exemple dans desous Diu « après Dieu » (1167), la subordination dans dessous qqn « sous ses ordres » (v. 1175). ◆  La locution prépositive par-dessous « sous (qqch.) » [v. 1130, par desoz] s'emploie avec l'idée de passage (1690). Par figure, jouer qqn par dessous la jambe a signifié « déranger facilement tous ses projets » (1672), puis on a dit jouer par dessous jambe (1885) et enfin traiter qqn par-dessous la jambe « avec mépris ». De dessous (1080, de desuz) est moins fréquent.
■  Adverbe de lieu (1080, desoz), dessous signifie « dans ou sur la partie inférieure de ». Le mot sert à former plusieurs locutions adverbiales. Par-dessous, qui correspondait en ancien français à « dessous » (v. 1130), « en bas » (v. 1175), signifie aujourd'hui « par la partie inférieure » (1546). Là-dessous se dit pour « sous cette chose » (v. 1250) et par figure « sous cela » (1677), « sous cette apparence » (1704). Ci-dessous, « sous ce qu'on vient d'écrire, plus bas » (1343), correspond au latinisme infra. En dessous « sur la face inférieure » est attesté dans la locution figurée avoir le regard en dessous « être hypocrite, sournois » (1746) et entre dans les locutions regarder en dessous, agir en dessous « sournoisement ». Pour sens dessus dessous → sens. ◆  Au-dessous (al desoz, 1165) représente la première substantivation du mot.
2 DESSOUS n. m., substantivation de 1 dessous, désigne la partie inférieure de qqch., ce qui est plus bas (1393). Abstraitement, trouver qqn à son dessous a signifié (1410) « le trouver en état d'infériorité » ; avoir le dessous (1640) est toujours usuel, mais avoir du dessous « succomber dans une contestation » (av. 1662) a disparu après l'époque classique. ◆  Le mot s'emploie comme nom donné à des choses cachées, dans le dessous du jeu (av. 1662), le dessous des cartes, au figuré « la face cachée des choses » (1662, Pascal), locutions attestées plus tard au sens propre (1718). ◆  Au théâtre, les dessous désigne (1835) les étages disposés sous la scène pour entreposer les accessoires ; de cet emploi vient le figuré être dans le troisième dessous (1864), le trente-sixième dessous « être dans une très mauvaise situation ». ◆  Les dessous a eu le sens technique de « broussailles » (1845) de par leur situation sous les arbres (Cf. sous-bois). ◆  Le nom au pluriel désigne aujourd'hui des vêtements féminins portés sous les autres (1876, Zola). En peinture, dessous désigne la première couche de peinture d'une toile (1876).
■  La locution adverbiale au-dessous apparaît dans aller au-dessous « être vaincu » (1160-1170) ; elle signifie « dans une position inférieure » (v. 1250), spécialement pour indiquer une infériorité nombrable (Cf. moins). Au-dessous de, locution prépositive, signifie « en bas de » (1530), « plus bas que » (1690), au figuré dans être au-dessous de « indigne de » (1653) ou « incapable de » (1755), d'où être au-dessous de tout « n'être capable de rien » (XXe s.).
■  Le nom entre dans la formation de quelques composés, tous invariables, désignant des objets qui se placent sous quelque chose, soit pour isoler, comme DESSOUS-DE-PLAT n. m. (1898), DESSOUS-DE-BOUTEILLE n. m. (déb. XXe s.) ou pour protéger : DESSOUS-DE-BRAS n. m. (1929). DESSOUS-DE-TABLE n. m. (XXe s.) désigne une somme d'argent donnée secrètement par un acheteur au vendeur.
❏ voir SOMBRER, 1 SOMME, SOMMET, SOPRANO, SOUBRETTE, SOUTANE, SOUTE, SOUTIEN, SOUVENT, SOUVERAIN, SUB-, SUPER-, SUPERBE, SUPERCHERIE, SUPIN, SUPRA-, SUPRÊME, SUR, SUR-, SUS, SUS-, SUZERAIN. ◆  Les principaux composés de sous sont traités au radical → aliment (alimenter), barbe, bois, classe, continent, cortex (cortical), couche, développer, diacre, directeur, dominer (dominante), employer, emploi, ensemble, entendre, équiper, espèce, estimer, étage, évaluer, exploiter, famille, fifre (à fifrelin), genre, groupe, homme, jacent, lieutenant, location, louer, main, maître (maîtresse), marin, marque, ministre, multiple, occuper, œuvre, officier, ordre, payer, peuple (peupler), pied, préfet (préfecture), produire (produit), prolétaire (prolétariat), représenter, secrétaire, seing, signer, sol, tendre (v.), titre, traiter, ventre (ventrière), verre, vêtement.
SOUSCRIRE v. tr. est une réfection, avec le préfixe sous- (1539), de subscrire (1356), soubzescrire (v. 1450), soubscrire (1506). Subscrire est un emprunt savant, influencé par écrire, au latin classique subscribere « écrire au bas, mettre en inscription », par extension « écrire à la suite, ajouter », « signer un document », en droit « signer en second une accusation » et, en parlant des censeurs, « inscrire un blâme au-dessous du nom d'une personne », puis en bas latin « inscrire à la dérobée ». Ce verbe est composé de sub- marquant la position inférieure (→ sub-) et de scribere « écrire* ». Il a produit aussi l'ancien provençal sotzecrivre (v. 1100).
❏  Souscrire signifie d'abord « revêtir (un acte) de sa signature pour l'approuver ». Il s'est employé à l'époque classique (v. 1545, soubscrire) au sens d'« écrire au bas, ajouter ». ◆  Par figure, souscrire à correspond à « donner son adhésion, consentir » (1588). Le verbe a par extension le sens de « s'engager à payer, en signant » (1690) ; avec cette valeur, il s'emploie spécialement dans souscrire à une publication (1721) « prendre l'engagement d'acheter, moyennant un prix convenu, un ouvrage non encore publié ou publié partiellement, en versant une partie de la somme », puis souscrire à une entreprise, etc. « donner une somme d'argent » (1784) et souscrire à un emprunt, aussi souscrire un emprunt (1872). ◆  Dans l'usage général souscrire que, au Luxembourg, vaut pour « admettre ».
❏  Le participe passé SOUSCRIT, ITE adj., sorti d'usage pour « écrit dessous » (1540, soubzscript), s'emploie encore comme terme de grammaire grecque ancienne dans iota souscrit « placé sous une voyelle longue » (1872). ◆  D'après le sens financier du verbe, il qualifie ce dont le financement est couvert par des souscriptions (1872), en parlant d'un emprunt, du capital d'une société, qui peut être entièrement souscrit.
SOUSCRIPTION n. f. est la réfection (1574), parallèle à celle de souscrire, de subscription (XIIIe s.), emprunt au latin classique subscriptio « inscription (au bas d'une statue) », « inscription à la suite » et, en droit, « action d'être accusateur en second », « indication du délit », dérivé de subscriptum, supin du verbe. ◆  Le mot désigne la signature qu'on met au-dessous d'un acte ; il s'est employé dans souscription d'une lettre « signature, accompagnée des formules de civilité » (1665). ◆  Il désigne aussi l'action de donner une adhésion formelle à qqch. (fin XVIIe s.) et s'emploie spécialement en parlant d'un engagement de paiement pour une publication (1717) ou une entreprise (1718), d'où (bulletin de) souscription (1762), et de la somme versée par un souscripteur (1801). ◆  Souscription désigne aussi (XXe s.) la partie d'une ordonnance où le médecin précise la façon d'effectuer la préparation prescrite.
■  SOUSCRIPTEUR, TRICE n. est un emprunt au dérivé latin subscriptor « accusateur en second », puis adjectif qualifiant celui qui souscrit à qqch. ◆  Le mot désigne (1679) une personne qui souscrit (une lettre de change, un emprunt), spécialement celle qui souscrit à une publication (1721) et plus généralement à une souscription (1762). Le féminin est attesté à la fin du XVIIIe siècle. On a dit aussi souscriveur (1675) et souscrivant, ante (v. 1730 ; 1751 au féminin), ce dernier encore relevé en 1875.
SOUS-FIFRE → FIFRELIN
SOUS-JACENT, ENTE → JACENT
SOUSTRAIRE v. tr., réfection (v. 1270) de sustraire (v. 1120), sostraire (1160-1170), est une adaptation d'après sous* du latin classique subtrahere « tirer, enlever par dessous », au figuré « soustraire, retirer ». Ce verbe est formé de sub- marquant le mouvement de bas en haut (→ sub-) et de trahere « tirer », « traîner », au propre et au figuré, qui a abouti en français à traire*. Le verbe s'est aussi écrit, avec un b étymologique, substraire (fin XVe s.), et soubtraire (1538), ceci jusqu'au début du XVIIe siècle.
❏  Soustraire (qqch.) à qqn signifie dès l'origine « lui retirer qqch. de manière à l'en priver, souvent par la ruse ou la fraude », d'où par extension « priver de » (1226), sorti d'usage, et « faire disparaître par le vol », sens toujours vivant. ◆  Se soustraire, qui a signifié « se retirer » (1160-1170, en parlant du soleil), prend au début du XIIIe s. le sens de « s'affranchir, se libérer de » (v. 1207, soi sotraire ; 1559, se soustraire). Soustraire qqn de, « faire échapper à (qqch. à quoi on est exposé) » [déb. XIIIe s.], est devenu soustraire qqn à (v. 1580), d'où le pronominal se soustraire à la vue, aux regards « s'en aller, disparaître » (1669).
■  Le verbe s'est spécialisé en arithmétique au sens de « retrancher (un nombre d'un autre) » [XIIIe s. ; v. 1119, selon G. L. L. F.] et, par restriction, « ôter une somme d'argent » (1773). L'emploi absolu, pour « effectuer une, des soustractions », apparaît au XVIe s. (1520). ◆  Avec la valeur de « retirer », soustraire a signifié « extraire (un passage d'un texte) » [fin XVIe s.].
❏  SOUSTRACTION n. f. représente la réfection (1484), d'après sous, de subtraction (v. 1155), substraction (v. 1370), emprunt au bas latin subtractio « action de se retirer », dérivé de subtractum, supin du verbe latin. ◆  Le mot a d'abord désigné l'action de retrancher une syllabe d'un mot (XIIIe s.) puis (1484) l'opération d'arithmétique qui consiste à retrancher. Soustraction s'est employé au sens général d'« action de soustraire » (v. 1370). ◆  En droit, c'est le nom d'un délit consistant à enlever une pièce d'un dossier (1636).
■  SOUSTRACTIF, IVE adj., dérivé savamment de soustraire (1683), s'applique en minéralogie (1801) à un élément géométrique servant à mesurer la quantité des décroissements dans un cristal. ◆  Le mot se dit plus généralement de ce qui est relatif à la soustraction et de ce qui doit être soustrait.
SOUS-TRAIT n. m. est la réfection, d'après sous (1765, soustrait), de soubztrait (1369), antérieurement soustré (XIIIe s.), adaptation du latin médiéval substratum (Xe s.) « litière d'un animal », substantivation du participe neutre du latin classique substernere « étendre dessous » de sub et sternere « coucher à terre », d'une racine °ster- présente dans plusieurs langues indoeuropéennes. Substratum, repris au XVIIIe s. avec un autre sens, a fourni substrat*.
❏  Ce mot sorti d'usage a eu le sens du latin médiéval « litière » et celui de gîte (1369), d'après un sens du verbe latin, « garnir à la base (pour protéger) ». Il a désigné (1765) des fagots que l'on plaçait au fond d'un bateau pour que les marchandises ne soient pas mouillées et, en imprimerie (1803, soutrait), la planche inférieure de la presse du papetier. ◆  Écrit sous-trait, il a dénommé un lit de paille placé sous les gerbes de blé, dans une grange (1842).
SOUS-VERRE → VERRE