SPALLATION n. f. est un emprunt à l'anglais spallation, de to spall « éclater », pour désigner en physique nucléaire (1953) la réaction provoquée par des particules fortement accélérées, de sorte que leur noyau se sépare en libérant ses particules (protons, neutrons, etc.).
SPALTE n. m. est emprunté (1756) à l'italien spalto « asphalte », issu du bas latin asphaltus « bitume », lui-même emprunté au grec asphaltos (→ asphalte).
❏
Spalte a désigné le bitume de Judée ; il a été remplacé par asphalte*.
◆
Le mot se dit aujourd'hui (1881) du mastic de fontainier qui était à l'origine fait de ce matériau.
SPALTER n. m. est un emprunt (1876) à l'allemand (prononcé spa- à la française), mot dérivé du verbe spalten « fendre, cliver ». Il désigne dans l'usage technique, une brosse de peinture en bâtiment, utilisée pour faire les faux bois.
SPAM n. m. est un emprunt (1997) à l'anglo-américain, du nom d'une marque de jambon en boîte, répété publicitairement ou dans un sketch télévisé. Le mot, qu'on a tenté en France de remplacer sans succès par arrosage, et au Québec, avec plus de résultat, par pourriel, désigne l'envoi massif de messages électroniques non sollicités, et l'un de ses messages (recevoir des millions de spams).
?
SPARADRAP n. m. est la forme refaite, d'après drap (v. 1560), de speradrapu (1314, Mondeville), d'origine discutée. Certains y voient un emprunt à l'italien sparadrappo ou au latin médiéval sparadrapum, résultat du croisement entre le latin classique spargere « étendre » (→ épars) et le français drap*. P. Guiraud préfère rattacher le mot à l'ancien français esparer « étendre », composé de parer « garnir, préparer » et du préfixe es- marquant l'idée d'« étendue », le sparadrap étant, selon lui, à l'origine un « drap esparé » sur lequel on a étendu un onguent.
❏
Le mot désigne aujourd'hui (mil. XIXe s.) un tissu adhésif utilisé pour maintenir en place de petits pansements.
SPARDECK n. m. est l'emprunt, en marine (1813), au composé anglais formé de spar « barre » et deck « pont », pour désigner le pont supérieur d'un navire qui s'étend continûment sur toute sa longueur sans dunette ni gaillard.
SPARGANIER n. m. est l'emprunt francisé (1842) au latin des botanistes sparganium (1730), tiré du grec sparganon, nom de cette plante. Le mot désigne une plante aquatique, appelée couramment ruban d'eau.
SPARRING-PARTNER n. m. est un emprunt (1909) à un mot anglais composé (1908) de sparring « combat » (1686) et de partner « partenaire ». Sparring dérive de to spar « combattre », qui reprend le moyen français esparer « mettre (l'adversaire) au sol », du germanique sparre « lutte, combat » ; partner est emprunté à l'ancien français (→ partenaire).
❏
C'est le nom donné à un boxeur servant pendant l'entraînement d'adversaire à celui qui prépare un match.
SPART ou SPARTE n. m. est emprunté (1532, sparte) au latin classique spartum « jonc servant à faire des nattes », lui-même emprunté au grec spartos, désignation de la plante que les Grecs découvrirent en Espagne et rapportèrent en Orient, avant d'en diffuser le nom en Occident (Cf. catalan espart ; espagnol, portugais esparto). Le nom de cette plante, qui servait à tresser des cordes et des corbeilles, se rattache à sparton « corde, cordage », à rapprocher peut-être de mots grecs dont la racine signifierait « plier, entourer, envelopper », comme speira « repli, spirale » (→ spire). On relève en français les variantes espart et épart (1723) jusqu'au milieu du XIXe siècle.
❏
Le mot désigne plusieurs plantes graminées, utilisées notamment pour la fabrication de cordages, de nattes, de tissus, etc. et, spécialement, de l'alfa et du genêt d'Espagne employé en sparterie. Repris au XIXe s., sous la forme spart (1845), il a vieilli.
❏
Le mot a fourni plusieurs dérivés.
■
SPARTERIE n. f. (1752) désigne la fabrication d'objets en sparte, un ouvrage fabriqué avec le sparte (1803) ou un textile végétal analogue et spécialement (XIXe s.) une natte tressée d'usage décoratif.
■
SPARTÉINE n. f., terme de médecine, est emprunté (1863) à l'anglais spartein (1851), dérivé du latin moderne spartium (1694, « genêt d'Espagne ») et désigne un alcaloïde d'abord extrait du genêt à balais et utilisé comme cardiotonique.
■
SPARTEX n. m. (XXe s.), terme technique, est le nom donné, par analogie, à un canevas de jute qui imite la sparterie.
SPARTAKISTE n. et adj. est emprunté (1916) à l'allemand Spartakist « membre du groupe Spartacus », dérivé de Spartakusbund « groupe Spartacus », composé de Bund « lien », « union, alliance », de même origine que bande (→ bande), et de Spartakus, transcription allemande du latin Spartacus, nom du chef des esclaves romains révoltés en 71 av. J.-C.
❏
Ce terme d'histoire désigne un membre du mouvement socialiste et communiste allemand (1914-1919) animé par Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg.
❏
En dérive SPARTAKISME n. m. (1916) « mouvement des spartakistes ».
SPARTIATE n. et adj. est un emprunt (1580, Montaigne) au latin classique Spartiatae (Spartiates) « habitant de Sparte », qui reprend lui-même le grec Spartiatês, dérivé de Spartê « Sparte », (ou Lacédémone), ville du Péloponnèse, nom d'origine obscure. On a tenté un rapprochement avec sparton (→ spart), avec l'idée d'enclos, mais sans certitude.
❏
Spartiate, « habitant de Sparte » (1580), s'applique à ce qui est propre à la classe aristocratique de Sparte (1738).
◆
Par référence aux mœurs et aux coutumes des aristocrates de la république lacédémonienne, il se dit de ce qui est austère, évoque le courage stoïque des Spartiates (1830), par exemple dans la locution adverbiale à la spartiate (1784). Dans ce sens, il est parfois substantivé (1872, in Littré).
◆
Il qualifie en histoire (1876) ce qui est relatif à Sparte et à ses habitants.
❏
SPARTIATE n. f., emploi spécialisé du nom, désigne, surtout au pluriel (1947), une sandale faite de lanières de cuir croisées.
SPASME n. m. est la réfection, d'après le latin (v. 1300), de l'ancien français espame (1244), espasme (1256), emprunté au latin spasmus « convulsion », lui-même emprunt au grec spasmos, dérivé de spân « tirer, tirailler, disloquer » (→ pâmer), mot sans origine connue.
❏
Le mot a d'abord été employé au sens d'« évanouissement », encore relevé au XVIe s. et noté « vieux » chez Malherbe.
◆
Spasme désigne, à partir du XIVe s. (1314), la contraction brusque et involontaire de certains muscles, spécialement (1887, Zola) une réaction convulsive de l'orgasme. Spasme de chien (1690), « rire sardonique », a été remplacé par spasme cynique (1812).
❏
Les dérivés de
spasme sont sortis d'usage ; quelques termes didactiques ont été formés sur son radical.
◈
SPASMOGÈNE adj. (1897), de
-gène, qualifie ce qui provoque le spasme.
■
Il est opposé à SPASMOLYTIQUE adj. (mil. XXe s.), de -lytique « qui supprime les spasmes », aussi n. m., pour un médicament.
■
SPASMOPHILIE n. f. (1907), de -philie, se dit d'une tendance aux spasmes musculaires et viscéraux due à une hyperexcitabilité nerveuse et musculaire et a fourni SPASMOPHILIQUE adj. (v. 1950).
■
Quelques termes de médecine indiquent la nature du spasme, par exemple LARYNGOSPASME n. m. (1892), de laryngo- (→ larynx), « contraction spasmodique du larynx » et ANGIOSPASME n. m. (1931), de angio-, « contraction spasmodique d'un vaisseau sanguin ».
◈
Le latin impérial
spasticus « qui a des spasmes », qui reprend le dérivé grec
spastikos, a été emprunté en français, d'abord sous la forme du composé
antispastic adj. (1598), puis
antispastique (1752) qualifiant un remède révulsif, puis sorti d'usage ; le simple
SPASTIQUE adj. (1795) est un équivalent rare de
spasmodique et a pour dérivé
SPASTICITÉ n. f. (v. 1970), état résultant d'une hypertonie musculaire.
◈
SPASMODIQUE adj. est emprunté (1721) à l'anglais
spasmodic (1681), terme de médecine, lui-même emprunté au grec
spasmôdês « convulsif », tiré de
spasmos. L'adjectif qualifie ce qui est provoqué par le spasme (1721,
rire spasmodique), ce qui est sujet aux spasmes
(estomac spasmodique). Il s'emploie au figuré (
XXe s.) au sens de « brusque et interrompu ».
◆
En dérivent
SPASMODIQUEMENT adv. (1835) et le terme de physiologie
SPASMODICITÉ n. f. (1906) « disposition aux spasmes ».
■
Le composé ANTISPASMODIQUE adj. (1740), de 1 anti-, s'applique à ce qui combat les spasmes. Il est substantivé depuis le XVIIIe s. (1752).
SPATH n. m., introduit dans l'Encyclopédie (1751) à l'article calcite, est un des nombreux emprunts à l'allemand dans le domaine de la minéralogie (Cf. le composé feldspath*).
❏
C'est le nom générique, vieilli dans le vocabulaire scientifique mais encore vivant dans l'usage courant, des minéraux à structure lamellaire. Le mot spécifié, s'emploie dans spath d'Islande (1791) dit aussi cristal d'Islande, spath adamantin « variété brune de corindon » (1791).
❏
Le dérivé SPATHIQUE adj. (1757) qualifie ce qui a l'aspect du spath.
SPATHE n. f., réfection savante (1555) de espate (1360), est un emprunt au latin spatha (tardivement spata) qui a divers sens spécialisés : « battoir », « spatule », « épée longue », « bractée du palmier ». Spatha, qui a abouti au français épée*, est lui-même emprunté au grec spathê, nom de divers objets longs et plats, « latte de bois », « épée longue et plate », « spatule », « omoplate » (→ épaule, spadassin, spatule).
❏
Le mot a repris plusieurs valeurs de l'étymon latin, désignant d'abord une cuiller à long manche, une spatule en fer servant à tourner les aliments pendant leur cuisson ; cette valeur ne s'est pas conservée.
◆
En archéologie, le mot désigne (1555 ; aussi spata, 1655) une épée à large lame que portaient les Gaulois et les Germains.
◆
Par analogie, il a eu le sens de « scalpel » (1721, spatha) et désigne en botanique (1743) une grande bractée.
❏
Spathe a fourni des termes de botanique, tels SPATHIFLORE adj. (1842), qualifiant une plante dont les fleurs sont entourées d'une spathe, et SPATHIFLORALES n. f. pl. (XXe s.), ordre de monocotylédones spathiflores.
❏ voir
SPADICE.
SPATIAL, ALE, AUX adj. est un dérivé savant (1889 chez Bergson) du latin spatium « étendue, espace », « durée », « temps, délai » (→ espace).
❏
L'adjectif qualifie ce qui est relatif à l'espace ; il est employé spécialement en cristallographie (1949, charge spatiale).
◆
De didactique l'adjectif est devenu courant (apr. 1957) quand il s'est appliqué à l'espace interplanétaire ou interstellaire ; avec le développement des techniques d'exploration, il entre dans de nombreux syntagmes : vol spatial, navette spatiale, biologie spatiale, etc.
◆
Spatial, à la mode vers 1960 (comme atomique l'était v. 1950) au sens de « magnifique, étonnant », ne s'est pas répandu.
❏
L'adjectif a fourni plusieurs termes didactiques.
■
SPATIALITÉ n. f. (1906) désigne le caractère de ce qui est spatial.
■
SPATIALISER v. tr. (1907) signifie « donner à (qqch.) un caractère spatial » ; il s'est dit (1907) pour « projeter dans l'espace » et s'emploie aujourd'hui (v. 1970) pour « adapter (un engin, un appareillage) aux conditions de l'espace ».
◆
En dérive SPATIALISATION n. f. (1940).
■
SPATIALEMENT adv. (1916) signifie « relativement à l'espace ».
◈
SPATIONAUTE n. (1962), formé d'après
aéronaute, désigne un membre de l'équipage d'un engin spatial ; il est devenu usuel à côté de
COSMONAUTE et
ASTRONAUTE. SPATIONEF n. m. (1963), formé de
nef, d'après
aéronef, semble peu usité.
■
Sur le modèle d'aéronautique a été composé SPATIONAUTIQUE n. f. (v. 1973) « science de la navigation spatiale ».
◈
L'élément
SPATIO-, tiré de
spatial, est le premier terme de quelques composés didactiques, par exemple
SPATIO-TEMPOREL, ELLE, ELS adj. (1904) « qui se rapporte à la fois à l'espace et au temps ».
❏ voir
AÉROSPATIAL (art. AÉRER).
SPATULE n. f. est la réfection savante (1464) de espatule (1377) encore relevé au XIXe s., emprunt au bas latin spat(h)ula « épaule (d'animal) », « spatule », « petite branche de palmier » et « borne ». À l'époque médiévale, spathula désigne l'épaule de l'homme et celle du porc, d'où le sens métonymique de « droit seigneurial de prendre les épaules des porcs sauvages tués » (1088-1091) ; on relève aussi le sens d'« épée courte » (1194). Spat(h)ula est le diminutif du latin classique spatha « battoir », « spatule », « épée large et longue » (→ épée, spathe), lui-même emprunt au grec spathê, de même sens, que l'on rapproche des noms germaniques de la bêche (Cf. l'allemand Spaten).
❏
Le mot désigne un instrument large et aplati à un bout, utilisé en chirurgie, puis en pharmacie, en peinture, également en maçonnerie (1876) et en cuisine. Il a eu le sens de « scalpel » (1519), disparu, et il a désigné (1752,
espatule) un arbuste ébranché avec lequel on tournait le lait caillé. Par analogie,
spatule est le nom donné (1664) à un oiseau échassier dont le long bec, élargi et aplati à son extrémité, rappelle une spatule.
■
Le mot se dit par ailleurs de l'extrémité antérieure relevée d'un ski (1912) et de l'extrémité évasée d'un manche de cuiller, de fourchette (XXe s.).
◆
En spatule s'emploie au sens de « large et plat du bout » (doigts en spatule).
❏
Du nom dérive
SPATULÉ, ÉE adj. (1778) « en spatule », didactique.
■
Le composé didactique SPATULIFORME adj. (XXe s.), de -forme, qualifie ce qui est en forme de spatule.
SPEAKEASY n. m. est un emprunt (1930, P. Morand) à un mot américain composé (1889) de to speak « parler » (→ speaker) et de easy adv. « tranquillement, facilement », dérivé de ease « tranquillité, bien-être », emprunté à l'ancien français aise.
❏
Speakeasy désigne un local (cabaret, tripot clandestin) où l'on servait clandestinement des boissons alcoolisées pendant la prohibition aux États-Unis.
SPEAKER n. m. est un emprunt politique (1649) à un mot anglais attesté au début du XIVe s. (1303), signifiant « celui qui parle » d'où « orateur » et désignant spécialement (1400) le président de la Chambre des communes, en Angleterre. Speaker dérive de to speak « parler », qui a pour correspondants le néerlandais spreken, l'allemand sprechen ; ces formes se rattachent à une base germanique sprek- « faire un bruit ».
❏
Speaker est passé en français avec le sens de « président de la Chambre des communes », en Angleterre ; repris au
XIXe s., le mot désigne (1876) le président d'une législation coloniale, puis de la Chambre des représentants, aux États-Unis. Au
XIXe s.,
speaker s'est employé au sens anglais d'« orateur » (1866), sorti d'usage.
◆
Il s'est spécialisé pour désigner (1904) une personne chargée d'annoncer au public des résultats sportifs, puis (1931) un présentateur d'émissions, de programmes, à la radio et à la télévision ; pour ces deux dernières valeurs, le mot anglais correspondant n'est pas
speaker mais
announcer (1922, en ce sens) « annonceur ».
Speaker est tout à fait passé dans l'usage français, mais les puristes lui préfèrent
annonceur (autre anglicisme) ou
présentateur.
■
Avec cette valeur, le français a dérivé SPEAKERINE n. f. (1941 « présentatrice d'un spectacle » ; en radio dès 1934), faux anglicisme aussi critiqué que le masculin, notamment pour son suffixe emprunté à l'allemand.
❏
Le composé TÉLÉSPEAKERINE n. f. (v. 1970), de télé, a rapidement vieilli.
❏ voir
SPEECH.
+
SPÉCIAL, ALE, AUX adj. et n. représente la réfection (v. 1190) de especiel (v. 1130), especial (v. 1150), emprunt au latin impérial specialis « spécial, particulier », « propre à », opposé à generalis (→ général, adj.) ; cet adjectif dérive du latin classique species « vue », « aspect », « belle apparence » (→ spécieux) et, dans la langue philosophique, par traduction du grec eidos (→ -ide, idéo-), « ce par quoi se manifeste une notion » (→ espèce).
❏
L'adjectif s'applique d'abord, comme le latin
specialis, à ce qui constitue une espèce, une sorte de choses, opposé à
général, et qualifie (1160-1170) ce qui présente des caractères particuliers dans son genre. Avec cette valeur, il a qualifié jusqu'au
XVIe s. une amitié étroite (1339), comme l'ancien provençal
especial (
XIIIe s.) « intime », une personne remarquable par sa sagesse (1359), une personne très dévouée (v. 1430) et une chose rare (1501).
◆
Il entre dans la locution
par especial « en particulier » (1309), encore en usage au
XVIIe s. (1619,
par special).
◆
Cette idée de « singularité », de « particularité » est reprise au
XIXe s. dans plusieurs domaines :
école spéciale s'est dit de l'une des écoles où les jeunes gens achevaient leurs études (1812) ; on emploie toujours l'expression
mathématiques spéciales (1872) pour désigner une classe de préparation aux grandes écoles, d'où familièrement
spéciale n. f. (1872,
n. f. pl.), abrégé en
spé (souvent
maths spé).
Armes spéciales, autrefois (1876) nom de l'artillerie et du génie, est le nom donné aux armes nucléaires, chimiques et bactériologiques, par opposition à
armes classiques. Fonds spéciaux se dit (1876) par euphémisme pour « fonds secrets ». En droit,
cas spécial désignait (1872) un crime déféré à la Chambre des pairs, sous Louis-Philippe.
■
Au cours du XIXe s., par la multiplication des subdivisions du savoir et des pratiques, l'adjectif devient essentiel dans de nombreux domaines dont l'ampleur exige un découpage. Aussi, en linguistique et dans ce dictionnaire même, spécial qualifie un sens, un emploi plus restreint (en extension) et plus précis, par rapport à un sens, à un emploi antérieur plus général.
◆
En français de Belgique, on emploie l'expression enseignement spécial pour celui qui est réservé aux élèves en échec scolaire ou présentant des handicaps psychologiques.
Dans le vocabulaire familier, l'adjectif a pris au début du
XXe s. (1904) le sens d'abord péjoratif de « bizarre, qui n'est pas accepté par tous », parfois mélioratif et presque admiratif. Selon les milieux sociaux,
spécial peut valoir pour « étrange, exceptionnel »
(c'est beau, mais c'est un peu spécial) ou pour « extravagant », « inattendu ».
Voir aussi space. Il s'est employé par euphémisme dans
mœurs spéciales « homosexuelles », c'est-à-dire déviantes par rapport à la norme sociale (
XXe s.).
■
Dans le langage publicitaire, spécial s'emploie, précédant un nom, pour manifester que le produit proposé a été conçu spécifiquement pour cet usage (une crème spécial [ou spéciale] peaux sèches).
◆
Un spécial n. m. s'emploie en français du Québec pour désigner un article exceptionnel vendu à un prix spécial, c'est-à-dire réduit. Les spéciaux : les soldes. En spécial, en solde. L'adjectif substantivé peut valoir aussi, toujours au Québec, pour « ce qui est présenté pour une occasion, un jour ». Le spécial du jour (« plat du jour », au restaurant).
❏
SPÉCIALEMENT adv., réfection graphique (1297) de
spécialment (v. 1120), s'oppose à
généralement et a des emplois proches de
particulièrement. Pas spécialement (attesté en 1922) équivaut familièrement à « pas tellement, assez peu ».
■
SPÉCIALISER v. tr. est attesté isolément au sens de « préciser » (v. 1535, intr.), disparu. Le verbe est aussi sorti d'usage pour « indiquer d'une manière spéciale » (1819 ; 1823, pron.).
◆
En français actuel, il signifie « donner un emploi déterminé et restreint à (qqn) » [1835] et s'emploie aussi pronominalement dans ce sens (1891).
◆
En dérivent SPÉCIALISATION n. f. (1825, A. Comte), « action de (se) spécialiser » et « ce qui est spécialisé », et SPÉCIALISÉ, ÉE adj. (av. 1931). Ces deux mots sont devenus courants avec le développement des savoirs et activités, sciences et techniques. Pour ouvrier spécialisé, → ouvrier.
◈
SPÉCIALISTE n. et adj. désigne une personne qui a des connaissances particulières (1832,
n. m.) et, notamment, qui s'est spécialisée dans une branche d'études (1842, comme nom et comme adjectif) ; de là vient l'emploi pour un médecin qui se consacre principalement au traitement de tel genre de maladies (1872), opposé à
généraliste.
◆
Par figure,
spécialiste de s'applique familièrement à une personne coutumière d'une chose (attesté 1920,
n. et adj.).
■
SPÉCIALISME n. m. signifie « caractère spécial » (1876) et « spécialisation » (1877) ; il est rare.
◈
SPÉCIALITÉ n. f., réfection (1320) de
especialité (v. 1250), est emprunté au dérivé bas latin
specialitas « qualité distinctive ».
◆
Le mot a d'abord désigné le caractère de ce qui n'est pas général, acception surtout vivante en droit jusqu'au
XVIIIe siècle. Il s'est dit pour « amitié étroite » (v. 1270), jusqu'à l'époque classique, et en droit pour « cas particulier » (v. 1283) et « renonciation particulière à un bien, à un droit » (1461 ; 1379,
especiauté).
◆
Il demeure comme terme juridique dans
spécialité hypothécaire (1690),
spécialité budgétaire (1835), etc.
■
Dans le vocabulaire général, et parallèlement à spécial avec ses dérivés, le mot devient plus courant au XIXe s., désignant (1823 Las Cases, in T.L.F.) un ensemble de connaissances sur un objet d'étude limité et (1837) une activité déterminée, d'où spécialité médicale (1876).
◆
Par métonymie, spécialité se dit (1842) d'un produit originaire d'une région, répandu en ce sens vers 1930, et d'un plat dans lequel excelle un cuisinier (1875).
◆
On emploie aussi le mot en pharmacie pour parler d'un médicament qui est la spécialité d'un fabricant ou d'un inventeur (1875).
◆
Par figure et familièrement, la spécialité de qqn désigne un comportement personnel, parfois considéré comme déplaisant (1860).
◈
SPÉCIATION n. f. est un emprunt (v. 1950) à l'anglais
speciation (1906) « formation d'espèces, de types », terme de biologie, construit sur le latin classique
species. Spéciation conserve le sens de l'anglais.
◈
SPÉCIFIER v. tr. est la réfection d'abord sous la forme
specefier (1290), refait en
spécifier (
XIVe s.) d'après le latin, de
especefier (v. 1260 ; 1292, ancien provençal
especificar), forme demi-savante proche de
espèce et dont on relève jusqu'au
XVIe s. les variantes
especifier (1283),
espacifier (1337),
exspecifier (
XVIe s.). Ce verbe est emprunté au bas latin
specificare (
IVe s.) « distinguer, séparer », composé du latin classique
species au sens d'« espèce* » et de
facere « faire* ».
■
Le mot signifie, dès le XIIIe s., « désigner ou caractériser (une chose) pour la distinguer des choses du même genre ». Il s'est employé spécialement à l'époque classique (1653, La Rochefoucauld) aux sens de « décrire (qqn, qqch.) avec minutie » et, en science, de « définir comme espèce » (1690). Se spécifier a signifié « devenir spécifique » (1840).
■
Le dérivé SPÉCIFICATIF, IVE adj. s'applique (1314) à ce qui sert à spécifier, en termes administratifs. Il s'est employé spécialement (1842) pour qualifier un mot qui restreint à une partie ce qui semblait concerner le tout.
■
SPÉCIFICATION n. f. (1375), d'abord écrit speciffication (1341), est un emprunt au latin médiéval specificatio (1277), de specificatum, supin de specificare.
◆
Le nom est didactique pour désigner (1341) l'action de déterminer une chose.
◆
D'après le latin species « apparence », il a eu en moyen français les sens de « vision » (1375, isolément), « apparence extérieure » (1440-1475).
◆
Au XVIIe s., spécification entre dans le vocabulaire du droit, désignant (1685) la formation d'une chose nouvelle par le travail d'une personne sur la matière mobilière appartenant à une autre. Le mot désigne ensuite (1790) la description exacte d'un brevet d'invention et en logique (1904) la distinction des espèces d'un même genre. Par extension, il s'emploie (1949) pour parler de la détermination des caractères d'un produit, d'une installation, d'un matériel, et spécialement des caractéristiques établies par un cahier des charges.
◈
SPÉCIFIQUE adj. est emprunté, isolément au
XIIIe s. et repris en moyen français (v. 1380 ; 1516, in
F. e. w.), au bas latin
specificus (déb.
VIe s.), dérivé de
specificare.
◆
L'adjectif se dit (1503) de ce qui est propre à une espèce, à une sorte de chose et à elle seule, d'où
un spécifique (1767), « caractère propre à une espèce », encore relevé en 1836. Il est d'usage courant pour qualifier ce qui est propre à une chose (1534) mais reste didactique, lié à l'idée d'« espèce », en science ; par exemple en physique avec
gravité spécifique (1691),
pesanteur spécifique, chaleur spécifique (1836),
poids spécifique (1845) ; en médecine, avec
remède spécifique, ou
un spécifique n. m. (1694) « médicament propre à guérir une maladie particulière ». L'adjectif s'applique notamment à ce qui est relatif à une espèce animale ou végétale (1770, Buffon). En grammaire,
nom spécifique (1783) désigne un nom ajouté à un nom générique pour distinguer chaque espèce du genre.
◆
Droits spécifiques (1866) désigne les droits de douane perçus d'après la nature des produits importés.
■
Spécifique s'est employé par extension à l'époque classique au sens de « précis, déterminé » (1655), sorti d'usage. L'idée d'« espèce déterminée » explique l'emploi vieilli en médecine de maladie spécifique (1862) pour syphilis, d'où spécifique n. m. « syphilitique » (1923), sorti d'usage. Maladie spécifique a pris une valeur plus générale, désignant une maladie dont l'étiologie est bien établie (1923), ainsi que dans microbe, germe... spécifique (1890) « pathogène pour une seule maladie ».
■
Le dérivé SPÉCIFIQUEMENT adv. « d'une manière spécifique » est attesté sous cette forme au XIVe (1366), puis au XVIe s. (1534). Le mot a plusieurs variantes en moyen français, sous l'influence de formes du verbe : specificement (1310), specifiement ; especefieement (1309), especifiement (1311), sont formés d'après especefier, especifier.
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SPÉCIFICITÉ n. f. a été dérivé tardivement (1832) de spécifique ; le mot s'emploie en médecine (1836) et avec une valeur générale (1842), mais dans l'usage didactique.
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Spécifique a pour contraire ASPÉCIFIQUE adj. (1963), de 2 a-, et a fourni un autre composé, INTERSPÉCIFIQUE adj. (mil. XXe s.), de inter-, appliqué en biologie à ce qui concerne deux espèces différentes et leurs relations.
❏ voir
SPÉCIEUX, SPÉCIMEN.
SPÉCIEUX, EUSE adj. est emprunté (v. 1370) au latin speciosus « de bel aspect, d'extérieur brillant » et « qui n'a qu'une apparence de vérité » ; cet adjectif latin dérive de species « vue, regard », « aspect, apparence » et avec une valeur laudative « belle apparence, beauté » ; s'opposant à res « la réalité », il signifie « faux-semblant, prétexte ». Dans le vocabulaire de la philosophie, il sert à traduire le grec eidos au sens d'« espèce » (→ espèce, spécial).
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Le sens de
spécieux le détache de la série de
spécial, de même origine. L'adjectif est introduit avec le sens propre du latin, appliqué à ce qui a une belle apparence, à ce qui est attrayant, emploi disparu à l'époque classique.
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Le mot s'est aussi employé comme nom masculin (fin
XVIIe s.). Au
XVIIe et jusqu'à la fin du
XVIIIe s. on a parlé d'
algèbre spécieuse, plus tard d'
arithmétique spécieuse (1762), à cause de la beauté mathématique du calcul des quantités représentées par des lettres
(→ algèbre) ; l'adjectif s'opposait à
nombreuse (« des nombres »).
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Spécieuse, n. f., était le nom (v. 1668) d'une variété de tulipe pourpre. Par extension,
spécieux a signifié « distingué, illustre » (déb.
XVIIe s., Malherbe).
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Aujourd'hui, et depuis la fin du XVIe s. (d'Aubigné), l'adjectif se dit d'un argument, d'un prétexte (1641) qui ne présente qu'une apparence de vérité et donc destiné à tromper.
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SPÉCIEUSEMENT adv. est sorti d'usage au sens de « splendidement » (1569). Au
XVIIe s., il a suivi l'emploi moderne de l'adjectif et signifie « en trompant avec les apparences de la vérité » (1690).
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SPÉCIOSITÉ n. f., dérivé savant de l'adjectif ou emprunté au dérivé bas latin speciositas, a signifié « beauté » (fin XVe s.) ; il est littéraire et rare pour désigner (1836) le caractère de ce qui est spécieux.