SUBSISTER v. intr. est un emprunt savant (1495) au latin classique subsistere « s'arrêter » au propre et au figuré, aussi « demeurer, séjourner », « résister, tenir bon », qui a pris en latin médiéval le sens de « rester en vie, vivre » et, en parlant de choses, « durer ». Ce verbe est composé de sub- marquant la position inférieure (→ sub-) et de sistere « placer, poser, établir », « arrêter », « affermir, consolider », dérivé de stare (→ ester).
❏
Subsister apparaît avec le sens de « demeurer en vigueur », en parlant d'une coutume, d'une loi, et signifie plus généralement « continuer d'exister », en parlant de choses (1550).
◆
Le verbe a repris au XVIe s. les sens latins de « résister » (1538), « se maintenir en vie » (1541) en parlant de personnes.
◆
Ces acceptions ont disparu au bénéfice du sens moderne de « pourvoir à ses besoins », d'abord dans subsister pour qqch. (1654), aujourd'hui en emploi absolu ou construit avec de (1674), grâce à.
◆
Au XVIIe s., le verbe a pris le sens de « conserver sa position sociale, son rang » (1640), emploi vivant jusqu'au XIXe siècle.
◆
En théologie, le verbe s'emploie pour « exister par soi-même » (1679, de Dieu).
❏
SUBSISTANCE n. f. a eu le sens spécial (1471) d'« imposition jointe à la taille et affectée à l'entretien des troupes », puis la valeur générale de « fait de subsister » (1514), en parlant d'un édifice, d'où à l'époque classique « action de se maintenir en permanence », par exemple en parlant de l'Église (av. 1673).
◆
Au
XVIIe s., le mot s'est aussi employé pour le fait d'être d'une certaine manière (1636), d'où la locution disparue
en bonne subsistance « en bon état » (1648), et pour « résistance » (1616), emploi venu du verbe latin.
■
Il désigne aussi la nourriture et l'entretien d'une personne (1642) et, depuis l'époque classique (1652), les ressources. SUBSISTANCES n. f. pl. s'est spécialisé (1730), désignant tout ce qui est nécessaire à la nourriture et à l'entretien d'une armée, acception vieillie sauf dans service des subsistances (1904).
◆
En économie, là aussi au pluriel, le mot désigne (1774, Quesnay) ce qui permet de vivre, en particulier les denrées. Par ailleurs, mettre (un soldat) en subsistance (1812) signifie « rattacher pour la nourriture et la solde à une autre unité que la sienne ».
■
L'ancienne graphie subsistence n. f., « forme » (v. 1380) en philosophie et « fait de subsister par soi-même » (1541, Calvin) en théologie, était emprunté au bas latin subsistentia « existence, être, substance » (VIe s.), en usage chez les auteurs chrétiens.
◈
SUBSISTANT, ANTE adj. et n., emprunté (1375) au participe présent
subsistens du verbe latin, signifiait « qui existe de manière durable ».
■
Sous l'influence de subsister, l'adjectif s'applique (1691) à ce qui existe encore après la disparition des autres éléments.
◆
Le nom masculin désigne (1872) un militaire mis en subsistance et, dans le vocabulaire administratif, aussi au féminin (mil. XXe s.), un assuré social qui reçoit des prestations d'une autre caisse que celle à laquelle il (elle) est affilié(e).
❏ voir
SUBSTANCE.
SUBSTANCE n. f. est emprunté (v. 1120), de même que la variante sustance, analogue à l'ancien provençal sustansa, au latin impérial substantia « substance, être, essence », « existence, réalité d'une chose », puis en bas latin « aliments, nourriture », « biens, fortune ». Ce nom dérive de substare « être dessous », « tenir bon », formé de sub- indiquant la position inférieure (→ sub-) et de stare « se tenir debout » (→ ester). Le mot latin correspond au grec hupostasis, de hupo (→ hypo-) et stasis (→ stase), et traduit deux de ses valeurs, « fondement [ce qui se tient dessous] » et « substance ».
❏
Substance apparaît (v. 1120) avec les sens de « biens, ce que l'on possède » et en philosophie « être matériel, être vivant ». En ancien français, la forme
sustance est fréquente ; elle disparaît au
XVIIe siècle. La première acception s'est développée jusqu'au
XVIIe s., et le mot s'est employé avec certains des sens de
subsistance (→ subsister) ; désignant les vivres, la nourriture (1170,
sustance), il est utilisé aussi à propos de ce qui nourrit l'esprit (1440-1475,
substance) et d'une aide matérielle, d'un secours (
XIIIe s.) ; au
XVIe s., il s'est employé pour « maintien, conservation » (1526) et est attesté à l'époque classique au sens de « moyens de vivre, de se nourrir » (1670). Toutes ces acceptions ont disparu en français moderne.
■
Parallèlement, depuis l'ancien français (fin XIIe s.), le mot signifie en philosophie « fait de vivre, existence », valeur disparue, et « matière dont un corps est formé, en vertu de laquelle il a des propriétés particulières » (XIIIe s., sustance ; fin XVe s., substance) ; ainsi, corporel sustance « le corps » (XIIIe s.) s'oppose à sustance « être spirituel » employé seul (fin XIIe s.), valeur précisée au XVIIe s. dans substance spirituelle. La philosophie cartésienne oppose substance étendue à substance qui pense.
◆
Par le latin didactique, où substantia traduit l'hypostasis d'Aristote, substance désigne notamment ce qui existe par soi-même, indépendamment de tout accident (1270, sustance ; 1532, substance).
◆
Avec l'idée de « partie essentielle », le nom s'emploie pour parler de ce qu'il y a d'essentiel dans un discours, une pensée (1284, sustance ; 1306, substance), d'où la locution en substance « pour s'en tenir au fond » (1641 ; 1631, en sustance).
◆
Le mot a eu le sens de « qualité » (XIVe s., apr. 1360), par exemple en parlant d'une vertu, d'où en moyen français chevalier de substance « noble » (1385), et a désigné ce qu'il y a de meilleur dans un être, de plus nourrissant en qqch. (1636).
◆
Une substance, depuis le XVe s., désigne une matière, un corps matériel caractérisé par des propriétés.
◆
Avec la valeur de « matière », il est repris en anatomie dans substance grise (des centres nerveux) [1824], en concurrence avec matière grise, et dans substance blanche. (1767). On appelle substance fondamentale le gel qui soutient, à échelle microscopique, les cellules ou les fibres du tissu conjonctif.
❏
Le mot a fourni
INSUBSTANCE n. f. « absence de substance » (av. 1841, Chateaubriand), antonyme très rare.
◈
Plusieurs mots de la famille sont formés à partir du latin
substantia ou empruntés à un de ses dérivés.
■
SUBSTANTIEL, ELLE adj., réfection graphique (v. 1534) de substanciel (v. 1265), forme encore en usage au XVIIIe s., est emprunté au bas latin substantialis « réel, qui existe pour soi-même ».
◆
L'adjectif s'applique d'abord à ce qui est essentiel, fondamental dans un écrit, une pensée, emploi encore vivant, mais littéraire.
◆
Il est repris au XVIe s. en philosophie et se dit (1541, Calvin) de ce qui appartient à l'essence, à la chose en soi.
◆
Dans l'usage général, il qualifie concrètement (1600) ce qui nourrit beaucoup et s'emploie par figure (av. 1673) en parlant de ce qui est riche par son contenu, et par extension de ce qui est important. Substantiel a qualifié (mil. XVIIIe s.) un extrait qui ne donne que l'essentiel.
■
L'adjectif a fourni le dérivé SUBSTANTIELLEMENT adv., terme de philosophie (XIVe s.), rare au sens de « pour ne dire que l'essentiel » (1845) et employé (XXe s.) pour « abondamment ».
■
INSUBSTANTIEL, ELLE adj. se dit de ce qui manque de substance (1580 ; repris 1834) [→ aussi consubstantiel].
◈
SUBSTANTIALITÉ n. f., d'abord écrit
substancialité (1532 ; v. 1500, T.L.F.), est dérivé savamment de
substanciel (substantiel) ou emprunté au bas latin
substantialitas « caractère de ce qui est essentiel ».
◆
Ce nom a désigné ce qui est nécessaire pour la subsistance (1532) ; repris en philosophie, il signifie « ce qui est essentiel à la substance » (1706), « nature substantielle » (1872), opposé à
phénomène. Il correspond (1817) à « caractère de ce qui est substantiel ».
■
SUBSTANTIALISER v. tr. « considérer comme substance » est attesté (1845) après le dérivé SUBSTANTIALISATION n. f. (av. 1803) et doit avoir été employé dès le début du XIXe siècle.
■
SUBSTANTIALISME n. m. désigne en philosophie (1864) la doctrine qui attribue une existence substantielle aux idées.
◆
Il a un dérivé SUBSTANTIALISTE adj. et n. (1874).
■
SUBSTANTIATION n. f., rare (av. 1880), est en théologie synonyme de transsubstantiation*.
◈
SUBSTANTIF, IVE n. m. et adj. est emprunté (
XIVe s.) au bas latin
substantivus « substantiel », employé en grammaire dans
verbum substantivum (v. 500), dérivé du latin impérial
substantia (ci-dessus,
substance).
■
L'adjectif se dit de ce qui appartient à la substance ou l'exprime ; il s'est appliqué à ce qui forme la base de la vie religieuse, d'un sentiment entre deux personnes (XIVe s.), sens disparu.
◆
Parallèlement, il s'emploie dans nom substantif (XIVe s.), opposé dans la grammaire classique aux autres sortes de noms, spécialement à nom adjectif (→ nom) ; cette opposition entre substance et accident se retrouve dans l'emploi de verbe substantif (1550), désignation ancienne du verbe être.
■
Substantif n. m. (XIVe s., emploi isolé ; puis 1550) s'emploie dans la grammaire traditionnelle pour « nom substantif » appelé plus couramment nom*.
◆
Dans cet emploi, le mot est de nouveau adjectivé s'appliquant à ce qui a rapport au nom (1690).
◆
Substantif n. m. est par ailleurs attesté (1478) au sens sorti d'usage de « résumé qui ne donne que l'essentiel » (la substance*).
■
L'adjectif du moyen français, dérivé de substance, réapparaît au XIXe s. comme terme de chimie dans colorant substantif « qui peut être fixé directement sur les fibres textiles, sans intervention d'un mordant » (1845).
■
Le dérivé SUBSTANTIVER v. tr., « transformer en substantif (un mot qui appartient à une autre classe) » (v. 1380), est plus courant au participe passé adjectivé, SUBSTANTIVÉ, ÉE (1549).
◆
Il a fourni SUBSTANTIVATION n. f. (1922).
◆
SUBSTANTIVEMENT adv. est un terme de grammaire (1606).
■
SUBSTANTIFIER v. tr. (1610, repris XVIIIe s.), tiré de substantia et -ifier, signifie en philosophie « transformer en substance », par exemple une idée (Cf. matérialiser) ; c'est aussi un synonyme vieilli (1647, Vaugelas) de substantiver.
◆
En dérive SUBSTANTIFICATION n. f. (XXe s. : 1943, Sartre), employé en philosophie et vieilli en grammaire, où il est remplacé par substantivation.
◈
SUBSTANTIFIQUE adj., formé à partir de
substantia sur le modèle d'adjectifs en
-fique, s'emploie comme allusion littéraire dans
la substantifique moelle « ce qu'il y a de plus riche en substance dans un écrit », qui reste attachée au célèbre passage de Rabelais (1534) qui en constitue la première attestation.
❏ voir
CONSUBSTANTIEL, TRANSSUBSTANTIATION.
SUBSTITUER v. tr., réfection étymologique (1318) de sustituer (1270), est comme ce dernier un emprunt au latin substituere « mettre à la place », spécialement en droit « mettre sous » ; ce verbe est composé de sub- indiquant la position inférieure (→ sub-) et de statuere « établir, poser, placer » (→ statuer).
❏
Le verbe français a repris les sens du latin, signifiant (1270) « mettre (une personne, une chose) à la place d'une autre, pour lui faire jouer le même rôle », valeur générale toujours vivante, et en droit (v. 1355) « appeler (qqn) à une succession après un autre héritier ou à son défaut ».
◆
Par extension, le verbe correspond à (1680) « laisser (des biens) à qqn par héritage, pour qu'il en jouisse après le premier héritier ».
◆
Il s'emploie alors aussi, dans son sens initial, au pronominal (fin XVIIe s.).
◆
Il est repris en chimie (1830) au sens de « remplacer, dans un composé (des atomes ou des radicaux) par d'autres atomes ou radicaux, sans changement de constitution », d'après l'emploi de substitué et substitution.
❏
Il a fourni quelques termes didactiques.
■
SUBSTITUÉ, ÉE adj. et n. s'applique en droit à ce qui a fait l'objet d'une substitution (déb. XVIIIe s.) ou à la personne qui en bénéficie (1748, n.). C'est aussi un terme de chimie (1888, dérivé substitué).
■
SUBSTITUANT, ANTE adj. et n. a désigné (1842) le remplaçant d'un soldat autorisé à ne pas servir en personne ; il s'emploie comme terme d'histoire en parlant d'une pratique militaire du XVIIe siècle.
◆
C'est aujourd'hui surtout un terme de chimie (XXe s., adj. et n. atome substituant).
■
SUBSTITUABLE adj., « qui peut être substitué » (1870), spécialement en linguistique où substitution et commutation sont deux opérations fréquentes, a donné SUBSTITUABILITÉ n. f. (XXe s.).
◈
SUBSTITUT n. m., emprunt (1332) au latin classique
substitutus, participe passé passif de
substituere, désigne d'abord en droit un magistrat chargé de remplacer au parquet un autre magistrat, puis plus généralement une personne qui exerce les fonctions d'une autre en cas d'absence ou d'empêchement (1340,
substitute n. f. ; 1671,
substitut). Dans cet emploi, où il équivaut à
remplaçant, mot usuel, il s'est spécialisé
(substitut du procureur).
◆
Substitut s'emploie à partir du
XIXe s. pour parler de ce qui remplace qqch., spécialement d'un signe qui joue le rôle d'un signifié absent (1819).
◆
Il désigne en métrique ancienne (1904) un pied (par ex. le dactyle) qui en remplace un autre (le spondée) en substituant dans le vers deux brèves à une longue, et en marine (1904) un pavillon mis conventionnellement pour un autre.
◆
En linguistique (1956, Benveniste),
substitut désigne un élément, par exemple le pronom, qui en remplace ou en représente un autre.
◈
SUBSTITUTION n. f., apparu isolément sous la forme
sustitution (
XIIIe s.), est à nouveau emprunté (1377) au bas latin
substitutio « action de mettre à la place », en droit « action de remplacer un héritier », dérivé du supin de
substituere.
◆
Emprunté comme terme juridique, le mot s'emploie couramment à partir du
XVIe s. pour l'action de substituer et son résultat (1538), d'où
substitution d'enfant (1798). Il est utilisé avec cette valeur dans de nombreux domaines ; en médecine (1690) il nommait le remplacement d'un médicament par un succédané ; cet emploi a disparu, mais
substitution s'emploie encore en mathématiques (1717), en chimie (1872), en physiologie (mil.
XIXe s.,
génération par substitution). Il désigne en musique un artifice d'harmonie (1866), aujourd'hui un procédé de doigté (1933).
◆
Il se disait (1872) de l'action de présenter un remplaçant, lors du tirage au sort pour le service militaire.
◆
Au
XXe s., le mot est entré dans le vocabulaire de la métrique ancienne, de la psychanalyse, de l'économie et de la linguistique (
substitution et
commutation).
◆
Le dérivé
SUBSTITUTIONNAIRE n. (1876) désignait une personne qui s'est substituée à une autre dans une entreprise commerciale.
■
SUBSTITUTIF, IVE adj., dérivé savant de substitut ou emprunt au dérivé bas latin substitutivus « subordonné, conditionnel », s'applique à ce qui peut tenir lieu d'autre chose ; il s'est dit d'un médicament qui substitue une affection moins grave à une autre (1837) et s'applique aujourd'hui (XXe s.) à un traitement qui supplée à une déficience organique ou fonctionnelle ; c'est également un terme de psychanalyse.
◆
Il a fourni SUBSTITUTIVITÉ n. f. (mil. XXe s.), terme de chimie.
SUBSTRAT n. m. est tiré (1820) de substratum n. m. (1745), lui-même substantivation, au neutre, du participe passé du latin substernere « étendre dessous » (par ex. une litière), « garnir, recouvrir » et, au figuré, « subordonner, soumettre », « sacrifier misérablement » (Cf. en français faire litière de qqch.). Le verbe est composé de sub- (→ sub-), marquant la position inférieure, et de sternere « étendre sur le sol », d'où stratum « lit » (→ estrade), « abattre (sur le sol) », « aplanir, niveler », spécialement dans sternere viam « faire une route unie ». Ce verbe, passé en français sous ses formes composées (→ consterner, prosterner), se rattache à une racine indoeuropéenne °ster- « étendre », comme le grec stratos « foule, troupe » (→ stratège), le gotique straujan « étendre » (d'où l'allemand streuen « répandre », Streu « litière »).
❏
Substratum a désigné (1745) ce qui sert de base au fonctionnement des forces d'un être ; cette forme, après la diffusion de substrat (fin XIXe s.), a vieilli.
◆
Substrat est apparu en linguistique (v. 1820) pour désigner un parler supplanté par un autre parler sur un territoire donné, dans des conditions telles que son influence est sensible dans le second. En philosophie, le mot s'emploie (1846), en concurrence avec substratum (1872), pour parler de ce sans quoi une réalité ne saurait subsister. Il a dans divers domaines le sens de « couche », par exemple en géologie (fin XIXe s. ; 1892, substratum). Substrat au XXe s. est relativement courant en emplois abstrait et concret.
❏
D'après substrat, par substitution du préfixe super-* à sub-, a été formé en linguistique SUPERSTRAT n. m. (1938), « ensemble de faits propres à une langue qui ont influencé une langue parlée ailleurs, les locuteurs de la première langue ayant adopté l'autre ». Voir l'encadré langues romanes, 2.
❏ voir
SOUS-TRAIT.
SUBSTRUCTION n. f. est un emprunt savant (1544) au latin substructio « construction en sous-sol, fondation », dérivé de substructum, supin de substruere « construire en sous-sol », « donner des fondations à ». Ce verbe est composé de sub- indiquant la position inférieure (→ sub-) et de struere « déposer par couches, assembler », « ranger », « construire, bâtir » (→ structure ; construire).
❏
Ce mot didactique apparaît en français avec une valeur figurée, au sens de « base, fondement ». Repris en architecture (1802), il désigne des travaux de maçonnerie exécutés sous le niveau du sol et, par extension, une construction, édifice antique ou ruine, qui sert de base à une autre.
◆
En philosophie (XXe s.), le mot s'emploie par figure, de manière analogue à infrastructure, au sens de « déduction des principes d'un ensemble structuré, à partir d'éléments constituants de la structure ».
SUBSUMER v. tr. est une francisation (1831, Tissot, trad. de Kant) du latin moderne subsumere, composé de sub- indiquant la position inférieure (→ sub-) et de sumere « prendre, se saisir de », spécialement « prendre comme prémisses, poser en principe ». Sumere est lui-même un composé de emere, à l'origine « prendre » et en latin classique « prendre contre de l'argent, acheter », qui a fourni de nombreux composés, empruntés en français (→ assumer, consumer, périmer).
◆
Sumere avait été emprunté par le français au XVIe s. sous la forme sumer « présumer » (v. 1550).
❏
Le verbe s'est introduit comme terme de philosophie kantienne, signifiant « appliquer à l'intuition sensible la catégorie de l'entendement qui en assure l'unité ». En philosophie, il signifie plus généralement « penser (un objet individuel) appartenant à un ensemble » (1877).
❏
SUBSOMPTION n. f., terme didactique de philosophie, est un dérivé savant (1842, subsumption) de subsumptum, supin de subsumere, ou est formé d'après sumptio, de sumere. Il est plus rare que le verbe.
SUBTERFUGE n. m. est un emprunt (1316) au latin médiéval subterfugium (VIe s.) « moyen habile et détourné pour se tirer d'embarras », dérivé du latin classique subterfugere « fuir en cachette », « esquiver », composé de subter « sous, dessous », de sub « sous » (→ sub-), et de fugere qui a donné fuir*.
❏
Subterfuge conserve le sens de l'étymon, désignant par extension un procédé habile, plus ou moins recherché. Il est resté vivant, sans varier de sens, dans un style soutenu.
SUBTIL, ILE adj. est une réfection (v. 1330 ; fin XIIe s. d'après T.L.F.), d'après le latin, de sutil (v. 1112), soutil (1160-1170), sotil (1211), formes issues du latin classique subtilis « fin, mince » puis « ténu » au physique et au moral, qui a fourni l'italien sottile (qui s'emploie encore au sens concret « fin, peu épais »), le portugais sotil. Ce mot est très probablement à l'origine un terme de tisserand signifiant « (qui passe) sous les fils de la chaîne », de °sub-tela, composé de sub- (→ sub-) et de tela « chaîne de la toile », qui a donné toile*.
❏
L'adjectif s'applique à une personne adroite (v. 1112, sutil), encore à l'époque classique, puis qui a de la finesse, qui sent des différences que la plupart ne discernent pas (1160-1170, soutil) et, par métonymie, à ce qui dénote cette finesse (XIIIe s., soutil, d'un argument) ; cette valeur dérivée l'a emporté.
◆
Avec l'idée d'ingéniosité ou de ruse, le soutil (fin XIIIe s.) a désigné le diable (fin XVIe s., le subtil).
◆
De l'idée d'adresse on passe aux sens de « minutieux » en parlant d'un travail (1260) et de « qui a une grande habileté manuelle » (1352, soutif ; fin XIVe s., subtil), d'où voleur subtil (1644). Ces emplois, de même que la variante soutif, ive (XIV-XVe s.) et que tour subtil « adroit » (fin XIVe s.), sont sortis d'usage.
◆
Avec une valeur concrète, l'adjectif s'est employé dans livre soutive « qui a juste le poids légal » (1312), opposé à bonne livre, et avec le sens de « mince » en parlant d'un vaisseau (XVe s.), acception relevée jusqu'en 1700 ; il signifiait aussi « pointu, aigu » (1530) à propos d'une lame et « léger » d'un tissu (XVIe s.) ; toutes ces acceptions ont disparu, comme l'emploi de subtil appliqué à des choses matérielles composées d'éléments ténus (1564), spécialement chez Descartes (av. 1650) dans matière subtile, pour désigner la matière ténue supposée autour de la Terre.
◆
Par extension, l'adjectif s'applique à ce qui s'insinue, pénètre facilement, à propos d'un poison (fin XVIe s.), emploi archaïque, puis d'une odeur, cette acception restant vivante.
◆
Subtil qualifie aussi un sens qui perçoit avec acuité (1636) et une personne douée de cette acuité, d'où un subtil « personne d'esprit subtil » (1654) ; cet emploi est rare et le féminin une subtile encore plus.
◆
L'adjectif qualifie au figuré ce qui est difficile à définir ou à préciser, par suite de son caractère délicat ou indiscernable (1580). Cette valeur est beaucoup plus ancienne en provençal (v. 1350, en poésie) et des emplois d'ancien français (fin XIIe s.) la préparent.
◆
L'adjectif a été repris en biologie dans bacille subtil (XXe s.), du latin scientifique bacillus subtilis, ainsi dénommé à cause de sa finesse, « bacille Gram négatif aux propriétés bactériostatiques et bactéricides à l'égard des autres espèces ».
❏
Le dérivé
SUBTILEMENT adv. (1360), d'abord
sutilment (v. 1119),
subtilment (fin
XIIe s.), signifie « avec adresse, ingénieusement » et (1538) « avec finesse », sens demeurés vivants.
◆
Il est sorti d'usage avec sa valeur concrète (1532,
broyer subtilement ; 1690,
couler subtilement).
◆
Il signifie également (av. 1654, Guez de Balzac) « d'une manière difficile à définir, à analyser ».
■
SUBTILISER v. tr., dérivé savant de subtil, a remplacé (v. 1380) l'ancien français sotiller v. tr. « préparer subtilement » (1211) et sa variante soutillier (XIIIe s.), dérivés des formes anciennes de subtil, sutil, soutil (ci-dessus). Une autre variante, subtiller « imaginer » (1284), « s'ingénier » (XIIIe s.), est attestée jusqu'au début du XVIIe siècle.
◆
Le verbe a signifié « se creuser l'esprit (pour trouver qqch.) », écrit subtilisiier [sic] (v. 1380, intr.) « se rendre compte avec précision de la valeur de qqch. » en parlant d'un ouvrage (v. 1380, subtilisier) et, sous sa forme moderne, « rendre fluide ou volatil » (v. 1480), acception relevée jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
◆
Le verbe, transitivement, prend le sens de « s'ingénier à trouver » (XVe s.), d'où « donner de la subtilité à (qqch.) » (1580) et, à l'époque classique, « exposer (un sujet) avec subtilité » (1636) ; ces emplois intellectuels et esthétiques restent vivants dans un usage littéraire.
◆
Subtiliser a signifié aussi à l'époque classique « transformer (qqch.) en matière subtile » (1541 ; 1682, pron.).
■
À la fin du XVIIIe s., le verbe prend le sens de « dérober avec adresse » (1784), acception toujours en usage, et a signifié « tromper adroitement » (1798), sens vieilli dès le début du XIXe s. (1835).
■
Le dérivé SUBTILISATION n. f. a signifié « raisonnement raffiné » (1566) et concrètement « action de rendre fluide ou volatil » (1694). Il désigne (XIXe s.) l'action de dérober adroitement.
■
SUBTILISEUR n. m. est archaïque pour désigner une personne qui raffine à l'excès (1611) ou qui vole avec adresse (1873).
◈
SUBTILITÉ n. f. est une réfection (
XIIIe s., in
F. e. w. ; v. 1190,
subtiliteit), d'après le latin, de
sotilitet (v. 1119), qui correspond à
sotil et vient du latin classique
subtilitas « finesse, ténuité » et, au figuré, « pénétration, précision stricte », « simplicité du style », dérivé de
subtilis.
■
Le mot a suivi une évolution parallèle à celle de subtil ; il désigne (v. 1119) l'aptitude d'une personne à penser ou à agir avec finesse et, par métonymie, une action, une pensée sage (v. 1190, sutilletey). Sa valeur concrète (XIIIe s.) a disparu. Il a pris le sens de « caractère de ce qui présente des finesses difficiles à saisir » (v. 1370) et par métonymie (une, des subtilités) « pensée, action subtile » (1538), souvent péjorativement.
◆
Il a signifié « ruse (dans les affaires) » (1440-1475) et s'est employé concrètement pour « tour d'adresse » (1680), « dextérité à agir » (1690), « capacité à bien voir, entendre » (1694), emplois classiques devenus archaïques en français moderne.
SUBULÉ, ÉE adj. est adapté (1749) du latin scientifique subulatum, créé au XVIIIe s. et dérivé du latin subula « poinçon, instrument en pointe ». Il qualifie en sciences naturelles un organe allongé effilé en pointe (feuille ; bec, antenne, etc.).
SUBURBICAIRE adj. est emprunté au XVIIe s. (surnom donné à la Motte Le Voyer en 1639, emploi général attesté en 1701) au latin chrétien suburbicarius, de sub « proche de » et urbicarius, dérivé de urbs, urbis « ville » (→ urbain). Il qualifie les sept diocèses qui entourent Rome et leur diocèse.
◆
Il s'est parfois employé à propos de l'antiquité, pour « soumis au préfet de l'Urbs, Rome ».
SUBVENIR v. tr. est la réfection savante, d'après le latin (1370), de sovenir v. tr. « secourir » (v. 1270), issu du latin classique subvenire « survenir » et au figuré « se présenter (à l'esprit) », « venir en aide » et « venir à la rescousse » en termes militaires. Ce verbe, qui a par ailleurs abouti à souvenir*, est composé de sub-, indiquant la proximité (→ sub-), et de venire (→ venir).
❏
Subvenir à qqn « le secourir » (v. 1370) et
subvenir à qqch. « y pourvoir » (v. 1485) ont cédé la place à
subvenir aux besoins (aux frais, etc.) de qqn « lui fournir ce qui lui est nécessaire » (fin
XVIIe s.).
■
Subvenir de « résulter de » (v. 1570) et subvenir à « servir à » (v. 1580) sont sortis d'usage.
❏
SUBVENTION n. f., réfection (fin
XIIIe s.) de
subvencion (1214), est emprunté au bas latin
subventio « aide, secours » (
VIe s.), dérivé de
subventum, supin de
subvenire.
■
Le mot a désigné un subside exigé pour subvenir à une dépense exceptionnelle, impôt (1214) ou droit établi sur les marchandises (1690) ; il a eu le sens général de « secours, aide financière » (1553). Depuis le XVIIIe s., il désigne spécialement une aide que l'État ou une association accorde à une entreprise, un groupement, une personne (1776), sens aujourd'hui dominant.
■
SUBVENTIONNER v. tr., « aider financièrement » (1832), est aussi courant que subvention et a fourni SUBVENTIONNABLE adj. (mil. XXe s.), terme administratif.
■
SUBVENTIONNAIRE adj. et n., « qui accorde une subvention » (1836), rare, et SUBVENTIONNEL, ELLE adj., « qui constitue une subvention » (1842 ; après subventionnal, 1775), sont des termes de droit.
SUBVERTIR v. tr., réfection (1291, in F. e. w.) de souvertir (XIIIe s.), variante francisée, est emprunté au latin subvertere « mettre sens dessus dessous », au figuré « détruire, bouleverser », composé de sub-, marquant le mouvement de bas en haut (→ sub-), et de vertere, versum « tourner, faire tourner » (→ version), qui se rattache à un thème °werte- que l'on retrouve en sanskrit et en germanique.
❏
Subvertir a signifié « détruire (une ville) », acception disparue.
◆
Le verbe signifie « bouleverser, renverser » dans le domaine des idées (1291), emploi vivant mais didactique ou littéraire.
◆
Il a eu la valeur de « séduire, égarer (une personne) » (XVe s.) et, à l'époque classique, « renverser (un État) » (1549).
❏
Les dérivés
SUBVERTISSEMENT n. m., « ruine, destruction (d'un État) » (
XVIe s.) puis « désordre (dans les lois) » (1756), et
SUBVERTISSEUR n. m., « celui qui renverse » (1611), employé au
XVIIe s., sont sortis d'usage.
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SUBVERSION n. f., réfection (v. 1460) de
sovercion (v. 1190), est un emprunt au dérivé bas latin
subversio « renversement, destruction » et a signifié « destruction (d'une ville) » et « rébellion » (1462).
◆
Il désigne l'action de bouleverser l'ordre établi (1440-1475), les idées et les valeurs reçues (1653), ce dernier sens étant resté vivant à côté de l'emploi politique du mot.
■
SUBVERSIF, IVE adj., dérivé savant de subversum, remplace subvertif (1455) et s'applique (1780) à une personne ou à ce qui est propre à renverser ou troubler l'ordre établi, les valeurs reçues, spécialement dans guerre subversive (mil. XXe s.). L'adjectif a qualifié ce qui détruit un état de fait, sur le plan économique (1848, Proudhon).
■
Il a fourni SUBVERSIVEMENT adv. (1877).
SUC n. m. est un emprunt savant (1488) au latin sucus « jus, sève (d'une plante) », employé comme symbole de la vigueur humaine, d'où « force, bonne santé », par ailleurs « goût, saveur » et, par extension, « caractère général de qqch. ». Ce mot a fourni l'ancien provençal suc (XIIe s.), l'italien sugo, l'espagnol jugo et le portugais sugo ; il n'a pas d'origine connue et, dans le domaine indoeuropéen, on ne peut le rapprocher que du slave sokŭ de même sens. Un rapport avec le radical de sucer n'est pas établi.
❏
Suc désigne le liquide contenu dans certaines substances organiques (végétales et animales), considéré autrefois comme leur partie la plus substantielle. Le mot s'applique en pharmacie (1735) au liquide susceptible d'être extrait des tissus animaux ou végétaux.
◆
Par extension, le mot désigne en physiologie le liquide organique que sécrètent certaines glandes (1694, suc gastrique, resté courant, suc digestif), puis en biologie (fin XIXe s.) le liquide cellulaire.
◆
Par métaphore, suc s'emploie à propos de ce qu'il y a de plus substantiel dans qqch., en particulier dans une production de l'esprit (fin XVIe s.), comme quintessence.
❏
SUCCULENT, ENTE adj. est un emprunt savant (1512) au latin impérial
succulentus, variante de
suculentus « plein de suc », dérivé de
sucus.
◆
L'adjectif, emprunté au sens du latin, s'est appliqué par extension à une personne bien nourrie, bien en chair (v. 1560), sens sorti d'usage. Il a qualifié une viande ou un fruit qui contient beaucoup de suc (1690). De là vient son emploi en botanique pour parler des plantes grasses (1829), le mot substantivé au pluriel (1834) ayant désigné une famille de plantes grasses.
◆
Puis
succulent s'applique (1734, Marivaux) à ce qui a une saveur délicieuse, seul sens vivant aujourd'hui, mais littéraire.
◆
Avec la valeur étymologique, il se dit par analogie en médecine d'un organe où la lymphe afflue anormalement (1898,
main succulente).
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SUCCULEMMENT adv. (1735, Marivaux) est littéraire et rare.
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SUCCULENCE n. f., lui aussi littéraire, désigne le caractère de ce qui est savoureux et nutritif (1769, Restif) et, par métonymie (1874, Goncourt), un mets succulent ; le mot, qui s'emploie aussi au figuré (1897, L. Bloy), est rare dans tous ses emplois.
❏ voir
ESSUYER.
SUCCÉDANÉ, ÉE adj. et n. m. est un emprunt savant (1690, succédanée) au latin impérial succedaneus « qui remplace », substantivé en bas latin pour « remplaçant, suppléant », dérivé de succedere « venir à la place de, remplacer » (→ succéder).
❏
L'adjectif s'est appliqué à ce qui peut remplacer qqch., spécialement en parlant d'un médicament (1835,
n. m.) ; cette valeur est sortie d'usage.
◆
Succédané n. m. s'emploie couramment (1812) pour parler d'un produit qui peut en remplacer un autre, un moment concurrencé par le germanisme
ersatz, et figurément à propos de choses abstraites (1876).
Succédané n. m. s'est employé spécialement (1940-1945) pour un produit remplaçant le café.
■
Victime succédanée (1829) ou succédanée n. f. (1836) a désigné en histoire antique une victime immolée à la place d'une autre.
SUCCÉDER v. tr. est emprunté isolément sous la forme subceder (1258 ; puis v. 1290), d'après une réfection en sub-, au latin classique succedere « aller, s'avancer sous qqch. » au propre et au figuré, « aller de bas en haut », spécialement « gravir, monter », aussi « aller près de, au pied de » et « venir à la place de, remplacer », « aboutir à tel résultat » ; le verbe a pris en latin médiéval juridique les sens de « revenir à qqn » (IXe s.) et « appartenir à qqn » (fin Xe s.). Il est composé de sub-, qui indique le mouvement de bas en haut, la proximité, la position inférieure (→ sub-), et de cedere « marcher, s'avancer », « s'en aller, se retirer » (→ céder).
❏
Le verbe apparaît comme intransitif, puis construit avec
en (
succéder en qqn, v. 1355) au sens de « recueillir par succession le patrimoine de qqn » ; depuis le moyen français (1403), il se construit avec
à ou sans complément.
◆
Reprenant un autre sens du latin, il a signifié « parvenir à (une dignité, un titre) après qqn », d'abord comme transitif (v. 1375,
succéder le royaume) puis construit avec
à (1659,
succéder à la royauté). De là vient la valeur temporelle aujourd'hui dominante de
succéder qqn (1408), disparue, puis
succéder à qqn (1530) « venir après qqn, de manière à prendre son emploi, sa dignité », par plaisanterie (1831) « être après lui l'amant d'une femme ».
◆
Succéder au crédit, à la faveur de qqn (1668) « obtenir le même crédit » est sorti d'usage.
◆
Du
XIVe (1377) jusqu'au
XVIIe s.,
succéder, intransitif, correspond à « avancer, parvenir à un lieu », d'où à l'époque classique et par latinisme (1648, Pascal) « s'introduire dans..., sous... ». On relève également
succéder l'un après l'autre « se suivre » (1377), emploi analogue à celui de l'ancien provençal
succezir (
XIVe s.) et qui a pu contribuer au passage de l'idée d'avancée à celle de suite temporelle ordonnée ; ce sens est conservé par
se succéder (av. 1662).
Succéder à, en parlant de choses « prendre la place de qqch. », est attesté (v. 1380) dans des gloses du verbe latin, à nouveau en 1534 puis en 1611 ; le verbe est passé progressivement du
XIVe au
XVIIe, voire au
XIXe s., de ce sens fort à celui de « se produire, venir après ». Cette valeur temporelle est aujourd'hui dominante.
■
Par ailleurs, succéder, aux XVIe-XVIIe s., s'est employé avec les sens latins de « parvenir à un résultat » (1542, succéder bien, mal) et de « survenir, se produire » (1552), d'où « aboutir heureusement » (1639), valeur encore liée à succès et concurrencée par réussir dès la fin du XVIIe siècle : noté « vieilli » en 1740, ce sens se rencontre encore chez Balzac. Succéder à (qqch.) « réussir dans » (1682), succéder à qqn, aux désirs de qqn « avoir de bons résultats pour qqn » disparaissent au XIXe siècle.
❏
Plusieurs mots ont été empruntés à des mots latins de la famille de
succedere.
■
SUCCESSION n. f. est emprunté au latin classique successio « action de prendre la place », « héritage » et « issue », puis en latin médiéval « génération, descendance » et « les générations futures » (v. 1132).
◆
Le mot est introduit en français comme terme de droit (1200, Bloch et Wartburg), emploi devenu courant, désignant la transmission du patrimoine laissé par une personne décédée ; de là découlent les sens de « patrimoine transmis » (1595), « manière dont se fait la transmission » (1690) et des expressions juridiques comme succession vacante (1690), ordre de succession (1748), frais de succession (déb. XXe s.). À partir du XVIe s., succession désigne (1559) le fait de succéder à qqn, d'obtenir sa charge et la transmission du pouvoir politique selon les règles. Dans ce sens (la succession d'un monarque héréditaire), le mot se rencontre dans plusieurs désignations de faits historiques, en particulier, la guerre de la succession d'Espagne (1701-1714) entre l'Espagne et la France, d'une part, l'Angleterre, les Provinces-Unies, l'Autriche, de l'autre ; la guerre de la succession de Pologne (1733-1738), la guerre de la succession d'Autriche (1740-1748).
■
Au XIIIe s. (v. 1275, par succession), succession prend le sens de « série de personnes ou de choses rapprochées dans l'espace », d'où par succession de temps « pour une longue durée » (1440-1475), sorti d'usage.
◆
De cette idée de « série » et de celle de « substitution » on est passé à la valeur temporelle d'« ordre dans lequel se présentent les éléments », d'abord dans la succession des signes (1690) pour parler de l'ordre des signes du zodiaque, puis dans succession des nombres, succession des cultures (1875) ; par extension, succession s'est dit de l'état de ce qui présente des éléments successifs (1690).
◈
SUCCESSEUR n. m., réfection (v. 1380 ; v. 1355, selon
G. L. L. F.) de
successur (1174), est un emprunt au latin classique
successor dérivé du supin de
succedere, « personne qui succède dans une fonction, remplaçant ».
◆
Le mot désigne une personne qui succède à une autre, spécialement un roi (1174,
successur de reiaume), et celui qui obtient une charge, un emploi (v. 1430).
◆
En droit, le mot s'applique à la personne appelée à recueillir une succession (1258,
suchesseur ; 1472,
successeur) ; on relève en ce sens les formes féminines
successeresse (1305), encore en usage au
XVIe s., et
successore (1539).
◆
Le mot, d'après le sens de « suite ordonnée » pris par
succession (ci-dessus), a reçu en mathématiques une valeur précise en théorie des ensembles
(successeur d'un élément x d'un ensemble ordonné).
■
SUCCESSORAL, ALE, AUX adj., « relatif à la succession » en droit (1819), a été dérivé savamment du nom.
◈
SUCCESSIF, IVE adj., emprunté au dérivé bas latin
successivus « qui succède », s'applique (1372,
pl. ; XVe s. selon T.L.F.) à des choses qui se succèdent, au sens étymologique puis temporel du verbe, acception qui ne se répand qu'à la fin du
XVIIIe siècle.
◆
L'adjectif s'est employé à l'époque classique en droit, au sens de « transmissible par droit d'héritage » (1461) et dans
droits successifs « héréditaires » (1461) ; cette valeur le relie à
succession, mais elle est rare ou technique.
◆
Successif qualifie aussi (v. 1560) ce qui est formé d'une suite de termes entre lesquels il n'y a pas d'interruption, sens archaïque. En droit,
délit successif correspond à « constitué par un acte qui dure ou se répète » (1872).
■
L'adjectif a fourni SUCCESSIVEMENT adv. (1314), précédé par l'ancien provençal successivamen (1281), et SUCCESSIVITÉ n. f. (1872), didactique, tous deux limités au sens temporel.
◈
SUCCESSIBLE adj., dérivé savant du latin
successum, s'applique en droit à une personne apte à recueillir une succession (1771 ; 1804,
n.) ; il s'emploie dans
degré successif « qui donne droit à la succession » (1804, Code civil).
■
En procède SUCCESSIBILITÉ n. f. « droit à la succession » (1792) et « manière dont a lieu la succession, ordre de succession » (1810).
❏ voir
SUCCÉDANÉ, SUCCÈS.
SUCCENTURIÉ, ÉE adj. est un emprunt (1690, muscle succenturier) au latin scientifique succenturiatus « qui remplace », du p. p. de succenturiare, en bas latin « ajouter (des hommes) pour compléter une centurie ». Ce verbe est composé de sub- et centuriare, de centuria (→ centurie, à cent).
❏
Cet adjectif d'anatomie a été repris sous sa forme moderne (1805) à propos du ventricule succenturié des oiseaux, renflement de leur œsophage.
SUCCÈS n. m. est un emprunt (1540) au latin successus « action de pénétrer dans un lieu », par métonymie « lieu où l'on pénètre, caverne », « approche, arrivée », « succession de temps », « réussite ». Successus est un nom d'action correspondant au verbe succedere (→ succéder), à côté de successio.
❏
Le mot a d'abord signifié « succession de temps », jusqu'au XVIIe s., et a désigné (1546) ce qui arrive de bon ou de mauvais à la suite d'un fait, puis (1588) la manière dont une chose se passe.
◆
Le sémantisme se restreint ensuite, succès se bornant à désigner le résultat heureux d'une décision, d'une suite d'événements (1647, Pascal, mais antérieur ; Cf. avec succès), acception dont procèdent le succès de qqn, d'une œuvre « fait d'obtenir une audience favorable, nombreuse » (attesté 1669) et les expressions avoir du succès (av. 1778), avec succès (1631), puis succès d'estime (1762, Collé), à succès « qui a du succès » (déb. XXe s.).
◆
Par extension, le mot s'emploie à propos du fait de plaire, dans les relations amoureuses (1731), de plaire en société (1757) et à propos de bons résultats dans les études (1882), surtout au pluriel (des succès).
◆
Un succès « une réussite » se dit d'abord dans le contexte militaire (1646), s'étendant à toutes sortes d'événements réussis et, au XXe s., par métonymie à ce qui réussit, pièce de théâtre, film ou livre (un succès de librairie).
❏
Succès a fourni INSUCCÈS n. m. « manque de succès (de qqn ou de qqch.) » (d'abord attesté au Canada : 1743-1744 Potier ; en France 1794), qui a peut-être été formé sous l'influence de l'anglais unsuccess (1586), de même que NON-SUCCÈS n. m., sorti d'usage (1782), qui semble provenir de l'anglais non-success (1665).
SUCCIN n. m. est un emprunt savant (1663, dans Trévoux) au latin succinum, variante de sucinum « ambre jaune ». Ce mot, attesté à partir de Pline, est d'origine obscure et probablement emprunté ; on évoque le lituanien sâkas « résine », seul point de comparaison indoeuropéen.
❏
Ce terme didactique a conservé le sens de l'étymon.
❏
Il a fourni plusieurs dérivés.
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SUCCINIQUE adj. « qui tient du succin » s'emploie en chimie dans acide succinique (1800), découvert dans les produits de distillation du succin et existant à l'état naturel dans certaines plantes.
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En dérive SUCCINATE n. m., terme de chimie (1800).
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SUCCINÉE n. f. est le nom (1828) d'un mollusque gastéropode dont une espèce commune est appelée ambrée ou ambrette.
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SUCCINAMIDE n. m. est un terme de chimie emprunté (1846) à l'allemand, où il est formé avec amide.
SUCCINCT, INCTE adj., attesté à la fin du XVe s. (1482) mais sans doute plus ancien (succinctement ci-dessous), est emprunté au latin classique succinctus « retroussé (d'un vêtement) », « court-vêtu » et par figure en latin impérial « bref, court ». Succinctus est le participe passé adjectivé de succingere « attacher par dessous », « retrousser, relever », « ceindre » et « munir » ; ce verbe est formé de sub- (→ sub-) et de cingere qui a abouti par évolution phonétique à ceindre*.
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L'adjectif qualifie d'abord ce qui est exprimé en peu de mots, puis s'applique (1668) à une personne, à un auteur ; ce sens est archaïque.
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Depuis le XVIIe s. (attesté 1680), il se dit de ce qui est peu abondant.
❏
SUCCINCTEMENT adv., attesté isolément plus tôt que succinct (XIVe s.), est repris à la fin du XVe s. (1486) et correspond à tous les emplois de l'adjectif.