SUCCOMBER v. intr. est emprunté (1376 ; p.-ê. 1356) au latin succumbere « tomber sous (qqn) », formé de sub (→ sub-) et d'une forme altérée de cubare « être couché » (→ couver, succube), reconstituée en °cumbere.
❏
Le verbe est d'abord juridique, et aussi métaphorique, pour « être vaincu » et, à propos d'une femme, « abandonner, céder à un homme » (1512). Il signifiait aussi « mourir » (XVe s., av. 1486). Tous ces emplois sont vieillis, mais encore vivants, à la différence du sens concret, repris par latinisme au XVIe s. (1549). Succomber sous... (mil. XVIIe s.) est littéraire.
◆
Succomber à, trans. indirect est lui aussi passé de la valeur concrète « être écrasé par... » (mil. XVIIe s. ; 1664 chez Molière) à l'abstrait (1680 chez Mme de Sévigné) pour « céder, ne pas résister ».
SUCCUBE n. m. est un emprunt savant (1373) au latin impérial succuba n. f. « concubine », qui change de genre en bas latin, désignant alors un homosexuel passif. Le mot dérive de succubare « être couché sous », formé de sub-, marquant la position inférieure (→ sub-), et de cubare « être couché », « être au lit, dormir » (→ succomber), qui a abouti au français couver*.
❏
Terme propre à la religion chrétienne, opposé à incube*, succube désigne un démon prenant la forme d'une femme et venant la nuit s'unir à un homme. Le mot est parfois féminin, comme en latin (1976, Leiris).
❏
Le dérivé SUCCUBAT n. m., relevé chez Huysmans (1891), est rare.
SUCCURSALE adj. et n. f. est dérivé (1675) du latin ecclésiastique médiéval succursus « secours, aide » (déb. XIe s.), « suppléance du service pendant la vacance de la charge du curé » (fin XIe s.) ; le mot dérive de succursum, supin du latin classique succurrere « porter secours » (→ secourir). La forme succursalis n'est pas attestée en latin médiéval.
❏
Succursale s'applique d'abord à une église qui s'ajoute à l'église paroissiale lorsque celle-ci ne suffit pas aux besoins de la paroisse (1675) ; l'adjectif est ensuite substantivé au féminin (1718). Puis il a qualifié plus généralement ce qui remplace qqch., dans l'usage didactique (1765, Buffon).
◆
Succursale n. f. est repris au début du XIXe s. (1813) pour désigner un établissement commercial qui dépend d'un siège central, sens devenu courant qui donne lieu à des expressions comme magasin à succursales multiples (XXe s.) et entraîne la formation de dérivés (ci-dessous).
◆
Le mot, repris aussi (1835) à propos d'un établissement religieux rattaché à un établissement central, désigne au figuré depuis le XVIIe s. (1675) un lieu qui dépend d'un autre, dans la même activité.
❏
SUCCURSALISTE adj. et n. m. a désigné un prêtre qui dessert une église succursale (1815), puis un imprimeur à qui appartient une succursale (1836), le responsable d'une annexe (1832).
◆
Repris comme terme de commerce, l'adjectif s'applique à une entreprise organisée selon les méthodes du succursalisme (ci-dessous), le nom désignant une entreprise commerciale formée d'une chaîne de magasins (1936) et le gérant d'une succursale (1913).
■
SUCCURSALISME n. m. désigne (v. 1960) le mode d'organisation commerciale par magasins à succursales multiples.
SUCCUSSION n. f., attesté une fois au XVIe s., repris à partir de 1830, est un emprunt médical au latin succussio, dérivé de succutere, de sub (→ sub-) et quatere « secouer, agiter » (→ percussion, percuter). Le mot désigne un mode d'auscultation où l'on imprime au tronc des mouvements latéraux en écoutant les bruits résultants de la fluctuation.
◆
Dans l'homéopathie, le mot s'applique aux agitations, aux secousses données au remède, à chaque dilution.
L
SUCER v. tr. est la réfection (XIIIe s.) de suchier (v. 1119), sucier (v. 1120, Psaume de Cambrai), aboutissement d'un latin populaire °suctiare « sucer, aspirer », comme l'italien succiare, dérivé de suctum, supin du latin classique sugere « sucer ». Ce verbe s'emploie concrètement et au figuré, par exemple dans sugere cum lacte errorem « sucer l'erreur avec le lait ». Le mot, propre à l'indoeuropéen occidental, est apparenté au germanique sucan, d'où viennent le vieil anglais súcan, le vieil islandais súga, l'ancien haut allemand sūgan (allemand saugen). Logiquement, ce radical devrait être lié à celui de sucus (→ suc), mais cette hypothèse n'est pas assurée.
❏
Sucer conserve le sens de l'étymon « aspirer (un liquide) au moyen des lèvres ». De cette acception procèdent plusieurs emplois spéciaux. Sucer le sang « s'en nourrir », qui se dit d'un insecte suceur (v. 1119, suchier), signifie au figuré « exploiter qqn » (1690) ; sucer le lait « téter au sein » (XIIIe s.) est sorti d'usage mais s'emploie au figuré comme en latin dans sucer le lait de qqch. (XIIe s.) « s'imprégner de ses éléments les plus substantiels », d'où par calque du latin sucer (une opinion, etc.) avec le lait (1549) « s'en imprégner dès l'enfance ». La locution familière sucer un verre « le boire » représente une extension relativement tardive (v. 1714). En argot, sucer correspond, d'abord dans sucer le cruchon (1773), à « boire de l'alcool », avec des expressions ironiques, du type ne pas sucer de la glace (chez Raoul Ponchon, av. 1898), des grêlons, etc. « boire beaucoup d'alcool, de vin ».
◆
Par extension, sucer signifie « faire sortir par succion (une substance nocive) d'une plaie » (1314) et « exercer une pression et une aspiration avec les lèvres, la langue » (XVe s.), d'où « faire fondre (qqch.) pour en tirer le liquide » (1834).
◆
Le verbe signifie aussi « exercer une succion sur (un corps que l'on porte à la bouche ou que l'on a dans la bouche) » (fin XIIe s.) et spécialement dans le vocabulaire érotique « caresser les zones érogènes, en particulier le sexe de (qqn) avec la bouche, la langue » (fin XVIIIe s., Sade, aussi se sucer, réciproque), le verbe correspondant aux substantifs savants cunnilinctus et fellation.
◆
Se sucer la pomme (la poire, le caillou) « s'embrasser longuement » (1866) est familier.
◆
Par figure, sucer la roue d'un coureur (1924) s'emploie en cyclisme au sens de « coller à sa roue arrière », par métaphore du sens d'« aspirer », Cf. suceur, ci-dessous.
◆
Une autre extension argotique concerne (v. 1950) l'avidité d'un moteur, d'une voiture à consommer du carburant.
❏
Le verbe a fourni plusieurs dérivés.
■
SUCEMENT n. m. « action de sucer » (1686), réfection de succement (1314), est rare.
■
SUCEUR, EUSE n. et adj. a désigné (v. 1560, succeur) celui qui suce les plaies pour les guérir.
◆
L'adjectif s'applique à une personne qui suce (1764 ; 1707, succeur), sens réalisé avec substantivation dans des expressions : suceur de pouce, au figuré suceur (-euse) de sang (1764), repris au propre (1876). Le mot s'emploie spécialement avec le sens érotique de sucer (1785, Sade).
◆
Au propre, il qualifie les insectes qui aspirent leur nourriture avec une trompe, d'où les suceurs n. m. pl. (1809). En français de Nouvelle-Calédonie, c'est le nom d'un oiseau de petite taille, de plumage noir, au long bec, qui suce le nectar des fleurs (un méliphage).
◆
Dans le vocabulaire technique, suceur n. m. est le nom (XXe s.) de l'embout qui s'adapte à l'extrémité d'un aspirateur. Suceuse n. f. a désigné une sorte de drague (1906), aujourd'hui une machine (1948) qui sert à aspirer une matière pulvérulente.
■
SUÇOTER v. tr., « sucer longuement » (1550, Ronsard), a fourni SUÇOTEMENT n. m. (attesté XXe s. : 1936).
■
SUÇON n. m. s'emploie (1690) pour parler d'un baiser qui laisse une légère ecchymose et, par métonymie (1762), pour nommer la marque qui en résulte (faire un suçon). Il s'est dit par analogie d'un coup de poing qui laisse un bleu (1754), emploi disparu.
◆
Le mot a aussi désigné (1781) une tétine, constituée d'un linge imbibé de sucre, et une sucette (1859), sens resté vivant en français du Canada.
◆
Par analogie de forme, suçon a désigné un pli large au milieu et finissant en pointe vers le bas (1833).
■
SUCET n. m. (1695) est le nom régional d'un poisson, le rémora, dont la tête est munie d'un disque adhésif, puis (1752) d'une espèce de lamproie.
■
SUÇOIR n. m. est d'abord (1765) le nom de la partie d'un coquillage qui pompe l'eau. En botanique, le mot s'applique (1815) à l'organe des plantes parasites qui s'implante dans les hôtes dont elles se nourrissent et, en zoologie (1823), à un organe qui sert à sucer (Cf. trompe).
■
SUCÉE n. f. et adj. f. s'est employé dans c'est la troisième sucée (1808), qui se disait d'un objet dont on s'est servi plusieurs fois, dont on a tiré toute la substance (resucée ci-dessous). Le mot a aussi signifié « ruine financière » (1846, Balzac). SUCE n. f., déverbal de sucer, s'emploie dans l'ouest de la France pour « tétine ». Cette acception est passée au français du Québec.
■
SUCETTE n. f., d'abord (1869) terme technique dans le raffinage du sucre, est le nom d'un appareil aspirateur pour le séchage des pains. Il désigne ensuite ce que l'on suce : employé familièrement pour « boisson alcoolisée » (1904), il désigne couramment (1930) une confiserie que l'on suce, munie d'un manche (on disait en ce sens suçois), et une tétine (1920).
◆
Dans un contexte érotique, il équivaut familièrement à fellation ou à cunnilinctus (voir sucer ci-dessus).
◆
De manière moins sexualisée, sucette s'emploie au Québec pour « suçon », ce dernier mot étant employé là où le français d'Europe dit sucette.
◈
Le préfixé
RESUCER v. tr. « sucer de nouveau » (1611) a fourni plusieurs dérivés dont
RESUCÉE n. f., « chose usagée, d'occasion » (1867), « répétition (de qqch., d'un discours) » (1867), sens demeuré vivant.
◈
SUCCION n. f. est emprunté (1314) au latin médiéval
suctio, dérivé du latin impérial
suctus « succion », de
suctum, supin de
sugere.
◆
Le mot désigne à l'origine l'action de sucer les plaies pour en ôter le venin (1314), valeur que l'on trouve au
XVIe s. aussi pour
succeur (ci-dessus).
◆
Le mot est repris en botanique (1704) pour parler de l'élévation des liquides végétaux et (mil.
XVIIIe s.) pour l'action d'absorber un aliment par aspiration.
◆
En technique, il se dit d'instruments qui créent un vide relatif (attesté 1892). Il équivaut au figuré à « aspiration » (1856).
❏ voir
SANGSUE ; LIPO- (LIPOSUCCION).
SUCRE n. m. est emprunté, d'abord sous la forme çucre (v. 1175) puis sucre (fin XIIIe s.), à l'italien zucchero, lui-même emprunt à l'arabe sukkar, mot d'origine indienne, en sanskrit çârkara. Le sucre vient en effet de l'Inde, introduit en Grèce au Ier s. apr. J.-C., d'où le grec sakkharon, emprunté par le latin saccharum. Les Arabes cultivèrent la canne en Égypte, puis en Andalousie et en Sicile, qui exporte le produit en Italie : le mot pénètre dans les pays chrétiens avec la chose. De la Sicile vient l'italien zucchero, emprunté par l'allemand (Zucker) et par le français, et dont procèdent l'anglais sugar et le néerlandais suiker ; l'Andalousie a fourni l'ancien catalan et le portugais açucar, l'espagnol azúcar qui conservent l'article du mot arabe (as [pour al] sukkar). Le sucre, denrée rare, a d'abord été employé en pharmacie ; plus courant à partir de sa culture en Sicile, il est demeuré longtemps une denrée de luxe.
❏
Sucre désigne d'abord la substance de saveur douce, soluble dans l'eau, extraite d'un végétal, la canne, et la denrée qui la comporte (v. 1398). La variété des modes de présentation du sucre, son utilisation dans diverses préparations culinaires expliquent le grand nombre de syntagmes et d'expressions.
◆
On relève en ancien français
sucre candi, désignant un sucre formé de gros cristaux (
XIIIe s.), et isolément
zucre ros « roux » (
XIVe s.),
sucre rouge (1690).
Sucre s'est employé (
XVIe s.) pour « canne à sucre, suc de la canne ». À l'époque classique, plusieurs syntagmes sont attestés :
sucre en poudre (1607),
sucre royal « raffiné deux fois », sorti d'usage (1680), « sucre raffiné » (1690),
sucre fin (1701),
sucre cristallisé (1765)
→ aussi pain (de sucre). Le sucre en poudre très fine est appelé en français de Belgique
sucre impalpable, sucre farine, en France
sucre glace, au Québec
sucre en poudre, où l'on emploie
sucre brun pour cassonnade. Le
sucre en morceaux est appelé
sucre carreau en français de Guyane.
◆
Par ailleurs, le mot désigne un sucre parfumé avec lequel on fait certains bonbons, d'où
sucre d'orge (1644), à l'origine cuit avec une décoction d'orge, le mot survivant à la disparition de cette recette.
Sucre de pomme est plus récent (1842).
◆
Dans la fabrication des confitures, on disait
plein sucre pour un poids égal de fruits et de sucre (1694) et
à demi-sucre (1690),
mi-sucre (1694), pour un poids de sucre réduit de moitié, expressions sorties d'usage, comme
vin de sucre (v. 1298) « vin obtenu par sucrage de la deuxième cuvée ».
◆
L'usage du sucre en pharmacie apparaît dans la locution figurée
apothicaire sans sucre « qui manque du nécessaire » (1690) et dans
sucre tors (1694), à propos d'une composition de sucre et de jus de réglisse, vendue en bâtons tortillés et employée contre le rhume aux
XVIIe et
XVIIIe siècles.
◆
À partir du
XVIIIe s.,
sucre désigne par analogie une substance sucrée qui ne provient pas de la canne, par exemple
sucre d'érable (1765). C'est Olivier de Serres qui signala le premier la présence de sucre dans la betterave (
Traité d'agriculture, 1605), mais la culture ne s'implanta en Europe qu'à la fin du
XVIIIe siècle : de Vilmorin l'introduisit en France en 1775.
Sucre de betterave (1800) correspond à la grande diffusion du produit, dès lors appelé simplement
sucre, en français d'Europe, la substance tirée de la canne, dite
canne* à sucre, étant nommée
sucre de canne (1808) et non plus
sucre seul, hors contexte (mais
sucre désigne toujours le produit de la canne, en français des Antilles, de l'océan Indien).
◆
Par ailleurs, en dehors de ses emplois en alimentation et en chimie, le mot désigne spécialement en français du Canada le sucre d'érable, sa récolte
(cabane à sucre) et par métonymie, au pluriel, l'époque de cette récolte, au printemps
(les sucres). Partie de sucre se dit de la fête donnée à l'occasion de cette récolte.
◆
Le mot équivaut, par métonymie
(un, des sucres), à « morceau de sucre » (1901) ; on dit familièrement
SUSUCRE n. m. (attesté 1904).
Dès le
XVe s.,
sucre s'emploie au figuré au sens de « douceur (des paroles, des manières) » (1440-1475), cette douceur, comme celle du miel, étant souvent considérée comme suspecte ; de cet emploi viennent les locutions
être tout sucre (et) tout miel (1661), aussi
être tout miel et tout sucre (1690), et
morceau de sucre « salve d'applaudissements à la sortie d'un acteur » (1867), sortie d'usage.
◆
Par un euphémisme populaire issu de
se sucrer de qqn au figuré (ci-dessous),
sucre de vous (1752) a signifié « vous m'ennuyez » ; on relève aussi
aller se faire sucre (pseudo-verbe) pour « aller se faire foutre ».
◆
Casser du sucre sur le dos de qqn est familier (1868) pour « dire du mal de lui en son absence » ; les pains de sucre étant extrêmement durs, il fallait user de violence pour les casser pour la vente au détail. On a évoqué sans preuve un emploi par antiphrase de
sucre « douceur ». En argot,
casser du sucre, après
casser le sucre (à la rousse), 1867 dans Delvau, s'est dit pour « dénoncer, donner ».
◆
Le sucre, qui peut se briser et surtout fondre, symbolise la fragilité et le mot est employé au figuré dans
être en sucre, surtout à la forme négative (1873, Zola) et familièrement dans la locution
c'est pas du sucre « c'est difficile » (1880), qui a reculé au profit de
c'est pas du gâteau, de la tarte. C'est du sucre « agréable, facile » (1872) est moins courant.
■
À côté de son acception usuelle et commerciale, où il désigne le produit tiré de la canne, le mot prend dès 1600 une acception étendue, désignant toute matière analogue, de composition chimique spécifique, trouvée dans plusieurs produits naturels, d'où par exemple sucre de lait « lactose extrait du lait » (1765), sucre de raisin (1811), sucre d'amidon (1845). On parle parfois de sucre de synthèse pour désigner les substances élaborées par la chimie alimentaire pour sucrer les aliments.
◆
Depuis la première moitié du XIXe s. (1855 in Littré-Robin), sucre désigne en chimie une famille de corps qui recoivent des noms spécifiques en -ose.
◆
En physiologie, sucre se dit de la matière sucrée qui, chez les diabétiques, passe dans l'urine (1812, trad. de l'anglais) ; sucre du foie désigne (1872) le glucose dont le débit est régularisé par le foie.
❏
SUCRER v. tr., attesté à l'actif (
XVe s., Bloch et Wartburg ; puis
XVIe s.), signifie « additionner de sucre » (
XVe s.) ou (1876) « d'une matière sucrante » et, en construction absolue, « donner une saveur sucrée à qqch. » (1719).
◆
Se sucrer est familier pour « se servir du sucre » (1807, dans un recueil d'« expressions vicieuses ») ; il s'emploie aux sens de « devoir être sucré » (1876) et « devenir sucré » (1887).
■
Par figure, sucrer signifiait « adoucir (des reproches) » (XVIe s.) et se sucrer de qqn « le prendre pour un imbécile ». La valeur moderne de se sucrer, familière, est « faire de gros bénéfices au détriment des autres » (1908).
◆
Sucrer qqn « l'avantager (au jeu) » (1894) ne s'est pas maintenu, ni l'emploi pour « arrêter » et « maltraiter » (1901), équivalent inversé de saler*. Par extension de ce dernier sens et familièrement, sucrer s'emploie pour « supprimer (un élément écrit, une partie d'un projet, etc.) » (1938).
■
SUCRÉ, ÉE adj. et n., outre l'emploi propre antérieur au verbe (XIIIe s., socré ; puis v. 1355, sous la forme altérée chucré), s'applique aussi par figure à une personne d'une douceur affectée, d'abord dans la locution faire la (sa) sucrée « se montrer aimable, délicat, avec affectation » (v. 1480) devenue faire la sainte sucrée (XVIIe s.), par contamination avec faire la sainte nitouche et dès lors appliquée seulement aux femmes.
◆
Au sens concret, sucré est substantivé au masculin pour « ce qui est sucré », désignant une des catégories essentielles du goût, et opposé à salé. En français d'Afrique, sucré n. m. se dit pour « boisson sans alcool, sucrée » (Cf. liqueur douce au Québec).
◆
SUCRÉE n. f. a d'abord désigné une variété de poire (1600 ; sucrin, ci-dessous).
■
SUCRAGE n. m., terme technique (1801), désigne l'action de sucrer le moût de raisin avant la fermentation et plus généralement (1876) l'action de sucrer.
◆
En français du Québec, sucrage peut s'employer pour « sucrerie ».
■
SUCRANT, ANTE adj. se dit (1808) d'une substance qui sucre et de son action (pouvoir sucrant).
◈
Outre
sucrer et ses dérivés,
sucre a produit quelques mots.
■
SUCRIN adj. et n. m. est le nom d'une variété de melon très sucré (1541, nom ; 1544, adjectif) ; l'ancien provençal suquerin (1503) désignait une espèce de sucre d'orge.
◆
L'adjectif a signifié à l'époque classique « doux comme du sucre » (1611).
◆
Le nom a été repris pour désigner une variété de poire, appelée sucrin noir (1660), sucrin (1690), sucrin vert (1872).
◆
SUCRINE n. f., féminin substantivé de l'adjectif pour « qui a un goût sucré », désigne (1995) une variété de laitue pommée à feuilles épaisses, de saveur douce.
■
SUCRIER, IÈRE adj. et n. s'est employé pour « confiseur » (1555, n. m.), emploi disparu.
◆
Le mot désigne encore aujourd'hui un récipient où l'on met le sucre (1596), le féminin (1872) étant sorti d'usage.
◆
Sucrier s'emploie (1654) pour parler d'un fabricant de sucre et (1803) d'un ouvrier de l'industrie sucrière.
◆
L'adjectif s'applique à ce qui est relatif à la production de sucre (1824), au lieu où l'on produit du sucre (1872). Dans betterave sucrière (v. 1950), il correspond à « qui produit du sucre ».
■
SUCRERIE n. f. s'est dit au XVIe s. (v. 1587) de la culture de la canne à sucre. C'est le nom de l'usine où l'on fabrique le sucre (1654).
◆
Le mot est employé par analogie au Canada pour une fabrique de sucre d'érable (1780), une érablière, que l'on nomme couramment cabane à sucre.
◆
Le plus souvent au pluriel, sucrerie, en français d'Europe, désigne une friandise à base de sucre (1680) ; on a dit sucrades (XVe s.), chucades (déb. XVIe s.), succades (1536).
■
Deux termes de biochimie ont été formés à partir de sucre : SUCRATE n. m. (1864), « composé d'un sucre avec un oxyde basique », et SUCRASE n. f. (1903), « diastase qui transforme le saccharose en sucre ».
■
SUCRETTE n. f. est le nom déposé (1967) d'une pastille édulcorante.
❏ voir
SACCHARINE.
SUD n. m. et adj. inv. est une réfection (v. 1170) de suth (v. 1138), emprunt à l'anglo-saxon (ancien anglais suth, anglais moderne south), qui se rattache peut-être à une racine indoeuropéenne °su- « soleil », comme l'anglais sun, le latin sol (→ soleil), le sud étant le côté du soleil.
❏
Sud désigne le point cardinal opposé au nord ; de là vient l'emploi (1596) pour « vent du sud ».
Sud adj. apparaît dans
latitude sud (1721) et s'applique à ce qui se trouve dans la direction du sud ou qui en vient (1783).
■
Le nom désigne également (v. 1138) l'ensemble des régions situées dans l'hémisphère sud ; dans ce cas, le mot s'écrit avec une majuscule, comme aux sens de « région sud d'un pays » (1812), « habitants de cette région » (1876) par métonymie.
❏
Sud a fourni
SUDISTE n. et adj. qui désigne, dans l'histoire des États-Unis (1872), un partisan de l'indépendance des États esclavagistes du Sud pendant la guerre de Sécession (1861-1865), opposé à
nordiste.
◆
Le mot s'applique par ailleurs à ce qui se rapporte ou est partie de la région méridionale d'un pays (1936).
◆
En particulier, il se dit en français du Maghreb des habitants des régions du Sud.
◈
Plusieurs mots sont composés de
sud et d'un ou deux éléments désignant un point cardinal. Seuls
sud-est et
sud-ouest sont d'usage courant.
■
SUD-EST n. m. et adj. inv. est la réfection (1607) de suth est (v. 1155), de est, SUD-OUEST n. m. et adj. inv., celle de zuutwest (1421), de ouest ; les graphies su-est (v. 1155), suest (1584), syroest (1483), par analogie avec norouest et sur-ouest (fin XVIe s.), ont disparu. Ces mots désignent respectivement le point de l'horizon situé à égale distance entre le sud et l'est, ou le sud et l'ouest, ainsi que la partie du monde (1483, su-est) ou d'un pays (1680 pour sud-est ; 1718 sud-ouest) située dans la région du sud-est, ou du sud-ouest. Sud-Ouest africain se dit de la Namibie.
◆
Dans ce sens, il est aussi adjectif (1606 pour sud-ouest).
■
Comme sud lui-même, ces deux composés sont employés pour nommer un vent qui souffle, soit du sud-est (1606 ; 1584, sous la forme orale suest), soit du sud-ouest (1606 ; 1584, su-ouest).
◆
En termes de marine on dit sud-est (1685) et sud-ouest (attestés XIXe s. dans les dictionnaires) pour l'aire du vent également distante du sud et de l'est, ou de l'ouest.
◆
La désignation des aires de vent, en marine et en météorologie, donne lieu à plusieurs surcomposés : d'une part, SUD-SUD-EST n. m. et adj., SUD-SUD-OUEST n. m. et adj. (tous deux attestés en 1690), d'autre part, SUD-EST-QUART-EST (1685, quart d'est), SUD-EST-QUART-SUD (1694, quart de sud), SUD-OUEST-QUART-OUEST (1736, quart d'ouest) et SUD-OUEST-QUART-SUD (1685).
■
Les marins prononcent sud-est et ses composés sans marquer le d, sué ou plus souvent suet' ; cette prononciation est parfois écrite suest (1584 ; voir ci-dessus), suet (1701, su-è) et correspond à suroit* pour sud-ouest.
◈
SUD- signifiant « du sud » entre comme premier élément dans la composition de mots qui sont des calques de l'anglais ; le second élément étant un adjectif tiré d'un nom de pays, selon l'ordre des mots de l'anglais, au lieu de l'ordre français
...du sud. C'est le cas de
SUD-AMÉRICAIN, AINE adj. et n. (1865), anglais
South-American, qui s'applique à toute l'Amérique méridionale,
SUD-AFRICAIN, AINE adj. et n. (1890), anglais
South-African, qui concerne la République d'Afrique du Sud,
SUD-CORÉEN, ENNE adj. et n. (1950), anglais
South-Korean, qui correspond à la division du pays en deux États hostiles.
◆
SUD-SAHARIEN, IENNE adj. est synonyme de
subsaharien.
❏ voir
SUROÎT.
SUDATION, SUDORIPARE → SUER
SUDOKU n. m. est la transcription, dans l'écriture des langues occidentales (2005 en français), d'un mot japonais, abréviation de la phrase sûji wa dokushin ni kagiru, « les chiffres (sûji) doivent être solitaires (dokushin) ». Le mot désigne un jeu de chiffres créé au Japon, où il s'agit de compléter selon une loi logique, une grille formée de neuf carrés de neuf cases, avec les chiffres de 1 à 9. Ce jeu s'est diffusé de manière massive, suscitant de nombreuses publications.
SUÈDE n. m. vient (1840) de Suède, nom de pays, d'où ce cuir proviendrait. Le nom Suède viendrait peut-être de l'ancien norrois Svearige, de svear et rige, « empire, pays des Svear » ; le nom de ce peuple est mentionné par Tacite en 100 (Sueones).
❏
Le mot désigne (1840) une peau dont le côté chair est à l'extérieur, employé surtout en ganterie, emploi remplacé par daim, et par métonymie (1846) des gants fabriqués avec ce cuir, emploi archaïque ; suède adj. a qualifié (1901) ce qui était couleur de suède.
◆
Le mot a été repris par anglicisme, en concurrence avec daim, l'anglais suede ayant conservé cette acception.
❏
Du nom dérivent
SUÉDÉ, ÉE adj. et n. m. (1936) et
SUÉDINE n. f. (1932), « peau imitant le suède ».
◈
SUÉDOIS, OISE adj. et n. procède de
Suède, nom propre, adapté (fin
XVIe s.,
n. et adj.) de l'anglais
Sweden ou de l'allemand
Schweden (
Sverige en suédois). Le mot s'applique à ce qui se rapporte à la Suède, à ses habitants ;
suédois n. m. est le nom (1872) de la langue du groupe germanique septentrional parlée en Suède et dans le sud de la Finlande.
◆
Gymnastique suédoise (1892) ou
suédoise n. f. est le nom d'une méthode, due au Suédois Ling (1776-1839), qui se répandit en France vers la fin du
XIXe siècle.
◆
Allumette suédoise (1933) ou
suédoise n. f. désigne une allumette de sûreté, fabriquée selon un procédé dû au Suédois Lundström.
L
SUER v., attesté au début du XIIe s., représente, par l'intermédiaire de suder (v. 980), l'aboutissement du latin sudare « suer », par figure « se donner de la peine, se fatiguer », puis « exsuder ». Ce verbe se rattache au même thème indoeuropéen que le sanskrit svédaḥ, le grec hidrôs « sueur » et le germanique °swaitjan « suer », dont procède le vieil anglais swát « sueur », d'où l'anglais to sweat (→ sweater).
❏
Le verbe apparaît avec le sens concret du latin (v. 980,
suder intr.). Considéré aujourd'hui comme familier, il est souvent remplacé par
transpirer*. Dans cette acception première, il entre dans plusieurs locutions :
suer de hahan (v. 1310), puis
suer d'ahan « abondamment », à cause des efforts fournis, est sorti d'usage, comme
faire suer la vérole « se faire suer pour guérir de la vérole » (
XVIe s.), d'où vient l'emploi de
suer pour « être soigné pour la vérole » (fin
XVIe s.) attesté jusqu'à la fin du
XVIIIe siècle ; la variante par euphémisme
aller en Suède (1655) est un jeu de mots sur
suette (ci-dessous).
Suer à grosses gouttes (1648) se dit encore.
◆
Le verbe s'emploie transitivement dès les premiers emplois (v. 980 ; v. 1460,
suer le sang), d'où au début du
XVIIIe s.
suer de l'encre, de l'huile « avoir une sueur de couleur sombre » (1718) et par figure « éprouver une grande peur » (déb.
XVIIIe s.), locutions sorties d'usage.
■
Dès le XIIe s., le verbe est employé par figure, signifiant « être angoissé » (v. 1155), aujourd'hui dans suer d'angoisse, et à l'époque classique faire suer qqn « l'effrayer » (1688), qui ne serait plus compris (ci-dessous, faire suer).
◆
Par extension, en emploi transitif, sorti d'usage au sens concret (suer les grosses gouttes, 1685), le verbe s'emploie figurément dans suer la peur (v. 1283), puis suer l'ennui (1872), employé en parlant d'une chose ennuyeuse, le sens du verbe étant dans ces expressions « faire sortir, faire paraître ».
Suer prend en moyen français le sens de « dégager de l'humidité » ou « s'en couvrir » (v. 1380,
suwer, en wallon ; puis 1549,
suer). Par extension, il s'emploie en cuisine,
faire suer (qqch.) signifiant « faire rendre de l'eau », et dans le vocabulaire technique (1765,
faire suer les feuilles de tabac).
◆
Un emploi transitif à valeur factitive possède la même valeur dans
suer des marrons (1690), en technique
suer le fer (1783) ; ci-dessous
ressuer.
◆
Par figure,
faire suer le bonhomme (1615) se disait des soldats qui extorquaient de l'argent au paysan ; une construction analogue est
faire suer le burnous (1911) en parlant des colons du Maghreb qui exploitaient la main-d'œuvre indigène.
◆
Faire suer l'argent (1858) s'est employé jusqu'à la fin du
XIXe s. pour « faire venir, sortir », équivalant à « extorquer ».
◆
Cet emploi est tout différent du transitif
suer l'argent (1838, Hugo) « le donner sous la contrainte », emploi populaire sorti d'usage où
suer correspond à « faire sortir, produire ».
■
L'emploi figuré du latin est repris à partir du XVIe s. pour « travailler sans beaucoup de résultat », « se fatiguer » (1538, intr.), dont procède avec le même sens le transitif suer sang et eau (1585).
◆
Le travail étant souvent lié à l'effort et à l'ennui, le factitif faire suer qqn signifie « l'ennuyer » (1678) et se faire suer « s'ennuyer » (XXe s.). Le verbe est alors un euphémisme pour chier.
◆
D'autres emplois transitifs apparaissent dans le troisième tiers du XIXe siècle : suer un cheval « le faire galoper jusqu'à ce qu'il soit en sueur » (1872) et, très familier, en suer une (1888), par ellipse de danse, « faire une danse », qui évoque aujourd'hui l'époque 1900.
❏
Le verbe a fourni de nombreux dérivés.
■
SUANT, ANTE adj. « qui sue » (v. 1155) s'est appliqué à ce qui a de l'humidité à sa surface (1660) ; il s'emploie spécialement dans des expressions techniques, chaude suante (1765), remplacée par chaleur suante (1872) « température proche de la température de fusion d'un métal ».
◆
D'après faire suer au figuré, l'adjectif se dit familièrement pour « très ennuyeux » (XXe s.).
■
SUINT n. m. dérive de suer avec le suffixe -in à valeur collective (latin -imen) ; il est d'abord attesté sous la forme sun (1302), puis suint (1309) et suin.
◆
Le mot désigne la matière sébacée que sécrète la peau du mouton et qui se mêle à la laine, d'où laine avec le suin (1538), aujourd'hui laine en suint (1723) « brute ».
◆
Par analogie et référence aux valeurs techniques du verbe, suint est le nom technique donné à une scorie qui surnage sur le verre en fusion (1611, suin ; 1872, suint).
■
Le dérivé SUINTER v. a, dès les premiers exemples connus, une valeur plus générale que suint ; comme intransitif, il signifie « laisser s'écouler lentement un liquide » (1553) et « s'écouler très lentement » (v. 1560). Mais il a signifié aussi « rendre du suint » (1636, d'un mouton).
◆
Employé transitivement au sens large (1845), il s'emploie par figure au sens de « laisser apparaître » (1849).
■
De suinter procèdent SUINTEMENT n. m. (1635), spécialement employé en pétrographie (1783, suintement du bitume, puis 1931), et SUINTANT, ANTE adj. (1845).
■
Suint a produit par ailleurs les termes techniques SUINTINE n. f. (1888), nom donné à la substance grasse extraite du suint, DESSUINTER v. tr. (1812) « débarrasser du suint », dont dérivent DESSUINTAGE n. m. (1803), concurrencé par DESSUINTEMENT n. m. (1870), et DESSUINTEUSE n. f. (1929).
◈
Plusieurs dérivés apparaissent en moyen français.
■
SUERIE n. f. est introduit avec une valeur figurée disparue, signifiant en argot ancien « assassinat » (v. 1460, Villon), qui suppose l'image de « faire suer (couler) le sang » et peut-être un jeu de mots sur suer-tuer, non attesté ; mais suer a dès l'ancien français la connotation d'angoisse.
◆
Le mot a signifié « suée » (1549), d'abord dans maladie de suerie « syphilis » (1529), et a désigné un local où l'on transpire (1636).
◆
Suerie a désigné en technique le nom (1765) du lieu où l'on faisait ressuer le tabac.
■
1 SUAGE n. m. s'est employé pour « sueur » (v. 1480, suaige) et activement « action de suer » (1611), emplois archaïques.
◆
Il a désigné en marine le vent du sud (1599) à cause de son humidité, puis l'humidité qui sort des bois d'un navire neuf (1773).
◆
Dans le vocabulaire technique, il désigne l'humidité qui suinte, par exemple, du bois chauffé.
◆
En argot, par allusion au procédé utilisant la chaleur, il a désigné (1830) l'action de brûler, de « chauffer » les pieds d'une personne pour la rançonner. Le sens d'« assassinat », attesté en argot à la même époque (1830), semble correspondre à une autre valeur de (faire) suer (ci-dessus suerie).
■
SUÉE n. f. est relevé isolément (v. 1500) au sens figuré d'« effort intense », repris vers 1800.
◆
Le mot désigne surtout une transpiration abondante provoquée par un effort, une émotion (v. 1550) et par métonymie une émotion forte (1694) et un effort intense.
◆
Il est vieilli au sens de « grande quantité » (1867), euphémisme familier pour chiée, de même que faire suer (ci-dessus) correspond à faire chier. Suée, d'après faire suer « ennuyer, fatiguer », a signifié « réprimande » (1867).
■
SUETTE n. f. (v. 1560) ou suette miliaire est le nom d'une maladie fébrile contagieuse, caractérisée par une sudation abondante.
◈
Le préfixé
RESSUER v., attesté isolément au
XIIIe puis au
XVIe s. comme intransitif (1549,
resuer), a été repris au
XVIIe s. (1628,
resuer) au sens rare de « suer de nouveau ou beaucoup ».
◆
En technique, il s'emploie transitivement (1692) pour « faire se séparer (les éléments d'un métal brut) par fusion partielle ».
◆
Par croisement avec les formes régionales anciennes de
ressuyer*, ressuer signifie (1762) « rendre son humidité ».
■
En dérive RESSUAGE n. m., terme de métallurgie qui a désigné le fourneau employé pour faire ressuer (1692) et le fait de ressuer (1762).
◈
SUEUR n. f. est l'aboutissement (v. 1260) de
sudor (v. 980), puis
suor (v. 1155), formes issues de
sudorem, accusatif du latin
sudor « sueur », « humidité, suintement » et par figure « travail pénible, peine, fatigue », dérivé de
sudare.
■
Comme en latin, le mot désigne le produit de la sécrétion des glandes sudoripares, d'où en sueur loc. adj. et adv. (v. 1155, en suor) « qui sue abondamment ». Il a dès l'ancien français des emplois spécifiques : froide suour (XIIIe s.) « sueur accompagnée d'une sensation de froid, dans certains états émotifs ou pathologiques », devenu sueur froide (1549) ; par extension, sueur de sang désigne (1658) le sang qui s'échappe par les pores dans certaines maladies.
◆
Au sens actif, sueur, comme suage, désigne le fait de suer (1549). Les deux sens correspondent à ceux de transpiration.
◆
Par ailleurs sueur, comme le verbe suer, est le symbole du travail et de l'effort (1226, suour ; XIVe s., sueur) ; le mot entre avec cette valeur figurée dans quelques locutions : à la sueur de son visage (déb. XIVe s.), de son corps (déb. XVe s.), aujourd'hui à la sueur de son front (1762) évoquent le caractère pénible du travail ; par allusion explicite à la malédiction prononcée par Dieu dans la Bible, après la faute d'Adam, on emploie gagner son pain à la sueur de son front (1762). À la sueur de sa bourse (1460) « à ses dépens » correspond au sémantisme de suer l'argent (ci-dessus). S'abreuver de la sueur de qqn (1772), aujourd'hui s'engraisser de la sueur de qqn, de la sueur du peuple (XXe s.), signifie « profiter abusivement de son travail » (voir faire suer le burnous, ci-dessus).
◆
Arroser qqch. de sa sueur (1846) « y travailler avec effort » est archaïque.
■
Sueur entre dans la formation de deux composés métaphoriques, familiers et péjoratifs, PUE-LA-SUEUR n. m. inv. (1926), de puer*, désignant une personne qui travaille manuellement et POMPE-LA-SUEUR n. m. inv. un patron qui exploite les travailleurs (XXe s.).
◈
Plusieurs mots didactiques sont dérivés ou formés de
sudor.
■
SUDORIFIQUE adj. et n. m., de -fique, du latin -ficus, de facere « faire* », qualifie (v. 1560) et désigne (1611, n. m.) un médicament qui provoque la sudation.
◆
Le dérivé SUDORIFICATION n. f. (1877) équivaut à sudation (ci-dessous).
■
SUDORIFÈRE adj. reprend le bas latin sudorifer, de ferre « porter », au sens de « qui produit la sueur » (1732). L'adjectif s'applique en anatomie à ce qui conduit la sueur (1842).
■
SUDORIPARE adj., terme d'anatomie (1855), de -pare, du latin parare « produire », signifie « qui sécrète la sueur » (glandes sudoripares).
■
SUDORAL, ALE, AUX adj., dérivé savant de sudor (XVe s. ; semble repris au XIXe s. : 1836), qualifie ce qui est relatif à la sueur.
◈
D'autres termes didactiques sont empruntés à des dérivés de
sudatum, supin de
sudare.
■
SUDATION n. f. est emprunté (v. 1363) au latin sudatio, -onis « action de suer », « transpiration » et « étuve ».
◆
Ce mot médical semble peu utilisé entre le XVIe et le début du XIXe s. (1812) ; il désigne une transpiration abondante, provoquée (bain de sudation) ou non, puis (XXe s.) la sueur sécrétée.
◆
Il s'emploie par analogie (XXe s.) en botanique.
■
1 SUDATOIRE n. m. est emprunté (1558) au latin sudatorium « étuve », substantivation de sudatorius « sudorifique » ; le mot a désigné en archéologie l'étuve des thermes romains, avant la reprise de SUDATORIUM n. m. (1842), qui avait été francisé sous la forme sudatorie n. f. (1605) « étuve de bain » ; ce mot didactique est rare.
■
2 SUDATOIRE adj. signifie en médecine « accompagné de sueur », d'abord dans fièvre sudatoire (1812), sorti d'usage.
◈
SUDAMINA n. m., mot du latin médical, est le pluriel de
sudamen dérivé de
sudare « suer », pour désigner (avant 1765) une éruption cutanée de minuscules vésicules emplies de liquide, causée par une transpiration brutale et trop abondante. Le sudamina est un symptôme sans gravité.
◈
TRANSSUDER v. est formé (1700, intr.) d'après
trans* et
sudare ; ce verbe didactique signifie « passer au travers des pores d'un corps en fines gouttelettes ».
◆
Il est employé aussi transitivement (1779) au sens d'« émettre en laissant passer par les pores ».
◆
L'emploi au figuré (av. 1880) pour « faire ou laisser passer à travers » est très littéraire.
■
Il a fourni TRANSSUDATION n. f. (1714), didactique ou littéraire, dont on a tiré le terme de médecine TRANSSUDAT n. m. (1933), d'après exsudat (Cf. exsuder).
❏ voir
SUAIRE ; EXSUDER.
SUFFÈTE n. m. est un emprunt de la Renaissance (1582) au latin sufes, sufetis, lui-même emprunt à la langue punique. Ce terme d'antiquité désigne l'un des deux premiers magistrats de la république de Carthage, qui détenaient le pouvoir exécutif et la direction des armées. Le mot punique était suphet « juge », apparenté à l'hébreu shâphêt, participe passé du verbe shâphat « rendre la justice » et « gouverner » et à l'akkadien shapātu.
L
SUFFIRE v. tr. ind. représente une réfection (1170), aussi écrite sufire (v. 1155), de soufire (v. 1120), issu du latin sufficere « mettre sous » et spécialement « imprégner », « mettre à la disposition de », « mettre après » d'où « élire à la place de », « remplacer » et, en emploi intransitif, « être suffisant ». Ce verbe est composé de sub-, indiquant la position inférieure et la proximité (→ sub-), et de facere « faire* ».
❏
Suffire à, pour signifie dès l'origine « avoir juste la quantité, la qualité ou la force nécessaire pour (un certain but) », en parlant de choses, aussi construit avec un infinitif (1260). La forme soufire ou souffire, dominante en ancien français, cède la place à suffire à partir du XVIe (v. 1507), mais est encore relevée au XVIIe siècle. Suffire s'emploie aussi à la forme impersonnelle, suivi d'un nom introduit par de (fin XIVe s. ; v. 1204, souffist a qqn), de de et d'un infinitif (fin XIVe s. [T.L.F. : 1405]) ou encore de que et du subjonctif (1370) ou, vieilli, de l'indicatif (1636). Il suffit « cela suffit » (XVe s., il souffit ; forme moderne, 1530) est d'emploi courant, vous (te) suffit (1538) était en usage à l'époque classique et suffit (1672), vieilli, s'emploie encore exclamativement.
◆
Le verbe entre avec cette valeur dans une locution proverbiale, il suffit au jour de sa misère (1550), son affliction (1560), devenue à chaque jour suffit sa peine (1718).
◆
Par extension, suffire à (qqn) (v. 1150, sofire ; v. 1450, suffire) s'emploie pour « être de nature à contenter (qqn), sans qu'il ait besoin d'autre chose ». De là cela suffit ! pour marquer qu'on est excédé (1694, aussi cela me suffit), puis ça suffit ! (XXe s.).
◆
Le pronominal se suffire « trouver par ses propres moyens de quoi satisfaire ses aspirations » morales (v. 1650) ou matérielles (fin XVIIe s.) existe aussi en emploi réciproque (1370).
◆
Suffire à signifie « être capable de fournir ce qui est nécessaire à (qqch.) », en parlant d'une personne (1538), et « être l'élément nécessaire pour obtenir un résultat », en parlant d'une chose (av. 1662).
❏
SUFFISANT, ANTE adj. (1185), d'abord écrit
sufisanz (v. 1120), coexiste en ancien français avec plusieurs variantes correspondant aux formes anciennes de
suffire : sofisant (v. 1160),
souffisant (
XIIIe s.) et s'est trouvé en concurrence avec un autre adjectif suffixé en
-able, sofisable (1131),
suffisable (1231).
■
Suffisant a signifié « satisfait » (v. 1120), « rassasié » (1160) ; avec une valeur plus générale, il s'applique à ce qui est de nature à combler le besoin, l'attente (v. 1160, sofisant ; fin XIVe s., suffisant). Par extension, suffisant pour (v. 1360), suffisant à (1538) signifie « de nature à entraîner comme conséquence ». De cette valeur procèdent grâce suffisante, en théologie (1656, Pascal), « grâce qui suffit strictement à l'homme s'il y répond ».
◆
L'idée de « ressources suffisantes » est réalisée par le substantif dans avoir son suffisant (1910), qui correspond à son content.
◆
En contexte abstrait, on note condition suffisante (1610) « qui peut entraîner à elle seule une conséquence », raison suffisante (1648, Mersenne ; chez Leibniz, 1710), où suffisant correspond à « qui suffit pour expliquer des phénomènes ». En métrique, rime suffisante (1765) se dit d'une rime qui repose seulement sur la voyelle tonique (par ex. bal / mal).
■
Par ailleurs, l'idée de « juste qualité » donne lieu à d'autres acceptions.
■
SUFFISANT n. m. s'est dit d'une personne qui a une importance sociale (1185), d'où les suffisants « les grands, les notables » (v. 1250, souffisant), encore à l'époque classique.
◆
Parallèlement, l'adjectif, qui a eu cette acception d'« important socialement » (v. 1250, souffisant), a qualifié une personne capable, compétente (v. 1360 ; 1270, soffisant et infinitif), d'où un suffisant n. m. (XIVe s.), courant à l'époque classique.
◆
De cette valeur on est passé à un emploi péjoratif, d'abord dans faire du suffisant « être arrogant », en parlant d'un animal (1584), emploi disparu, puis dans l'emploi de l'adjectif pour qualifier une personne qui a une trop haute idée d'elle-même (attesté 1602), substantivé un peu plus tard (1640), et ce qui dénote la présomption (1732). Cet emploi est resté vivant dans un registre soutenu.
■
Le dérivé SUFFISAMMENT adv. (v. 1360) s'est substitué à souffisamment (1230). Il signifie « en quantité suffisante », d'où suffisamment de « assez de » (1765), « en due forme » (1270, sofisemment) et, d'après le sens pris par l'adjectif au XVIIe s. (ci-dessus), « avec arrogance » (1690), littéraire, et « avec compétence » (1609), sorti d'usage.
■
Le préfixé INSUFFISANT, ANTE adj., de 1 in-, s'applique à ce qui ne suffit pas (1323, Bloch et Wartburg) et s'emploie aussi en parlant d'une personne (1476).
◆
Il est sorti d'usage au sens de « qui n'a pas assez de considération » (v. 1452).
◆
Il a produit INSUFFISAMMENT adv., réfection (1611) de insouffisamment (1391).
■
AUTOSUFFISANT, ANTE adj., de auto-, se dit (v. 1970) en économie d'un pays ou d'un groupe qui produit suffisamment pour satisfaire ses besoins.
◈
SUFFISANCE n. f. a suivi une évolution parallèle à celle de l'adjectif. Le mot, d'abord sous les formes
souffisanche (
XIIe s.),
soffisance (
XIIIe s.), a signifié « satisfaction, contentement », d'après la valeur de
suffisant aux
XIIe-
XIIIe siècles.
En suffisance (1601) correspond à « en quantité suffisante ».
◆
Il désigne à l'époque classique un caractère, un esprit qui a une trop haute idée de sa valeur (
suffisant ci-dessus) [1588] et ce qui le traduit (
XVIIIe s.).
◆
Suffisance signifie également « propriété de ce qui trouve en soi sa raison d'être » (
XXe s.).
■
INSUFFISANCE n. f., de 1 in-, s'emploie à propos de personnes (1323, Bloch et Wartburg) et de choses (1718). Une insuffisance signifie aussi « lacune, déficience », spécialement en médecine (1855, insuffisance valvulaire) et en droit (1872, insuffisance d'actif).
■
AUTOSUFFISANCE n. f. est un terme d'économie (v. 1970) lié à autosuffisant (ci-dessus) et voisin par le sens de autarcie.
SUFFIXE n. m. est un emprunt savant (1808) au latin suffixus, participe passé passif de suffigere « fixer par-dessous » et « attacher », composé de sub- marquant la position inférieure (→ sub-) et de figere, au participe passé fixus (→ fixe), « enfoncer, planter », « fixer » et au figuré « attacher », d'origine incertaine.
❏
Le mot désigne en grammaire un élément placé après un radical pour former un dérivé, à l'exclusion des désinences ; il s'oppose à préfixe.
◆
En grammaire comparée, il s'applique au mode de formation des noms en sanskrit.
❏
Il a fourni des dérivés didactiques :
SUFFIXER v. tr. (1877 ; 1876, au participe passé adjectivé), dont procèdent
SUFFIXATION n. f. (1876) et
SUFFIXABLE adj. (mil.
XXe s.).
■
SUFFIXAL, ALE, AUX adj. (fin XIXe s.) signifie « relatif aux suffixes, à la formation par suffixes », par exemple dans dérivation suffixale « à l'aide de suffixes ».
■
Le préfixé RESUFFIXER v. tr. (XXe s.) et son dérivé RESUFFIXATION n. f. s'emploient en linguistique pour « reformer en changeant le suffixe ».
SUFFOQUER v. est un emprunt (v. 1270) au latin classique suffocare « serrer la gorge, étouffer », « étrangler », d'où l'italien suffocare, l'ancien provençal suffocar (1418). Ce verbe est composé de sub- indiquant la position inférieure (→ sub-) et de fauces n. f. pl. « gorge, gosier », d'origine incertaine, dont le singulier faux ne se rencontre qu'en latin impérial. Le latin faux avait abouti en ancien français à faus « terrier du lapin » et à l'ancien provençal fos « orifice d'où sort une source ».
❏
Suffoquer a signifié « tuer en empêchant de respirer » (v. 1270), acception qui se maintient à l'époque classique et d'où viennent les sens d'« anéantir (les forces, l'esprit) » (XVe s.), « étouffer (le feu) » (1530) qui ont disparu.
◆
Par extension, le verbe s'emploie pour « empêcher (qqn) de respirer » (1370) ; ce sens est toujours vivant, surtout avec un sujet désignant une chose, une cause naturelle ou non, mais moins usuel que l'intransitif (1718), « cesser de pouvoir respirer » ; étouffer a aussi ces deux valeurs.
◆
Par figure, suffoquer, transitif, a eu les sens d'« étouffer (la gloire) » (v. 1530) et de « causer à (qqn) un sentiment de gêne, de malaise » (1552), d'où se laisser suffoquer par qqch. « se causer une grande peine » (1680, Mme de Sévigné) et « étonner vivement, causer une émotion violente » (1672), toujours en usage mais moins courant que l'intransitif, dans suffoquer de (1750).
❏
Le dérivé
SUFFOCANT, ANTE adj. s'applique à ce qui gêne ou empêche la respiration (v. 1390 ; déb.
XVe s. selon T.L.F.), emploi qui semble rare avant la fin du
XVIIe s. (
in Furetière, 1690). Il qualifie une personne qui suffoque (1866) et est employé par extension à propos d'un lieu où l'on suffoque (1897) ; par figure, il se dit de ce qui cause l'étonnement indigné, la stupéfaction (1915).
◈
SUFFOCATION n. f. est emprunté (v. 1380) au dérivé latin
suffocatio, -onis « étouffement » et en conserve le sens, suivant l'évolution du verbe.
◆
Il s'emploie spécialement en médecine à l'époque classique à propos d'une grande difficulté à respirer causée par l'hystérie, d'où
suffocation de l'amarri (la matrice) [1538],
suffocation de la matrice (1600), traduction du latin
suffocatio muliebris, puis
suffocation hystérique (1690), puis au
XIXe s. (1855) pour parler d'une asphyxie provoquée par un obstacle mécanique à l'intérieur des voies respiratoires.
SUFFRAGE n. m. est un emprunt savant (1289) au latin classique suffragium « tesson de poterie servant au vote », d'où « vote favorable » et « droit de vote », « jugement, opinion » ; le mot prend en latin médiéval le sens de « soutien, aide » (VIe s.) et se spécialise dans le vocabulaire juridique et religieux, signifiant « province ecclésiastique », « intercession d'un saint auprès de Dieu » (XIe s.), « prière » (XIe s.), « prestation en nature » (XIe s.). Suffragium est dérivé de suffragari « voter pour, soutenir une candidature », au figuré « soutenir, appuyer, favoriser ». Ce verbe d'origine discutée aurait signifié à l'origine « exprimer son opinion de manière convenue avec un tesson de poterie » ; il est peut-être composé de sub- marquant le mouvement de bas en haut (→ sub-) et d'un nom °frago « morceau », de la même famille que frangere « briser », qui se rattache à une racine indoeuropéenne °bhreg- « briser » (→ enfreindre, fraction).
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Terme religieux attesté isolément au sens de « prière » (1289,
suffrage d'oroison),
suffrage a été réemprunté au pluriel (1374) pour désigner, dans la liturgie catholique, une prière d'intercession adressée aux saints, à l'office de laudes ou de vêpres. Il a repris à l'époque classique le sens plus général de « prière » (1616).
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Parallèlement, le mot apparaît dans des traductions du latin avec le sens général d'« aide » (1376,
soufrage ; 1477,
suffrage), qui est influencé par le vocabulaire religieux, puis juridique :
suffrage des saints s'est dit de l'aide apportée aux croyants (
XVe s.) ; cette valeur est sortie d'usage, comme l'emploi en droit coutumier pour « prestation en nature » (1380) et spécialement « prestation qui s'ajoute au fermage principal » (v. 1480), encore relevé régionalement au
XIXe s. dans la pratique des métayages. En procèdent les emplois de
menus suffrages « choses de peu de valeur » (v. 1420), que reprend La Fontaine, et de
vin de suffrage « provenant du mélange du produit de diverses redevances en nature » (1798). L'expression
suffrage et bénéfice de droit (1685) désignait à l'époque classique le fait que, dans une prétention émise par qqn, la loi est en sa faveur ; tous ces emplois sont sortis d'usage au cours du
XVIIIe siècle.
Par ailleurs, reprenant un sens du latin classique, suffrage désigne depuis le XIVe s. (1355) le vote par lequel on fait connaître son opinion favorable dans un choix, une désignation, spécialement dans le domaine politique ou juridique.
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Le mot acquiert de l'importance et une fréquence très accrue avec la Révolution, dans des expressions comme suffrage universel (1765 pour l'expression ; 1792 pour sa mise en œuvre) et plus tard dans suffrage restreint (1859), puis sous la IIIe République suffrage direct, indirect (1936). Comme vote, le mot a cette valeur générale et (un, des suffrages) celle d'« opinion individuelle exprimée par le vote » (compter les suffrages, etc.).
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Par extension, le mot s'emploie pour « approbation, avis favorable » (1548), cette acception étant restée vivante.
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SUFFRAGANT, ANTE adj. et n., influencé par le participe présent latin
suffragans, est emprunté (v. 1180) à un dérivé de
suffragari, le bas latin
suffraganeus, appliqué à diverses catégories d'ecclésiastiques subordonnés.
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En droit canon, l'adjectif est substantivé à propos d'un évêque dépendant d'un métropolitain (v. 1180,
n. m.), puis au
XVIe s. d'un évêque qui remplit les fonctions de coadjuteur d'un autre évêque (1596), d'où un nouvel emploi adjectif dans les deux sens (1671 ; mil.
XVIIIe s.).
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Le mot est repris au
XIXe s., appliqué à un ministre protestant qui assiste un pasteur (1872).
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Sémantiquement influencé par suffrage, suffragant a désigné une personne qui appuie l'opinion de qqn (v. 1653, n. m.) et s'est employé pour parler de qqn qui a droit de suffrage dans une assemblée (1765), opposé à candidat.
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SUFFRAGETTE n. f. est un emprunt (1907) à l'anglais
suffragette (1906), dérivé de l'anglais
suffrage « vote » (
XVIe s.), de même origine que le français.
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Le mot désigne une femme qui, au début du
XXe s. en Angleterre, militait pour le droit de vote féminin. Il a souvent des connotations péjoratives, dues aux résistances à cette évolution féministe.
SUFFUSION n. f. est un emprunt du moyen français (suffision, 1363, suffusion, 1478) au latin suffusio composé de sub (→ sub-) et fundere « verser » (→ fondre, fusion). Ce mot de médecine désignant l'épanchement d'un liquide organique et son infiltration diffuse dans les tissus, est demeuré rare, à la différence d'autres composés de même origine, comme diffusion, infusion, perfusion.
SUGGÉRER v. tr., réfection (1403) de suggerir (v. 1380), est emprunté au latin suggerere « mettre sous », « fournir », « porter à la place, à la suite de », « suppléer » et en bas latin « signaler, faire savoir », « prier (qqn) ». Ce verbe est composé de sub- marquant la position inférieure (→ sub-) et de gerere « porter sur soi » et au figuré « prendre sur soi », qui n'a pas de correspondant hors du latin (→ gérer). La prononciation moderne de suggérer date du XVIIe siècle.
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Suggérer signifie « faire naître dans l'esprit de qqn (une idée, la pensée d'un acte) » (mil. XVe s.), aussi avec un sujet nom de chose (1590), « présenter en tant que conseil » (v. 1380), acceptions restées vivantes, mais littéraires. À l'époque classique, le verbe signifie en outre « faire souvenir (qqn) de qqch. » (1636, suggérer qqn) et en droit suggérer un testament « le faire faire, par artifice ou insinuation, à l'avantage ou au désavantage de qqn » (1690).
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Au XVIe s., le verbe s'est aussi employé chez quelques écrivains au sens latin de « procurer, fournir » (1552).
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Par extension, suggérer a pris la valeur de « susciter l'idée ou l'image de (qqch.) », le sujet désignant ce qui suggère (déb. XIXe s.), d'où le sens d'« évoquer, susciter » (1866), et d'« évoquer par l'art » (XIXe s.) ; ce sens est devenu le plus usuel.
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Enfin, dans le vocabulaire de l'hypnotisme, le verbe signifie (XXe s.) « faire penser ou exécuter (qqch.) par suggestion », d'après suggestion.
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SUGGESTION n. f. est emprunté (1174) au dérivé latin
suggestio, -onis « action d'ajouter » et « avis, inspiration ».
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Le mot désigne l'action de suggérer, puis en droit à l'époque classique le défaut d'un acte qui a été suggéré (v. 1660), surtout à propos d'un testament (1680).
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Une, des suggestions s'emploie couramment par métonymie au sens de « chose, idée suggérée » (1694) et, par extension, « idée que l'on propose, en laissant la liberté de l'adopter ou de la rejeter » (
XXe s.).
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Suggestion s'est spécialisé en psychologie (apr. 1850), désignant le fait d'inspirer à qqn un comportement, par le jeu de mécanismes psychophysiologiques où l'activité consciente du sujet n'intervient pas, d'où
suggestion (mentale) « télépathie » (1884) et
suggestion hypnotique (1888).
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Le dérivé SUGGESTIONNER v. tr. a signifié « influencer par suggestion » (1440-1475, isolément). Repris au XIXe s. (1838), il signifie aussi « faire penser ou agir par la suggestion » (1888 ; 1895, pron.).
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Il a fourni SUGGESTIONNEUR, EUSE n., didactique (1884), qui a remplacé suggesteur (v. 1630) et qui se dit d'une personne qui utilise la suggestion à des fins thérapeutiques, et SUGGESTIONNABLE adj. (1917).
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Le composé AUTOSUGGESTION n. f., didactique, « suggestion exercée sur soi-même, volontairement ou non » (1887, auto-suggestion), a produit S'AUTOSUGGESTIONNER v. pron. (1890).
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SUGGESTIBLE adj. « influençable par suggestion » (1888), dérivé savant de suggestion, a produit SUGGESTIBILITÉ n. f. (1887) ; ces deux mots sont didactiques.
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SUGGESTIF, IVE adj. est la francisation (1857 ; après un emploi isolé fin
XVIIIe s. dans le contexte érotique) de l'anglais
suggestive « qui suggère » (
XVIIe s.), dérivé de
to suggest, formé à partir du supin du verbe latin.
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L'adjectif s'applique à ce qui a le pouvoir de suggérer des idées, des images, des sentiments. Il qualifie spécialement (fin
XVIIIe s. ; repris 1889) ce qui suggère des idées érotiques, cette valeur, que n'ont pas normalement
suggérer et
suggestion, détachant par le sens l'adjectif du reste de la série.
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SUGGESTIVITÉ n. f. (1904) est didactique.
SUICIDE n. m. a été formé savamment (1734), d'après homicide*, du latin sui « soi », génitif du pronom personnel réfléchi se (→ se) et de -cide (→ homicide, régicide), qui tend à devenir un suffixe au XVIIIe siècle.
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Le mot désigne (1734) l'action de causer volontairement sa propre mort et constitue un nom d'action pour le réfléchi se tuer.
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Il a signifié « personne qui se suicide, s'est suicidée » (1765, un suicide n. m. ; 1788, une suicide, n. f.), sens remplacé au début du XIXe s. par suicidé, ée, substantif.
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Le mot est rare et discuté jusqu'à la fin du XVIIIe s. et on lui préfère homicide de soi-même (Voltaire, Du suicide ou de l'homicide de soi-même, 1739).
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L'adjectif, appliqué à ce qui est relatif au suicide (1752), ne s'est pas maintenu ; au XXe s., il est remplacé par suicidaire.
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Par extension, suicide désigne le fait de risquer sa vie sans nécessité (1820) et, par figure (1790), l'action de se nuire. Le mot s'est employé (XIXe s.) au sens de « mort causée par la victime elle-même », seul enregistré dans Littré ; il incluait alors l'accident mortel, par exemple dans suicide par imprudence (Valéry, 1926, Rhumbs).
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Le dérivé
SE SUICIDER v. pron. (1795) a été considéré comme mal formé, l'élément
sui équivalant à
se (1842, Académie). On recommandait au
XIXe s.
suicider, intransitif.
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Il s'emploie au propre (1795) et au figuré (av. 1850). Par plaisanterie,
suicider qqn signifie « le tuer » (1819 ;
suicidé « assassiné », 1790), spécialement « le tuer en maquillant le crime en suicide » (1912).
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Du participe passé a été tiré SUICIDÉ, ÉE adj. qui a été substantivé (1795), remplaçant suicide dans ce sens (voir ci-dessus).
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SUICIDANT, ANTE adj. et n. s'est employé pour « qui tend au suicide » (1855, Goncourt).
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Le mot a été remplacé par SUICIDAIRE adj. et n. (1901), employé en parlant d'un comportement, d'une personne ou de choses. Il se dit aussi par figure de ce qui mène à l'échec (XXe s.), ce sens devenant de loin le plus usuel (un comportement suicidaire).
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Le composé
ATTENTAT-SUICIDE n. m. (2001) s'applique à un attentat terroriste où l'auteur est la victime volontaire des explosifs qu'il ou elle déclenche.