SUPERSTITION n. f. est un emprunt savant (1375) au latin superstitio, -onis opposé à religio « scrupule religieux » (→ religion), par figure « observation trop scrupuleuse », par métonymie « objet de crainte religieuse » et « culte religieux, vénération », d'où la valeur dominante de « pratiques superflues » ; par ailleurs, les Anciens ont défini le mot étymologiquement comme une pratique religieuse ayant pour but d'obtenir des dieux une postérité.
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Superstitio dérive de superstare « se tenir au-dessus », « surmonter », « dominer » ; à basse époque, le verbe a signifié « survivre », sous l'influence sémantique de son dérivé superstes, -itis « qui demeure au-dessus », d'où le sens devenu courant de « qui survit ». Superstare est composé de super « au-dessus, par-dessus » (→ super-) et de stare « se tenir debout », « être immobile » (→ ester).
❏
Introduit au
XIVe et répandu à partir du
XVIe s.,
superstition désigne des croyances et des pratiques de nature irrationnelle vis-à-vis du sacré ; en ce sens le mot peut s'appliquer à l'idolâtrie, à la magie, à l'occultisme, etc., opposé soit à la « vraie religion », soit à la raison critique, selon l'idéologie de l'époque.
■
Depuis le XVIe s. (attesté 1573), superstition possède la valeur, plus courante, de « croyance au pouvoir (bénéfique ou maléfique) de certains actes, de certains signes » (1573), d'où « présage que l'on tire de certains accidents fortuits » (1690). En parlant de croyance religieuse, le mot s'emploie au sens étymologique d'« excès de scrupule » (1611), puis par extension à propos d'un excès d'exactitude, de soin, dicté par la superstition, qu'elle soit de nature religieuse ou profane (1694, superstition des reliques, du nombre 13). De là vient le sens plus large d'« attitude irrationnelle, magique » en quelque domaine que ce soit (1742, Voltaire). À la même époque, le mot désigne (XVIIIe s.) l'ensemble des traditions religieuses, des préjugés contraires à la raison, opposé à la philosophie, aux Lumières et rapproché du fanatisme.
❏
SUPERSTITIEUX, EUSE adj. et n. est emprunté (1375) au latin
superstitiosus adj. « superstitieux », « prophétique », dérivé de
superstitio.
■
Le sémantisme du mot est analogue à celui de superstition ; l'adjectif se dit d'une personne qui a de la superstition (1375), notamment qui voit des signes favorables ou néfastes dans certains faits, et de ce qui manifeste de la superstition (1377) en parlant d'une pratique, d'une action.
◆
Il est substantivé (1589) pour « personne superstitieuse ».
◆
Par analogie, superstitieux s'est appliqué (1541) à un sentiment inspiré par un excès de scrupule ou de soin.
■
L'adjectif a fourni SUPERSTITIEUSEMENT adv., d'usage littéraire, signifiant « d'une manière superstitieuse » (1516) et aussi « avec un scrupule excessif » (1611), sens disparu.
SUPERSTRAT → SUBSTRAT et langues romanes
SUPIN n. m. est emprunté au XIIIe s. (v. 1245) au bas latin des grammairiens supinum (IVe s.), désignant les formes en -um et en -u du verbe latin ; c'est le neutre substantivé du latin classique supinus « penché en arrière », spécialement « couché sur le dos », « tourné en sens inverse, incliné (en parlant de lieux) » et par figure « paresseux, négligent ». L'adjectif dérive de sub indiquant un mouvement de bas en haut (→ sous, sub-). Supinus est à rapprocher du grec huptios « renversé en arrière », dérivé de hupo- « sous » (→ hypo-), correspondant à sub. L'adjectif du latin classique avait été emprunté (mil. XIe s.) par l'ancien provençal sopin adj. « couché sur le dos » et en moyen français sous la forme suppin « adossé » (1466).
❏
Le mot désigne (XIIIe s.) dans la grammaire latine un temps primitif du verbe latin utilisé comme substantif verbal et formé d'une désinence en -um (pour un complément de verbes de mouvement) ou en -u (pour les compléments de certains adjectifs) ; le participe passé en -us est formé sur le radical du supin, ainsi que l'infinitif et le participe futur. De nombreux supins servent à former les dérivés nominaux des verbes.
❏ voir
SUPINATEUR.
SUPINATEUR n. m. et adj. est un dérivé savant (1560, Paré) de supinatum, supin du latin impérial supinare « renverser sur le dos, en arrière », dérivé de supinus (→ supin).
❏
Ce mot d'anatomie désigne chacun des deux muscles de l'avant-bras qui permettent le mouvement de rotation, du dedans en dehors, de la main et de l'avant-bras (muscles supinateurs), puis, après la dénonciation de l'abus de langage que constitue l'expression long supinateur (P. Poirier, 1912), un seul de ces deux muscles, l'autre n'ayant pas la fonction décrite par l'étymologie.
❏
SUPINATION n. f. est emprunté (1635) au bas latin
supinatio « fait d'être renversé sur le dos », formé sur le supin de
supinare.
■
Le mot a désigné en médecine la position (d'un malade) couchée sur le dos. En physiologie, il se dit du mouvement de rotation de la main et de l'avant-bras.
SUPION n. m. est un emprunt (1769) à l'occitan provençal sipia, supi, du latin sepia (→ sépia, seiche), pour désigner une jeune seiche, en cuisine. Le mot, usuel en français de Provence et de la côte du Languedoc, s'est répandu en France par le vocabulaire de la gastronomie.
SUPPLANTER v. tr. est un emprunt (v. 1120) au latin classique supplantare, proprement « donner un croc-en-jambe », d'où « renverser » ; en bas latin ecclésiastique, ce verbe sert à traduire un verbe hébreu signifiant « attraper, tromper », dans le passage de la Genèse (XXVII) où Ésaü dit : « Est-ce parce que l'on a appelé Jacob qu'il m'a supplanté deux fois ? », Jacob venant de se faire bénir à sa place par leur père Isaac ; le texte hébreu introduit un jeu de mots entre le verbe (proprement « tenir par le talon ») et le nom de Jacob (ya῾qōb), que l'on a rattaché à l'hébreu ῾āqēb « talon ».
◆
En latin médiéval, le verbe a donc pris le sens de « prendre la place de (qqn) », « enlever, ravir » (v. 863). Supplantare est composé de sub (→ sous, sub-) et de plantare « enfoncer en terre avec le pied » (→ planter).
❏
En ancien et en moyen français, plusieurs formes sont francisées, formées avec plusieurs préfixes :
sosplanter, sousplanter, sorplanter (
XIIIe s.),
susplanter (
XIVe s.). Le verbe a eu le sens du latin classique « renverser, faire tomber » (v. 1120), encore relevé en 1611 ; il s'emploie aussi, du
XIIe au
XVIe s., dans des acceptions étendues également disparues : « reprendre » (v. 1200), « enlever frauduleusement, soustraire » (1
re moitié
XIIIe s.,
sousplanter), « soumettre, vaincre » (mil.
XIIIe s.,
sousplanter), « arracher, supprimer, détruire » (1275), « dompter » (
XIIIe s.).
■
Supplanter est repris en moyen français au latin ecclésiastique au sens d'« évincer (qqn), faire perdre à (qqn) son crédit » (XIVe s., susplanter ; 1452, supplanter), probablement d'après supplantateur (ci-dessous).
◆
Par extension, il signifie (1585) « éliminer (qqch.) en remplaçant (dans l'esprit de qqn, dans la faveur d'un public) » et s'emploie au pronominal (1694) s'agissant de personnes.
◆
Le sens de « tromper » (1611) est sorti d'usage au XVIIIe siècle.
❏
SUPPLANTATEUR, TRICE adj. et n. est la réfection d'après le latin (1485) de
sousplanteor (v. 1190,
n. m.),
suplanteor (mil.
XIIIe s.),
suerplanteor (1294), formes francisées du latin ecclésiastique
supplantator. Ce dernier, dérivé de
supplantare, fut créé par les traducteurs de la Bible pour gloser le nom de Jacob dans la Genèse (XXV) : « Après (la naissance d'Ésaü) sortit son frère, tenant dans sa main le talon d'Ésaü et on lui donna le nom de Jacob. »
■
De là vient le premier emploi en ancien français au sens de « celui qui fait tomber qqn d'autre », relevé jusqu'au XIXe siècle.
◆
Parallèlement se développe l'acception dérivée de « personne qui évince qqn de la place qu'il occupe » (1243, sousplanteor ; 1563, supplantateur) ; il est rare.
◆
La variante supplanteur (v. 1630), dérivée de supplanter, est attestée du XVIIe au XIXe s. (1842).
◈
SUPPLANTATION n. f. emprunte (
XIIIe s.,
sopplantation) le latin biblique
supplantatio, -onis au sens de « fourberie, fait de tromper ».
■
Le mot est reformé au XIXe s. (1800, supplantation), comme dérivé de supplanter, pour désigner l'action de supplanter et son résultat ; comme supplantateur, il est rare et didactique.
SUPPLÉER v. est la réfection (1305, F. e. w.) de l'ancien français souploier (v. 1200), emprunt francisé au latin classique supplere « compléter en ajoutant ce qui manque », « ajouter pour parfaire un tout », d'où « remplacer, jouer le rôle de ». En latin médiéval, supplere s'emploie pour « achever, accomplir », « valider (un acte) » (v. 750), « satisfaire (qqn) » (v. 720) et « procurer la subsistance à (qqn) ». Ce verbe est composé de sub marquant la position inférieure (→ sub-) et du verbe archaïque plere « emplir » qui ne subsiste qu'en composition et dans l'adjectif plenus (→ plein). Supplere, devenu °supplire en latin populaire, a fourni l'espagnol et l'ancien provençal (1350) suplir, le portugais suprir, l'italien sopperire.
❏
En ancien français, les premières formes empruntées semblent avoir subi l'attraction d'autres formes issues du latin
supplicare (→ supplier) ; on relève du
XIIIe au
XVIe s. les variantes
souppleer (1280),
suploier (1314),
soupplier (v. 1310),
soupplir (1320),
supplier (1380),
suplir (
XVe s.). La confusion résultant des formes homonymes
souploier « suppléer » et « supplier » a conduit à la réfection de ces deux verbes,
suppléer paraissant être dû à l'influence conjointe du latin
supplere, du français
supplier et de verbes comme
créer.
■
Les indécisions formelles se doublent jusqu'au XVIIe s. d'une évolution syntaxique, le latin supplere étant toujours transitif, et d'un glissement sémantique. Souploier est d'abord intransitif avec le sens matériel d'« abonder », « être fourni en abondance » (v. 1200), d'après le sens propre du latin. Cette acception ne s'est pas maintenue, le verbe réempruntant les valeurs dérivées du latin, en emploi transitif, par exemple souploier (qqn) de « fournir, procurer comme renfort (qqch.) à qqn » (1355), suplir (qqch.) à « fournir (qqn) de qqch. » (1584), suppléer « donner, accorder » (1650).
■
Au début du XVIe s., le verbe est repris avec les valeurs du latin classique supplere « mettre (qqch.) à la place de (ce qui est insuffisant), ajouter (ce qui manque) à » (v. 1310, soupplier), emploi encore connu, mais littéraire.
◆
Il s'emploie spécialement comme terme de grammaire (1549, supplier ; 1606, suppléer) pour « ajouter à (une phrase, un texte) ce qui doit y combler une lacune ». Au sens de « remplacer (ce qui manque) », « remédier à (un défaut, une insuffisance) », le verbe est d'abord transitif (1314, souploier) ; cette construction conforme au latin est condamnée par les grammairiens depuis le XVIIIe s., mais se maintient dans l'usage jusqu'à la fin du XIXe siècle. La construction transitive indirecte avec à, qui apparaît au XVe s. (1460, souploier a ; 1452, (il) supplest a « il remplace »), est réalisée au XVIe s. avec la forme moderne suppléer (1559) et se construit avec un sujet nom de chose au XVIIe s. (av. 1679).
Depuis le milieu du XVe s., un développement sémantique correspond pour suppléer à « occuper la place de (qqn), remplir sa fonction », qui semble résulter d'un latinisme de style (supplere locum alicujus), d'où suppléer le lieu de (qqn) [1440-1475] ; on trouve ensuite suppléer pour qqn (1636), suppléer au défaut de qqn (1690) — tous emplois disparus — la construction transitive moderne suppléer qqn n'apparaissant qu'au XVIIIe s. (1788) ; avec cette valeur, le verbe s'emploie aussi avec un complément nom de chose (fin XVIIIe s.). Le pronominal se suppléer est attesté au XVIIIe s. (1758). Ces extensions trouvent une application en politique et en administration, avec les nouvelles institutions révolutionnaires (d'où les dérivés, ci-dessous).
◆
Avec un nom de chose pour sujet, suppléer à correspond à « avoir la même fonction, la même utilité que (qqch.) » (1672).
❏
Les développements de
suppléer à la fin du
XVIIIe s., notamment sous la Révolution, en politique, ont entraîné la formation de deux dérivés.
■
Le participe présent SUPPLÉANT, ANTE adj. se dit d'une personne (1790) qui remplace qqn dans ses fonctions, en particulier (1835) d'une personne désignée à l'avance pour pallier l'éventuelle défaillance d'une autre (suppléants du maire). Le féminin est attesté au XVIIe siècle (1684, Mme de Maintenon). L'adjectif qualifie couramment une personne remplaçante (1807). Il s'emploie enfin comme terme de grammaire, qualifiant un terme qui en remplace un autre (verbe suppléant).
■
SUPPLÉANCE n. f. désigne (1791, Dictionnaire de la Constitution) le fait de remplacer qqn et la fonction de remplaçant, spécialement le remplaçant temporaire d'un agent, prévu par la loi.
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Il se dit aussi du fait de suppléer qqch. (1845), mais est alors didactique et rare, et n'est plus en usage en grammaire.
◈
D'autres mots sont pris à des dérivés latins.
■
SUPPLÉTIF, IVE adj. et n. m. est emprunté (1539) au bas latin suppletivus « qui supplée », dérivé de supplere, ou dérivé savamment à partir du radical de suppletum, supin de supplere.
◆
L'adjectif apparaît dans la terminologie juridique pour qualifier (1539) ce qui complète, remplit le rôle de ce qui manque (loi supplétive) ; il s'est utilisé dans le vocabulaire administratif de la Révolution (v. 1790), mais est sorti d'usage. En grammaire (1875), il se substitue à suppléant.
◆
Il prend une valeur spéciale au XXe s., qualifiant des forces militaires recrutées temporairement pour renforcer les forces régulières (attesté 1931, Mac Orlan) ; répandu en ce sens (v. 1955-1956) par la guerre d'Algérie, il est aussi substantivé (v. 1950).
■
SUPPLÉTOIRE adj., dérivé savant (1790) du latin suppletum ou emprunté au latin médiéval (rare) suppletorius, est un terme de droit signifiant « qui est déféré pour suppléer les preuves insuffisantes » (serment supplétoire).
◈
SUPPLÉMENT n. m., réfection (
XVe s.) de
supploiement (1313) par la forme
suppleement (v. 1370), est emprunté au latin classique
supplementum « fait de compléter, complément », notamment « effectif ajouté des armées » et « renfort, secours ». Il est dérivé de
supplere.
■
En moyen français, les variantes souploiement (1315), suppliement (1343), encore en 1530, témoignent de l'influence des formes anciennes de suppléer, longtemps confondu avec supplier (voir ci-dessus).
■
Le mot s'emploie d'abord pour « fourniture » dans l'expression faire plain suploiement de. Il fonctionne aussi comme substantif d'action de suppléer dans en suppleement de « en exécution de » (1322) puis dans suppliement « moyen d'exécuter qqch. » (1343), qui correspond à la forme ancienne supplier ; ces emplois ne se sont pas maintenus. Par ailleurs, apparaît à la même époque l'idée de surplus avec le sens de « ce qui est ajouté à une chose déjà complète » (1355, suppliement ; forme moderne, XVe s.), qui correspond à l'ancien provençal de suplement déjà attesté au XIIIe s. (1289). Avec cette valeur toujours vivante, le mot a eu des emplois spéciaux qui, eux, ont disparu : « quantité d'une marchandise fournie en surplus » (suplément, XIVe s.) et, comme en latin, « renfort de troupes » (1355, suploiement), jusqu'au XVIe siècle.
◆
Avec l'idée de compensation, supplément, d'après le verbe suppléer, désigne ce qui remplace qqch., en joue le rôle, spécialement (1683) ce qui sert à remédier à un défaut ; cette valeur a disparu.
■
C'est l'idée de chose ajoutée qui l'emporte au XVIIe siècle : supplément désigne (1627) une partie ajoutée à un livre pour compléter ce qui y manquait, notamment dans le titre d'ouvrages littéraires (1772, Diderot, Supplément au voyage de Bougainville), et par extension les pages indépendantes ajoutées à un journal (1835) ou à un dictionnaire.
◆
Le mot désigne aussi ce qui est ajouté à qqch. en complément, pour rendre égal (1690 ; supplément de partage, d'échange). C'est le nom (1723) du surplus de droit de douane frappant les marchandises dans certaines conditions, et ce fut celui d'une gratification accordée par le roi aux officiers (1752).
◆
En sciences, le mot entre au XVIIIe s. dans le vocabulaire de la géométrie pour désigner ce qu'il faut ajouter à un angle pour égaler deux angles droits (1765, supplément d'un arc ; 1792, supplément d'un angle).
◆
Supplément se dit en outre (1777) de la somme payée en plus pour obtenir un bien ou un service supérieur, notamment au théâtre (1835), dans un restaurant (1845, supplément au menu), dans les transports où bureau des suppléments désignait au XIXe s. (1835) un bureau où l'on échangeait les billets de chemin de fer. Dans ce domaine, le mot est usuel pour désigner un tarif augmenté (train avec supplément).
◆
La locution en supplément « en plus, en sus », d'abord attestée (1872) en parlant de personnes embarquées en surnombre sur un bateau, s'est généralisée avec des acceptions particulières, notamment « en payant un supplément par rapport à un prix fixe ».
■
Le dérivé SUPPLÉMENTAIRE adj. est introduit sous la Révolution (1792) avec le sens général et courant de « qui constitue un supplément, qui s'ajoute à qqch. » ; il se spécialise en droit dans jurés supplémentaires (1810), remplacé aujourd'hui par supplétif (ci-dessus) ou auxiliaire*, et en géométrie (1845, angle supplémentaire ; 1875, trièdre supplémentaire).
◆
Avec sa valeur générale, l'adjectif s'applique au travail, dans heures supplémentaires (déb. XXe s.), abrégé familièrement en heures sup « faites en plus de l'horaire normal et ordinairement payées à un tarif plus élevé », et dans les transports (mil. XXe s., train supplémentaire).
◆
En musique, lignes supplémentaires se dit des lignes qui continuent la portée en haut et en bas (1907).
◆
De l'adjectif procède SUPPLÉMENTAIREMENT adv. (1845), didactique au sens de « en formant un supplément », employé quelquefois par ironie pour « en plus, de plus » (1947, Aymé).
■
SUPPLÉMENTER v. tr., autre dérivé de supplément proposé par R. de Radonvilliers dans sa liste de néologismes (1845) et attesté dans l'usage à la fin du XIXe s., est un terme administratif employé au sens de « charger d'un supplément à payer » et par extension dans supplémenter un billet. Il se dit aussi intransitivement pour « payer un supplément » (XXe s.), cet emploi étant considéré comme fautif.
SUPPLICE n. m. est emprunté (1475) au latin classique supplicium « action de ployer les genoux », d'où « supplication aux dieux », « offrande (faite à cette occasion) », « prière à des hommes », et par ailleurs « punition, peine, châtiment », en latin chrétien « punition des damnés ». Le mot dérive de supplex, supplicis « qui se plie sur les genoux, se prosterne » et « qui supplie » (→ souple). Cet adjectif a d'abord désigné l'attitude physique du suppliant ; il est formé de sub (→ sub-) et de -plex, -plicis « qui se plie », rattaché au verbe plectere (→ plier, ployer).
❏
Le mot s'emploie très tôt (1480) dans un contexte religieux, dans l'expression
eternelz supplices « souffrances que subissent les damnés en enfer », devenue
supplices éternels (1694), et il s'emploie au singulier (1686) pour « damnation ». Avec cette valeur,
supplice s'emploie plus tard à propos de l'Antiquité et en mythologie, désignant les souffrances infligées aux hommes par les dieux, en punition des fautes, par exemple dans
le supplice de Tantale : Tantale, roi de Lydie, fut condamné par son père Zeus, pour avoir dérobé le nectar et l'ambroisie, à voir fuir sans cesse l'objet de ses désirs.
Un supplice de Tantale désigne (1842) l'impossibilité d'atteindre, malgré sa proximité, l'objet de ses désirs ; l'expression s'est imposée par un rapprochement entre
Tantale et
tenter.
■
Reprenant un sens latin, supplice désigne (1552), peu après l'ancien provençal supplici (1520), une peine corporelle grave infligée à un condamné par la justice ; dans la langue classique, le mot pouvait aussi se dire d'une peine légère.
◆
Le supplice (1569) ou le dernier supplice (1686) s'emploie spécialement pour « peine de mort », d'où mener qqn au supplice (1690). Par ailleurs, le mot s'emploie à propos des tortures infligées aux premiers chrétiens (1669). Le mot a désigné par métonymie l'instrument de la peine de mort, l'échafaud (1836).
◆
Supplice chinois « supplice très raffiné » (déb. XXe s.) fait référence aux tortures pratiquées dans l'ancienne Chine et s'emploie au figuré à propos de tourments cruels.
■
Par extension (1606), supplice désigne une souffrance très vive, physique ou plus souvent morale, comme torture et, par exagération (1656), une vive contrariété. De là viennent l'emploi littéraire pour parler d'une personne qui est une cause de tourments (1651), sorti d'usage, ainsi que des locutions comme être au supplice « souffrir beaucoup » (1661), par figure « être dans une situation pénible » (1669), et au figuré (1835) mettre qqn au supplice « le mettre dans un grand embarras » (Cf. l'évolution de gêne*).
❏
Le dérivé
SUPPLICIER v. tr. s'emploie par figure (1590 au p. p.) et au sens propre de « livrer (qqn) au supplice, mettre à mort par un supplice » (1610).
■
Ce verbe a fourni SUPPLICIÉ, ÉE adj. puis n. (1669), SUPPLICIANT, ANTE adj. (1862), littéraire mais à la mode dans le style fin de siècle au figuré, « qui fait souffrir intensément », et SUPPLICIATEUR, TRICE n. et adj. (XXe s. : 1938, A. Artaud), « personne, chose qui inflige un supplice », rare et littéraire.
❏ voir
SUPPLIER.
L
SUPPLIER v. tr. est une réfection (v. 1180, selon F. e. w. ; 1349, Machaut, selon T.L.F.) d'après le latin de sopleier (v. 1130), soupleier, issu du latin supplicare, proprement « plier sur les genoux », d'où « prier, supplier », « adresser des prières aux dieux » ; ce verbe est composé de sub marquant la position inférieure (→ sub-) et de plicare « plier, replier », qui a abouti à ployer* et a été emprunté sous la forme plier*. Il est apparenté à supplex (→ souple). Supplicare a fourni l'ancien provençal soplegar (v. 1180) « s'incliner devant qqn », verbe fréquent dans la poésie des troubadours et repris par l'ancien catalan (1306).
❏
En ancien français, le verbe qui provient du latin supplere (aujourd'hui suppléer*) a souvent pris la forme supplier, l'homonymie ne se réglant qu'au XVIe siècle. Supplier signifie dès l'origine « prier (qqn) en demandant qqch. comme une grâce, avec instance et soumission », d'où par exagération « demander avec instance (qqch.) à un supérieur ». La construction supplier qqch. à qqn (1373) a disparu, le verbe n'ayant plus pour complément qu'un nom de personne, supplier qqn de (fin XVe s.), que...
◆
En ancien français, le verbe a signifié aussi « rendre hommage à (qqn) en signe de soumission et d'humilité » (1160-1170, sopleier), « s'incliner, se courber » (v. 1175, soploier), « faiblir, s'attendrir » (fin XIIe s., souploer). Se supplier a signifié (1231) « faiblir ».
◆
Supplier Dieu signifie « l'invoquer avec humilité pour obtenir une grâce » (1678).
◆
Comme intensif de demander, supplier s'emploie par exagération pour « requérir avec insistance » (je t'en supplie...), souvent dans un contexte sentimental.
❏
SUPPLIANT, ANTE adj. et n. est une réfection (1377) de
sopleiant (1160-1170) qui signifiait en ancien français « humble », d'où
faire souploiant qqn « l'attendrir » (
XIIIe s.),
un souploiant désignant une personne qui s'incline en signe de soumission (1198).
◆
Le mot a désigné une personne qui fait une requête (1377,
n. m.), en particulier un prétendant (
XVe s.).
◆
Aujourd'hui l'adjectif s'applique à ce qui exprime la supplication (1538) et se dit d'une personne qui supplie (1596, comme nom ; 1680,
adj.).
◈
SUPPLICATION n. f. est emprunté (v. 1160, Benoît de Sainte-Maure ; puis v. 1260,
F. e. w.) au dérivé latin classique
supplicatio, -onis « prières publiques, actions de grâces rendues aux dieux ».
◆
Lié au verbe, le mot désigne d'abord une prière faite avec insistance et soumission ; il s'est employé pour « requête » (1549), notamment dans
lettre de supplication (1535 ; 1340, en ancien dauphinois).
◆
Comme terme de religion, il signifiait « actions de grâces faites publiquement à Dieu » (1538).
■
SUPPLICATIONS n. f. pl. désignait les remontrances que le Parlement pouvait adresser au roi (1762) et a repris le sens latin à propos de l'Antiquité romaine (1872).
◈
SUPPLIQUE n. f., réfection (1578), d'après
réplique, de
supplic n. m. (1340), avec influence de l'italien
supplica, est tiré directement de
supplicare.
■
Le mot désigne une demande par laquelle on sollicite une grâce, une faveur d'un supérieur (1340), emploi réservé aujourd'hui à un contexte historique, et dans le domaine religieux une pétition adressée au pape pour obtenir un privilège (1690).
◆
Par extension, supplique équivaut à « demande, prière » (1798), mais est vieilli par rapport à l'emploi correspondant de supplier.
❏ voir
SOUPLE, SUPPLICE.
1 SUPPORTER v. tr. est une réfection d'après le latin (1385) de soporter (v. 1190), emprunt francisé au latin classique supportare « apporter de bas en haut, transporter en remontant », « apporter, amener », en bas latin « tolérer, souffrir » et « aider, soutenir ». Ce verbe est composé de sub indiquant le mouvement de bas en haut (→ sub-) et de portare « transporter » (→ porter).
❏
Supporter a eu du
XIIe s. jusqu'à l'époque classique le sens d'« appuyer (qqn), prendre son parti » et spécialement « subvenir à ses dépenses » (1543). Cette idée de soutien s'exprime à nouveau au
XXe s. par anglicisme
(voir ci-dessous 3 supporter, v.).
◆
Avec une valeur figurée,
supporter signifie « avoir comme charge, comme obligation (financière, morale) » (1416), par extension avec un sujet nom de chose (
XXe s.).
◆
Il s'emploie avec une valeur concrète au sens de « soutenir (une chose pesante) », avec un sujet nom de chose (v. 1485), d'où « servir de support à qqch. » (1876).
■
Le verbe a repris une autre valeur figurée du latin et signifie (déb. XIVe s.) « subir de la part d'autrui (un comportement, une action désagréable) sans réagir, sans se rebeller », aussi avec que suivi du subjonctif (1559), de et l'infinitif, et à l'époque classique en construction absolue (déb. XVIIe s., supporter de qqn), sortie d'usage.
◆
Avec le même sens mais une autre construction, supporter qqn signifie « tolérer sa présence, malgré la gêne, l'irritation, etc. qu'on éprouve » (1385), aussi au pronominal se supporter (1660). De là, « subir (une épreuve, une souffrance physique ou morale) sans faiblir, avec constance » (fin XIVe s.), « éprouver (un sentiment intense) » (v. 1671) et par ailleurs « subir sans dommages (une action physique) », en parlant d'une personne (fin XVIe s.) ou d'une chose (1690).
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Par extension, supporter (qqch.) correspond à « considérer comme acceptable » (1538), spécialement en parlant d'une nourriture, d'une boisson (1751). Par figure, le verbe s'emploie en parlant d'une chose qui peut soutenir un examen, résister à une épreuve (av. 1778, supporter la critique).
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SUPPORTABLE adj. se dit de ce que l'on peut subir sans faiblesse (1385 ; puis v. 1500) ; l'adjectif s'applique aussi à ce que l'on peut tolérer moralement (1588)
[Cf. excusable] et s'emploie en parlant d'une personne (1768), qualifiant ce qui est acceptable, passable (av. 1778,
acteur supportable).
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Avec le sens ancien de
supporter, le mot a signifié « secourable » (
XVIe-déb.
XVIIe s.).
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Le contraire préfixé INSUPPORTABLE adj., emprunté (1312) au bas latin insupportabilis, en conserve le sens, appliqué à une situation qu'on ne peut endurer et employé à propos d'une personne (1680). Il se dit notamment des enfants turbulents et difficiles.
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En dérivent INSUPPORTABLEMENT adv. (1441), INSUPPORTABILITÉ n. f. (fin XVe s.), rare, et INSUPPORTER v. tr. (1864, Goncourt) « être insupportable à (qqn) », d'abord considéré comme incorrect par les puristes mais devenu usuel.
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INSUPPORTANT, ANTE adj., « irritable » (1534), est devenu très rare.
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Flaubert emploie INSUPPORTATION n. f., « difficulté à supporter qqn » (1872).
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SUPPORT n. m., déverbal de
supporter, a eu plusieurs valeurs du
XVe au
XVIIe siècle : « secours, assistance » (1458), « action d'accepter avec patience » (v. 1692). Dans un autre sens du verbe, il a signifié « action d'aider, de soutenir qqn » (1538) et a désigné une personne ou une chose qui sert d'aide, d'appui (1538).
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Toutes ces valeurs ont été supplantées par l'emploi concret pour désigner (1606) un élément matériel qui soutient un objet et le maintient dans une position donnée. Le mot s'emploie spécialement en héraldique (1636) à propos de figures d'animaux stylisés qui soutiennent un écusson. Plus couramment, dans divers domaines techniques, il désigne ce sur quoi une chose repose (1680) ou ce qui soutient une pièce dans une position de travail (1694), en particulier un élément sur lequel reposent les rails de chemin de fer (supports de rails) et, en cuisine, l'élément sur lequel on dresse des plats (1938).
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Par ailleurs, support désigne un substrat matériel (1762), notamment dans les arts graphiques ; de là viennent par extension support (publicitaire) « moyen matériel par lequel on diffuse un message » (v. 1964) et, en informatique, support (d'une information) « élément qui permet de recevoir, conserver et restituer une information, dans un système électronique » (v. 1968).
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Le mot entre dans le composé SUPPORT-CHAUSSETTE n. m. (XXe s., cette mode masculine semble avoir duré des années 1920 aux années 1950-1960). Le mot, en concurrence avec fixe-chaussette, désignait une bande élastique entourant la jambe au-dessus de la chaussette et la soutenant.
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2 SUPPORTER n. m. est emprunté (1846 en politique ; repris en sport, 1907) à l'anglais
supporter (
XVe s.) « partisan », « soutien », dérivé de
to support. Le mot désigne un partisan (d'un sportif, d'une équipe) qui manifeste son appui ; on a proposé de le franciser en
supporteur ou de le remplacer par
partisan. 3 SUPPORTER v. tr. est un réemprunt au verbe anglais
to support « soutenir, aider financièrement », puis au français ou directement au latin
supportare au
XIVe s. (1384 « tolérer ») qui a rapidement pris sa valeur actuelle (attestée aussi en moyen français). C'est l'anglicisme
2 supporter, n., qui a suscité une reprise de ce sens, d'abord en sport, puis, par exemple, en politique (usage courant en français québécois, de l'île Maurice, par le contact avec l'anglais). Bien que critiqué, cet emploi gagne du terrain en français d'Europe, pouvant créer des quiproquos avec le verbe français (
il ne supporte plus sa femme peut faire allusion à une pension alimentaire...).
SUPPOSER v. tr. est une francisation (v. 1120) d'après poser du latin classique supponere « mettre dessous », « mettre à la place », spécialement « substituer » en droit, et au figuré « soumettre », « subordonner » ; en latin médiéval, le verbe prend le sens de « mettre en gage » et celui de « faire une hypothèse », d'après le bas latin des grammairiens suppositivus, dérivé du supin du verbe. Ce dernier traduit le grec hupothetikos « hypothétique ». Supponere est formé de sub marquant la position inférieure (→ sub-) et de ponere « poser, placer » (→ pondre).
❏
Supposer s'est employé depuis le
XIIe jusqu'au début du
XVIIe s. au sens concret du latin classique « placer sous » ; en ancien français, il signifie aussi « soumettre à une juridiction, à une loi » (1278).
◆
Le verbe a eu le sens de « poser comme un fait établi » (
XIIIe s.), courant en français classique, mais éliminé par une autre acception : « admettre comme probable ou plausible, sans pouvoir affirmer de façon positive » (v. 1270), et « poser à titre d'hypothèse, n'impliquant aucun jugement mais servant de point de départ à un raisonnement, à une discussion », valeur où le verbe est d'abord suivi d'un attribut du complément (v. 1280,
supposer le problème résolu), puis employé avec un complément non qualifié (déb.
XIVe s.). Avec cette valeur,
supposer que peut être suivi du subjonctif (v. 1280) ou de l'indicatif (1678), quand on veut faire apparaître l'hypothèse comme un principe. Avec un sujet désignant une chose,
supposer signifie (1370) « comporter comme condition nécessaire ».
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À la Renaissance (1520), le verbe reprend en droit un autre sens du latin classique, « donner faussement comme authentique ». De là vient celui d'« attribuer (un enfant) à qqn dont il n'est pas né » (1552), et plus généralement le sens de « mettre (une chose) à la place d'une autre, par tromperie », d'où supposer qqch. à qqn « lui attribuer (qqch.) faussement » (1643) et supposer qqch. « donner comme prétexte » (1678). Ces valeurs, aujourd'hui disparues ou archaïques, ne subsistent que par le participe supposé et le dérivé supposition (ci-dessous) et en vénerie, le verbe signifiant (1678) « donner le change (à l'animal pourchassé) en lançant les chiens sur une autre voie ».
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Le passif être supposé s'emploie avec l'infinitif, pour « être censé », par influence de l'anglais. Être supposé de (et infinitif) existe en français du Québec.
❏
SUPPOSÉ, ÉE adj. est d'abord attesté dans les locutions
supposé que « en admettant que » (v. 1330) et
ce supposé « dans cette hypothèse » (fin
XIVe s.), aujourd'hui
cela supposé (1690).
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L'emploi dominant de l'adjectif est « qui est admis comme hypothèse » (1690).
◆
À l'époque classique,
supposé qualifie ce qui a été substitué à qqn ou qqch. d'autre (1538), d'où (1656)
enfant supposé, puis
testament supposé (1872).
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Supposé se dit sans idée de tromperie (1685) de ce qui n'est pas le vrai, par exemple dans
nom supposé « pseudonyme ».
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SUPPOSÉ prép., « en supposant » (av. 1679), est sorti d'usage.
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SUPPOSABLE adj. (1440-1475) est rare, même au sens intellectuel du verbe.
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SUPPOSÉMENT adv. (1971) est courant en français du Québec, avec un sens très voisin de prétendûment.
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PRÉSUPPOSER v. tr., formé avec
pré-* (v. 1370), signifie « supposer préalablement » ; le verbe, didactique, est resté vivant, subissant l'influence du participe
présupposé, plus courant.
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PRÉSUPPOSÉ, ÉE adj. et n. m. s'est employé à l'époque classique dans la locution présupposé que « en admettant que », remplacée par supposé que.
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Le mot a été repris au XXe s. au sens de « supposé d'avance » (v. 1960), devenant un substantif de valeur différente de préjugé. En linguistique, ce nom désigne (v. 1968) une information contenue dans un énoncé, en dehors du message proprement dit, et qui conditionne l'interprétation de celui-ci. Voir aussi présupposition, ci-dessous.
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SUPPOSITION n. f. est emprunté (1291) au latin impérial
suppositio, -onis « action de placer dessous », « substitution frauduleuse », en latin médiéval « hypothèse », dérivé de
suppositum, supin du verbe latin.
■
D'abord terme de droit, supposition a signifié « soumission », puis « conjecture de l'esprit qui suppose sans pouvoir affirmer » (XIIIe s.) et « hypothèse de l'esprit qui suppose sans juger » (v. 1370). Cet emploi, d'abord didactique, est devenu plus courant, voire familier et populaire, dans une supposition... (1872), une supposition que... (1825) « supposons que ».
■
Supposition a repris par ailleurs un sens du latin, désignant (1562), surtout à l'époque classique, l'action de substituer une personne ou une chose à une autre. Le mot s'emploie en droit (1636) pour parler de la production d'une pièce fausse donnée pour authentique et dans supposition de part (1640) ou supposition d'enfant « attribution à une femme d'un enfant dont elle n'est pas accouchée ».
◆
Le mot s'est employé en musique (1680) au sens de « dissonance passagère » ; à l'époque classique, il équivalait à « allégation fausse » (1690) et s'employait pour nommer l'attribution d'un ouvrage à un auteur auquel il n'appartient pas (v. 1700), d'où en droit supposition de nom « usurpation d'un nom » (1835).
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Le dérivé SUPPOSITIF, IVE adj., qui a signifié « hypothétique » (v. 1354), s'est employé dans mode suppositif « conditionnel », sorti d'usage, et s'est appliqué à ce qui est de la nature de la supposition (1829).
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PRÉSUPPOSITION n. f., de pré- et supposition et qui correspond à présupposer (ci-dessus), est littéraire au sens de « supposition préalable » (1306, puis 1570). Il a été repris en logique et en linguistique (v. 1968), comme présupposé.
❏ voir
SUPPOSITOIRE, SUPPÔT.
SUPPOSITOIRE n. m. est un emprunt (XIIIe s.) au bas latin suppositorium, terme de médecine, substantivation du neutre de suppositorius « qui est dessous », dérivé du latin classique suppositum, supin de supponere « placer dessous » (→ supposer).
❏
Le mot désigne, comme l'étymon, une préparation solide en forme de cône que l'on introduit dans le rectum, pour administrer un médicament ou provoquer des évacuations.
◆
Il est abrégé familièrement en SUPPO n. m. (XXe s.). L'étymologie n'y est plus ressentie.
SUPPÔT n. m. est la graphie moderne (1611) de suppost (XIVe s.), lui-même se substituant à suposta (v. 1298). C'est un emprunt au latin suppositus, participe passé de supponere « placer dessous », d'où « soumettre, subordonner », « mettre à la place faussement » (→ supposer).
❏
Le mot s'est employé de la fin du XIIIe à la fin du XVe s. au sens de « vassal, sujet de qqn ».
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Plus généralement, il désigne (v. 1380, suppost) un employé subalterne, sens vivant au XVIIe siècle. Le sens qui l'emporte est « personne qui en sert une autre et la seconde dans le mal » (fin XVIe s.) ; il correspond péjorativement à partisan, adepte (1611), surtout pour « adepte, soutien de Satan » (1566), notamment dans les locutions suppôt du diable (1611), suppôt de Satan (1662) « démon », par extension « personne méchante ». Suppôt de Bacchus « ivrogne » (1668) était plus ironique que péjoratif.
◆
Par ailleurs, suppôt a désigné (XIVe s., suppost), encore à l'époque classique, ce qui sert de base à qqch., en philosophie (av. 1662) la substance avec ses accidents ; dans cette acception sortie d'usage, le sens interfère avec celui de support, apparenté à portare et non à ponere.
SUPPRIMER v. tr. est emprunté (v. 1380, avec un sens obscur ; puis 1460) au latin supprimere « faire enfoncer, couler à fond », « arrêter dans son mouvement », par exemple l'ennemi, « arrêter pour soi au passage, détourner ». Ce verbe est composé de sub marquant la position inférieure (→ sub-) et de premere « presser » au propre et au figuré, qui entre dans la formation de nombreux verbes préfixés (→ comprimer, empreindre, exprimer, imprimer, opprimer, réprimer) et dont un dérivé intensif a donné presser*. Premere comprend un radical indoeuropéen °pr- et un morphème °-em- à valeur durative.
❏
Supprimer est emprunté (1460) dans un sens du latin, « arrêter (l'ennemi) ». Le verbe signifie aussi « rendre sans effet légal » (1481), puis « tenir (qqn) en sujétion » (1530) jusqu'au XVIIe s. (Cf. opprimer).
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Cependant, c'est l'idée de faire disparaître qui se développe, d'abord exprimée par suppression, et qui l'emporte. Supprimer signifie « recéler, cacher » (1549), « faire cesser de paraître (un écrit), empêcher d'être connu (une nouvelle) » (1552), valeurs sorties d'usage, la seconde se maintenant en droit, où supprimer équivaut (1647) à « passer sous silence ». Par extension, il s'emploie en médecine (v. 1560) pour « empêcher de se produire ». L'emploi général et courant semble s'implanter dans la 2e moitié du XVIIe s. (attesté 1680).
◆
Se supprimer est attesté au XVIIe s. au sens de « se suicider » (av. 1660) mais est rare avant le XIXe siècle ; supprimer qqn, « l'écarter (d'un emploi), le réduire à rien » (1680), a vieilli dans ce sens et correspond aujourd'hui à « faire disparaître (qqn) en le tuant » (1847).
◆
Supprimer qqch. s'emploie pour « faire disparaître (qqch.) en l'altérant, en le défaisant » (v. 1560, Paré, selon G. L. L. F.) et spécialement « faire cesser d'être dans un ensemble » (1690, supprimer un mot) ; en droit, supprimer un acte signifie « le dérober » (1690).
◆
Par exagération, supprimer veut dire (mil. XIXe s.) « réduire considérablement » (supprimer les distances).
❏
Le dérivé
SUPPRIMABLE adj. (1568), « qui mérite d'être mis hors de la société », s'applique à ce que l'on peut faire disparaître ; même dans cette seconde acception, il est rare.
◈
SUPPRESSION n. f. est emprunté (v. 1380, avec une valeur obscure ; puis 1468) au latin
suppressio, -onis « détournement », « étouffement » et « oppression », dérivé de
suppressum, supin du verbe latin.
■
Le mot, qui sert de substantif à supprimer, désigne (1468) l'action de mettre fin à qqch., sens repris dans édit de suppression (1872), expression employée en histoire à propos d'un édit supprimant un impôt ou une charge, sous l'Ancien Régime. Il a signifié « destitution (d'un fonctionnaire) » (1482), « fait de casser un officier » (v. 1600).
◆
Suppression s'est employé en droit à propos de l'action d'empêcher la diffusion d'une nouvelle (1468), d'où le sens de « fait d'empêcher de paraître (un écrit) » (1636), et dans suppression de part (d'enfant) consistant à faire disparaître la trace de son existence sur l'état civil (1690), puis suppression d'état, « par laquelle on rend impossible la preuve de l'état civil d'une personne » (1771).
■
Suivant l'évolution du verbe, le nom désigne l'action de faire disparaître qqch. (v. 1560, en médecine), puis qqn (1810). D'où l'idée de « tuer » (1831 chez Michelet).
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Il s'emploie aussi (1651) à propos de l'action d'enlever qqch. d'un ensemble et de la partie retranchée. On parle de suppression d'emplois depuis le début du XIXe s. (1810).
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Suppression, qui ne s'est pas maintenu au sens latin de « larcin, escroquerie » (1549), a désigné le fait d'évincer qqn auprès d'une femme (1662).
◈
SUPPRESSEUR adj. et n. m., mot didactique, est formé (mil.
XXe s.) sur le radical de
suppression et désigne ce qui supprime une réaction, spécialement une réaction immunitaire.
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IMMUNOSUPPRESSEUR n. m. (1967) équivaut à immunodépresseur*. IMMUNOSUPPRESSION n. f. se dit de la disparition des réactions immunitaires.
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SUPPRESSIF, IVE adj., autrefois appliqué à un remède qui empêche (le sang) de couler (1558), a été repris dans le vocabulaire politique sous la Révolution au sens de « qui supprime », par exemple la liberté.
■
Il s'emploie seulement comme élément de composition dans IMMUNOSUPPRESSIF, IVE adj. (mil. XXe s.) [→ immunodépresseur à immunité].
SUPPURER v. intr., réfection (v. 1560) d'après le latin de soupurer (v. 1270) et sospirer (1213), est emprunté au latin suppurare « engendrer un abcès » ; ce verbe est formé de sub, qui indique la position inférieure (→ sub-), et de pus, puris « humeur » (→ pus), qui se rattache à une racine indoeuropéenne signifiant « pourrir », comme le latin putere « pourrir » (→ puer) et le grec puon ou puos « pus » (→ pyo-).
❏
Suppurer signifie « laisser écouler du pus ».
❏
Il a fourni
SUPPURANT, ANTE adj. (1800).
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Le dérivé savant SUPPURATIF, IVE adj., « qui provoque la suppuration » (XIVe ou XVIe s., Chauliac), s'est appliqué à une partie du corps sujette à la suppuration (v. 1560).
◈
SUPPURATION n. f., « production et écoulement de pus » (
XIVe : v. 1370 ou
XVIe s., Chauliac), est un emprunt au latin
suppuratio de même sens, dérivé du supin de
suppurare.
■
SUPPURÉ, ÉE adj., reprenant le participe passé suppuratus du verbe latin, a signifié (1549, Amyot) « qui a des abcès purulents » ; l'adjectif s'applique (1845) à un abcès en cours de suppuration.
SUPPUTER v. intr. est un emprunt savant (1552) au latin classique supputare « évaluer » et en latin impérial « tailler, émonder », formé de sub marquant la position inférieure (→ sub-) et de putare au sens général de « purifier, nettoyer », spécialement « élaguer (un arbre) » et « épurer (un compte) », d'où « compter, estimer » et « penser, juger » (→ putatif) ; ces emplois ont été repris par les dérivés (→ amputer, compter).
◆
Il se peut que putare mêle deux racines distinctes, l'une signifiant « couper », l'autre « purifier, épurer », par exemple dans l'adjectif putus employé dans purus putus « pur et sans mélange », appliqué à l'argent.
❏
Supputer a d'abord l'un des sens du latin, « évaluer indirectement, par un calcul ». Il a signifié « considérer sous tous ses aspects » (1570), acception figurée de putare.
◆
Par extension, le verbe se dit pour « déterminer une donnée relative à la chronologie » (1674) et « estimer la valeur de (qqch.) » (1690). Plus largement, il a pris au XXe s. le sens d'« apprécier empiriquement (une situation, la probabilité d'un événement) ».
❏
SUPPUTATION n. f. reprend (1532) le latin médiéval
supputatio « estimation, calcul », dérivé du supin de
supputare.
■
Ce nom signifie « estimation d'une quantité » (1532), spécialement « calculs chronologiques » et désigne (1804) une estimation généralement appliquée à l'avenir, une hypothèse.