3 VAGUE adj. et n. m. est un emprunt ancien (1213, s'en aler vague par « rôder », puis v. 1300, n.) au latin classique vagus « qui va à l'aventure » et, au figuré, « inconstant, ondoyant », « indéterminé, indéfini » (→ 1 vaguer, vagabond). L'origine de vagus est inconnue ; le rapport avec vacuus n'est pas établi. Le latin avait abouti par voie orale à l'ancien français vai (adj.) « errant » (XIIIe s.) et « inconstant, frivole » (1226), disparu par suite de sa brièveté.
❏  Vague s'est employé d'abord comme nom, puis (v. 1375) comme adjectif au sens latin d'« errant, vagabond » jusqu'au XVIe siècle ; il a conservé jusqu'à la fin du XVIe s. les sens figurés de « langoureux, plein d'amour » (fin XIVe s.) et d'« inconstant, frivole » (1466, encore chez Malherbe) où il a éliminé la forme populaire vai (ci-dessus). ◆  L'adjectif s'applique à partir du XIVe s. à des idées, des sentiments imprécis (1316-1328), puis à un espace, à un lieu indéfini (1550), acceptions encore vivantes, un vague, n. m., désignant aussi un grand espace, un terrain indéterminé, emploi disparu. Cet emploi a été influencé par un adjectif homonyme (→ 4 vague). ◆  À partir du XVIIe s., l'adjectif qualifie ce qui ne peut être localisé précisément, en parlant d'une douleur, d'un malaise, etc. (1611). ◆  L'idée de « vaporeux, non défini » est réalisée en peinture par le substantif (le vague) au sens de « caractère léger, agréable » (1699), qui donne à son tour un adjectif (1745).
C'est le latin médiéval vagus, qualifiant le nerf pneumogastrique, à cause de ses ramifications dispersées, qui est repris dans nerf vague (1690) [Cf. ci-dessous vago-].
Au sens général, « imprécis », en parlant des idées, des sentiments, etc., le nom est attesté en 1754 ; le vague s'emploie ensuite spécialement pour « malaise indéfinissable de l'âme » (1802), sens qui s'est conservé dans la locution courante vague à l'âme (1830) ; du sens général viennent les locutions où le vague signifie « l'imprécision, l'infini » : se perdre dans le vague (1835), rester dans le vague (XIXe s.). ◆  L'adjectif, toujours avec l'idée d'« imprécision », s'applique aussi à ce dont le sens est incertain, ambigu ou obscur (1664 Nicole), ainsi qu'à une personne ou à une chose dont l'identité précise importe peu (1890), puis à un vêtement peu ajusté (1895).
❏  L'adverbe VAGUEMENT (1455) a des emplois parallèles à ceux de l'adjectif. Il est usuel pour « de manière imprécise, approximativement ».
■  VAGAL, AUX adj., terme d'anatomie (attesté 1926), est dérivé de vague ou du latin médiéval vagus, pour « relatif au nerf pneumogastrique », comme le premier élément VAGO- qui entre dans la composition de termes didactiques (physiologie, médecine), comme VAGOTONIE n. f. (1923) de -tonie, « prépondérance de l'activité du système parasympathique (du nerf vague) », VAGOTONIQUE adj. (1916) de -tonique, « chez qui l'activité parasympathique est dominante », VAGOLYTIQUE adj. (mil. XXe s.), de -lytique, « qui inhibe l'activité du système parasympathique ». Ces composés sont restés très didactiques, alors que des syntagmes comme syncope vagale, symptôme vagal sont plus connus du profane.
4 VAGUE adj. est issu (v. 1260) du latin classique vacuus « vide, inoccupé » et « libre », dérivé de vacare « être vide », « être libre, oisif » (→ vacant, vacuité). Vacuus, qui a aussi donné l'ancien provençal uac « oisif », est d'origine inconnue, mais on peut rapprocher l'initiale de vacuus de celle de vanus (→ vain) et vastus (→ vaste) ; le sanskrit una- « incomplet », des mots germaniques (gotique, vieil islandais), le grec eunis « privé de » sont aussi évoqués.
❏  L'adjectif a d'abord qualifié une charge ecclésiastique dépourvue de titulaire (v. 1260 ; aussi vage, 1278). En ancien français, aler vage signifie « devenir vacant », en parlant d'un bénéfice (1323). ◆  Il se dit ensuite (1307 ; 1342, vaque) pour « inhabité, dépeuplé » en parlant d'une maison, d'une région, sens disparu. ◆  Les emplois anciens de terre vague (dep. 1266) correspondent au sens de « vide » (v. 1260) ; comme le substantif le vague (déb. XVIIe s., M. Régnier) pour « espace vide », ils sont sortis d'usage lorsque l'adjectif s'est employé spécialement en parlant d'une terre sans constructions et sans cultures dans une ville (1589). On a parlé de terres vaines et vagues, mais seul terrain vague (1811) est resté usuel en français de France (alors qu'on dit au Québec terrain vacant). L'homonyme 3 vague, qualifiant depuis le milieu du XVIe s. une terre mal définie, indéterminée, a interféré avec cet emploi.
? 5 VAGUE n. f., mot argotique (1889) signifiant « poche », est d'origine obscure. Il représente peut-être une abréviation de vaguenaude « poche », altération de baguenaude* ; il pourrait aussi être un emploi métaphorique de vague « vide » (→ 4 vague). Faire les vagues, « faire les poches (pour voler) » s'est employé au début du XXe siècle.
❏  Le dérivé 3 VAGUER v. tr., « faire les poches de (qqn) », est attesté à la fin du XIXe siècle.
VAGUEMESTRE n. m. est une adaptation (1678 ; 1667, selon Bloch et Wartburg) de l'allemand Wagenmeister « maître d'équipage », composé de Wagen « véhicule, équipage » (→ wagon) et de Meister « maître* ».
❏  Le mot a désigné jusqu'au XIXe s. (encore dans le dictionnaire de l'Académie, 1878) un officier subalterne chargé de veiller sur les équipages. ◆  Probablement par réemprunt (1825), il se dit du sous-officier chargé du service de la poste dans un régiment. ◆  En français d'Afrique, le mot désigne le préposé au courrier dans une administration civile, une entreprise.
1 VAGUER v. intr., réfection (v. 1380) de formes anciennes, comme vajer (fin XIIe s.), vaier (1213), issues du latin par évolution phonétique, puis vaquer (v. 1240), est un emprunt au latin impérial vagari « errer », dérivé du latin classique vagus « errant » (→ 3 vague) ou, selon P. Guiraud, l'aboutissement d'un gallo-roman °vagicare, dérivé de vagari, l'existence des formes anciennes et dialectales excluant selon cet auteur l'hypothèse de l'emprunt.
❏  Le verbe, aujourd'hui d'usage limité et littéraire, est d'abord relevé au sens latin d'« errer à l'aventure » ; il s'est employé pour « faire des incursions hors de ses frontières » (1213, vaier), de même que le verbe esvaier, issu (1356) du composé latin exvagari.
■  L'idée d'« aventure » explique que vaguer ait eu les sens de « se déplacer au hasard », en parlant d'une partie du corps (1490) et de « pousser au hasard » (1600, d'une plante), puis qu'il soit employé pour « ne pas se fixer », en parlant des pensées (1573), de l'imagination (XVIIe s.), etc. ◆  Après cette époque, il sort d'usage, et ses emplois à partir du XVIIIe s. relèvent de l'archaïsme littéraire.
❏ voir DIVAGUER ; ENDÊVER, EXTRAVAGANT, RÊVER, VAGABOND ; 3 VAGUE.
2 VAGUER → 1 VAGUE
3 VAGUER → 5 VAGUE
VAHINÉ n. f., apparaît au XVIIIe s. sous les formes ainé (1771, Bougainville), wa'heine (1778, trad. de Cook), veheine, veheina (1778), ensuite sous la forme vehine (1875) puis vahiné (1893, Gauguin, Noa Noa), signifiant « femme » dans les langues du groupe polynésien.
❏  Le mot désigne une jeune fille ou femme de Tahiti. En français de Polynésie, se dit pour « épouse » ou « maîtresse ».
VAÏ → VA
VAIGRE n. f. (1678, altéré en bègre, 1634) est un emprunt maritime au néerlandais veger, pour désigner la planche qui revêt l'intérieur des membrures d'un navire.
❏  Le dérivé VAIGRAGE n. m., noté végrage (1752) semble plus vivant que vaigre et s'applique au bordage intérieur des membrures du navire, les protégeant des chocs. Le mot peut avoir la valeur active de « pose des vaigres ».
VAILLANT, ANTE adj. représente (v. 1050) l'ancien participe présent du verbe valoir*, formé sur la racine vaill- conservée par le subjonctif.
❏  L'adjectif a d'abord signifié « précieux », c'est-à-dire « qui vaut (beaucoup) », en parlant d'une chose, et s'est dit d'une personne d'un haut mérite, sens encore attesté au XVIIIe s. dans une traduction de la Bible. Il s'est ensuite employé pour « valant, ayant la valeur de », en parlant d'un denier, etc. (1080), d'où la locution n'avoir pas un sou vaillant « ne rien posséder » (1690), la variante n'avoir pas vaillant la maille (1690) ayant disparu.
■  Vaillant s'applique très tôt (1080) à une personne qui a du courage, aussi comme nom masculin (1080). L'adjectif est aujourd'hui littéraire, et le plus souvent remplacé par courageux, brave ; la devise de Jacques Cœur (à cœur* vaillant rien d'impossible), encore citée, a fourni l'appellation d'une organisation enfantine catholique voisine du scoutisme. Le nom est sorti d'usage.
■  Par extension de l'idée de prix, VAILLANT n. m. a désigné le bien de qqn (v. 1300) et, par analogie, les ressources morales ou intellectuelles d'une personne (fin XVIe s., Montaigne), acceptions sorties d'usage. ◆  Enfin, l'adjectif, depuis le milieu du XVIIIe s. (1766 ; une première fois en 1600), qualifie une personne qui a de l'ardeur au travail (sens vivant régionalement) et aussi une personne malade ou âgée qui est cependant capable d'agir.
❏  Le dérivé VAILLANCE n. f. a développé comme l'adjectif un double sémantisme. Il a désigné le prix de qqch. (v. 1160) et parallèlement le courage, la valeur guerrière (v. 1155). ◆  Du premier sens viennent des emplois disparus pour « équivalence » (v. 1174) et « redevance » (1285, vailhance). ◆  Du second procède une, des vaillances « action(s) de valeur, exploit(s) » (XIVe s.), usité jusqu'au début du XVIIe siècle. ◆  Vaillance prend au XIXe s. (1858, G. Sand) le sens de « persévérance courageuse ».
■  VAILLAMMENT adv. (v. 1300), d'abord vaillantment (v. 1120) « courageusement », s'est employé sous la forme refaite d'après valant, valentement (1540) pour « vigoureusement ».
■  VAILLANTISE n. f., d'abord vaillentise « bravoure » (1213) et « acte de bravoure » (XIIIe s.-XIVe s.), est relevé jusqu'à la fin du XVIIe s., où il était considéré comme un mot du vocabulaire burlesque, ce qui veut dire qu'il était employé comme archaïsme dans des œuvres parodiques du passé.
VAILLANTIE n. f. est l'adaptation française (1805) du latin des botanistes valentia, créé par Tournefort en 1706 et corrigé plus tard en vaillantia par De Candolle (1805), le mot latin rendant hommage à S. Vaillant.
❏  Ce mot dénomme une plante herbacée (Rubiacées) poussant dans les lieux arides, et portant des fleurs blanches ou jaune très clair.
VAILLE (QUE VAILLE) → VALOIR
L VAIN, VAINE adj., attesté au XIIe s. sous les formes vein (v. 1120) et vain (1119, estre en vain), est issu du latin classique vanus, « vide, dégarni », puis « creux, sans substance » appliqué aux choses, puis aux personnes et par extension « mensonger », « trompeur », « vaniteux ». Vanus, analysable en °was-nos, appartient à une famille de mots indoeuropéens à w- initial, exprimant l'idée de vide, de privation, qu'on retrouve dans le sanskrit una « qui manque de », le grec eunis « privé de », l'ancien haut allemand wuosti « vide », l'irlandais fas « vide », etc. et le latin vacare (→ vaquer), vastus (→ vaste) et peut-être vacuus (→ 4 vague).
❏  L'ensemble des valeurs du latin est repris dès l'ancien français. Vain s'applique à ce qui est sans fondement, illusoire (v. 1120, vein ; v. 1172, vain), d'où la locution disparue estre vain à qqn « être sans valeur pour qqn ». En ce sens, le mot a été employé comme nom à l'époque classique, par exemple dans sans faire le vain « sans vanité » (déb. XVIIe s.) ; faire le vain « se vanter de qqch. » (1690), qui était encore en usage à la fin du XIXe s., ou encore par être vain de qqch. « s'en vanter » (v. 1700). ◆  L'adjectif s'est aussi employé (v. 1130) pour « faible, épuisé » en parlant d'une personne, et a conservé ce sens jusqu'au XVIIe siècle. De l'idée de faiblesse, vient par métonymie le sens d'« étouffant », en parlant du temps, du climat (1419), en usage jusqu'à la fin du XVIIIe s., et celui de « sans force » (1520, voix vaine) ; ces acceptions ont disparu après l'époque classique. ◆  Il se dit aussi d'une personne légère, inconstante (1165-1170 ; 1318 comme nom, sorti d'usage) et aussi fière de soi sans raison de l'être (1180), d'où par métonymie vaine gloire « orgueil, vanité » (1170, veine gloire) ; ces emplois sont encore vivants dans un usage soutenu. ◆  Au XIIIe s., vain reprend le sens latin de « vide, dégarni », d'où l'emploi pour « dévasté, ruiné » (fin XIVe s.) ; restent de ce sens vaine pâture (1611), d'abord veinne pasture (1264) « terre sans semences ni fruits », puis vaine pâture « terre où les habitants d'une commune peuvent faire paître leurs bestiaux » (1762, mais le verbe disparu vain pasturer est attesté dès 1594). Dans ce sens, l'adjectif est voisin de 3 vague (terres vaines et vagues).
■  L'emploi courant, où l'adjectif s'applique à ce qui est dépourvu d'efficacité, inutile, apparaît au XIVe s. L'adjectif s'applique, depuis le XVIe s., à ce qui est sans valeur, futile (1538, d'un amusement).
La locution adverbiale en vain (1119) reprend le latin in vanum « pour rien, inutilement » ; le plupart de ses emplois, très nombreux en ancien français, ont disparu. En vain apparaît dans estre en vain « ne pas correspondre à la réalité » (1119), et avec le sens encore courant aujourd'hui de « inutilement » (v. 1120). La locution s'est aussi employée pour « faussement » (1165-1170), « dans le vide » (1165-1170, frapper en vain), « seul, abandonné » (1200, estre en vain) et « sans être rétribué » (1226). Avec le sens de « sans nécessité », en vain entre dans jurer le nom de Dieu en vain (XVIe s. ; 1375, jurer le non [nom] de Dieu en vain) « employer dans un serment le nom de Dieu sans nécessité ». En français classique et moderne, en vain a perdu ses acceptions spéciales et ne garde que l'acception d'« inutilement ».
❏  VAINEMENT adv., sous les formes veinement (v. 1120), et vainement (fin XIIe s.), signifie depuis l'ancien français « inutilement ». En outre, il s'est employé (fin XIIe s.) jusqu'au milieu du XVIIIe s. au sens de « avec vanité », emploi devenu archaïque ensuite.
VANITÉ n. f., substantif correspondant à vain, a été emprunté (v. 1120) au latin classique vanitas, -atis « vaine apparence », « frivolité, légèreté » et « fanfaronnade », dérivé de vanus.
■  Le nom équivaut d'abord à « désir de se faire louer, amour-propre frivole », sens aujourd'hui courant, d'où viennent son emploi pour le caractère d'une personne (1580) et la locution tirer vanité de « se vanter, être fier de » (1788). ◆  Il s'est aussi employé au sens de « faiblesse du corps, défaillance » (v. 1170), encore au XVIIe s. en parlant des chevaux (1637, vanité de corps). Cet emploi correspond à une acception disparue elle aussi de l'adjectif vain. ◆  Vanité a désigné le caractère de ce qui est illusoire (XIIIe s., vanité des vanités, trad. de la Bible latine), d'où vanités du monde (XIVe s.), emploi littéraire. ◆  Une vanité désigne spécialement (XVIIe s.) une image évoquant la vanité des occupations humaines et la précarité de l'existence ; ce type de représentation picturale était en vogue aux XVIe et XVIIe siècles. ◆  La forme vaineté était dérivée de vain ; elle est encore attestée au XVIe s. au sens de « faiblesse » (1555, entrer en vaineté extrême, en agonie) et au XVIIe s. (1636).
Du premier sens, toujours usuel, de vanité vient VANITEUX, EUSE adj. (1735) « plein de vanité », d'où un vaniteux (1798). ◆  Le dérivé VANITEUSEMENT adv. (1773) semble inusité avant le XIXe siècle (1831, Balzac).
VANITY-CASE n. m. est un emprunt (1965) à l'anglo-américain (1922), composé de vanity « chose futile », emprunté au XIIIe s. au français vanité ; vanity est employé également pour désigner une table de toilette, un nécessaire de dame. ◆  Cet anglicisme désigne une mallette ou un sac rigide utilisé pour les objets de toilette féminins.
L VAINCRE v. tr. est l'aboutissement (v. 1130) d'une série de formes issues du latin classique vincere « l'emporter dans un combat, une lutte », aussi employé au figuré, la première étant veintre (v. 880, sainte Eulalie). Obtenue par retour au son k du latin, conservé aussi dans la variante en -ir : vainkir (v. 1190), vainquir (v. 1370), la forme vaincre s'est imposée et a éliminé les autres au cours du XVe siècle. ◆  Le latin vincere se rattache, comme l'ancien haut allemand ubar-wehan, le gotique weihan, le vieil anglais wigan, à une racine dont le sens général est « combattre ».
❏  Le verbe est d'abord relevé (IXe s.) au sens figuré de « persuader (qqn) », acception encore en usage au XVIIe s. (1661, Corneille, se laisser vaincre) et remplacé plus tard par convaincre*. ◆  Il signifie aussi (v. 980) « avoir l'avantage (sur qqn) dans un combat », « l'emporter par les armes » (1080). ◆  C'est l'idée de « surmonter par une lutte » qui domine dans les emplois figurés postérieurs. Vaincre équivaut aussi (1125) à « être plus fort que (une force naturelle, une réalité puissante) » (v. 1176), « faire reculer » et à « l'emporter sur (un adversaire) dans une compétition pacifique » avec une idée d'émulation (v. 1150). Le verbe s'emploie en particulier quand on parle de surmonter une passion (v. 1276), de faire disparaître un obstacle (v. 1357). Au sens psychologique de « surmonter ses passions », on emploie aussi se vaincre (1601).
❏  VAINCU, UE adj., tiré du participe passé, s'applique (v. 1145) à la personne qui a subi une défaite d'où vaincu n. m. (XIIe s.), qui entre dans l'expression malheur aux vaincus (1690), traduisant le latin vae victis. L'adjectif qualifie aussi la chose dont on est venu à bout (XVIIIe s., difficulté vaincue). ◆  L'adjectif s'est employé pour « convaincu* » (1669, Racine) ; il a pour contraire INVAINCU, UE adj. (1495), usuel en français classique, devenu ensuite littéraire.
VAINQUEUR n. et adj. m. désigne la personne qui a vaincu dans un combat (v. 1120, aussi adj.) ; le féminin vainqueresse, attesté au XIIIe s., est rapidement sorti d'usage. ◆  Le nom s'est utilisé spécialement au sens de « personne qui a réussi à inspirer de l'amour à une autre » (1550), encore attesté au XIXe s., et employé aussi comme adjectif (1669). Il se dit pour « gagnant » (1555), d'où un air vainqueur (1713), devenu ironique.
❏ voir CONVAINCRE, ÉVINCER, ÉVICTION, INVINCIBLE, VICTOIRE.
L VAIR adj. et n. m. est issu (1080) du latin classique varius « moucheté, tacheté, bigarré », surtout en parlant de la peau ; l'adjectif qualifie dans la langue rustique une terre arrosée en surface et, au sens moral, s'emploie pour « varié, divers » et « inconstant, irrésolu ». Varius, dont l'origine n'est pas éclaircie, a été mis en rapport avec varus « bouton », qui expliquerait le premier sens (→ varier).
❏  Vair, d'abord adjectif, qualifie une couleur indécise des yeux, neutralisant l'opposition « bleu » - « marron » et correspondant à « gris vert » ou « gris bleu », sens conservé en moyen français. La même idée de varié, non fixé, se retrouve dans les emplois de l'ancien français pour « bigarré » (en parlant d'une étoffe, d'une fourrure) (1150), et « changeant, luisant », à propos des reflets de l'acier (v. 1165). Par ailleurs, l'adjectif s'est appliqué en ancien français à une personne, avec le sens de « variable, inconstant » (v. 1170). ◆  VAIR n. m. a désigné dès le XIIe s. la fourrure d'une espèce d'écureuil, le petit-gris, aux couleurs variées (v. 1165 ; v. 1138, veir), d'où l'acception « fourré avec la peau du petit-gris » (v. 1155), en parlant d'un vêtement, sens vivant jusqu'au XVIIe siècle, tombé en désuétude à l'époque de Perrault qui écrit pantoufle de verre dans le conte de Cendrillon (1697). ◆  Par analogie, vair désigne en blason (v. 1180) une fourrure composée de petites pièces en forme de clochetons d'azur et d'argent alternés.
❏  VAIRÉ, ÉE adj., d'abord « bigarré » (v. 1130), est un terme de blason (v. 1229), « garni de vair ».
■  Le dérivé 1 VAIRON n. m., réfection (v. 1280) ; graphie rare (av. 1764) de veiron (v. 1165), veron (v. 1280), désigne un petit poisson d'eau douce, aux couleurs variées. ◆  En dérive VAIRONNER v. tr., terme technique de pêche (mil. XXe s.), d'où VAIRONNÉ, ÉE adj. (leurre vaironné).
■  2 VAIRON adj. m. apparaît (v. 1100) comme nom masculin pour désigner un cheval vair « bigarré », c'est-à-dire « tacheté ». Comme adjectif (1200), il qualifie un tel cheval et sa robe, puis (1690) un pelage animal de couleurs variées. ◆  Il s'emploie aussi en parlant d'yeux dont l'iris est cerclé de blanc (1555, veron) ou de couleurs différentes (1611).
❏ voir VARICELLE, VARIER, VARIOLE, VÉRAISON, VÉROLE.
L VAISSEAU n. m. est issu (v. 1120, veissel) du bas latin vascellum, « petit vase », « vaisselle », « urne funéraire », diminutif du latin classique vasculum « petit vase », « petite ruche » et en botanique « capsule », lui-même diminutif de vas « récipient (à liquides) » (→ 1 vase). À côté de veissel, on relève en ancien français les variantes vaissel (v. 1155, Wace), vassel (v. 1200, jusqu'au XVe s.), vessiau (1360) ; la forme moderne est attestée au XVe siècle.
❏  Les diverses acceptions sont liées à l'idée de « récipient ». En ancien français, le mot s'emploie en parlant d'un récipient quelconque, y compris une cuve, une tonne ou une futaille. Vaisseau désigne d'abord, comme vas (vase*), un cercueil (v. 1120), encore au XVIIIe s. dans quelques dialectes. Parallèlement, le mot est le terme générique signifiant « récipient pour les liquides » (v. 1150) ; en ce sens vaisseau a vieilli au XVIIe s., remplacé par vase, lui-même éliminé peu à peu par récipient.
■  Dans ce sens concret de « récipient », le mot a désigné spécialement une cuve (v. 1270), ceci jusqu'en moyen français (d'où le dérivé vaisselet « petit tonneau », XIIIe s.). Il s'applique ensuite (1501) à une mesure pour les grains, puis, s'agissant de liquides, est utilisé en alchimie et en chimie (1549), et ceci jusqu'au XVIIIe siècle. ◆  Par une métaphore ancienne, issue du latin vas electionis, on rencontre dès le XIIe s. vaissel d'election (v. 1190), puis vaisseau d'élection à propos d'une créature humaine choisie par Dieu en raison de sa pureté. On rencontre aussi les vaisseaux d'ire « les réprouvés » (1553) et vaisseau d'iniquité « méchant » (1644). Ces expressions à tonalité biblique étaient assez vivantes au début du XVIIIe s. pour susciter un emploi comme c'est un pauvre vaisseau « un malheureux, un bon à rien » (1704). Tous ces emplois sont sortis d'usage, le premier étant remplacé par vase d'élection. ◆  Par une métaphore différente mais qui correspond à l'idée du vaisseau (ou vase) d'élection, on a aussi employé en religion vaisseau virginal pour « le corps de la vierge Marie ». ◆  Par application concrète de cette notion religieuse, ou par métaphore du sens laïque, vaisseau s'est aussi dit pour « reliquaire » (XVe s.).
Par une analogie de forme et sans doute de construction avec les valeurs de « récipient en bois, tonneau » (ci-dessus), vaissel désigne (v. 1195) la coque d'un grand navire, concurrençant et remplaçant peu à peu nef*. Le mot désigne un navire de mer de grande taille (exprimée par une métaphore analogue : de fort tonnage), surtout un navire de guerre. Concurrencée en français moderne par bateau et navire, cette acception a subsisté plus longtemps dans des expressions comme vaisseau de haut-bord (1671), opposé à vaisseau de bas-bord (1690), d'un navire propulsé non seulement par voiles, mais par rames, ou encore vaisseau amiral (1680), remplacé plus tard par navire amiral.
■  Par analogie de forme, et comme nef*, le nom désigne (v. 1680) l'espace allongé que forme l'intérieur d'un grand bâtiment. ◆  Par métaphore, le vaisseau étant livré aux vents, le mot entre dans la locution le vaisseau de l'État (1789), Cf. nef. ◆  Brûler ses vaisseaux (1816) signifie figurément « prendre une décision en s'interdisant de revenir en arrière », par référence à la tactique de certains capitaines, comme Cortès, consistant à brûler leurs embarcations sur les rives ennemies, rendant impossible à leurs troupes toute velléité de retraite.
■  Le mot est repris (1960) dans vaisseau spatial (ou cosmique) pour désigner un véhicule destiné à l'exploration spatiale ; il existait pour « aéronef » au XVIIIe s. (1755 ; 1720, vaisseau volant).
■  Une toute autre analogie, fondée sur la contenance de liquides, conduit en médecine (1314, Mondeville) à l'emploi de vaisseau au sens de « canal, réceptacle où se trouvent les liquides organiques », l'idée de circulation n'apparaissant qu'au XVIIe siècle. C'est alors que vaisseau tend à remplacer veine, mot qui recouvrait les concepts actuels de veine et d'artère et l'ancien substantif vascule (→ vasculaire). Cette nouvelle valeur du mot est attestée en 1637 (Descartes), d'où vaisseau sanguin (1753). ◆  L'emploi analogique en botanique date de 1694. ◆  En anatomie animale, puis végétale, le nom, qualifié, sert de base à de nombreux termes (vaisseaux afférents, efférents ; chylifères... ; vaisseaux ligneux, etc.).
❏  Le composé VAISSEAU-ÉCOLE n. m. (XIXe s.) a désigné un vaisseau sur lequel vivaient les élèves de l'École navale (fondée en 1814), puis sur lequel ils faisaient une croisière en fin d'études ; on dit aujourd'hui navire-école.
❏ voir VAISSELLE.
L VAISSELLE n. f. est la réfection (XIVe s.) des diverses formes vessele (1138), vaissele (v. 1155), veiselle (1165), voiselle (1342), issues du bas latin vascella, pluriel de vascellum, diminutif de vas « vase » (→ 1 vase).
❏  Vaisselle désigne l'ensemble des plats, des couverts, qui servent à l'usage de la table, et surtout en ancien français les riches ustensiles de ménage, l'argenterie. Par métonymie (XVIe s.), une vaisselle a désigné une pièce de vaisselle. ◆  Le mot s'emploie en particulier dans vaisselle plate « faite avec une seule lame de métal » (1634), opposé à vaisselle montée (1634), puis « vaisselle de métal précieux » (XVIIIe s.) et dans des locutions disparues comme prendre garde à sa vaisselle « avoir soin de ses affaires » (1640), remuer la vaisselle de qqn « saisir ses meubles » (1690). ◆  La vaisselle ayant longtemps été en métal précieux, le mot s'est dit pour « argent » (1773, en « langue poissarde »), d'où une locution familière, d'abord en argot militaire sous l'Empire, vaisselle de poche « argent en pièces » d'où en argot du XXe s. vaisselle de fouille. ◆  Les plats et assiettes métalliques devenant l'exception, le mot désigne à partir du début du XIXe s. les assiettes, les plats en porcelaine, et les couverts (en métal). Dans ce sens, on dit set de vaisselle au Québec là où on emploie service en France.
Le mot s'applique notamment à tout le matériel de table qui doit être lavé, d'où les expressions courantes faire, laver la vaisselle et, par métonymie, l'acception « ensemble des ustensiles de cuisine et de table salis et à laver » (avoir une grosse vaisselle à faire). Le syntagme faire la vaisselle entraîne la valeur d'« opération de nettoyage des ustensiles de cuisine et de table » — d'où encore le composé LAVE-VAISSELLE n. m., équivalent de machine à laver la vaisselle et un certain nombre de syntagmes usuels en français du Québec, comme savon à vaisselle (détergent liquide ou en poudre), linge à vaisselle (torchon).
■  Par analogie, il s'emploie en parlant de ce qui sert à un autre usage que la table. Ainsi, vesselle s'est employé pour « tonneau » (fin XVe s.), puis (1766) a désigné les ustensiles servant à la vendange, ensuite appelés vaisselle vinaire (1875).
❏  Le dérivé VAISSELIER n. m., attesté en ancien français (1295) au sens de « fabricant de vaisselle », désigne ensuite un meuble pour placer la vaisselle (1568).
❏ voir VASE ; VAISSEAU.
L VAL, VAUX ou VALS n. m. est issu (1080) du latin classique vallis ou valles « espace allongé entre deux zones élevées », puis par figure « creux, renfoncement », mot qui se rattache probablement à la famille de volvere (→ volte).
❏  Le mot, conservant le sens propre du latin, s'est employé au féminin dans des noms de lieux. Au XVIIe s. déjà, il appartenait au vocabulaire poétique (Richelet, 1680). Il s'emploie encore dans des expressions toponymiques (le Val de Loire, le Val d'Aoste → valdotain), parfois, en France, noms de départements (Val d'Oise, Val de Marne), noms de villes (Val d'Or, au Québec) et dans quelques locutions. ◆  D'autres locutions ont disparu : à val « en suivant la pente de la vallée » (v. 1150 ; → 1 aval) et, par vocalisation du l, à vau de (1564), aussi au figuré dans mettre à vau de route « dans la confusion » (1586). Seule a subsisté l'expression à vau-l'eau « en suivant le cours de l'eau » (1552, Rabelais ; aussi à val l'eau, 1629), d'où par figure être à vau l'eau « ne pas réussir » (1594), qui a cédé la place à aller à vau-l'eau (1676) « se laisser aller (en se dégradant) ».
❏  Le dérivé VALLÉE n. f. est la réfection graphique (v. 1315) de valede (1080), valee (1080, encore au XIVe s.), de même sens que val. ◆  Il s'est aussi employé en moyen français au sens de « descente » (XIVe-XVIe s.) [→ 1 aval ; ci-dessous dévaler], d'où à la vallée « en descendant » (chez Malherbe), sens que l'on retrouve aux XIXe et XXe s. dans le vocabulaire des mines (1835). ◆  Par métonymie, le mot désigne la région qu'arrose un cours d'eau (v. 1530 ; Cf. bassin). Il s'emploie par métaphore dans le vocabulaire religieux, dans vallée de larmes « vie terrestre » (v. 1120), rare avant le XVIIIe s. (1718). Le mot désigne aussi (av. 1794) les régions les moins hautes et à sol plat (fonds de vallées), par opposition aux pentes. ◆  Enfin, l'idée de descente se retrouve dans l'emploi argotique ancien pour « gosier », d'où « appétit » (1808).
VALLON n. m. a été emprunté à l'italien vallone « grande vallée », augmentatif de valle, qui correspond à val, et qui vient du latin classique vallum, ou bien repris à l'ancien occitan valon (1197), diminutif de val, du latin vallis.
■  Le mot est introduit (1529) avec le sens de l'étymon, mais le suffixe -on ayant en français une valeur diminutive, il prend rapidement le sens moderne de « petite vallée » (1564) ; en ce sens, l'ancien français avait employé le diminutif de val*, valet, n. m. (fin XIIe s.). ◆  Dans le vocabulaire poétique classique, le sacré Vallon (1658), le double Vallon (1660, Boileau) désignait le séjour des Muses, entre les deux croupes du Parnasse et, par extension, la poésie.
■  De vallon dérivent VALLONNÉ, ÉE adj. (1845) qui se dit d'un paysage de collines et de vallons, VALLONNEMENT n. m. (1845) « ensemble de vallons et de collines », VALLONNER v. tr. (1872), rare sauf au pronominal (1873).
VALLEUSE n. f. est un mot dialectal de Normandie, passé en français régional (attesté 1848 ; employé par Flaubert). C'est une aphérèse de avalleuse « descente de falaise », à côté d'avalure « pente raide » (avalure a aussi un sens technique, voir 1 aval). Le mot, qui est donc étymologiquement de la famille de 1 aval*, se rattache directement à celle de val par cette abréviation. Le mot désigne en Normandie maritime une petite vallée suspendue, aboutissant par une entaille de la falaise à la mer.
VALAT n. m. (1845), terme technique pour désigner une rigole qui draine les eaux de ruissellement, est emprunté à l'ancien provençal valat, n. m., « fossé » (XIIe s.), « vallée » (v. 1210), de même origine que val, par l'intermédiaire d'emplois dialectaux.
DÉVALER v., de dé- indiquant le mouvement de haut en bas, signifie « aller vers le bas, descendre rapidement » (v. 1155, intr.) avec une idée de rapidité ou de violence, aussi en emploi transitif par exemple dans dévaler la pente. ◆  En parlant d'un lieu, d'un chemin, il s'emploie pour « être en pente raide » (1690). ◆  Il est sorti d'usage au sens de « faire descendre (qqch.) » (fin XIIe s.), sauf dans un emploi technique et régional (Suisse) quand il s'agit de billes de bois (1592). Il s'est aussi employé pour « transporter (qqch.) en bas » (XVIIe s.).
■  DÉVALÉE n. f., d'abord « vallon » (v. 1190), désigne régionalement une descente (v. 1310) ou une pente (1660).
■  Avec ce dernier sens, DÉVALEMENT n. m. (XIIIe s., « action de descendre qqch. ») ne subsiste que dans un usage littéraire.
■  DÉVALANT, ANTE adj., du participe présent, n'est attesté qu'à partir du XIXe s. (Chateaubriand).
■  DÉVALOIR n. m. est lié à la valeur technique du verbe et est d'usage régional (1869).
❏ voir 1 AVAL ; peut-être VAUDEVILLE.
VALABLE → VALOIR