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Au milieu du
XIIe s.,
varier reprend comme verbe transitif les sens latins ; il signifie « donner à (qqch.) plusieurs aspects divers », « rendre (plusieurs choses) nettement distinctes ». Le verbe s'emploie aussi intransitivement (v. 1190) pour « se modifier, changer » (d'une personne, d'une chose). En emploi pronominal (v. 1180), c'est l'aspect négatif du changement qui avait été retenu,
se varier équivalant à
se corrompre ; cette valeur a disparu.
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On relève en ancien et en moyen français de très nombreux emplois, en construction transitive ou intransitive, où l'idée de « changer » se développe, en particulier dans le domaine moral ; la plupart sont sortis d'usage,
varier ayant été supplanté par d'autres verbes (souvent par
changer) et n'étant plus usité au pronominal. C'est la même idée de changement que l'ancien provençal
variar (v. 1210) transmet en particulier à propos des changements dans la langue : « soumettre (une langue) aux changements fonctionnels » (v. 1220) et « modifier les données métriques (d'une strophe) » (v. 1350).
Varier s'est employé pour « hésiter, vaciller », attesté isolément au XIIIe s., puis normalement à la fin du XIVe s. (varier a). Cette acception a disparu à la fin du XVe siècle. Varier qqch. s'est dit (v. 1250) pour « contester », sens propre à l'ancien français.
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Se varier a ensuite signifié « changer d'avis » (1316), sens assumé plus tard par l'intransitif varier en qqch. (apr. 1375).
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Le verbe s'est employé, toujours à l'intransitif, pour « changer en mal » (1340-1370), « s'affaiblir » en parlant de la foi, de la raison, « agir mal » (v. 1380).
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Une autre acception issue de l'idée spatiale de changement aboutit à un emploi transitif, varier le pays « le parcourir » (1350-1370) et à varier, intr., « aller çà et là » (XVe s.).
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Ce sont les idées de contradiction et d'hésitation qui dominent certains emplois, également sortis d'usage, qui ont eu cours du XVe ou du XVIe s. jusqu'au milieu du XVIIe siècle. On relève depuis le XVe s. varier la volonté de qqn « le contrarier », varier envers qqn « être différent de qqn », se varier « changer de sentiment » ; varier de qqch. s'est dit pour « douter de qqch. » (v. 1450 ; 1559, varier ses pensements « ne savoir que penser »). Varier, intransitif, pour « être inconstant », serait encore compris (souvent femme varie...), mais l'emploi moderne a des nuances différentes, plus intellectuelles.
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Aux XVIe et XVIIe s., se varier (1530) et varier (1549) ont été employés pour « se contredire », spécialement dans le domaine juridique (1539, varier contre une partie, dans un procès). Dans un des rares emplois concrets relevés alors, varier a signifié (1611) « ne pas avoir la main sûre ».
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L'idée de modification (1654, se varier « se modifier ») se spécialise avec le sens (1694) de « s'écarter, ou se rapprocher, du nord », en parlant d'une aiguille aimantée.
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À la fin du XVIIe s. est attesté un emploi à propos du discours, varier la phrase signifiant « dire la même chose en des termes différents ». Un peu plus tôt varier « changer de discours » avait pris la valeur péjorative de « se contredire, dire n'importe quoi » (1636).
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Le verbe se dit également (1694) pour « présenter des changements importants », en parlant des avis qu'ont plusieurs personnes ou une seule personne successivement.
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Varier a ensuite en sciences (1727) la valeur de « prendre plusieurs valeurs différentes entre des limites ».
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Le verbe entre aussi dans le vocabulaire de la musique (1765), varier un air se disant pour « broder sur un air sans en changer le motif » (Cf. variation).
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Il est ensuite employé en grammaire (varier en genre, en nombre), en opposition à invariable, puis (1812) au sens plus général de « présenter des différences, qualitatives ou quantitatives, indépendantes du temps ou de l'espace ».
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VARIÉ, ÉE adj. représente le participe passé latin
variatus, ses valeurs correspondant d'abord à celle de
vair* ; l'adjectif s'applique en effet à un animal tacheté (v. 1165,
veirié), puis à une partie de l'écu chargée de vair (v. 1225,
vairiet) et est employé en orfèvrerie pour « niellé » (1341,
verié, d'où le verbe disparu
verer, 1398).
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Varié reprend ensuite les valeurs de
variatus, restant dans ses premiers emplois (fin
XIVe s.,
variet) un terme de blason.
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La plupart des autres acceptions s'articulent avec celles du verbe
varier. On relève ainsi
estre varié en soi « changer d'avis » (
XVe s.) et, à partir du
XVIe s., les valeurs modernes : l'adjectif, au pluriel, qualifie des éléments différents les uns des autres (
XVIe s.), puis s'applique à ce qui présente des aspects, des éléments différents, « orné de différentes couleurs » (1671) ; il s'emploie spécialement en architecture (1701,
colonne variée), en physique (1765,
mouvement varié ; 1803,
mouvement uniformément varié), etc.
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VARIANT, ANTE adj. et n. m., participe présent de varier, s'est d'abord appliqué (1382) à un esprit, à un caractère qui change souvent, acception sortie d'usage.
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Repris au XXe s., l'adjectif signifie en chimie « qui a une variance non nulle » ; il est utilisé en composition (par ex. uni- ou monovariant). En biologie, domaine où les dictionnaires le signalent en 1933, il a été remplacé par mutant.
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Il s'applique en général à ce qui présente des variations par rapport à une moyenne, concurrencé par variable.
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Le dérivé VARIANTE n. f. comporte dans ses divers emplois l'idée de différence ; il désigne (1717) un passage d'un texte qui diffère de la leçon principale ou admise généralement. Il s'est dit concrètement (1769) d'une courtine qu'on change souvent de place, sens disparu.
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Le mot, repris au XIXe s. au pluriel (1842) comme équivalent de « condiments variés », est aujourd'hui régional.
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Il a vieilli en biologie (1845), où l'on emploie mutant, mais reste vivant pour désigner une forme, un mot différent d'une forme de référence mais ayant la même nature (1794). De là le sens de « moyen d'expression qui s'écarte de la norme d'une langue » (variante régionale d'un mot, en rapport avec variation).
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Il signifie également (1841) « solution, forme (d'une expérience, etc.) légèrement différente mais voisine ». Variante s'emploie spécialement en parlant de la manière de commencer une partie, aux échecs.
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INVARIANT, ANTE adj. et n. m., formé de in- négatif et de variant (1794 ; repris v. 1830), s'applique à ce qui ne varie pas. En mathématiques (1877, un invariant n. m.), il désigne, puis qualifie (1905, adj.) une relation, une grandeur, une propriété qui se conserve dans une transformation. En chimie (1948), il se dit d'un système en équilibre. Invariant (adj. et n. m.) s'emploie dans plusieurs domaines spécialisés, dont la linguistique (n. m.), l'informatique (adj.).
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COVARIANT, ANTE adj., de co- et variant, est un terme de mathématiques (1877, n. m. ; 1932, adj.), comme COVARIANCE n. f. (1921).
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Sur le radical de
varier ont été composés
VARIOMÈTRE n. m. (1894), de
-mètre, terme technique désignant un appareil qui sert à la mesure des inductances électriques et (mil.
XXe s.) un instrument de mesure des vitesses ascensionnelles des avions, et
VARIOCOUPLEUR n. m. (1929), terme d'électricité.
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Plusieurs mots usuels ou didactiques ont été empruntés à des dérivés latins de
varius ou de
variare.
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VARIÉTÉ n. f. est un emprunt (v. 1120) au dérivé latin varietas « diversité » au propre et au figuré, en particulier « changement d'humeur, inconstance ».
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Le mot a d'abord désigné des ornements variés pour embellir les habits. Il s'emploie ensuite (v. 1165-1170) pour « diversité des choses qui ont des traits communs », le sens temporel de « changement » étant sorti d'usage.
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Au XVIe s. (une fois isolément au XVe s.), variété a repris le sens latin de « changement d'humeur », emploi disparu au XVIIe siècle.
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Au sens d'« élément distinct », le mot, en histoire naturelle, s'emploie (1690) pour « subdivision de l'espèce », délimitée par la variation des caractères, d'où son usage dans une classification quelconque.
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Au pluriel, on désigne par variétés, comme titre (1622-1633), un recueil qui contient des morceaux sur des sujets variés (Cf. varia, ci-dessous).
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En 1790 est créé le Théâtre des Variétés de Mme Montansier, dont le répertoire « varié », était surtout composé de vaudevilles ; par extension, le mot désigne (1913) l'ensemble des activités de spectacle concernant un type de chansons, de spectacles comiques, etc., destinés à un large public, d'où émission de variétés, à la radio, à la télévision.
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Variété dans son acception en sciences naturelles a donné le terme didactique VARIÉTAL, ALE, AUX adj. (1961).
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VARIANCE n. f. est emprunté (1155) au dérivé latin classique
variantia « variété » ; le mot s'est dit pour « changement », puis pour « variabilité » (1396), « incertitude » (1466).
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Il devient ensuite archaïque et disparaît de l'usage.
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Il est repris en sciences, désignant (1904) le nom de conditions définissant un système physique ou chimique que l'on peut faire varier arbitrairement, sans détruire l'état d'équilibre, puis est utilisé en statistique (mil.
XXe s.).
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En dérive INVARIANCE n. f. (1908), de 1 in-, « propriété invariante ».
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VARIABLE adj. est emprunté (fin
XIIe s.) au latin impérial
variabilis « sujet à varier », et en conserve le sens. L'adjectif est employé depuis le
XVIIIe s. dans le vocabulaire technique et scientifique ; il s'applique en mathématiques à une grandeur qui peut prendre plusieurs valeurs distinctes (1704), est usité en grammaire (1798,
mot variable), en médecine (1835,
pouls variable), en météorologie (1835), en physique, etc.
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Il est substantivé au féminin, dans
une variable en mathématiques (1765), pour « élément dont la valeur peut varier, n'est pas assignée », avec des emplois plus généraux pour « élément qui varie en fonction d'autres éléments » et au masculin en météorologie (1690).
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En dérivent VARIABLEMENT adv. (v. 1380, variablament), rare, et VARIABILITÉ n. f. (v. 1380), employé comme l'adjectif dans des domaines didactiques (1845 en mathématiques, 1864 en biologie, 1872 en grammaire).
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Le contraire préfixé INVARIABLE adj., de 1 in-, s'applique à ce qui ne change pas (v. 1370, Oresme) et, par extension à une personne qui ne change pas de manière de penser (1611), emploi archaïque.
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Il s'emploie spécialement en mathématiques par opposition à variable (1704, quantité invariable « constante ») et en grammaire (1798) pour qualifier une forme lexicale qui ne se modifie pas en discours : prépositions, adverbes, quelques noms.
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Il qualifie en général un processus qui continue sans varier (XXe s.).
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L'adjectif a fourni l'adverbe INVARIABLEMENT (1495), plus courant que son contraire, pour « en ne changeant pas », INVARIABILITÉ n. f. (1616 ; XXe s. en grammaire) et INVAR n. m. (1904, par abréviation), marque déposée désignant un acier au nickel.
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VARIATION n. f. est un emprunt (1314) au dérivé latin classique
variatio « action de varier ».
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Le mot, qui s'écrit aussi variacion aux XIVe et XVe s., désigne un changement dans un ordre de faits (1314), puis en particulier (2e moitié du XIVe s.) un changement dans les opinions, les conduites ; les sens d'« incohérence » (1440-1475) et d'« hésitation » (1466) ont disparu.
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Variation s'emploie spécialement dans de très nombreux domaines, le changement s'effectuant au cours d'une durée : en physique (1618, variation de l'aiguille aimantée), en astronomie (1691, du mouvement de la lune ; 1819 avec une valeur générale).
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En musique (1703), il désigne une modification d'un thème et, au pluriel, une composition où un même thème est repris avec des modifications et des enrichissements successifs ; d'où thème et variations, aussi au figuré.
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En grammaire, il concerne (1798) le changement d'un mot variable ; il est courant en mathématiques (1811), en biologie (dep. 1791).
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Au XXe s., le mot s'applique à ce qui varie socialement, par rapport à une norme, et à un moment donné ; ce sens est usuel en linguistique, à propos d'éléments (lexique, notamment) et de règles qui diffèrent à l'intérieur du même système linguistique (la variation régionale, sociale, du français), et aussi en sociologie.
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VARIATEUR, TRICE adj. et n. m., formé sur le radical de variation, est un terme technique employé en mécanique (1904, variateur de vitesse, n. m. ; aussi poulie variatrice) et en électricité (1968, n. m.).
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VARIATIONNEL, ELLE adj. (mil. XXe s.) qualifie ce qui est relatif à la variation d'une grandeur.
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VARIATIONNISTE adj. et n. concerne la variation sociolinguistique.
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Plusieurs mots latins, de
varius ou de
variare, ont été repris en français.
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NE VARIETUR loc. adv. et adj. signifie en latin « pour qu'il ne soit pas changé » ; cette locution introduite en français (1579) s'applique d'abord, en droit, à un acte, un document, et indique que des précautions juridiques ont été prises pour éviter que l'acte, etc. ne soit altéré.
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Par analogie, édition ne varietur désigne (déb. XXe s.) l'édition définitive d'un texte.
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Ne varietur s'emploie également en sciences (1904) pour « qui ne varie pas ».
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VARIA n. m. pl., mot latin signifiant « choses variées », désigne en français (1872) un recueil d'œuvres variées et, dans les agences de presse, se dit au XXe s. (att. 1973, T. L. F.) d'un article se rapportant à des sujets variés, comme équivalent français de l'anglais features.
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Le moyen français avait emprunté le mot sous la forme varie (adj.) « divers » (mil. XVIe s.).
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VARIORUM adj. inv. est une abréviation de la locution latine cum notis variorum scriptorum « avec les notes de plusieurs commentateurs ». Le mot est d'abord employé comme nom masculin (1721) puis en apposition ou fonction d'adjectif dans édition variorum (1842) « avec des notes et des commentaires ».