VELOURS n. m. est l'altération (1377), par adjonction d'un r, à un moment où la prononciation était hésitante pour les mots à r final (Cf. faucheux : faucheur), de velos (v. 1155), puis velous (v. 1190), veloux (fin XIIIe-déb. XIVe s.), mot courant au XVIe s. et usité jusqu'au XVIIIe siècle. Ces formes anciennes sont l'aboutissement du latin impérial villosus « velu, couvert de poils », qui a donné l'espagnol et le portugais velloso, l'italien villoso. Villosus (→ villeux) est dérivé du latin classique villus « touffe de poils », d'origine obscure. On pose une parenté, en latin même, avec vellere « arracher », « tirer les poils, la laine » (→ convulsion, révulsion) et on dégage une racine indoeuropéenne *wel-. Celle-ci permet d'expliquer le nom de la laine dans les langues germaniques (anglais wool, néerlandais wol, allemand Wolle) et, sans doute, en latin (→ laine).
❏
Le mot se dit d'une étoffe à deux chaînes superposées dont les poils sont dressés et qui produit une surface douce au toucher. Par métonymie, il a désigné un vêtement de velours (v. 1165,
velos et
veloset). Des syntagmes désignent différents types de velours :
velours plein (1459), puis
plain (1640),
velours figuré (1564) « à fleurs, à rinceaux »,
velours ras (1616),
velours ciselé (1680), par extension
velours de laine, utilisé dans l'ameublement (1751,
velours d'Utrecht).
◆
Avec l'idée de « douceur » qui lui est attachée, le mot est employé par métaphore dans
cautère de velours (v. 1560) « indolore ».
Velours est entré dans les locutions
ventre de veloux, robbe de foin « bonne chère, pauvres habits » (1640) et inversement
robbe de veloux, ventre de foin (1640) modernisé en
habits de velours, ventre de son (1835).
◆
Chemin de velours (
XVIIe s.) s'est employé pour « voie facile et agréable pour arriver à un but » (il est parfois repris dans ce sens, v. 1990) ; l'expression a signifié concrètement « chemin herbu » (1685) et
marcher sur le velours, « marcher sur une pelouse » ; cette acception, disparue comme les expressions précédentes, a été supplantée par l'acception figurée « faire qqch. avec facilité ». En français du Québec,
faire un (petit) velours à qqn, correspond à « le flatter ».
◆
Patte de velours s'applique au chat qui rentre ses griffes, et
faire patte de velours (1718) équivaut à « dissimuler une intention de nuire sous une douceur affectée ».
◆
L'idée de douceur se retrouve dans la dénomination historique de la
Révolution de velours (à propos du mouvement antisocialiste tchèque).
◆
Jouer sur le velours signifie en termes de jeu (1740) « jouer avec l'argent qu'on a déjà gagné », d'où par figure (1872) « agir sans risques ». Ces expressions sont à rapprocher de l'argot
velours « tapis de jeu » (1867), mais peut-être suscitées pour la forme par
marcher sur le velours (ci-dessus). En outre,
velours a pris la valeur populaire de « profit, gain », « entreprise facile » (1900, Bruant), « événement heureux, agréable » (1935).
◆
Velours désignait au XIXe s. (depuis 1822) une faute de langage qui consiste à remplacer le son t par le son z (plus doux) dans une liaison.
◆
La métaphore de la douceur est utilisée aussi en parlant du goût dans c'est du velours, un vrai velours, à propos d'une boisson, d'une nourriture délectable (1872, c'est un velours sur l'estomac ; 1876, pour l'estomac).
❏
VELOUTÉ, ÉE adj. et n. m. (1439), aussi
veluté (1447), est dérivé de l'ancienne forme
velous.
■
L'adjectif s'applique à une étoffe qui porte des applications de velours (fleurs, etc.). Le mot a pris les valeurs métaphoriques de velours ; elles sont restées plus vivantes que les emplois métaphoriques de velours. L'adjectif qualifie ce qui est doux au toucher (1546, Rabelais), au goût (1680, vin velouté), ce qui a l'aspect du velours (1690, pierre veloutée, en joaillerie).
◆
Le nom masculin désigne (1680) un ruban, un galon fabriqué avec du velours, par analogie (1684) une peluche douce et unie ainsi que la surface muqueuse à l'intérieur de certains organes (1685), ce sens étant aussi réalisé par l'adjectif : membrane veloutée « membrane interne de l'estomac » (1765).
◆
Crème veloutée se dit (1737) d'une crème cuite.
◆
L'adjectif s'applique aussi (1752) à une voix, un regard, etc., qui provoque une impression douce, d'où (XIXe s.) le velouté de la voix, etc.
◆
Par ailleurs, le nom s'emploie pour une surface qui a l'aspect du velours (1767 ; 1782, adj., papier velouté) et désigne en cuisine (1845) un liant onctueux pour la préparation de certaines sauces, puis (1938) un potage très onctueux.
■
VELOUTER v. tr. a signifié (mil. XVIe s., intr.) « fabriquer du velours ».
◆
Le verbe a pris le sens de « donner l'apparence du velours », d'abord à une étoffe, à un papier (1680), plus largement à une surface (1845). Au figuré (1715), il signifie « rendre plus doux », au goût, à l'ouïe.
◆
En dérivent VELOUTEMENT n. m. (1845), rare, et VELOUTAGE n. m. (mil. XXe s.), terme technique.
■
VELOUTÉE n. f. a désigné (1675) une pêche.
◈
Du radical de
velouté ont été dérivés quelques mots.
VELOUTIER n. m., terme technique (1530), avec la variante
velutier (1539), « ouvrier qui fabrique le velours » et, par analogie, « plante à feuilles veloutées » (1814). En français de l'océan Indien (par ex. à Maurice), le mot renvoie à deux plantes, le
veloutier vert, arbrisseau à fleurs blanches et mauves et le
veloutier blanc, arbrisseau d'une autre famille
(Boraginacées) aux feuilles veloutées, à petites fleurs blanches.
◆
VELOUTINE n. f. se dit (1872) d'une poudre de toilette qui veloute la peau ; le mot, employé autrefois (1876) pour une étoffe ornée de dessins brochés, en usage au
XVIIIe s., désigne (1907) un tissu de coton qui a un aspect velouté ;
VELOUTEUX, EUSE adj. s'emploie au propre (1864) et au figuré.
❏ voir
CONVULSION, RÉVULSION, SVELTE, VELU, VELVET, VILLEUX.
VELTE n. f. est un emprunt du français classique (1679) au néerlandais viertel (forme identique en allemand) « quart », pour désigner une mesure de capacité, valant de 7 à 8 l selon les régions (de France, de Belgique).
◆
Le mot s'est appliqué (1723) à la jauge graduée pour estimer le contenu des tonneaux. Dans quelques régions, le mot, attesté en ce sens en 1914, s'applique à un récipient en tôle ou en fer-blanc servant à mesurer le vin.
VELU, UE adj. et n. f. est issu (v. 1130) du bas latin villutus (VIIe s.) « couvert de poils », altération de villosus (→ velours).
❏
Le mot s'applique d'abord à une personne dont les poils sont très abondants et visibles. Il a eu en ancien et moyen français des emplois figurés, où il correspond à « envahi de, couvert de (comme par des poils) », tel
velu de faim « abattu par la faim » (v. 1210) ou
velu de famine (fin
XIVe s.), d'où encore, au milieu du
XVIIIe s. (Diderot),
avoir le cœur velu « être las ».
■
Velu s'est employé pour « velours » (v. 1140, velut) jusqu'au XVIe s. ; de cette acception viennent les emplois de l'adjectif pour « fait de velours, comme le velours » (XIVe s.), remplacé par velouté*.
■
Par analogie du sens initial, toujours en usage (un torse velu) et intensif par rapport à poilu, l'adjectif qualifie (1549) une plante garnie de poils fins.
◆
Il s'est employé pour « moisi », en parlant d'un fromage.
■
Au figuré, d'abord en argot d'étudiant, velu, d'après le sémantisme de la force, attaché aux poils, a signifié (v. 1940) « fort, puissant ; difficile ».
❏
VELUE n. f. désigne (1655) la peau qui couvre le bois d'un animal (cerf, etc.), lorsqu'il pousse, et (1768) une sorte de chenille.
◈
VELVOTE n. f. est une altération (1578) de
veluote, dérivé de
velu.
◆
Le mot désigne des plantes à feuilles velues, la linéaire, la véronique des champs (1784).
❏ voir
VELOURS.
VELUM ou VÉLUM n. m. est emprunté (1867) au latin velum signifiant « voile, draperie », « rideau » et par ailleurs au pluriel vela, -orum « voile de vaisseau » (d'où 2 voile). Velum a donné 1 voile* n. m.
❏
Vélum désigne une grande pièce d'étoffe utilisée pour couvrir un espace sans toiture.
■
Le mot, repris en zoologie (1878), se dit par analogie de la membrane musculaire de certaines méduses.
❏
VELARIUM n. m., emprunt (1829, Stendhal) au latin velarium, dérivé de velum, désigne en histoire romaine l'espace recouvert par un velum, puis une grande toile formant une tente amovible.
❏ voir
VÉLIQUE, VEXILLE.
VÉLUX n. m. est l'emprunt (années 1980) d'un nom de marque déposée aux États-Unis en 1979, mot-valise, de velum, évoquant le luxe, pour une fenêtre de toit en matière translucide.
VELVET n. m. est un emprunt (1780) à l'anglais velvet (v. 1320), velowet, velewet, velwet ; l'anglais est lui-même un emprunt à des formes françaises apparentées à velours : velveau (1260), veluiel (1298), velve (1314), velvyal (1323, Hainaut), et dérivées de velu, velut « velours » (→ velu).
❏
Cet anglicisme désigne un velours de coton uni (par trame) imitant le velours de soie (à deux chaînes).
❏
En dérivent
VELVÉTINE n. f. (1872), variantes
velvantine (1819),
velventine (1820), et l'ancien terme de sciences naturelles
VELVÉTIQUE adj. (1855) « qui ressemble au velours ».
■
VELVERET n. m. (1792), VELVERETTE n. f. (1836), « velours de coton à côtes ou à mi-côtes », ne se sont pas maintenus.
L
VENAISON n. f. est la réfection graphique (v. 1175) de veneison (v. 1138), veneisum (v. 1155), formes — avec i détaché : veneïsun — issues du latin venationem, accusatif de venatio « chasse, battue », « produit de la chasse, gibier », dérivé de venari « poursuivre le gibier, chasser » (→ vénerie, veneur). Le verbe vient d'une racine indoeuropéenne qui a fourni, entre autres, l'avestique venaiti « il conquiert, il obtient par la lutte », le sanskrit vanóti « il conquiert », l'ancien haut allemand winnan « lutter », etc., et qui est peut-être la même que celle de Venus (→ vénus).
❏
Le mot désigne (v. 1138), comme venatio en ancien provençal (v. 1180), la chair du grand gibier (cerf, chevreuil, sanglier). Il s'est employé aussi en ancien français aux sens latins de « chasse » (1180-1220) et spécialement de « chasse donnée en spectacle dans le cirque » (v. 1213, venoison), précédé par l'ancien provençal venaizon (v. 1165), en parlant de l'Antiquité, sens repris au XIXe s. (1842, vénation).
◆
En vénerie, le mot désigne la graisse du cerf, du sanglier (1180-1220), d'où avoir grant venoison, grant venaison « être gras » (1573, se charger de venaison).
◆
Par métonymie, le mot s'est dit (1680) de l'époque où les cerfs sont bons à manger ; au XVIIIe s. sont opposés (1765) bêtes de grosse venaison « cerf, sanglier, etc. » et de basse venaison « lièvre, lapin ».
◆
Venaison désigne également l'odeur du gibier (1798) et par figure (1798) s'est dit de l'odeur forte de certaines personnes.
◆
Le seul sens demeuré vivant est le premier attesté.
❏ voir
VÉNERIE.
VÉNAL, ALE, AUX adj. est un emprunt (XIIe s. ; venel, v. 1180) au latin classique venalis « qui est à vendre », dérivé de venum « vente », à l'accusatif (le nominatif n'est pas attesté). Venum repose sur une base indoeuropéenne °wesno- ou °weno- qu'attestent par exemple le sanskrit vasnám « prix », le vieux slave véno « dot ».
❏
L'adjectif s'est d'abord appliqué à ce qui se vend (v. 1180), en général.
◆
Dès le XIIe s., il s'applique à une personne qui n'agit que pour l'argent ; cette acception est aujourd'hui la plus courante, dans un usage soutenu. Employé comme nom masculin, un vénal a désigné jusqu'au XVIe s. une marchandise quelconque (1216) et un droit payé pour la vente des marchandises (1304).
◆
L'adjectif s'est appliqué ensuite à une mesure servant à la vente (1308), puis (1559) à une charge, à un office qui pouvait s'obtenir en payant ; cet emploi est aujourd'hui historique.
◆
En économie, valeur vénale (1798) se dit du prix marchand de qqch., toujours usité.
◆
Cependant, les quelques emplois subsistants sont colorés par la valeur péjorative de l'adjectif appliqué aux personnes.
❏
Le dérivé
VÉNALEMENT adv. (1552) n'a que la valeur péjorative.
◈
VÉNALITÉ n. f., emprunté au dérivé bas latin
venalitas, est un terme d'histoire (1573), notamment dans
vénalité des offices, des charges « fait de pouvoir acheter et vendre certains offices publics » et « institution correspondant à cet usage », où
vénal a sa valeur neutre. Ce système, pratiqué du
XVIe au
XVIIIe s. en France, fut supprimé le 18 septembre 1789.
◆
Le mot équivaut aujourd'hui, d'après le sens moderne de
vénal, à « corruption » (
XVIIIe s.) et désigne aussi le comportement d'une personne vénale (v. 1780).
❏ voir
VENDRE.
VENANT (TOUT-VENANT) → VENIR
L
VENDANGE n. f. (v. 1200), aussi vendenge (v. 1200), est longtemps concurrencé par diverses formes, vendeignes 1291, n. f. pl., venenge (XIIIe s.), etc. Le mot est issu du latin classique vindemia « vendange » et « temps de la vendange », composé (°vinodemia) de vinum (→ vin) et -demia, dérivé de demere « enlever, retrancher, ôter ». Demere est préfixé sur emere « prendre » à l'époque archaïque et, en latin classique, « prendre contre de l'argent, acheter » ; le sens général de « prendre » demeure dans certains composés comme assumere (→ assumer), praesumere (→ présumer) ; celui d'« acheter », dans redimere (→ rédimer), rédemptio (→ rançon, rédemption).
❏
Le mot français se dit d'abord pour « vin » et « temps de la vendange », puis désigne le fait de cueillir les raisins (1265) et les raisins récoltés pour faire le vin. L'emploi du pluriel (fin XIIIe s.) semble avoir suivi le singulier (la vendange). Par métaphore, le mot s'est employé en ancien français dans quelques locutions figurées comme fouler la vendange (XIIIe s.) « coïter », faire vendange de « massacrer » (XIIIe s.), valeur qui sera reprise parmi les valeurs figurées du verbe vendanger (ci-dessous). Le proverbe adieu paniers, vendanges sont faites « tout est fini » (XVIe s., Rabelais) est parfois encore cité.
◆
La locution figurée faire vendange « tirer profit de qqch. » (1690) est sortie d'usage.
❏
Le dérivé diminutif
VENDANGETTE n. f. (1636,
vendangete) « petite vendange » est régional.
◆
Le mot désigne (1789) en Suisse romande et en Savoie la grève des vignes.
◈
VENDANGER v., d'abord
vandangier (v. 1179),
vendengier (v. 1120), est issu du latin classique
vindemiare, dérivé de
vindemia.
◆
Le verbe, à partir du sens propre de « récolter (les raisins) », a eu plusieurs emplois métaphoriques et figurés, où domine l'idée d'enlever. Il a signifié « couper (les oreilles) » (
XIIIe s.), « dévaster (la vigne, les récoltes) » (v. 1310), « piller (qqn) » (1306), « ruiner (qqn) » (1501), et même « massacrer, tuer » (v. 1600).
◆
Par analogie agricole,
vendanger s'est dit (v. 1600) pour « faire la récolte » du miel, de la soie et, familièrement, pour « prendre », sens sorti d'usage.
■
Le verbe a fourni des dérivés techniques ou régionaux.
◆
VENDANGEOIR n. m. (1660) succède à vendangeoire n. m. (1611 ; repris en 1803, n. f.) et signifie « hotte pour la vendange ».
◆
VENDANGEROT n. m. (1896) « hotte pour la vendange », VENDANGERON n. m. (1872) ou VENDANGEON n. m. (1907) « puceron rouge », larve du trombidion semblent être des formes dialectales.
◆
VENDANGEABLE adj. (1907) est rare.
◈
VENDANGEUR, EUSE n. est issu du dérivé latin
vindemiator « personne qui fait la vendange » au
XIIIe s., en même temps que
VENDANGERESSE n. f., refait en 1503. Il est senti comme dérivé de
vendange ou de
vendanger.
◆
Comme adjectif (1573), il s'est appliqué au moment où a lieu la vendange.
■
VENDANGEUSE n. f. se dit (1876) d'une plante qui fleurit en automne.
◈
VENDÉMIAIRE n. m. a été formé par Fabre d'Églantine (1793) sur
vindemia « vendanges » pour désigner le premier mois du calendrier républicain.
■
Directement construits sur le latin, on trouve aussi vindemiaux n. m. pl. (1545) et VINDÉMIALES n. f. pl. (1771), « fête des vendanges dans l'Antiquité ».
VENDÉEN, ENNE adj. et n. est dérivé du nom de la Vendée, nom de rivière (sous la forme Vendre à la fin du Xe s.), d'un radical gaulois vindo « clair, blanc ». Le mot qualifie ce qui a rapport à la Vendée, province de l'ouest de la France, et comme nom, désigne ses habitants.
◆
En 1793, il s'applique à l'insurrection royaliste de la Vendée et de régions voisines contre le pouvoir révolutionnaire. Cf. chouan.
VENDETTA n. f. est un emprunt, d'abord noté vendette (1788) et vindetta (1803) à un mot italien signifiant « vengeance », lui-même issu du latin classique vindicta, d'abord « revendication », puis en bas latin « protection » et « châtiment », d'après le sens de vindicare, dérivé comme vindicta de vindex (→ revendiquer, venger) ; vindicta a été emprunté sous la forme vindicte*.
❏
Vendetta, passé en français par le corse, se dit, d'abord et surtout en parlant de la Corse, d'un état d'inimitié provenant d'une offense, d'un meurtre, qui se transmet aux parents de la victime. Mérimée emploie dans Colomba la forme francisée vendette (1840).
L
VENDRE v. tr. représente l'aboutissement (980) du latin vendere « mettre en vente » et, parce que le vendeur prône sa marchandise, « vanter », sens plus fréquent dans le dérivé venditare. Le verbe vient de la soudure de venum dare, venum (→ vénal) signifiant « vente » et dare, datum « donner » (→ datif).
❏
Le verbe est d'abord attesté au sens figuré, pour « abandonner (qqn) par intérêt d'argent », c'est-à-dire « trahir ».
◆
On le trouve au
XIe s. aux sens propres de « céder (qqch.) à qqn en échange d'une somme d'argent » et spécialement de « faire commerce de (qqch. qu'on a fabriqué ou acheté) ». C'est la relation « marchandise-argent » qui organise l'ensemble des emplois postérieurs, au propre comme au figuré, dans des contextes où le corps, un sentiment, etc. deviennent objet d'échange.
Vendre signifie « ne pas accorder facilement (qqch.) », « faire payer cher » au figuré, d'abord en emploi pronominal dans la
Chanson de Roland (1080) :
soi vendre cher, auquel correspondent aujourd'hui la locution
vendre chèrement sa vie (1630) et la locution familière
vendre cher sa peau (mil.
XVIe s.). On a dit aussi (v. 1300)
vendre sa mort.
◆
Au
XIIIe s., le verbe signifie « céder (un avantage, un service) en faisant payer », par exemple dans
vendre le mestier « autoriser son exercice moyennant une redevance » (1260), d'où spécialement
vendre sa char [chair] (v. 1265) « se prostituer », ensuite
se vendre (
XIVe s.), et aussi
vendre ses faveurs, ses charmes.
◆
Le verbe s'est employé en droit avec son sens propre dans
avoir qqch. à vendre et à dépendre « à entière disposition » (
XIIIe s.), d'où la locution
être à qqn à vendre et à dépendre (1538) « être entièrement à qqn », sortie d'usage au
XIXe siècle.
◆
C'est l'idée d'abandon, appliquée à une abstraction, qui se manifeste dans
se vendre (1552), « aliéner sa liberté pour de l'argent », ou dans
vendre sa protection « l'accorder contre paiement » (1608) ou
vendre son honneur « y renoncer pour de l'argent » (1690). La locution figurée
ils vendent la ville se disait de plusieurs personnes qui parlaient ensemble à voix basse comme pour préparer une importante transaction (1690, encore au
XIXe s. ; variante en 1798,
ils nous vendent).
◆
Se vendre s'est employé spécialement (1764) pour « se faire soldat », d'où
se vendre comme remplaçant, au service militaire (1830).
Se vendre signifiait aussi (1834) « se trahir involontairement ».
■
Par extension du sens courant, vendre se dit en économie (XIXe s.) pour « faire acheter par un client (qqch. qui appartient à un autre) », d'où par exemple vendre des valeurs (Cf. placer).
◆
Le verbe est employé péjorativement (mil. XXe s.) pour « proposer (une chose autre qu'une marchandise) de manière commerciale », d'où (v. 1970) « faire accepter (qqch., qqn) en rendant attrayant, acceptable » (vendre une politique, un candidat, etc.).
◆
Dans le vocabulaire de la publicité, vendre a aussi la valeur de « faire vendre » (Cf. ci-dessous vendeur).
❏
Le dérivé
VENDEUR, EUSE n. désigne la personne qui vend qqch., spécialement par profession (v. 1200 au masculin) ; le féminin
venderesse (1226), conservé en droit, a été refait en
vendeuse (1552).
◆
Le mot s'est employé dans des expressions comme
vendeur de meubles « commissaire-priseur » (1690),
vendeur de chrétiens « officier recruteur » (1690) et, au figuré,
vendeur de fumée « personne qui se targue d'un crédit qu'elle n'a pas » (1612).
Vendeur d'allumettes « conteur de sornettes » (1732) est encore relevé après 1850, puis disparaît.
Vendeuse de plaisir (1888, Paul Bourget), d'amour s'est dit pour « prostituée »
(Cf. marchande...).
◆
Vendeur se dit spécialement (1882) d'un employé chargé de la vente dans un établissement commercial, le féminin
vendeuse s'étant spécialisé dans cet emploi.
■
D'abord dans l'usage du commerce, le mot s'applique (XXe s.) à une personne qui sait bien vendre (Cf. commerçant).
◆
Employé comme adjectif, il s'est répandu (v. 1980) au sens de « qui fait vendre » (un slogan très vendeur), cette acception correspondant à un emploi nouveau de vendre.
◆
Par calque de l'anglais seller, par exemple dans l'anglicisme best-seller, on emploie vendeur au Québec, pour « objet qui se vend bien » (ce livre est le meilleur vendeur en ce moment).
◈
VENDU, UE adj. et n., tiré du participe passé du verbe, est d'abord attesté (1239) comme nom féminin
(une, la vendue) au sens de « vente », aujourd'hui régional (Ouest) pour « vente aux enchères ».
◆
L'adjectif s'applique à ce qui est cédé pour de l'argent (v. 1283) et qualifie une personne qui a aliéné sa liberté contre des avantages matériels (1669, Racine). Ce sens, substantivé (
un vendu, 1835 Flaubert), est demeuré un terme d'adresse et d'injure
(vendus !, pourris !).
■
Le contraire préfixé INVENDU, UE adj. (1706) et n. m. (1893) s'applique à ce qui n'a pas été vendu. Il est usuel en commerce (solder les invendus).
■
VENDABLE adj. est relevé en 1249. Il s'est spécialisé pour « qu'il est facile de vendre », surtout en emplois restrictifs ou négatifs (c'est à peine, ce n'est pas vendable) comme beaucoup d'adjectifs en -able, d'ailleurs moins courants que leurs contraires.
◆
L'antonyme INVENDABLE adj. (1764) s'applique spécialement en droit (1873) à ce qu'on n'a pas le droit ou le pouvoir de vendre, puis couramment à une marchandise difficile à vendre (qualité insuffisante, prix trop élevé...) et spécialement (1904) à un auteur dont les œuvres ne se vendent pas.
◈
Plusieurs verbes ont été formés par préfixation à partir de
vendre.
■
REVENDRE v. tr. (v. 1190) signifie « vendre (ce qu'on avait acheté) » et « vendre une seconde fois », d'où spécialement revendre à la toilette (1718) « revendre des objets de toilette féminine », sorti d'usage.
◆
L'argot revendre a signifié figurément « répéter ce qu'on a appris d'un autre » (1837).
◆
Le verbe s'emploie dans la locution avoir qqch. à revendre (XVIe s.) « en avoir en excès » ; la variante antérieure avoir à vendre et à revendre (déb. XVe s.) et l'expression en revendre à qqn « être plus fin que lui » (1798) ne sont plus en usage.
■
REVENDEUR, EUSE n. désigne la personne qui achète pour revendre (v. 1190 ; au féminin revenderesse [1303] et revendeuse [1606]) et, spécialement, qui vend au détail après avoir acheté à un grossiste.
◆
En français d'Afrique, le féminin revendeuse a pris le sens spécial de « commerçante qui achète par grande quantité (des tissus, des produits de grande consommation) aux grandes sociétés productrices ou importatrices et les revend aux détaillants ».
■
REVENTE n. f., dérivé de revendre, d'après vente, a désigné (v. 1283) jusqu'au XVIIIe s. un droit dû au seigneur sur les ventes, en plus des droits ordinaires.
◆
Le mot se dit d'une seconde vente (1538) et de l'action de revendre.
◈
MÉVENDRE v. tr., formé (1226) avec
mé-, est sorti d'usage pour « vendre à perte »
(se mesvendre).
■
MÉVENTE n. f., formé d'après vente, a disparu au sens de « vente à perte » (1680). Il a pris au XIXe s. (1835) et a conservé une autre acception, « forte chute des ventes ».
◈
SURVENDRE v. tr., « vendre qqch. au-dessus de sa valeur », réfection (1545) de
seurvendre (1329), est sorti d'usage, comme
SOUS-VENDRE v. tr. « vendre (une partie de ce qu'on a acheté) » (1872).
◈
VENTE n. f. est issu du latin classique
vendita, pluriel neutre pris pour un féminin singulier de
venditum « vente », participe passé substantivé de
vendere, et correspondant à l'italien
vendita, à l'espagnol
venta. L'ancien et le moyen français ont également employé
vençon (1176) issu du latin populaire
venditio (de
venditum), puis
venditio par emprunt (1251), employé comme terme de droit jusqu'au
XVIIe siècle.
■
Le mot désigne (v. 1150) l'échange d'un bien contre une somme d'argent, le prix et (v. 1200) l'action de vendre.
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Il s'est dit d'un droit payé sur les marchandises vendues dans un marché (1197) et spécialement (v. 1283) d'un droit perçu lors d'un héritage.
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Le mot se dit ensuite de l'opération matérielle de vente, par réunion des vendeurs et des acheteurs virtuels, et aussi (1405) de l'endroit où l'on vend les marchandises, salle des ventes s'appliquant au local où ont lieu les enchères, et à la réunion au cours de laquelle on procède à une vente publique.
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On emploie couramment ventes aux enchères et vente de charité (XIXe s.).
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Comme terme technique, vente désigne (1373) la partie d'une forêt qui vient d'être coupée (pour être vendue), d'où par métonymie (1375) le transport du bois vendu, sens disparu, et par extension une partie de forêt dont le produit est vendu ensemble (en usage dans les lieux-dits forestiers, comme les Grandes Ventes).
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En histoire,
vente s'emploie (1819) pour désigner une loge de carbonari et la réunion de cette loge, par emprunt à l'italien
venta de même origine ;
vendite, emprunt à l'italien
vendita, est également attesté en ce sens (1834).
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Par calque de l'anglais
sales, « vente », employé dans le sens de « soldes »,
vente s'emploie en français du Canada pour « proposition à prix réduit ».
En vente : en solde.
Vente d'entrepôt se dit d'une liquidation de stock à prix réduits.
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À
survendre et
sous-vendre (ci-dessus) correspondent
SURVENTE n. f. (1640) et
SOUS-VENTE n. f. « vente au-dessus, en dessous du prix habituel ».
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VENTIER n. m., dérivé de vente, a d'abord désigné (1264) celui qui était chargé de percevoir les droits de vente et de surveiller l'étalon des mesures.
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Le mot se dit (1577) de l'acheteur d'une coupe de bois appelée vente et de l'ouvrier qui marque le bois à couper (relevé en 1876). Le premier emploi est historique, les deux autres strictement techniques.
L
VENDREDI n. m. (v. 1175), d'abord vendresdi (1119), représente l'aboutissement du latin populaire Veneris dies « jour de Vénus », formé du latin classique Venus, Veneris (→ Vénus) et de dies « jour* » (→ diurne), qui apparaît dans les noms des jours de la semaine en français (→ midi). On trouve la forme dialectale (Nord, Bourgogne, notamment) devenres, par inversion des mots latins (XIIe s. en wallon).
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Les connotations du mot, qui désigne le cinquième jour de la semaine en partant du lundi, sont liées à la nature religieuse du vendredi, jour de pénitence chrétienne, où l'on faisait traditionnellement maigre. Vendredi saint (1671) désigne le vendredi précédant le dimanche de Pâques, jour où l'Église catholique célèbre l'anniversaire de la mort du Christ, autrefois nommé saint vendredi (v. 1300), bon vendredi (1440-1475 ; 1349, boin venredi en wallon ; Cf. encore aujourd'hui good friday en anglais).
VENELLE n. f. représente (v. 1160) un diminutif de veine* « conduit », aujourd'hui détaché de son origine.
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Venelle, « petite rue étroite », a été repris dans ce sens à la fin du XIXe s. pour désigner une petite rue dans la campagne entre des murs et des haies.
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Le mot s'est employé par analogie (XIVe s.) jusqu'au début du XVIIe s., aux sens de « ruelle du lit » (→ ruelle) et de « bande étroite de terrain » (1551), et aussi de « gorge » (v. 1600). La locution figurée enfiler la venelle « s'enfuir » (XVIe s.) est le seul emploi retenu par les dictionnaires de l'époque classique, les autres sens étant sortis d'usage ; cette locution était considérée comme populaire.
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La reprise du sens initial (A. France, etc.) correspond en revanche à un emploi littéraire.
VÉNÈRE v. défectif et adj. est un traitement en verlan de s'énerver et d'énervé. L'emploi adjectif attribut est largement le plus courant. Cette forme apparaît dans les recueils en 1993 (Ph. Vandel, Le Dico français-français) ; elle est restée propre au « langage des jeunes ».
VÉNÉRER v. tr. est emprunté (v. 1450) au latin classique venerari « adresser une demande aux dieux », « demander une grâce aux dieux » puis « vénérer ». Passé de la langue religieuse à la langue littéraire, le verbe s'est appliqué en latin impérial aux hommes et à leurs actions ; le verbe relève comme Venus (→ Vénus) d'une racine indoeuropéenne qui a fourni de nombreuses formes dont le sanskrit vāñchati, l'ancien haut allemand wunskan « désirer » (allemand wünschen).
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Vénérer signifie dans un contexte religieux « révérer (un saint ou une chose sainte) » puis s'emploie en parlant de personnes pour qui on a une profonde estime (1528).
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VÉNÉRATION n. f., emprunté au dérivé latin classique
veneratio, -onis « respect », s'utilise d'abord et surtout, comme le verbe, dans un contexte religieux (1165-1170).
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De là, par métonymie,
venerations « prières » (v. 1250).
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Dans un contexte profane, il s'est appliqué à une personne (1512), comme équivalent de
adoration et s'est dit (1553) du fait d'être vénérable, en parlant d'un temple.
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Dans ces deux sens, l'ancien et le moyen français ont eu aussi
venerance n. f. (v. 1200), dérivé du verbe.
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VÉNÉRABLE adj. et n. m. est emprunté au latin impérial
venerabilis « digne de vénération » et « respectueux », dérivé de
venerari.
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Il conserve (v. 1200) le premier sens du latin, s'appliquant aux choses (
XVIe s.) et spécialement aux personnes dont l'âge inspire le respect.
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Comme nom masculin, il s'emploie par extension (1773) pour désigner le président d'une loge maçonnique et, dans le vocabulaire religieux, une personne qui obtient le premier degré dans la procédure de canonisation avant celui de
bienheureux. C'est aussi le titre donné au président d'une loge maçonnique.
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Par jeu sur le sens « digne de respect », le nom masculin s'est employé en argot (v. 1860) pour « cul ».
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Le dérivé VÉNÉRABLEMENT adv. (v. 1265) est rare.
VÉNERIE n. f. est un dérivé (v. 1155) de l'ancien français vener « chasser à courre » (v. 1155), « poursuivre une bête à la chasse » (v. 1380), du latin venari « poursuivre le gibier, chasser » (→ venaison).
❏
Vénerie s'est dit pour « exercice de la chasse » (v. 1155) puis pour « ensemble de chasseurs » (1550) et désigne aussi l'art de la chasse à courre (1552), l'administration des officiers de chasse (1694, en parlant de la chasse d'un prince, puis 1876) et le lieu où logeait l'équipage de chasse (1718).
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Le verbe VENER v. tr. « chasser à courre » a disparu, sauf au sens technique de « faire courir (un animal domestique) pour en attendrir la chair » (1530, venner ; 1690, forme moderne). Il est issu du latin venari.
❏
VENEUR n. m., issu du latin venator « chasseur », dérivé de venari, est la réfection (1345) de formes usitées en ancien français : veneres (v. 1120), venur, venor (1138), veneor (v. 1155), veneour (v. 1250) ; le féminin veneresse (v. 1165) a disparu.
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Le mot signifie « chasseur ». En moyen français, le latin a été emprunté sous la forme venateur (1485) et venatrice n. f. (1509, latin venatrix).
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Veneur, aujourd'hui terme d'histoire, s'est spécialisé pour désigner l'officier qui s'occupe des chasses à courre, le grand veneur (1474), chef d'une vénerie.
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Au figuré, le veneur de... désignait celui qui poursuit qqch. ou qqn avec acharnement (v. 1515), sens sorti d'usage.
❏ voir
VENAISON.
VÉNÉRIEN, IENNE adj. et n. est dérivé (1464) du radical du latin classique venerius « de Vénus », d'où « relatif aux plaisirs de l'amour », lui-même de Venus, Veneris (→ Vénus).
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Le mot ne s'est employé que rarement au sens du latin. D'abord nom pour désigner un homme qui a des mœurs dissolues, il a été courant dans maladie vénérienne (fin XVIe s., d'Aubigné) « maladie contagieuse transmise principalement par les rapports sexuels ». L'adjectif est concurrencé (fin XXe s.) par sexuellement transmissible et le mot a disparu en emploi substantif (1872) pour « malade ayant une maladie vénérienne ».
❏
ANTIVÉNÉRIEN, IENNE adj., terme de médecine, apparaît au
XVIIIe s. (1741, aussi
n. m.).
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Sur le radical de l'adjectif a été composé
VÉNÉROLOGIE n. f. (mil.
XXe s. ; 1901,
vénéréologie), de
-logie, désignant la partie de la médecine qui s'occupe des maladies vénériennes ; d'où
VÉNÉROLOGIQUE adj. (mil.
XXe s.),
VÉNÉROLOGUE n. (mil.
XXe s.), plus courant que
VÉNÉROLOGISTE (v. 1900).
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Tous les mots de la série tendent à vieillir.
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VÉNÉRICARDE n. f. est la francisation (1803) du latin des zoologistes
venericardia, du latin
Venus, Veneris et
cardium « mollusque », pour dénommer un mollusque lamellibranche à forte coquille côtelée.
❏ voir
VENDREDI, VÉNUS.