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Le verbe a le sens général de « rendre vide », d'abord au figuré (v. 1120) pour « dévaster, détruire », emploi disparu en moyen français, et dans
vider les arçons, la selle « être renversé de cheval » (v. 1130,
vuidier), toujours en usage.
Vuidier... de signifiait (
XIIe s.) « débarrasser... de » (en faisant sortir).
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Le verbe est également attesté au
XIIe s. au sens large d'« enlever d'un lieu ce qui s'y trouvait » (v. 1155) ; ces deux valeurs se développent ensuite.
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L'acception de « sortir (d'un lieu), partir » (1165-1170, intr., vuidier) est toujours en usage à l'époque classique, comme vuidier (puis vuider) la ville, un pays (v. 1190), d'où viennent les locutions modernes vider les lieux (1690), vider le plancher (1783), familier.
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C'est avec la valeur de « rendre vide » que le verbe s'emploie pronominalement (v. 1190, soi vuidier ; 1704, se vider) au sens de « se décharger le ventre » ou de « perdre beaucoup de sang ». Cet emploi correspond pour le verbe actif à celui de « vidanger » (1280, widier) ; il est sorti d'usage.
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Au figuré, vuidier un dit (1313) signifie en droit « prononcer un jugement », valeur conservée dans quelques expressions, en parlant d'une affaire, d'une cause, etc. (1480), dans widier ses comptes (1505), et en droit dans vider un délibéré (1873) et plus couramment vider une querelle, un différend.
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Depuis le moyen français, vider a pris des valeurs concrètes spécifiques : « enlever, mettre dehors (des ordures) » (XIVe s.), « décharger (une voiture, un bateau) » et aussi (1260) « faire couler (un liquide) » et, avec un complément nom de personne, « faire sortir (qqn) d'un lieu » (1493), valeur alors neutre qui sera reprise dans l'usage familier (voir ci-dessous), après s'être spécialisée en fauconnerie (1690, faire vider le gibier) [Cf. aussi évider ci-dessous]. Vider le pré « rentrer les foins » (1559, vuyder le pray) a disparu, comme vuider (1549), puis vider (1762) ses mains « se dessaisir d'une somme et la payer à qui de droit ».
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On relève aussi au XVIe s. un emploi pour « rendre creux un objet (en enlevant de la matière) » (1560), où le verbe a été remplacé plus tard par évider.
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Au concret, vider signifie (1611) « ôter les entrailles d'un animal (poisson, volaille...) pour le faire cuire », sens demeuré usuel en cuisine.
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Reprenant l'emploi médiéval du pronominal (ci-dessus), vider le ventre s'est dit (1673) pour « faire sortir (du ventre) en purgeant », vider pour « purger » (1690, Furetière) et se vider en parlant d'un cadavre (1690).
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Deux emplois devenus usuels apparaissent à la fin du XVIIe s. : vider au sens de « rendre vide (qqch.) en le buvant » (1690, vider une bouteille), puis vider son verre, etc., et vider sa bourse « la rendre vide en dépensant ce qu'elle contient » (1694), à rapprocher de vider son sac, au figuré « dire tout ce qu'on dissimulait ».
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Parmi les emplois spécialisés, vider un abcès, « l'inciser pour faire sortir le pus » (1863), a fourni au figuré vider l'abcès « régler de façon rapide une situation devenue dangereuse » (XXe s.).
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Repris avec la valeur de « faire sortir (qqn) » et, intransitivement, « partir », le verbe s'est dit en argot pour « mourir » (1867). Transitif, il s'emploie au sens de « faire sortir (qqn) brutalement d'un lieu » (1879) très courant dans l'usage familier, surtout pour « renvoyer, licencier » (vous êtes vidé !) ; voir ci-dessous videur. Vider, intransitif, ne se dit plus pour « partir » ; on emploie vider les lieux (ci-dessus).
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Enfin, le verbe a pris la valeur métaphorique d'« épuiser les forces de (qqn) » (1876), par exemple cet effort l'a complètement vidé, moins courante que l'emploi correspondant de vidé (ci-dessous).
Le dérivé VIDAGE n. m., d'abord vuidage, désigne l'action de vider qqch. : le contenu d'une fosse d'aisances (XIIIe s.) [Cf. ci-dessous vidange], le bois abattu (1276). La valeur générale est tardive (1845) et rare.
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Le mot s'est dit aussi de l'action de partir (1339, widage).
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Repris comme terme technique, il désigne par métonymie (1872) d'un sens virtuel, qui serait « action de creuser et de rejeter la terre », un remblai formé par la terre extraite, de chaque côté d'un canal (Cf. ci-dessous vidange).
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Par reprise du sens familier de vider, il signifie (1918) « expulsion (de qqn) ».
VIDANGE n. f., qui apparaît dans les Flandres (v. 1250,
vuidenghe), est formé avec le suffixe d'origine francique
-inga, au sens de « cavité, espace creux »,
widenghe s'employant (1286) pour « écoulement des eaux, égout ». La graphie
vidange ne s'impose qu'à partir du
XVIIIe siècle.
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Le mot, démotivé par rapport au verbe, désigne par métonymie (1312) un ensemble de déblais, de matériaux enlevés, le sens actif « extraction et transport des terres fouillées » étant attesté un peu plus tard (1387).
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Il se dit spécialement (1362) de l'action de vider une fosse d'aisances, d'où VIDANGES n. f. pl. « immondices retirées des fosses d'aisances » (1538, vuidanges ; 1409 au sing.) ; le caractère courant de cet emploi rendra difficile celui du mot dans d'autres emplois (voir ci-dessous). Une valeur différente du mot, en français du Québec, correspond à ordures ménagères en France, par exemple dans sac de vidanges ou mettre qqch. aux vidanges, « jeter ».
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C'est la valeur métonymique, « ce qui est enlevé », que l'on a dans les emplois disparus pour « perte de sang » (XIVe s.), et spécialement pour « lochies » (v. 1560) et « fausse-couche » (1640), disparus.
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Le mot ne s'est pas maintenu non plus en droit pour « action de vider un procès » (1466).
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Vidange se dit en technique, depuis le XVIe s. (1538), de l'action de vider, en parlant d'opérations grossières ou sales ; la spécialisation (XXe s.) à propos de l'huile usagée d'un moteur d'automobile, souvent associée à graissage, est usuelle.
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Le mot désigne également (1601) ce qui sert à évacuer (un liquide), mais l'emploi général pour « ouverture » est sorti d'usage, notamment en parlant de l'échancrure d'une robe (1636), emploi qui paraît aujourd'hui incongru.
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Vidange s'est utilisé par métonymie à propos d'un récipient vide (1501, d'un fût) ou qu'on est en train de vider (1690), et aussi à propos d'un liquide dans un récipient (1798). Il désigne en Belgique, au Luxembourg, dans plusieurs pays d'Afrique, une bouteille vide (1961) ou un récipient, généralement en verre, pouvant être consigné.
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Le dérivé VIDANGER v. tr., attesté isolément pour « enlever (de la terre) » (1578), signifie « vider (une fosse, un réservoir, etc.) », notamment (1877) une fosse d'aisances et « évacuer par une vidange » (1865), notamment à propos d'un moteur ; il a dû être formé d'après vidangeur.
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VIDANGEUR, EUSE n. (1676, au masculin) est dérivé de vidange au sens spécial d'« action de vider une fosse d'aisances ». En français québécois, le mot s'emploie là où on dit éboueur en France.
VIDEUR, EUSE n. d'abord à propos de la personne qui vide les plats, c'est-à-dire d'un bon mangeur (v. 1180,
voideor) désigne une personne qui est chargée de vider qqch. (
XIIIe s.,
vuideur), d'où
vuideur de fosses « vidangeur » (1676) et, plus tard,
videur de poches « pickpocket » (1877), sortis d'usage.
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Le mot a été repris (1956, n. m.), d'après les emplois familiers de vider, en parlant de celui qui est chargé d'expulser, de « vider » les indésirables, dans un cabaret, un bal, un établissement de nuit.
VIDÉ, ÉE adj. et n. m. vient du participe passé du verbe, d'abord au sens de « dépourvu (de) » (v. 1240,
vuidié) et, concrètement, pour « creusé » à propos d'un dé pipé (1310).
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Il s'applique aujourd'hui à ce qui a été débarrassé de son contenu (v. 1360,
vidé).
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Au XVIIe s., le mot a qualifié par métaphore (peut-être du récipient sale) une personne malpropre (1640). Il s'emploie en hippologie en parlant des jarrets d'un cheval (1762), au sens de « maigre et sec » (Cf. évidé).
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Il se dit (1862) d'une personne épuisée ou qui n'a plus de ressources (intellectuelles, morales).
Quelques dérivés apparaissent en français classique et moderne.
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VIDURE n. f., réfection (1611) de vuydure (déb. XVIe s.), voidure (1530), signifie « action de vider » (1611, videure).
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L'emploi initial métonymique, pour « espace creux » (déb. XVIe s.), s'est prolongé par celui d'« ouvrage à jour » (1680). Le sens actif et la métonymie ont disparu.
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Le nom ne désigne plus aujourd'hui, par une autre métonymie, que ce qu'on ôte en vidant un animal (1752) et, au pluriel (1882), équivaut à « déchets ».
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VIDELLE n. f., terme technique, désigne un instrument de pâtissier pour couper la pâte (1659), un instrument de confiseur pour dénoyauter certains fruits (1803). Il est employé en marine (1876), désignation d'une couture à point de surjet pour réparer un accroc dans une voile.
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VIDOIR n. m., terme technique, désigne (1911) une cuvette dans laquelle on déverse des eaux de vidange.
Parmi les préfixés de
vider, seuls subsistent aujourd'hui dans l'usage courant
évider et
dévider.
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ÉVIDER v. tr. apparaît vers 1120 (esvuidier) au sens de « vider entièrement, nettoyer ». L'idée d'enlever, de retirer, concrète et abstraite, domine en ancien français dans plusieurs emplois qui ont tous disparu avant le XVIIe s. : « se vider » (v. 1180, intr.), « chasser (une pensée désagréable) » (v. 1190, esveudier), « quitter (un pays) » (1215), « dégarnir (un pays) de ce qui lui est nécessaire » (v. 1360), souvent en concurrence avec vider.
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Le verbe se spécialise au XVIIe s. au sens de « creuser en enlevant une partie de la matière », profondément (1642) ou superficiellement (1690), d'où son usage dans divers domaines techniques : en couture, pour « échancrer » (1659), en architecture pour « sculpter des reliefs » (1694), dans évider une aiguille (1723) « y faire la rainure où l'on percera le trou », puis en arboriculture (1757, évider un arbre), en chirurgie (1890, évider un os).
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Évider a fourni plusieurs termes techniques : ÉVIDURE n. f. (1644), ÉVIDOIR n. m. (1756), nom d'appareil ; et deux substantifs d'action, ÉVIDAGE n. m. (1848), ÉVIDEMENT n. m. (1852).
DÉVIDER v. tr. est attesté à la fin du
XIe s.
(desvuidier) au sens de « mettre en écheveau (le fil qui est sur le fuseau que l'on vide ainsi) ». Ce sens s'est conservé. Le verbe s'est employé aussi pour « vider » (v. 1190), « lancer des traits d'arbalète » (v. 1310).
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L'emploi du verbe en parlant d'un chien de chasse, pour « faire partir les oiseaux d'un lieu » (1393), correspond à des significations spéciales de
vider.
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Dévider est repris en tissage au sens demeuré courant de « mettre en pelote (un écheveau) » (1538 ; certainement antérieur,
Cf. dévidoir) et, par figure, signifie « parler beaucoup » (v. 1550), puis « expliquer, débrouiller » (1585-1600), acception disparue, comme
dévider une fourbe « découvrir une fourberie » (1671).
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Dévider le jars, « parler argot » (1849), appartient à l'argot ancien ; la locution métaphorique
dévider son chapelet (1830) utilise à la fois les sens figurés du verbe (ci-dessus) et celui de
chapelet.
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Le verbe s'emploie pour « vider » en français de la Réunion (dévider ses poches ; aussi au figuré, dévider son cœur).
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Le verbe a plusieurs dérivés. Le nom d'appareil DÉVIDOIR n. m., terme de tissage (XIIIe s., desvuidoir ; 1549, forme moderne), s'est employé au féminin (1317, desvidoueres ; 1611, devidoire). Le mot a désigné aussi un tuyau de fontaine (1530, devidouer).
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DÉVIDEUR n. m., réfection de desvoideur « dévidoir » (v. 1380), d'abord attesté au féminin desvuiderresse (XVe s., isolément), désigne une personne qui dévide le fil ; il n'est attesté régulièrement dans ce sens qu'au XIXe s. (1870, dévideur).
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DÉVIDEMENT n. m., autrefois en emploi concret (1636) pour « action de mettre le fil en peloton », a été repris comme terme abstrait pour désigner le fait de se dérouler (1866, dans une traduction de J. S. Mill).
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DÉVIDAGE n. m. « action de dévider » (1700) s'emploie aussi au figuré (1836).
ENVIDER v. tr., terme technique (1763), correspond à « enrouler (le fil de trame) ».
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Il a pour dérivé
ENVIDAGE n. m. (1838) et a servi à former un verbe préfixé.
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RENVIDER v. tr. (1765) se dit pour « bobiner (le fil) de manière à faciliter un dévidage ultérieur ».
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Ce dernier a pour dérivés RENVIDAGE n. m. (1845) et RENVIDEUR, EUSE adj. et n. désignant un ouvrier (1860) et qualifiant un appareil qui renvide.
TRANSVIDER v. tr. « faire passer (un contenu) d'un récipient dans un autre » (1829) est d'emploi régional et reste marqué par rapport à transvaser*.
VIDE-, forme du verbe
vider, entre dans la construction de mots composés.
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VIDE-BOUTEILLE n. m., autrefois équivalent familier d'« ivrogne » (1553), a désigné (1714) une petite maison de plaisance près d'une ville, où l'on se réunissait pour boire, se divertir.
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Ces acceptions ont disparu et le mot se dit aujourd'hui (1845) d'un instrument qui permet de vider une bouteille sans la déboucher.
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On relève également VIDE-POMME n. m. (1828) « instrument pour enlever le cœur et les pépins (de la pomme) » ; VIDE-TOURIE n. m. (1890) désigne un petit chariot à plateau basculant pour transporter et vider les touries ; VIDE-VITE n. m. inv. (1933) « dispositif de vidange rapide » ; VIDE-CAVE n. m. (mil. XXe s.) désigne une pompe hydraulique.
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VIDE-GRENIER n. m. (années 1980) se dit en français de France pour « vente d'objets d'occasion par un particulier » (Cf. au Québec l'expression vente de garage).