L
VIL, VILE adj. est issu (1080) du latin classique vilis « bon marché », d'où « de peu de valeur » au propre et au figuré, et « commun » ; ce mot latin est sans origine connue.
❏
L'adjectif s'applique à une personne méprisable, et surtout sans honneur ; appliqué aux choses, il reprend aussi (v. 1190) le sens latin de « sans valeur », sorti d'usage sauf dans la locution à vil prix (1518).
◆
Vil signifie (v. 1138) sur le plan social « qui est de la plus basse condition », opposé à noble, acception qui se maintient à l'époque classique en concurrence avec bas, roturier ; cet emploi est aujourd'hui archaïque.
◆
L'adjectif s'est appliqué par extension (v. 1170) à ce qui occupe le dernier rang dans une hiérarchie. Tous les emplois, sauf à vil prix, sont marqués comme littéraires en français contemporain.
❏
VILEMENT adv. (1370 ; v. 1130,
vilment), déjà noté comme peu usité par Richelet (1680), est demeuré très rare.
◈
AVILIR v. tr., réfection graphique (1587) de
avillir (
XIIIe s.),
advillir (1465), s'est substitué aux anciennes formes
aviler (v. 1050, encore relevée en 1636),
avillier (v. 1168) et, avec l'infinitif en
-ir, aveillir (v. 1180),
avieillir (v. 1220, en picard).
■
Le verbe signifie dès les premiers emplois « rendre vil, indigne d'estime ». Il est aussi employé au pronominal (XIIIe s., s'aviler ; 1587, forme moderne), spécialement (1690) pour « perdre de sa valeur ».
■
Le dérivé AVILISSEMENT n. m. s'emploie au propre (1587) et au figuré (1710).
◆
L'ancien français avilement n. m. (1165-1170), de aviler, a disparu.
■
AVILISSANT, ANTE adj. (1771) s'applique à ce qui avilit ; il est relativement courant.
■
Le verbe et ses deux dérivés sont assez fréquents au sens moral (plus que vil).
■
Le composé RAVILIR v. tr. (1588) est rare.
◈
VILETÉ n. f. est issu du latin classique
vilitas « bas prix », « absence de valeur, bassesse », « bon marché qu'on fait de qqch. », dérivé de
vilis.
■
La forme ancienne vilté (1080) signifiait « humiliation, avilissement », puis (v. 1138) « honte » et (une, des viltés) « action honteuse ». Au sens concret, vilté correspond au XVIe s. à « ordure, saleté » (1530).
◆
En moyen français, les formes vilté et vileté (qui apparaît au XVe s.) sont en concurrence aux sens moral et concret. Toutes deux s'emploient depuis le moyen français (v. 1450 pour vilté) pour « bas prix » (Cf. à vil prix), acception qui correspond à l'ancien provençal viltat (av. 1200). Vileté, avec la variante vilité (apparue, comme vileté, au XVe s.) signifie aussi « peu d'importance, caractère vil, bas » (1694). Tous les emplois ont disparu, sauf archaïsme stylistique.
◈
Enfin,
vilain et surtout son dérivé
vilenie ont été rattachés à tort, dès qu'ils ont pris leur sens dépréciatif moral, à
vil, alors qu'ils ont une étymologie toute différente.
❏ voir
VILIPENDER.
VILAIN, AINE n. et adj. est issu (1090) du bas latin villanus « habitant de la campagne » (IXe s.), dérivé du latin classique villa « ferme », qui a donné ville*. Au XVIIe s. (1690, Furetière), l'adjectif est écrit avec un l (vilain), le nom avec deux (villain) par souci étymologique.
❏
Vilain n. m. signifie « paysan, homme de basse condition » et notamment (v. 1119) « paysan libre », par opposition à
serf*. Cet emploi est déjà considéré comme archaïque à l'époque classique (1694, Académie), mais était devenu un terme d'histoire du droit au
XVIIe s. ; avec cette acception, où il s'oppose à
noble, le mot est entré dans plusieurs locutions dont
savonnette à vilain « charge qu'un roturier achète pour s'anoblir » (1701).
◆
Vilain, adj. a la même valeur en ancien français, par exemple dans
fief vilain (
XIIIe s.) « fief tenu par un roturier », emploi encore attesté au
XVIIIe s., ou dans
tènement (de
tenir)
vilain (1721).
L'idée de mépris, trop souvent liée à la condition sociale du paysan, explique l'évolution sémantique du mot, facilitée par le rapprochement avec
vil*. Dès le
XIIe s., il a en effet signifié « poltron » (v. 1138) et « avare », comme adjectif (mil.
XIIe s.,
vilain de qqch.), puis comme nom (
XVe s.), par exemple dans la locution
il n'est chère que de vilain « quand un avare donne un repas, il le fait avec plus de profusion qu'un autre » (1718).
◆
Comme adjectif, il a qualifié (v. 1155) la laideur morale d'une personne, puis d'une action, d'une parole (v. 1200,
vilain cas « méfait ») et s'emploie très tôt à propos de la laideur physique (v. 1200), emploi devenu familier ou régional, en tout cas marqué, en français contemporain.
■
Qualifiant une chose concrète, vilain s'emploie ensuite (v. 1320, vilain à qqn) à propos de ce qui est désagréable, déplaisant. Avec cette valeur, le nom a désigné depuis le XIVe s. des objets de qualité médiocre (1371, à propos d'un manteau).
◆
Au XVIe s., le mot, qui vieillit dans ses emplois moraux liés à une allusion sociale de roture et de paysannerie, commence à s'appliquer à une personne grossière ou malpropre (1530), acception qui se maintient à l'époque classique (1677, un vilain n. m. « homme sale »), puis disparaît.
◆
C'est de l'idée d'aspect désagréable et d'incommodité que procèdent la plupart des emplois de l'adjectif au XVIIe s. : le sens de « dangereux » (1636, un vilain rhume, etc.) s'est maintenu, celui d'« ingrat » (1636), est sorti d'usage, alors que vilain s'emploie encore pour « incommode » (1667) en parlant du temps, d'un chemin, etc., d'où les locutions il fait vilain « mauvais temps » (1680) et il fait vilain marcher « on marche difficilement » (1690), qui ne se dit plus, et où le mot prend une valeur adverbiale. Cette valeur s'est maintenue régionalement dans faire vilain (d'une personne) « se mettre en colère », locution attestée dans l'ouest de la France (Normandie, Bretagne gallo, Mayenne...), dans l'est (Lorraine, Vosges et du Jura à la Drôme).
◆
La péjoration explique les emplois anciens (1680) de vilaine n. f. pour « prostituée » et de vilain mal pour « syphilis ».
◆
Le proverbe jeux de main(s), jeux de vilain(s) [1690] fait allusion au sens de « rustre », puis reçoit une signification morale. Par extension du sens de « déplaisant », l'adjectif substantivé correspond à « situation déplaisante » dans tourner au vilain.
◆
L'emploi moral dépréciatif s'est maintenu, mais il a pris, du XVIIIe au XXe s. des connotations nouvelles, liées à l'oubli des valeurs originelles du mot, sociales et morales, et au vieillissement de l'adjectif vil, senti comme son origine (à tort, on l'a vu). Vilain, « qui se conduit mal » et « répréhensible », s'est spécialisé dans le langage de la morale destinée aux enfants et dans l'usage enfantin lui-même, à la manière de méchant (qui implique la volonté de mal faire) et de l'antonyme gentil. Cet emploi concerne à la fois l'adjectif, qualifiant personnes, actions et paroles, souvent impersonnel (que c'est vilain !), et le nom, souvent employé en appellatif (le vilain !, la vilaine ! ou vilain !).
■
Indépendamment de ces emplois, vilain ne concerne plus guère au XXe s. que des allusions sexuelles, par plaisanterie ou naïveté réelle ou simulée. Il s'emploie aussi comme intensif dans le désagrément (un vilain rhume, il fait vilain, du temps) et plaisamment pour « laid ». Comme substantif collectif, seul l'idée de danger est exprimée : il va y avoir du vilain.
❏
VILENIE n. f. est l'une des variantes (v. 1145) du dérivé de
vilain, vilanie (v. 1119),
vileinie (v. 1155).
■
Le mot reprend toutes les valeurs péjoratives de vilain, mais seule la valeur métonymique (une, des vilenies) [v. 1119], « action vile et basse », continue de s'employer en français actuel, devenue littéraire et rattachée à vil.
◆
Le mot s'est employé aux sens de « parole injurieuse » (v. 1165), « impudicité » et « action impudique » (v. 1180), encore à l'époque classique, d'où « outrage reçu par un mari trompé » (v. 1430), « prostitution » (1550), et par métonymie « parties sexuelles » (déb. XVIIe s.).
◆
L'acception de vilenies « paroles obscènes » (1690) a vécu jusqu'au XIXe siècle.
◆
Vilenie s'est dit pour « caractère bas » (v. 1200), « ordure, saleté » (XVe s.), acception encore relevée en 1878 et « avarice sordide » (1538), d'après un des sens de vilain. Tous les emplois spéciaux ont disparu.
◈
VILAINAGE n. m. est la reprise (1872), d'après
vilain, de
vilenage (v. 1283),
villenage (
XIIIe s.), qui se disait d'une terre roturière.
◆
Le terme d'histoire désigne aussi la condition de vilain et son habitation.
◈
VILAINEMENT adv. signifie « d'une façon grossière » d'un point de vue moral (v. 1165) ou esthétique (mil.
XIXe s.). Son emploi moderne correspond aux usages encore vivants de l'adjectif
vilain, en dehors de son emploi enfantin.
◈
VILENÉ adj. m. s'applique (1690,
lion vilené), en termes de blason, à un animal dont la verge (partie « vilaine »,
Cf. vilenie) est d'un autre émail que le corps ; on relève aussi
lion sans vilenie (1598).
❏ voir
VILLANELLE.
VILAYET n. m. est un emprunt (1869) au turc vilayet, lui-même pris à l'arabe (→ wilaya), de waliya « gouverner », pour désigner en histoire une province de l'Empire ottoman, gouvernée par un vali.
VILEBREQUIN n. m. représente (1450), une altération du moyen français wimbelkin (XIVe s.), attesté isolément en Flandres, et emprunté au néerlandais wimmelkijn, dérivé de wimmel « tarière », avec le suffixe diminutif -kijn (→ mannequin). Dans le nord de la France, on relève aussi les formes vuinbrekin (1367), wimbrekin, vuibrequin (1427). Le r de la syllabe -bre- proviendrait d'un rapprochement avec le flamand boorkin « foret ». La première partie du mot a été modifiée sous l'influence de virer, vibrer, et aussi de libre (la partie du milieu se mouvant librement). Le sud de la France a emprunté le mot sous la forme virebrequin, visiblement d'après l'idée de rotation (virer).
❏
Le mot désigne une manivelle coudée à laquelle on ajuste une mèche et qui sert à percer des trous. Par analogie de forme, il se dit (1845) en mécanique d'un arbre coudé, dont le coude est articulé à une bielle, spécialement en parlant d'un moteur à explosion (déb. XXe s.).
VILIPENDER v. tr., attesté en 1392, est emprunté au bas latin vilipendere (IXe s.) « traiter avec mépris », proprement « estimer comme vil », composé du latin classique vilis (→ vil) et de pendere « peser » et « évaluer » (→ pendre). La variante vilpander (1613) a rapidement disparu.
❏
Ce verbe, d'usage aujourd'hui littéraire, a conservé le sens de l'étymon ; noté comme « vieux et populaire » par Furetière (1690), il a été repris au XIXe siècle (par ex. Stendhal, 1835).
◆
En français de Suisse, le verbe (depuis les années 1950, semble-t-il) s'emploie pour gaspiller, peut-être par influence de dilapider (paronymie de la finale), à propos d'une chose dévalorisée, « avilie » (vilipender son héritage).
❏
Les dérivés VILIPENDEUR, EUSE n. et adj. (fin XIXe s.), VILIPENDAGE n. m. (fin XIXe s.) sont rares.
VILLA n. f. est emprunté (1743) à l'italien villa « ferme », « maison de campagne », lui-même emprunt au latin villa de même sens (→ ville).
❏
Le mot désigne d'abord une riche maison de plaisance en Italie, ou un édifice qui le fut autrefois.
◆
Depuis l'époque romantique (1821, Hugo), il se dit d'une maison de plaisance avec un jardin, qui suppose un certain luxe. Cette idée de luxe s'atténue à la fin du
XIXe et au
XXe s., où
villa s'applique à une maison individuelle, assez spacieuse, isolée par un jardin, plus importante que le
pavillon.
■
Villa s'emploie aussi en histoire, d'après le latin, pour désigner (1810 dans Chateaubriand) un domaine rural dans l'Italie antique, en Gaule mérovingienne et carolingienne.
■
Par extension (1914), le mot se dit d'une voie bordée de maisons individuelles, et qui n'est pas destinée à la circulation urbaine (souvent, en impasse).
■
En français d'Afrique, le mot peut s'appliquer à toute maison individuelle bâtie « en dur ».
❏ voir
VILLÉGIATURE.
VILLAGE n. m., sous la forme latinisée villagium en 1235 et francisé en villaige (1385), village (av. 1390, Froissart), est un dérivé de ville* d'abord « maison de campagne », au sens de « groupe d'habitations rurales ». D'autres dérivés de ville avec ce sens sont attestés en ancien et moyen français, vilel n. m. (XIIIe s.), vilele (v. 1200), viloi n. m. (XIIIe s.).
❏
Le mot désigne une agglomération rurale, assez importante pour avoir une vie propre, en cela différent du
hameau* et de l'
écart. Il s'est dit par métonymie (v. 1360) pour « villageois », sens disparu.
Village s'est employé dans plusieurs locutions figurées, dont
être bien de son village « ne pas connaître le monde », « être naïf » (1611).
◆
Par métonymie,
le village désigne (1694) les habitants d'un village (
tout le village est en émoi, etc.).
■
La désignation du mot, toujours opposé à ville, peut varier ; en français d'Afrique, village désigne une agglomération, même importante, qui se consacre aux activités agricoles ; en Louisiane, toute agglomération autre que La Nouvelle-Orléans, y compris les villes (aller au village : aller à la ville). Le mot, en français d'Afrique, a une forte valeur symbolique ; par rapport à une personne, il désigne l'origine, la patrie spirituelle, aller au village connotant le retour aux origines.
❏
Le dérivé
VILLAGEOIS, OISE adj. et n. qualifie d'abord (v. 1500) ce qui vient d'un village, est propre aux gens d'un village (1536). L'adjectif est aujourd'hui vieilli ou littéraire
(des mœurs villageoises), concurrencé par
paysan, rural, etc.
◆
Le nom désigne une personne qui habite un village (v. 1520) ; il a supplanté
villagier (v. 1500).
◈
VILLAGISATION n. f., en Afrique subsaharienne, « regroupement de populations dispersées dans des villages ». Le mot, attesté dans les années 1980 en français, est calqué de l'anglais
villagization, employé à propos de l'Afrique orientale et de l'Inde.
VILLANELLE n. f. est un emprunt (1580, Montaigne) à l'italien villanella « chanson, danse villageoise », dérivé de villano « paysan », du bas latin villanus (→ vilain).
❏
Le mot désigne une poésie pastorale, puis (1611) un air fait pour danser et la danse elle-même. On a dit en ce sens villanesque (1734, de l'italien villanesco).
◆
Villanelle se dit aussi en histoire littéraire (repris XXe s.) d'un poème à forme fixe, établie à la fin du XVIe s., à couplets de trois vers et un refrain, terminé par un quatrain.
VILLE n. f., d'abord vile (v. 980), écrit ville vers 1200, est issu du latin classique villa « ferme, maison de campagne » (→ villa), puis, à partir des Ve-VIe s., « groupe de maisons, village » et en gallo-roman « agglomération urbaine ». Le mot, comme vicus (→ voisin), a été formé par une structure °weik-s-la, à partir du thème indoeuropéen °weik- indiquant l'unité sociale immédiatement supérieure à la « maison » (grec oikos) du chef de famille. (→ paroisse).
❏
Le mot se dit d'abord d'une agglomération formée autour d'une ancienne cité, sur le terrain d'anciens domaines ruraux, origine de l'emploi moderne.
◆
Jusqu'au
XIIIe s., il s'emploie surtout en parlant d'une exploitation agricole, valeur dont procède le dérivé collectif
vill-age (→ village), puis d'un groupe de maisons rurales entourant un château (v. 1200). Mais le mot peut déjà s'appliquer à une agglomération importante (1080,
Chanson de Roland, où il s'agit de Saragosse).
◆
Dans la langue classique et jusqu'au
XIXe s. dans les dictionnaires, il est défini comme « agglomération limitée et protégée par une enceinte » : ce caractère, qui n'est que secondaire dans la formation du concept, n'est plus pertinent. Au
XIIIe s., ce concept est assez général pour englober ceux de « cité » (latin
urbs) et d'« agglomération rurale » et on dit par exemple
ville champestre (
XIIIe s. ; encore chez d'Aubigné, déb.
XVIIe s.). Dès le
XIIe s., cependant, la ville se caractérise par une organisation juridique, et implique certains droits. Ainsi,
ville franche (
XIIe s.), parfois
bonne ville, s'appliquait aux agglomérations tenant du roi le droit de bourgeoisie et affranchies de la taille (v. 1283), et les locutions
rendre la ville « rappeler du bannissement » (1295) et
perdre la ville (1495) « être banni » soulignent l'importance du droit lié à la résidence dans une agglomération appelée
ville (Cf. bourg pour bourgeoisie).
◆
Le mot désigne également au
XVIe s. (av. 1587, Du Vair) le corps des officiers municipaux, la personne morale que constitue la municipalité, puis (1636) l'ensemble des habitants d'une ville ; il se dit spécialement (1680) de la bourgeoisie de Paris.
■
Par ailleurs, le rôle des villes et des bourgs, les premières étant souvent, comme on l'a vu, protégées par une enceinte, est essentiel dans la conduite de la guerre ; les notions de fortifications, de siège, y sont liées. Une locution comme avoir ville gagnée (XVe s.), au figuré « avoir surmonté les difficultés d'une entreprise », en porte témoignage, de même que ville ouverte (non protégée, sinon par le droit international).
◆
La fonction sociale du milieu urbain oppose à partir du XVIe s. la ville à la campagne. Ainsi, habit de ville (1549) correspond à « habit que l'on porte à la ville ». En ville, « dans la ville », correspond (1567) à « qui est sorti de sa maison » (d'où aller en ville), puis (déb. XVIIe s.), « qui est resté dans la ville ». En français contemporain, certains emplois anormaux de en ville (là où on emploie habituellement à suivi du nom de la ville) sont calqués sur l'anglo-américain in town.
■
Au XVIIe s., notamment après l'installation de la cour de Louis XIV à Versailles, la ville désigne Paris et s'oppose à la cour (Versailles). Le même type de sémantisme se rencontre en français de Louisiane, où la ville s'applique à La Nouvelle-Orléans, les autres villes de l'État étant appelées en français cadien (cajun) villages.
◆
Plus généralement, la ville (1677) correspond à la vie, aux habitudes sociales des villes, opposée à la campagne.
◆
Mais ville s'applique également à des agglomérations d'importance variable ; d'où l'emploi de grande ville et petite ville, et de ville de province (en France) opposé à Paris.
◆
Ville prend le sens de « quartier, partie (d'une agglomération) » (1690), notamment dans des expressions comme la ville haute, basse, etc. et, avec les colonies, ville indigène, ville européenne. En français du Maroc, on a pu opposer ville « agglomération d'aspect européen, créée par la colonisation », et médina.
◆
Dans son sens le plus courant, ville entre dans plusieurs locutions figurées de l'usage classique (dans Furetière, 1690), comme faire faire un tour de ville à qqn « promener et fouetter qqn dans les carrefours pour le châtier », les faubourgs sont plus grands que la ville, équivalent de les arbres cachent la forêt.
◆
Le mot, qualifié, entre dans de très nombreux syntagmes plus ou moins lexicalisés comme la ville éternelle « Rome » (1734), ville universitaire (1876), la ville lumière (fin XIXe s., à propos de Paris) ville d'eaux*, ville-musée (1920), ville nouvelle (v. 1968). Ville champignon (1911) s'est dit d'une ville en croissance très rapide.
❏
Le diminutif
VILLETTE n. f., d'abord « petite maison des champs » (v. 1100), se dit ensuite pour « très petite ville » (v. 1190,
vilete), aussi en ancien français
vilate (v. 1190). Le mot, sorti d'usage, reste présent dans des noms géographiques
(Cf. La Villette, aujourd'hui quartier de Paris).
◆
Il a été repris en urbanisme (1973) pour désigner une commune suburbaine où les habitants vivent en majorité en maisons individuelles, alors opposé à
grand ensemble ; il reste rare.
◈
VILLOTIER, IÈRE n., d'abord féminin (v. 1200), a désigné une personne débauchée, femme, puis (1538) homme
(vilotier), la ville étant considérée comme un lieu de débauche. Il s'est dit aussi d'un homme simple, sans affectation (v. 1460-1475), alors lié à
ville « ferme ». Il a disparu.
❏ voir
VILAIN, VILLA, VILLAGE, VILLÉGIATURE, BAISE-EN-VILLE (art. BAISER) ; BIDONVILLE (art. BIDON).
VILLÉGIATURE n. f. est emprunté (1728-1729, Montesquieu) à l'italien villeggiatura « séjour à la campagne », dérivé de villeggiare « aller à la campagne », de villa « maison de campagne », emprunt de l'italien au latin villa (→ villa, ville).
❏
Le mot conserve le sens de l'italien, le séjour pouvant être effectué ailleurs qu'à la campagne ; il désigne par métonymie (1885) le lieu et la durée du séjour, aujourd'hui lié à l'idée de vacances sédentaires, dans un lieu différent de la résidence habituelle (souvent villes d'eau, séjour balnéaire). Le mot a vieilli ; il s'emploie surtout dans en villégiature, et avec une connotation sociale élevée.
❏
En dérivent VILLÉGIATURER v. intr. (1860, Mérimée), VILLÉGIATEUR n. m. (1876), vieillis, VILLÉGIATURANT, ANTE n. (XXe s.), rare, comme VILLÉGIATURISTE n. m. (XXe s.), ces trois derniers mots étant le plus souvent remplacés par estivant*, vacancier*.
VILLEUX, EUSE adj., attesté au XIVe s. (1377), rare avant le XVIIIe s. (1742), est un emprunt savant au latin impérial villosus « velu, couvert de poils » (→ velours), dérivé du latin classique villus « touffe de poils ».
❏
L'adjectif s'applique d'abord en médecine à une surface (tumeur, etc.) qui présente des saillies filiformes donnant un aspect velu. Il a été repris en histoire naturelle, qualifiant des animaux inférieurs (1742), des plantes (1812) qui portent des poils ou de petites saillies analogues à des poils.
❏
Du radical a été dérivé VILLOSITÉ n. f., employé en histoire naturelle (1775) et en anatomie (1805).
❏ voir
VELU.
L
VIMAIRE n. f. est issu (v. 1170) du latin classique vis major « force majeure », composé de vis « force » (→ viril) et de major, (→ maire, majeur) comparatif de magnus « grand » (→ magnum).
❏
Le mot a d'abord signifié « dommage », « effet funeste », puis s'est spécialisé en sylviculture, désignant (XIVe s.) un dommage causé dans les forêts par les intempéries (ouragan, grêle, etc.).
◆
Il s'est employé pour « tempête » (1498), notamment au XVIe siècle. Il est sorti d'usage.
L
VIN n. m. est issu (v. 980) du latin classique vinum qui désigne à la fois la boisson et le raisin, la grappe et, par analogie, des boissons fermentées tirées d'autres fruits que le raisin (cidre, poiré, etc.) ; le latin emploie le mot au singulier et au pluriel (vina). Vinum a donné des formes celtiques et germaniques, que l'on retrouve dans l'anglais wine ou l'allemand Wein. Le terme est largement répandu dans les langues méditerranéennes, sous différentes formes : grec oinos (de °woinos) (→ œnologie), arménien ginê, albanais vênë, etc., mais on ne sait si l'origine en est indoeuropéenne. Les formes sémitiques reposant sur °wayn- comme l'hébreu yayin ou l'éthiopien wayn sont également apparentées à vinum, sans qu'on puisse établir de priorité entre une origine sémitique ou indoeuropéenne.
❏
Le mot désigne à l'origine, comme en latin, la boisson provenant de la fermentation du jus de raisin. Il est relevé très tôt (v. 1210) au sens de « pourboire », emploi toujours vivant au
XVIIe s., disparu ensuite. Le mot désigne également (1389) une préparation pharmaceutique où le vin sert d'excipient.
◆
Du
XIVe au
XVIIe s., le mot est souvent qualifié par des noms d'animaux, selon l'effet que la boisson produisait : on relève
vin de singe (1373) « qui met en gaieté »,
vin de lion « qui rend querelleur »,
vin de truie « qui fait vomir »,
vin de renard (1611) « qui rend rusé »,
vin de pourceau « qui endort »,
vin d'âne « qui rend hébété » (1640),
vin d'agneau « qui rend doux » (1669), etc. ; toutes ces locutions ont disparu.
◆
Depuis le
XIVe s.
vin est qualifié selon sa fabrication, sa qualité, son état, ses caractéristiques, etc., d'où par exemple
vin sur lie (1550,
sur lye),
vin vieux (1511),
vin doux (déb.
XIVe s.),
vin pétillant (1660),
vin bourru (1690) ; les syntagmes, probablement plus récents et très usuels,
vin blanc, vin rouge, vin mousseux, plus tard
vin rosé, ont donné lieu à des substantivations de l'adjectif (
un blanc, un rouge, etc.). Les innombrables désignations précisant l'origine (
vins de Bourgogne, de Bordeaux, etc.) ont souvent vieilli, remplacées par la substantivation au masculin du nom de l'origine (
du bourgogne, du beaujolais, du champagne, etc.). Les qualifications concernant la provenance (non précisée géographiquement) et la qualité semblent, à l'exception de
vin de pays (1798 ; 1671,
vin du païs), dater du
XIXe et du
XXe s. ; c'est aussi le cas de
vin courant, de table, opposé à
vin fin, grand vin, vin de cru et des appellations administratives (françaises, puis de l'Union européenne) comme
vin d'appellation d'origine contrôlée (A. O. C.) ou
vin délimité de qualité supérieure (V. D. Q. S.). La consommation du
vin a entraîné des expressions aujourd'hui vieillies comme
vin ouvert, tiré du tonneau et servi en carafes, pichets, etc. (se dit encore au Luxembourg, en Suisse) ou
vin bouché, en bouteilles bouchées, expression disparue avec la généralisation du procédé.
◆
La désignation d'origine procède par adjectifs (du
vin italien, portugais) en compléments
(du vin d'Australie), les expressions
vin français, vin de France étant normales en français du Québec ou des régions francophones hors d'Europe, mais inusitées en français de France.
■
La phraséologie utilisant le mot est abondante, outre les locutions signalées plus haut. La locution vin à une oreille (1534), vin d'une oreille (1680) signifiait « bon vin », parce que, dit-on, celui qui en buvait penchait l'oreille en signe d'approbation ; cette désignation s'opposait à vin à deux oreilles (XVIIe s.).
◆
Vin se dit par métonymie (1462) de l'habitude, du fait de boire, de l'ivresse, d'où les locutions cuver son vin (1611), être entre deux vins (1623) « légèrement ivre », avoir un mauvais vin (1690), aujourd'hui avoir le vin mauvais (1697) « avoir l'ivresse agressive », avoir le vin gai, triste ; être pris de vin « ivre » (1690 ; Furetière signale aussi être en vin), ou encore porter bien son vin « boire beaucoup sans qu'il y paraisse » (1694), remplacé par tenir (le vin, l'alcool).
◆
La locution figurée le vin est tiré, il faut le boire, « quand on est engagé dans une entreprise, on ne peut plus reculer » (1576, Baïf), est devenue au XIXe s. quand le vin...
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De vin signifie « couleur du vin rouge », en particulier dans tache de vin (1694) « nævus » et lie-de-vin*.
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Le mot (un vin) désigne une quantité de vin bue en certaines occasions, d'abord dans des locutions comme vin de coucher (1285) puis vin du coucher (XVIIe s.) « collation avant le coucher » et, spécialement (1317), « vin offert par les mariés le soir de la noce, pour qu'on les laisse en repos » (expressions disparues), puis vin de ville « offert par une municipalité à des hôtes de marque » (1718), ou vin d'honneur « offert en l'honneur de qqn » (1659), réunion plus formelle que le pot (ou la verrée suisse).
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Vin s'emploie aussi littérairement par figure (1832) pour « boisson vivifiante » et « enivrement », par exemple dans le vin de la gloire, etc.
Comme le latin vinum, vin peut désigner des boissons obtenues par fermentation d'un jus végétal : vin de pommes (1317) est le premier d'une longue série, par exemple vin d'airelles ; vin de palme, sève de palmier fermentée. Des expressions comme vin de mil, de maïs, de banane, ne sont courantes qu'en français d'Afrique.
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D'autres syntagmes s'appliquent à des mélanges de vin et d'une autre substance végétale (vin de noix, vin d'orange).
❏
VINÉE n. f., attesté isolément sous la forme
vingnée (
XIIIe s.) au sens de « récolte de vin » (1506,
vinée), a signifié aussi « vin » (1369,
vinée). Ces acceptions ont disparu.
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Le mot désigne en viticulture l'endroit où fermente le vin (1661) et en agriculture (1863) une branche à fruits, dans la taille longue de la vigne.
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On emploie régionalement dans le même sens VINOUSE n. f. (1857), mot emprunté au provençal, substantivation de l'adjectif vinous, issu du dérivé latin vinosus « vineux » (Cf. vineux, ci-dessous).
◈
1 VINAGE n. m. a désigné (1271, encore au
XVIIIe s.) un droit payé sur la récolte ou le transport du vin. Par ailleurs, le mot s'est dit d'une quantité de vin consommée (
XVIe s.), d'une tisane mélangée de vin (1598).
■
VINER v. tr. a eu plusieurs acceptions, « vendre du vin » (1325, intr.), « faire prendre qualité au vin en le laissant dans la cuve » (fin XIVe s.), « cultiver (la vigne) » (1469, v. tr.) ; toutes ont disparu.
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Le verbe signifie aujourd'hui en technique viticole « ajouter de l'alcool à (un vin) », d'où 2 VINAGE n. m. (1867) qui désigne l'opération.
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VINASSE n. f., formé avec le suffixe péjoratif
-asse, s'est d'abord dit (1765) du liquide trouble provenant d'un vin à demi aigre ; puis le mot désigne (1808) le résidu liquide qui reste après la distillation des liquides alcooliques, emploi technique, et, couramment (1832), un mauvais vin et, en général, du vin ordinaire
(Cf. pinard).
■
VINASSIER, IÈRE adj. et n., attesté au XXe s., rare et régional, appliqué à ce qui concerne le vin, est substantivé au masculin au sens de « marchand de vins en gros » (Cf. pinardier) et de « grand buveur de vin ».
◈
VINEUX, EUSE adj. est un emprunt adapté (v. 1269) au latin classique
vinosus « adonné au vin », « ivre » et « qui rappelle le vin », dérivé de
vinum.
■
L'adjectif a d'abord qualifié ce qui contient du vin, puis s'applique à ce qui est produit sous l'influence du vin, en parlant d'une œuvre (v. 1350), d'une querelle (1508), emploi disparu.
◆
Vineux s'emploie en parlant de ce qui a une odeur, un goût de vin (1549), de ce qui est riche, fertile en vin (mil. XVIe s.), sens conservé dans certains noms de lieux (Coulanges-la-Vineuse). Il signifie « riche en alcool (d'un vin) » (v. 1300) et, couramment, « qui a la couleur du vin » (1600), sens qui correspond à celui de l'ancien provençal vinos (v. 1350).
◆
Il a disparu pour qualifier une personne adonnée au vin (av. 1660, Scarron).
◆
Vineux prend au début du XIXe s. le sens de « relatif au vin », d'où sarment vineux (1845), et s'applique à ce qui est taché de vin (1835).
■
VINOSITÉ n. f., terme technique, est un dérivé savant de vineux ou un emprunt au dérivé latin impérial vinositas « suc vineux », de vinosus.
◆
Le mot (v. 1390) désigne la qualité d'un vin qui a de la force en alcool. Sorti d'usage, il a été repris en 1801 en œnologie.
◈
VINAIRE adj. est emprunté (1732) au latin classique
vinarius « relatif au vin » et, nom masculin, « marchand de vin », « buveur de vin », dérivé de
vinum.
■
Le mot a désigné un marchand de vin de l'Antiquité, puis un religieux chargé de la cave.
◆
Il a été repris comme adjectif, alors probablement dérivé de vin, dans fermentation vinaire (1755). Il est rare appliqué (1845) à ce qui concerne le vin, remplacé par vinicole*.
■
VINIQUE adj. « du vin » (1836) est didactique.
■
VINIFÈRE adj., terme très didactique, est emprunté (1812) au latin impérial vinifer « qui produit du vin », de ferre « porter », et en conserve le sens.
◈
VINI-, élément tiré de
vinum, entre dans la formation de quelques composés.
■
VINIFICATION n. f. (1791) a été formé sur le modèle de mots comme panification, au sens de « fabrication du vin ».
■
Il a pour dérivé VINIFICATEUR n. m. (1845) et VINIFIER v. tr. (1845, isolément ; repris au XXe s.), « transformer (le jus de raisins) en vin », surtout employé au participe passé adjectif (vin bien, mal vinifié).
■
VINICOLE adj. (1842 ; 1831, vignicole), de -cole, qualifie ce qui est relatif à la production du vin.
◆
VINICULTURE n. f. (1834) a été remplacé par viticulture*.
◆
L'élément VINI- peut entrer dans d'autres mots, à côté du vino- de vinothèque (ci-dessous).
◆
VINIQUE adj. (1836) ne s'emploie plus que dans alcool vinique « de vin ».
◈
Le préfixé
AVINER v. tr., attesté isolément (v. 1180) au sens de « fournir en vin », a une acception technique (
XIIIe s.) « imbiber de vin », mais seul
AVINÉ, ÉE adj., tiré du participe passé (
XIIIe s.), s'emploie aujourd'hui en parlant d'une personne :
s'aviner « s'enivrer » est archaïque.
◈
VINAIGRE n. m. est composé (1200) de
vin* et de
aigre* ; la dénasalisation de
vin fait que le rapport entre
vinaigre et
vin n'est plus immédiatement perçu.
■
Le mot, qui a éliminé l'ancien français aisil (v. 1120), issu du latin acetum (→ acétique), désigne un liquide formé de vin aigri par la production de l'acide acétique et utilisé comme condiment, et par extension (1570) un liquide obtenu avec une autre solution alcoolisée, ce qui entraîne l'expression vinaigre de vin. Le mot est souvent qualifié (vinaigre de framboise, etc.).
■
Le sens figuré (mil. XVIIe s.) de « propos, comportement qui blesse » est archaïque, de même que l'expression argotique crier au vinaigre (1660, Chéreau) « appeler au secours », et celui d'« affliction » (1765) a disparu, mais l'idée d'acidité pénible est réactivée dans tourner au vinaigre (1879), tourner vinaigre « finir mal ».
◆
Vinaigre se dit familièrement (1808) du mouvement rapide donné à la corde pour sauter, par référence aux qualités métaphoriques du vinaigre (vivacité acide), opposé à sauter à l'huile « lentement ». Le même sémantisme s'exprime dans la locution faire vinaigre « se dépêcher » (1916), argotique puis familier.
◆
Vinaigre de bois (1824), « acide acétique tiré de la distillation du bois », est sorti d'usage, comme vinaigre de toilette « mélange d'eau de cologne et de vinaigre » (1839). Au bon vinaigre !, cri que l'on poussait en portant un enfant sur le dos (attesté 1872) est un souvenir du cri des marchands portant sur le dos leur tonnelet de vinaigre (Cf. vinaigrier, ci-dessous). Tourner en vinaigre (1857), puis tourner au vinaigre « s'aigrir », s'emploie par figure au sens de « mal tourner » (1894).
◈
Le diminutif
VINAIGRETTE n. f. se dit (1393) d'une sauce faite avec du vinaigre, de l'huile et des herbes et, par métonymie, d'un mets accommodé à la vinaigrette (1538 au plur. ; 1690 au sing.).
◆
Ont disparu le sens de « récipient pour le vinaigre » (1616) et la locution figurée
coup de poing à la vinaigrette (1640).
■
Vinaigrette a désigné à l'époque classique (1680) une voiture à deux roues proche de la chaise à porteurs, ainsi dénommée à cause de sa ressemblance avec les brouettes des vinaigriers.
◈
VINAIGRIER n. m. désigne (1493) un fabricant ou un marchand de vinaigre, acception usuelle à l'époque classique, où le vinaigrier et sa brouette font partie des petits métiers urbains (
La Brouette du vinaigrier est un texte de L.-S. Mercier, à la fin du
XVIIIe s.). Le mot désigne aussi (1572) un récipient pour mettre le vinaigre, valeur reprise au
XXe s. pour un récipient employé pour la préparation domestique du vinaigre.
◆
Par analogie de couleur, c'est l'un des noms du sumac (1762) et du carabe doré (1842).
◆
En dérive
VINAIGRERIE n. f. (1723).
■
VINAIGRER v. tr., « assaisonner avec du vinaigre » (1680, au participe passé ; 1690, infinitif) est vieilli au sens figuré de « rendre piquant » (1837 ; 1831 au participe passé).
◈
VINOTHÈQUE n. f., composé (1973) hybride sur le modèle de
bibliothèque, discothèque, etc., désigne un centre d'exposition et de vente de vins.
◈
VINTAGE n. m. est un emprunt à l'anglais
vintage « vin millésimé » et « millésime », attesté dans ce sens en 1746, pour un mot existant depuis le
XVe s. au sens de « récolte (en raisins ou en vin) d'une vigne ». Il était emprunté à l'anglo-normand (français d'Angleterre)
vintage, forme modifiée de
vendange (latin
vendemia). En français, du fait de la commercialisation de ces vins par les Britanniques, il qualifie un porto millésimé à consommer comme du vin, puis un champagne millésimé et non assemblé. Un réemprunt à l'anglais, qui a pris ce sens en 1929 aux États-Unis, s'applique aux automobiles construites avant 1930, puis (années 1990), comme apposition ou adjectif, à des objets anciens conservés depuis leur création ou imités
(une robe vintage).
❏ voir
VENDANGE, VIGNE, VIGNETTE, VINYLE, aussi ÉPINE-VINETTE (art. ÉPINE), PISSE-VINAIGRE (art. PISSER).
VINDAYE n. f., emprunt au créole mauricien vinday, du portugais vinha d'alhos, désigne en français de Maurice un plat de poisson frit, épicé, macéré dans l'huile et le vinaigre.
VINDICATIF, IVE adj. est un dérivé savant (v. 1400) du latin classique vindicare, qui a donné venger*.
❏
Il est d'abord appliqué à une personne portée à se venger, acception toujours vivante. Au sens de « qui punit les fautes », en parlant de Dieu (1485), d'où (1652) justice vindicative « qui punit les crimes », il a disparu, remplacé par vengeur.
◆
Il qualifie ensuite (v. 1515) ce qui marque un esprit de vengeance.
❏
VINDICATIVEMENT adv. (1530) est littéraire et rare.
❏ voir
VINDICTE, REVENDICATION.
VINDICTE n. f. est un emprunt (1523) au latin classique vindicta « revendication », spécialement vindicta in libertatem « revendication en liberté », mode d'affranchissement où l'on touchait l'esclave d'une baguette, substitut de la lance qui était le symbole de la propriété et de la force ; le mot désigne ensuite la baguette elle-même, l'affranchissement, et prend en latin impérial le sens de « vengeance, punition », d'après vindicare « venger* », dont il dérive.
❏
Le terme, en droit, signifie « poursuite et punitions des crimes par l'autorité », d'où vindicte publique (av. 1615) et, par extension, désigner qqn à la vindicte du peuple, à la vindicte publique, avec l'idée de vengeance.
◆
Depuis le XIXe s. (1842), vindicte désigne en droit romain, la petite baguette, symbole de la force, qu'on employait au besoin pour défendre un droit. Il s'agit alors d'un réemprunt didactique.
VINGT adj. numéral est la réfection étymologique (v. 1250) de vint (1080), issu du bas latin vinti, contraction du latin classique viginti, composé du nom correspondant à « deux », suivi d'une forme signifiant « dizaine » ; l'unité est représentée par vi-, variante de bi-, bis- (→ bis) « deux fois » (équivalent du grec di-, dis di-) et la dizaine par -gint « dix », présent dans tous les noms latins de dizaines (→ trente ; quarante, cinquante, etc.). Bis a des correspondants dans les langues indoeuropéennes, comme l'avestique biš, le grec dis, le sanskrit dvíḥ.
❏
Vingt est d'abord numéral cardinal, puis ordinal, spécialement comme premier terme dans les ordinaux composés (v. 1210,
vingt-unisme). En emploi nominal, il désigne le nombre (fin
XIIIe s.).
◆
Vingt ans (v. 1273) se dit d'un âge représentatif de la jeunesse.
◆
Le mot, comme
cent, s'emploie aussi pour « un grand nombre de » (1
re moitié du
XVIIe s., Guez de Balzac).
◆
Depuis le
XIXe s., comme substantif, il désigne un immeuble, un bureau, etc., qui porte le numéro 20 (attesté en 1876), puis
le vingt se dit (
XXe s.) pour le 20
e jour du mois, le numéro vingt, etc.
◆
Les vingt, pour « vingt personnes », se trouve dans des noms de groupes comme l'
Association des Vingt (1884-1893) groupant vingt artistes belges qui invitaient chaque année vingt artistes étrangers (Rodin, Manet, Cézanne, Van Gogh en firent partie). On relève aussi (1920)
vingt dieux ! comme juron familier.
■
Vingt, adjectif cardinal, a été utilisé dans le système dont il est la base (système vicésimal, ci-dessous) dans trois-vingts « soixante » (v. 1170, treis vinz ; v. 1420, trois vins), six-vingts « cent vingt » (XIIIe s., sis vinz ; XIVe s., six-vingts), etc. Restent vivants quatre-vingts et quatre-vingt-dix (→ quatre), courants en français de France et illogiques dans le système décimal, qui requiert octante ou huitante, nonante, et quinze-vingts (→ quinze) dans des noms propres.
Vingt entre dans la formation des adjectifs numéraux cardinaux
vingt et un (1530,
ving et un),
vingt-deux (v. 1220), etc.
◆
VINGT-DEUX s'emploie spécialement comme nom masculin et interjection ; le mot est attesté en argot (1837) au sens disparu de « poignard », et dans
vingt-deux que... « je parie que » (1874), puis
vingt-deux ! « attention ! » (1888), surtout employé pour avertir de l'arrivée de la police. Au rugby,
les vingt-deux mètres (1900) désigne la zone défensive délimitée par une ligne tracée à 22 mètres de chaque ligne de but.
■
Chacun des composés fournit un adjectif numéral, vingt et unième est la réfection (1538) de vint-unisme (v. 1210), vint et unime (XIVe s.), vingt-deuxième (1465) a été précédé par vingt et deuxième (1226).
◆
Le Traité des vingt-quatre articles, élaboré par la conférence de Londres de 1831, visait à fixer la frontière entre la Belgique et les Pays-Bas (qui le refusèrent, car ils revendiquaient Anvers).
❏
Le dérivé
VINGTIÈME adj. numéral est employé en ancien français comme ordinal sous les formes
vintisme (v. 1155),
vintime (v. 1170), au
XIVe s.
vintiesme (1380), refait comme
vingt en
vingtième (1538 avec cette valeur).
■
Le mot a désigné (1271, vintisme) un ancien impôt, correspondant à la 20e partie des biens-fonds.
◆
Il est employé dans un, le vingtième comme fractionnel (1271, n. m., rare av. 1611 ; 1690, adj.) et, à partir du XIXe s., en parlant de qqn ou qqch. qui occupe le 20e rang (1872).
■
VINGTIÈMEMENT adv. est attesté au XVIIe s. (1636).
■
VINGTIÉMISTE n. désigne (v. 1960) un, une spécialiste de la littérature du XXe siècle.
◈
VINGTAIN n. m., sorti d'usage, est emprunté (
XVIIe s.) à l'ancien provençal
vinten ou
vintein (
XIVe s.), dérivé de
vint (de même origine que
vingt).
◆
Le mot désignait comme en provençal une redevance du vingtième (
XVIIe s.) et s'est employé pour « vingtaine » (1636).
◆
Il s'est dit d'un drap dont la chaîne est faite de 20 fois 100 fils (1723).
■
VINGTAINE n. f., réfection graphique (1530) de vintaine (XIIIe s.), désigne un nombre représentant vingt unités ou un nombre approximatif de vingt ; il s'est dit par métonymie d'une assemblée comprenant 20 personnes (XIIIe s., en parlant des contrôleurs de la taille).
◆
Vingtaine est sorti d'usage comme terme technique ; le mot désignait une corde employée pour hisser qqch. (1314, vintaine, en ancien normand) et spécialement (1676) une corde que les maçons utilisaient pour tenir écartés les fardeaux élevés le long d'un mur, ainsi qu'une grosse corde de meunier (1680).
◆
L'expression la vingtaine de mai, « période du 21 avril au 10 mai redoutée à cause des gelées tardives » (1752), est sortie d'usage.
◈
VINGTUPLE adj. et n. m. (1550,
vintuple ; v. 1830 avec
-g-), formé d'après
décuple, centuple, signifie « vingt fois plus grand » (1830,
n. m.) et a fourni
VINGTUPLER v. (1797), peu usité.
◈
VICÉSIMAL, ALE, AUX adj. a été formé savamment (1872) à partir du latin
vicesimus « vingtième » et s'emploie en arithmétique pour « qui a pour base le nombre vingt ».
◆
VICENNAL, AUX adj. figure en 1721 dans le Dictionnaire dit de Trévoux, par emprunt au bas-latin
vicennalis, de
vicies « vingt fois » et
annalis « de l'annale »
(→ annale) pour « qui a lieu tous les vingt ans » et (1797) « qui couvre une période de vingt ans ».
VINYLE n. m. est formé (1876) à partir de vin*, d'après éthyle*.
❏
Ce terme de chimie désigne un radical monovalent non saturé CH2 = CH-.
❏
Il entre dans la formation de termes de chimie, par dérivation :
VINYLIQUE adj. (1876), ou composition :
POLYVINYLE n. m. (mil.
XXe s.) de
poly-, désignant un polymère de composé vinylique (dit
POLYVINYLIQUE adj. [1948]), dans
chlorure de polyvinyle.
◆
Le vinyle servant à fabriquer les disques phonographiques dits « noirs », on parle (1987) de
disque vinyle, d'où
un vinyle, surtout depuis la diffusion des disques numériques dits « compacts ».
◈
VINYLITE n. f., nom de la matière de ces disques, est une marque déposée pour un polymère de chlorure et d'acétate de vinyle.