VIRIL, ILE adj. est un emprunt (1496), d'abord noté virili (XIVe s., membre virili) au latin classique virilis « mâle », « masculin », « de l'homme adulte », spécialement « vigoureux, courageux » puis, en bas latin juridique, « qui revient à la personne ». Cet adjectif dérive de vir « homme », opposé à mulier (« femme ») et à puer (« enfant »). Ce mot, à côté de homo (→ homme), exprime les qualités considérées comme propres au mâle humain, d'où l'emploi poétique au sens de « parties sexuelles » ; il signifie « mari, époux », s'applique aux animaux pour « mâle », et se dit du soldat et spécialement du fantassin (de même que homme en français). Par ailleurs, vir a un sens distributif dans certaines expressions militaires et juridiques : virilis pars, virilis portio « part qui revient à chacun dans un héritage ». Homo a pris tardivement les sens de vir, qui n'a pas laissé de traces dans les langues romanes.
◆
Vir appartient à un ensemble de mots indoeuropéens, d'une racine °wir-, comme le sanskrit viráḥ, le gotique wair (→ garou), l'anglais world « monde ».
❏
L'adjectif s'applique d'abord en français, comme en latin, à ce qui appartient à l'homme en tant que mâle (XIVe s.), est digne d'un homme, physiquement et moralement, à ce qui est énergique, actif, etc., puis à ce qui est propre à l'homme dans la force de l'âge (1534).
◆
Dans le vocabulaire juridique, portion virile (XVIe s.), vieux, puis part* virile, est un calque du latin (ci-dessus).
◆
En histoire antique, robe virile (1701), toge virile (1835) désigne la toge que les jeunes Romains prenaient dans leur 18e année, en quittant la toge prétexte*.
❏
De l'adjectif dérivent
VIRILEMENT adv. (v. 1460), réfection de
virelement (1406), d'usage soutenu ou littéraire.
■
VIRILISER v. tr. a signifié « transformer en homme » (v. 1796), puis (1801) « donner un caractère viril à (qqn, une œuvre) ». En biologie (XXe s.), il correspond à « masculiniser ».
◆
Le verbe a servi à former VIRILISATION n. f., « transformation en homme » (v. 1796), sorti d'usage, aujourd'hui terme de médecine (relevé en 1945), désignant un processus hormonal, comme VIRILISANT, ANTE adj. (1940).
■
Le préfixé DÉVIRILISER v. tr., attesté en 1585 au sens de « châtrer », a été repris comme terme didactique (1801) pour « ôter au caractère (de l'homme) sa virilité » — d'où DÉVIRILISATION n. f. (1842).
◈
VIRILISME n. m., proposé par Richard de Radonvilliers (1845), n'est pas attesté avant 1924 comme terme didactique désignant l'état d'une femme qui présente des caractères sexuels secondaires de type masculin.
■
VIRILOÏDE adj. (mil. XXe s.) est lui aussi didactique.
◈
VIRILITÉ n. f. est un emprunt (v. 1461) au latin classique
virilitas « âge viril », « sexe de l'homme » et, au figuré, « caractère mâle », dérivé de
virilis.
■
Le mot est d'abord attesté au figuré, au sens de « fermeté, énergie », attributs traditionnels de l'homme.
◆
Puis il désigne l'ensemble des attributs physiques et sexuels de l'homme, puis l'âge adulte en parlant d'un garçon (v. 1560).
◆
Il reprend au latin le sens spécialisé de « parties génitales de l'homme » (1611), qui a disparu, et de « vigueur sexuelle » (1718).
◈
VIRILOCAL, ALE, AUX adj. (v. 1950), formé du latin
vir et de
-local, est probablement emprunté à l'anglais (1948,
virilocal).
■
Il se dit en ethnologie de la résidence d'un nouveau couple quand elle est déterminée par la résidence du mari.
❏ voir
TRIUMVIRAT, VERTU, VIRAGO.
L
VIROLE n. f., attesté (v. 1200) peu après virol, n. m. (v. 1160), est issu du latin classique viriola « bracelet d'homme », diminutif de viria, de même sens (→ vires). Le i de vi, au lieu de ve- qui serait normal, est peut-être dû à l'influence de virer (Bloch et Wartburg).
❏
Le mot désigne l'anneau de métal qui garnit l'extrémité du manche d'un instrument, pour assujettir ce qui y est fixé, par exemple l'extrémité d'un soufflet (1380).
◆
En blason (1671), il se dit d'un cercle d'un émail particulier, placé près de l'embouchure d'un cor.
◆
Il est repris au XVIIIe s. dans le vocabulaire technique, désignant un moule circulaire pour la frappe des monnaies (1765) et, auparavant (1718), un anneau placé sur le canon et le fût d'une arme à feu, qui maintient la baguette, puis au XXe s., le petit cylindre fendu auquel est fixé le centre du ressort spiral d'une montre.
❏
Le mot a fourni des dérivés techniques : VIROLER v. tr. (v. 1200) « munir d'une ou de plusieurs viroles », d'où VIROLAGE n. m. (1872), VIROLIER n. m. (XXe s. ; 1292, 1313, isolément) « ouvrier qui fabrique des viroles ».
◆
Le préfixé DÉVIROLER v. tr. (1842) « enlever la virole de (une pièce, une monnaie qui vient d'être frappée) » a pour dérivé DÉVIROLAGE n. m. (1842).
VIRTUEL, ELLE adj. et n. m. est un emprunt (1480) au latin scolastique virtualis « qui n'est qu'en puissance », dérivé du latin classique virtus (→ vertu).
❏
L'adjectif conserve en philosophie, puis dans l'usage général, le sens de l'étymon ; il s'oppose à actuel* et est aussi employé comme nom masculin (le virtuel).
◆
Il est repris dans le vocabulaire scientifique, en mécanique (1717), spécialement dans travail virtuel, puis (XXe s.) en physique atomique (état virtuel d'un noyau), récemment en informatique (mémoire virtuelle « non limitée en dimensions »). Il s'emploie aussi en optique (1757, foyer virtuel), en particulier dans image virtuelle (1858), puis objet virtuel (v. 1960). La large diffusion de ce type d'emploi est due au calque de l'anglo-américain virtual (1953) ; elle est parallèle à celle de réalité virtuelle, qui s'applique à la simulation d'un environnement réel grâce à des images de synthèse en trois dimensions.
❏
Le dérivé
VIRTUELLEMENT adv. (1480 ; 1469,
virtualement) signifie « en puissance » et, dans l'usage général (
XXe s.), « selon toute probabilité ».
◈
VIRTUALITÉ n. f., dérivé du radical latin (1674), se dit en philosophie du caractère de ce qui est virtuel.
◆
Une, des virtualités, « possibilité(s) », s'emploie dans l'usage général (1801). Le mot est entré dans le vocabulaire des sciences et des techniques, dont l'informatique (v. 1970).
◈
VIRTUALISER v. tr. « rendre virtuel » (1893) est didactique. Il s'oppose à
actualiser.
VIRTUOSE n. et adj. est un emprunt (1640) à l'italien virtuoso, dérivé de virtu « énergie, qualité », du latin virtus (→ vertu).
❏
Le mot est sorti d'usage pour désigner une personne d'un mérite exceptionnel ; dans cette acception, on trouve aussi la forme italienne virtuoso, du milieu du XVIIe s. au XVIIIe s., et son adaptation en vertueux (1640, jusqu'aux années 1680).
◆
Virtuose se spécialise alors en musique à propos d'un exécutant doué d'une technique brillante (1667, Molière) et aussi en danse ; cette valeur se répand au XVIIIe s., où le mot s'emploie dans d'autres activités, artistiques ou non (mil. XVIIIe s.).
◆
L'emploi adjectivé n'est attesté qu'au XIXe s. (pianiste virtuose ; il est plus virtuose que sensible), avec la valeur de « qui possède une technique exceptionnelle » (1857).
❏
Le dérivé VIRTUOSITÉ n. f., d'abord employé en musique (1857), se dit par analogie (1859) d'une technique brillante puis, péjorativement (1897), d'un talent sans profondeur, fait de technique.
VIRULENT, ENTE adj. est emprunté en moyen français (G. de Chauliac, av. 1478) au bas latin virulentus « venimeux » (IIe s.), dérivé du latin classique virus « suc des plantes », « venin des animaux », puis « venin, poison » (→ virus).
❏
L'adjectif qualifie d'abord un ulcère, une pustule, etc. qui contient du pus corrosif ou contagieux. En médecine, il s'applique à ce qui contient un germe de maladie, puis (1690) à une maladie produite par ce type de germe ; ce dernier sens a disparu. Il s'est dit (1793, Lavoisier) d'une odeur ou d'une saveur désagréable, indice d'un pouvoir malfaisant, à la manière de
miasme.
◆
Virulent, d'après l'évolution de
virus*, se dit en biologie (1889) d'un microbe qui a une aptitude à se multiplier dans un organisme vivant.
■
Par ailleurs, le mot a pris par figure au XVIIIe s. (1751) la valeur de « violent et malfaisant », en parlant d'un discours, d'une critique, sens qui s'applique aussi (1751) aux personnes.
❏
VIRULENCE n. f. est emprunté en même temps que
virulent (av. 1478) au bas latin
virulentia « puanteur, infection » (v. 400), dérivé de
virulentus.
■
Le mot a signifié « pus d'une plaie, contagieux et corrosif » et, dans l'ancienne médecine (1550), « caractère de ce qui est nocif pour l'organisme ». Rare avant le XVIIIe s., il s'emploie alors au figuré (1764, Voltaire) comme virulent, d'abord en parlant d'un discours, d'une critique, puis (XIXe s.) des personnes.
◆
Le sens moderne en biologie (1888) correspond à l'évolution de sens de virus et de virulent.
◆
Un nouveau sens figuré « caractère nocif, dangereux » (déb. XXe s.) correspond à la fois à l'emploi figuré de virulent et à une métaphore de l'emploi biologique.
VIRUS n. m. est emprunté (1478) au latin virus « suc des plantes », « sperme » ou « venin des animaux », puis « venin, poison » et, au figuré, « âcreté, amertume ». Le mot est proche du vieil irlandais fi « poison », du grec ios « venin, poison » et aussi « rouille » et du sanskrit vīṣá- de même sens. On a rapproché ces termes d'un verbe sanskrit veṣati « faire couler », et supposé que leur emploi s'expliquerait par un tabou linguistique.
❏
Virus a désigné une substance organique (pus, etc.) susceptible de transmettre une maladie, d'où un agent de contagion, cette cause alors inconnue étant attribuée à divers facteurs (1690,
le virus de la rage), surtout à propos des maladies vénériennes (1694), considérées comme particulièrement impures. À la suite des découvertes de Davaine sur le virus du charbon (maladie), puis de Pasteur sur le virus de la rage,
virus vaccin s'est dit pour
vaccin*.
◆
Le terme, spécialisé, désigne ensuite (1918,
virus filtrant) un micro-organisme mal connu, beaucoup plus petit que les microbes* et bactéries*. Ce type de micro-organisme infectieux, parasite des cellules vivantes, a été étudié au
XXe s., aboutissant à un concept scientifique essentiel : celui d'un système possédant un seul type d'acide nucléique et capable de synthétiser sa propre substance comme un organisme vivant, et aussi de se perpétuer sous forme cristalline.
■
Virus s'emploie aussi au figuré, désignant (1793) un principe moral de contagion, et (1925) comme équivalent de passion (le virus de la lecture).
■
Par analogie, il se dit en informatique d'une suite d'instructions parasites qui, introduites dans un programme, peuvent entraîner des perturbations dans le fonctionnement d'un ordinateur, d'un logiciel.
❏
VIREUX, EUSE adj., emprunt au latin
virosus « d'odeur fétide », dérivé de
virus, a d'abord conservé le sens du latin (fin
XIVe s., puis 1611), signifiant aussi « venimeux ».
■
Cet adjectif didactique s'applique (1753) à l'odeur, à la saveur qui caractérisent une plante vénéneuse et qualifie (1780) une telle plante.
◈
À partir du radical de
virus ont été dérivés et composés des termes liés au développement de la biologie :
ULTRAVIRUS n. m. (1921), de
ultra- pour « virus extrêmement (petit) », vieilli ;
VIROLOGIE n. f. (1945), de
-logie « étude scientifique des virus », dont dérivent
VIROLOGIQUE adj. et
VIROLOGISTE n. ou
VIROLOGUE (attestés mil.
XXe s.) « spécialiste des virus » ;
INFRAVIRUS n. m. (1948) qui remplace
ultravirus.
◆
D'autres composés désignent des virus spécifiques : par exemple
POLIOVIRUS n. m. (
XXe s.) « virus de la poliomyélite »,
PROVIRUS n. m. (v. 1960).
◆
RÉTROVIRUS n. m. est un emprunt à l'anglais
retrovirus, mot-valise formé de
reverse
transcription (donnant
retr-) et
virus, pour dénommer un virus à ARN dont une forme est responsable du sida.
RÉTROVIRAL, AUX adj. est aussi pris à l'anglais, formé de
retrovirus et
viral pour qualifier ce qui est causé par un rétrovirus.
◈
VIRAL, ALE, AUX adj. (v. 1950) correspond au concept moderne de
virus, vireux et
virulent ne convenant plus, et qualifie ce qui est propre au virus
(particule virale) et ce qui est provoqué par un virus (1955 dans
hépatite virale), d'où
ANTIVIRAL (1950).
■
VIRION n. m. (1972) désigne une particule infectieuse d'un virus constituée d'un acide nucléique et de protéines.
◈
L'élément initial
VIRO- sert à former des composés comme
VIROCIDE adj. (1972), qui qualifie ce qui détruit le pouvoir infectieux d'un virus ;
VIROPHAGE n. m., attesté en 2008, désigne un virus capable d'infecter un autre virus, en effectuant à son profit un transfert de gènes.
◈
VIRÉMIE n. f. (1959 ; de
-émie) désigne la présence de virus dans le sang.
■
VIROSE n. f. (1959) s'applique à toute affection causée par des virus dans un organisme végétal, animal, humain.
1 VIS → VISAGE, VIS-À-VIS, VISIÈRE
L
2 VIS n. f., réfection graphique (fin XIe s.) de viz (1049), est issu du latin vitis « plante à vrilles », « vrille » (→ vrille) qui s'est spécialisé dans le sens de « vigne », « cep de vigne », d'où « raisin, vin » (→ viticole) ; qualifié, le mot désigne diverses plantes. Vitis s'apparente à viere « courber », « tresser » dont on retrouve les valeurs dans plusieurs langues indoeuropéennes, par exemple dans des formes nominales comme le sanskrit vetasáḥ « verge » (pour tresser), l'avestique vaēitiš « branche de saule », le vieux prussien witwan « saule », le grec itea, eitea « saule ».
❏
Le mot, dont le
s se prononce, désigne d'abord un escalier tournant (1049), ensuite nommé
escalier à vis (1600).
◆
Il se dit, depuis l'ancien français (fin
XIe s.), d'une tige de métal, de bois, cannelée en spirale et que l'on enfonce en la faisant tourner sur elle-même ; cette acception est devenue la plus courante.
◆
Le sens latin de « cep de vigne » (
XIIe s.,
viz) et celui de « sarment » (1528), qui correspond à l'ancien provençal
vise (1332), ne se sont maintenus que dialectalement.
◆
Vis a eu le sens de « poulie » (1381,
viz), disparu.
◆
Le sens initial d'« escalier » s'est spécialisé dans
vis saint Gilles (1567) ou
vis de saint Gilles (1845), « escalier montant en rampe et couronné par une voûte annulaire », d'après l'escalier du prieuré de Saint-Gilles, dans le Gard. Le mot a désigné aussi la colonne torse d'un lit à baldaquin (1603), la ligne en spirale du fût d'une colonne torse (1694), ensuite dite
vis de colonne.
■
Vis, par généralisation en géométrie et en mécanique des deux emplois techniques initiaux, est le nom de la machine simple qui permet de transformer un mouvement circulaire en mouvement rectiligne, spécialement dans vis d'Archimède et vis sans fin (tous deux enregistrés par Furetière, 1690) ; en technique, on a dit (1765) vis mâle pour « vis » et vis femelle pour « écrou ».
◆
Au sens usuel de « tige cannelée », le mot donne lieu à de nombreux syntagmes, comme vis de pointage (1803), vis de rappel (1812). Vis platinée (1900) continue à désigner, malgré le remplacement de la vis primitive à tête garnie de platine, les contacts de l'allumage d'un moteur à explosion, qui ne sont pas des vis et ne comportent nul platine.
◆
Les expressions figurées serrer la vis, donner un tour de vis (à qqn) se sont employées en argot (1872, Larchey) pour « étrangler », puis sont passées dans l'usage familier pour « traiter avec sévérité » (1888).
❏
Le dérivé
VISSER v. tr. est attesté à la fin du
XIIIe s. (
visse, wiche, à la 3
e personne du singulier de l'indicatif présent), mais avec un sens peu clair. Le verbe, qui semble inusité avant le
XVIIIe s., n'est relevé ensuite qu'en 1762, signifiant alors « fixer (qqch.) avec des vis », puis par figure « attacher (qqch.) comme avec des vis » (av. 1850, Balzac).
◆
Il s'emploie familièrement dans la locution figurée
visser qqn (1920), « mettre (qqn) en prison », sens disparu, et « contrôler, surveiller avec sévérité » (1916).
■
Du verbe dérivent VISSAGE n. m. (1840) « action de visser ; son résultat », VISSERIE n. f. (1871) « atelier, fabrique, usine où l'on produit des vis, boulons, etc. » et « produits d'assemblages tels que vis et assimilés », VISSEUR, EUSE n. (XXe s.) rare, et VISSEUSE n. f. (v. 1973), terme technique désignant une machine.
◈
Le préfixé
DÉVISSER v. tr. (1768), « faire que (qqch.) ne soit plus vissé », s'emploie familièrement par métaphore dans les locutions
dévisser son billard (où
billard signifie « queue de billard ») « mourir » (1862 en argot),
dévisser la tête à qqn (1877) « tordre » (1870,
se faire dévisser le coco « se faire tuer »).
◆
Au figuré,
dévisser qqn correspond à « faire perdre sa place, sa position », comme
déboulonner.
■
Par métaphore, dévisser, repris comme intransitif, signifie en alpinisme « lâcher prise et tomber » (fin XIXe s.), d'où familièrement, « partir ».
■
Dévisser, au sens de « desserrer les vis », a servi à former DÉVISSAGE n. m. (1870), DÉVISSABLE adj. (fin XIXe s.), d'où INDÉVISSABLE adj. (1898, Huysmans), ces trois dérivés étant employés aussi au figuré, où indévissable est assez courant pour « qu'on ne peut éliminer de sa place ».
◆
DÉVISSOIR n. m., terme technique (1933 dans les dictionnaires généraux), désigne un dispositif.
■
Le sens intransitif, en alpinisme, a produit une autre acception de dévissage et DÉVISSÉ n. m. (1899).
■
REVISSER v. tr., formé sur visser (1892), est parallèle et contraire de dévisser.
❏ voir
TOURNEVIS (art. tourner), VÉTILLE.
VISA n. m. est la reprise (1527) d'un mot latin signifiant « choses vues » ; le mot visa se plaçait chez les Romains sur des actes qui avaient été vérifiés. Neutre pluriel, il représente la substantivation de visus, participe passé du latin videre (→ voir).
❏
Le mot se dit d'une formule ou d'un sceau accompagné d'une signature, qu'on appose sur un acte pour le valider, et spécialement (1912) d'une formule exigée en sus du passeport.
◆
Par figure, il s'emploie pour « approbation » (1856, V. Hugo, donner son visa).
❏
En dérive 2 VISER v. tr. (1668) « marquer un document d'un visa », usuel malgré l'homonymie avec 1 viser, notamment dans faire viser un passeport, aujourd'hui confondu avec 1 viser.
VISAGE n. m. est un dérivé suffixé en -age (1080) de l'ancien français 1 vis « visage » (1050) conservé jusqu'au milieu du XVIIe s. et qui a signifié « champ visuel » (v. 1155) et « sens de la vue » (v. 1210). Vis est issu du latin visus, visus, « action, faculté de voir », « sens de la vue », « ce qu'on voit » et « aspect, apparence » ; visus, us est le nom d'action qui correspond à videre qui a donné voir*, à côté de visio (→ vision).
❏
Le mot désigne la partie antérieure de la tête ; en français moderne (d'Europe), la langue parlée emploie plutôt
figure ou
tête, face étant marqué alors qu'en français du Canada
face est plus courant que
figure. Avec cette valeur,
visage est employé dans des locutions figurées, dont beaucoup sont sorties d'usage :
faux visage (1338) et aussi
fol visage (
XIVe s.) se disait d'un masque que l'on portait pour sortir, pour protéger la figure couverte de fard ;
montrer visage (fin
XIVe s.), puis
tenir visage (v. 1450), tous deux au sens de « résister », ont disparu comme
faire visage à (
XVe s.), éliminé par
faire face. Vent au visage a signifié « adversité » (v. 1433), spécialement dans
apporter le vent au visage « contrecarrer les projets » (1620).
À visage découvert, d'abord « franchement » (1651, Corneille ; 1580,
en visage descouvert), signifie aussi « sans masque, sans voile » (1700) ; Furetière (1690) atteste aussi
avoir un visage de déterré, auquel succédera
un visage de l'autre monde (1798), et
sauter au visage de qqn.
◆
Enfin,
visage sans nez (1659),
le gros visage (1718) ont été employés dans le vocabulaire burlesque pour « cul ».
◆
La disparition de la plupart de ces expressions correspond au vieillissement relatif du mot, par rapport à
figure et à
tête.
■
Le nom désigne ensuite (XIVe s.) l'aspect que présente une chose et spécialement la personnalité, en particulier dans à deux visages « trompeur » (1342), d'où homme à deux visages (1538) ; mot à deux visages « à double signification » (1549) a disparu.
■
Par métonymie, le mot s'emploie (déb. XVe s.) pour « air du visage, expression » ; de là, les locutions figurées de bon visage « avec courage » (v. 1380), puis « d'un air satisfait » (fin XVe s.) qui a disparu à la différence de faire bon visage « faire bon accueil » (fin XVe s.) avec la variante montrer bon visage (1636). Faire visage de bois à qqn « lui fermer la porte au nez » (1388) est vieilli, à côté de trouver visage de bois (fin XVe s.) ; changer de visage « prendre l'air convenable à telle situation » (1538), signifie aujourd'hui « changer de couleur, rougir ou pâlir » (depuis 1635).
■
Visage, par analogie et reprenant une valeur du XIIIe s. « partie antérieure (d'une chose) » (1297), s'est employé pour « façade (d'une maison) » (1419) et « facette (d'une pierre précieuse) » (1493).
■
Au XVIe s., le mot prend par métonymie le sens de « personne (considérée dans son visage) » (1560), d'où sans visage « dont le véritable caractère est inconnu » (1840) et l'emploi classique de visage au sens de « personne qu'on estime peu » (1673). Ces valeurs ont disparu au cours du XVIIIe siècle.
■
L'idée d'aspect (d'une chose) est reprise au XXe s., le mot désignant l'ensemble des traits qui caractérisent un pays, une industrie, etc. (1920). À visage humain voulait caractériser un socialisme moins autoritaire et technocratique (1968 à propos de la Tchécoslovaquie), puis s'est employé dans d'autres contextes (surtout entre 1974 et 1980).
❏
VISAGISME n. m., nom déposé (1936, F. Aubry), se dit de l'ensemble des règles concernant l'harmonie des lignes et des couleurs du visage ; en dérive
VISAGISTE n. (1936) qui désigne l'esthéticien, l'esthéticienne qui met en valeur le visage. En apposition,
coiffeur, coiffeuse visagiste.
◈
1 DÉVISAGER v. tr., formé avec
dé- négatif, a signifié « défigurer » (1538,
desvisager ; 1732, forme moderne). Il est encore mentionné par l'Académie en 1878, mais le verbe était sorti depuis longtemps d'usage.
■
Un autre verbe 2 DÉVISAGER, formé avec dé- intensif (1803), signifie « regarder (qqn) avec insistance ». On disait envisager.
◈
ENVISAGER v. tr. a d'abord (1560) le sens de « regarder (qqn) au visage », sorti de l'usage et remplacé par
2 dévisager. Il a aussi signifié « être placé vis-à-vis de qqch. » (1611).
◆
Le verbe a pris à l'époque classique (1653) les sens de « s'attacher par la pensée à (une chose à venir) » et (1655) de « prendre en considération (qqch.) », d'où « avoir en vue (un événement qui doit arriver) » (1719).
Envisager de, suivi d'un infinitif, s'emploie après 1650 (chez M
me de Sévigné, 1672).
■
Le dérivé ENVISAGEMENT n. m., qui a signifié « examen de l'esprit » (1653) et « visage » (1656), acceptions disparues, est rare pour désigner (v. 1680) l'action de considérer qqch.
■
ENVISAGEABLE adj., proposé par Richard de Radonvilliers en 1845, n'est attesté qu'au XXe s. (chez P. Vialar, 1952), le contraire INENVISAGEABLE adj. étant relevé en 1948. Les deux adjectifs sont assez courants.
❏ voir
VIS-À-VIS.
VIS-À-VIS adv., loc. prép. et n. m., apparu vers 1210 comme adverbe, vient de l'ancien français 1 vis « visage ».
❏
L'adverbe est moins courant que
face à face*. L'emploi de
vis-à-vis, n. m., pour « degré de parenté » (1570) est sorti d'usage.
◆
Vis-à-vis (qqch, qqn) « à l'égard de (qqch.) » (1579) ou « envers (qqn) » (
XVIIIe s.) est considéré aujourd'hui comme fautif en France mais demeure très vivant en français du Canada, comme en anglais qui utilise ainsi l'emprunt au français
(vis à vis something) ; la construction courante avec
de (1745) a été critiquée avec un nom de chose, parce que le
visage implique la personne, mais l'emploi en est usuel depuis le
XVIIIe siècle.
◆
Vis-à-vis s'utilise au figuré (1658), signifiant « en présence de, devant, de manière à confronter ou à comparer ». Le mot désigne (
XVIIIe s., Saint-Simon) la position de deux personnes qui se font face.
■
De là un vis-à-vis (1740) à propos d'une voiture à deux sièges se faisant face. Vis-à-vis n. m. se dit d'une personne placée en face d'une autre (1722), par exemple à table, autrefois à la danse (1830), en général avec un complément en de ou un possessif.
◆
On nomme aussi (1866) vis-à-vis un petit canapé en S où deux personnes peuvent converser face à face.
❏ voir
AVIS, VISAGE, VISIÈRE.
VISCACHE n. f., attesté en 1765 sous la forme viscachos, est un emprunt à l'espagnol, lui-même pris à un mot quechua, pour dénommer un petit rongeur d'Amérique du Sud dont la fourrure, comparable à celle du chinchilla, est cependant moins estimée. La viscache est parfois appelée lièvre des pampas.
VISCÈRE n. m. est emprunté (1478) à viscera, pluriel du latin classique viscus, visceris, rare au singulier, terme général désignant les parties internes du corps, les chairs, les entrailles et qui s'applique figurément à d'autres objets (par exemple viscera terrae) ; ce mot n'a pas d'étymologie claire.
❏
Ce terme d'anatomie, surtout employé au pluriel, se dit de chacun des organes que renferment les cavités du corps et, plus couramment, des viscères abdominaux.
❏
VISCÉRAL, ALE, AUX adj. emprunte sa forme et son sens (v. 1460) au dérivé bas latin
visceralis (
IVe s.) « profond, intime », en parlant d'un sentiment, mais cette acception est rare après le
XVIIe siècle.
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L'adjectif s'emploie ensuite (1752) dans
remèdes viscéraux « propres à fortifier les viscères », encore relevé au milieu du
XIXe s., puis sorti d'usage. Il qualifie (1798) ce qui a rapport aux viscères.
◆
Il a signifié par figure « essentiel » (1798), par exemple en parlant des conditions d'un contrat.
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Peur viscérale, attesté au
XXe s., et les emplois analogues correspondent à la reprise du sens latin (et moyen français) avec la même métaphore que pour
tripes*.
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VISCÉRALEMENT adv. (v. 1500) a été repris au XXe s. pour « du fond de son être ».
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ÉVISCÉRER v. tr. « enlever les viscères », attesté isolément vers 1330, puis en 1611, est repris en médecine en 1829.
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Le verbe a fourni ÉVISCÉRATION n. f., d'abord « éventration » (1585), sens disparu, puis « action d'éviscérer » en médecine (1842).
VISCOSE, VISCOSITÉ → VISQUEUX
L
1 VISER v. est issu (v. 1155) du latin populaire °visare, variante du latin classique visere « voir attentivement », « examiner », « aller ou venir voir » et « rendre visite ». Visere est un intensif de videre, qui a donné voir*.
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Le verbe apparaît avec un sens général et abstrait « examiner, choisir », qui a disparu, et spécialement « diriger son regard vers un but pour y lancer qqch. », alors intransitif (v. 1155), acception qui s'est imposée. Dans ce sens, l'emploi transitif est attesté beaucoup plus tard (1607), et a pris la valeur de « pointer une arme sur (un objectif) ».
◆
Le verbe signifie (v. 1175) plus généralement « voir, regarder », encore à la fin du
XVe s., valeur reprise au
XXe s. dans un autre contexte (voir ci-dessous).
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C'est ensuite l'idée de but qui domine dans l'emploi pour « avoir en vue un objectif » (v. 1330,
viser à) ; du sens de « tendre à », avec un sujet nom de chose (1580), on passe à l'époque classique à celui de « ressembler à » (1689, M
me de Sévigné) qui a disparu.
◆
Au figuré,
viser haut, viser bas se dit (1851) pour « avoir des ambitions très grandes, modestes ».
◆
Le verbe s'emploie transitivement (1837) au sens de « s'efforcer d'atteindre (un résultat) »
(viser une place) puis, le sujet désignant un discours, une déclaration (1892), « concerner qqn ou qqch. », d'où
se sentir, être visé « concerné par une critique ».
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Au XXe s., la langue familière a repris viser, peut-être d'après aviser, au sens ancien de « regarder », pour « regarder avec intérêt » (1901 ; vise un peu !).
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Au XXe s. apparaissent être visé « être concerné par une critique » (1908) et se sentir visé.
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VISÉE n. f. a eu (
XIIIe s.) le sens de « regard, vue, coup d'œil » jusqu'au
XVIe s. et aussi celui de « renseignement, indication » (1316).
◆
Puis le nom désigne (v. 1480) l'action de viser, de diriger le regard vers un but, ensuite de pointer une arme (1579), puis un instrument d'optique. Il s'est dit pour « système servant à viser sur une arme à feu » (1636), éliminé plus tard par
viseur (ci-dessous).
◆
Il s'emploie au figuré pour « direction de l'esprit vers un but » (1580) et, à l'époque classique, dans des locutions sorties d'usage :
prendre visée « fixer son choix » (1661),
mettre sa visée à qqn « jeter son dévolu sur qqn » (1672).
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VISEUR n. m., réfection (1556) de
viseor « éclaireur » (1222), est rare pour « celui qui vise », et sorti d'usage pour « celui qui regarde » (1578).
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Le mot désigne (v. 1850) un dispositif optique servant à effectuer une visée (remplaçant visée et visière*) et spécialement (1904), un dispositif qui permet de délimiter le champ, en photo ou au cinéma.
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VISÉ n. m., du participe passé, désigne (1907) le fait de viser avec une arme à feu dans la locution
au visé, opposé à
au jugé.
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VISOU n. f. s'emploie en français québécois pour « habileté pour viser et tirer en atteignant le but », au figuré « perspicacité ». Ce mot, attesté en 1950, correspond à des formes usitées en France, surtout en provençal
(visoun), en languedocien, en francoprovençal. Le passage de ces emplois régionaux du sud de la France au français du Québec est inhabituel.
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SUPERVISER v. tr. est emprunté dans la langue du cinéma (1921) à l'anglais
to supervise, lui-même pris au latin médiéval
supravidere « inspecter ». Le verbe est virtuel en moyen français. Aujourd'hui, il est senti comme préfixé de
viser.
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Au sens général de « contrôler (un travail) »,
superviser est devenu usuel, au moins depuis 1940-45.
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SUPERVISEUR n. m., attesté fin XVIe s., avait disparu. Il a été repris en cinéma (1918) d'après l'anglais supervisor, puis senti comme dérivé de superviser. Il a pris une valeur spéciale en informatique.
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SUPERVISION n. f. est lui aussi pris à l'anglais, d'abord en cinéma (1921) ; son emploi s'est généralisé avec celui de superviser, avant 1950.
❏ voir
1 AVISER, RÉTRO- (RÉTROVISEUR), RÉVISER, VISITER.
VISIBLE adj. et n. m. est emprunté (v. 1190) au latin classique visibilis « qui a la faculté de voir », puis en bas latin « qu'on peut voir », dérivé de visum, supin de videre (→ voir).
❏
L'adjectif français conserve le sens du bas latin (v. 1190) ; il a signifié aussi (1314), comme en latin classique, « capable de voir » jusqu'à la fin du
XVIe siècle. En parlant d'une réalité abstraite, il s'emploie (1580) au sens de « sensible ou rendu sensible aux sens », d'où
le monde visible « la réalité concrète » (av. 1662).
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Il a qualifié ce qui correspond à une réalité manifeste (1580), acception sortie d'usage. Il s'applique par extension (1611) à ce qui se manifeste, à ce qui peut être constaté par les sens, par exemple dans
il est visible que... « il est évident » (1648), valeur exploitée par l'adverbe
visiblement.
◆
Visible se dit ensuite d'une personne qui est en état de recevoir des visiteurs (1665) puis en état d'être vue, c'est-à-dire habillée (1784).
◆
L'adjectif s'applique également (
XXe s.) à un spectacle qui mérite d'être vu, souvent en emploi restrictif ou négatif
(ce n'est pas visible), le préfixé
invisible (ci-dessous) ayant une autre valeur.
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L'emploi substantif, le visible, date du XVIIe s. au sens de « ce qui est perceptible par la vue » (av. 1662).
❏
Le dérivé
VISIBLEMENT adv. signifie « d'une manière sensible à la vue » (
XIIIe s.) et « d'une manière évidente » (1312), spécialement employé en tête de phrase pour « de toute évidence » (1839).
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INVISIBLE adj. et n. m. est emprunté au latin classique
invisibilis.
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Il s'emploie au propre (1256) et au figuré, appliqué à ce qui échappe à la connaissance ; il se dit (1606) d'une personne qui se dérobe aux regards, spécialement qui refuse de recevoir qqn (1798).
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L'adjectif est substantivé en opposition à visible, au milieu du XVIIe s. (av. 1662).
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L'emploi au sens propre s'est spécialisé pour « trop petit pour être visible » (le monde invisible). Ce sens propre est exploité dans le mythe de L'Homme invisible (roman célèbre de H. G. Wells, The Invisible Man).
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Le dérivé INVISIBLEMENT adv. (fin XIIe s.) est littéraire.
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VISIBILITÉ n. f. est emprunté au dérivé bas latin
visibilitas « qualité d'une chose visible ». C'est la réfection (1487) de
visibleté (
XIIIe s.), dérivé de
visible.
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Le mot désigne le caractère de ce qui est perceptible par la vue, puis par figure en théologie (v. 1590), la qualité qui rend une chose manifeste, spécialement l'Église.
◆
Il se dit de la possibilité de voir plus ou moins bien des objets à une certaine distance (1872) et désigne, en météorologie (1928), la plus ou moins grande transparence de l'atmosphère. La notion est essentielle en aviation, où l'on parle de pilotage sans visibilité (ou P. S. V.), synonyme de pilotage aux instruments.
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INVISIBILITÉ n. f. est emprunté (1560) au dérivé bas latin invisibilitas, « caractère de ce qui est invisible », d'après invisible et visibilité.
VISIÈRE n. f. est un dérivé (v. 1250) de l'ancien français vis (→ visage), avec le suffixe -ière.
❏
Le mot se dit à l'origine d'une pièce mobile du casque, qui protégeait tout ou partie du visage, et au travers de laquelle l'homme d'armes voyait ; on a aussi dit
visagiere, n. f. (1310), dérivé de
visage. De ce sens vient l'expression figurée
rompre en visière « contredire en face, brusquement » (1651), sorti d'usage, qui vient du vocabulaire du tournoi.
◆
Visière a eu, à l'époque classique, le sens de « vue », en particulier dans des locutions comme
prendre sa visière « s'efforcer de voir » (1525),
avoir la visière nette, trouble (1609) ; de là vient un emploi abstrait pour « manière de considérer les choses », dans des locutions telles que
donner dans la visière à qqn « lui plaire beaucoup » (1640),
blesser la visière « aller contre les idées, les goûts de qqn » (1655, Molière), toutes disparues.
◆
Par analogie du sens propre, le mot a désigné une ouverture à travers laquelle on tirait des coups d'arquebuse (1573), puis le dispositif de visée d'un fusil (1659) ou d'une arbalète (1680), sens où
visière a été remplacé par
viseur.
■
Visière désigne par analogie (1835) la partie d'une casquette qui, faisant saillie, protège les yeux (sens le plus usuel en français moderne). De là, dans le vocabulaire technique (XXe s.), l'acception pour « avancée du pavillon d'une locomotive ».
❏
L'argot, avec un suffixe plaisant tiré de -scope (télescope, etc.) a créé le mot VISCOPE n. f. (1867) pour « visière » et (1928) « œilleton, judas » (sorti d'usage).
VISION n. f. est emprunté (v. 1120) au latin classique visio « action de voir », « ce qui se présente à la vue », d'où « image des choses » et, par figure, « action de concevoir », « idée perçue », puis en bas latin juridique « point de vue, cas particulier ». Le mot est l'un des deux noms d'action correspondant au verbe videre (→ voir), l'autre étant visus, us (→ visage).
❏
Vision, qui a conservé une relation sémantique étroite avec le verbe voir, développe parallèlement deux valeurs du latin, « action de voir » et « chose vue » ; secondairement, il reprend le sens de « point de vue ».
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Le mot a d'abord désigné, dans le vocabulaire religieux, une représentation conçue comme surnaturelle et, par métonymie (v. 1190), une chose surnaturelle qui apparaît à l'esprit ou à la vue. Il s'est aussi employé en ancien français pour « avis, opinion » (v. 1150) puis à propos de la représentation mentale d'une réalité (v. 1170).
◆
Vision désigne (v. 1265) la perception du monde extérieur par la vue, et l'action, la manière de voir ; de là, un emploi pour « inspection » (1362) et les expressions avoir qqch. en vision « sous les yeux » (v. 1430), avoir la vision de « voir » (v. 1501), sorties d'usage.
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Par figure, le mot a signifié (1479) « lecture ; action de prendre connaissance (d'une lettre) » puis, en religion, a désigné la représentation par laquelle les élus voient Dieu (1515, J. Marot), d'où vision intuitive, béatifique (1657), et le moyen de connaître les choses divines en dehors de l'ordre naturel (1541).
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À côté de ce sens mystique, vision désigne depuis le XVIe s. (v. 1560) le mécanisme physiologique par lequel les stimuli lumineux donnent naissance à des sensations.
◆
En emploi figuré, une vision se dit (1541 Calvin : visions et songes) d'une représentation imaginaire, provoquée par le délire, le rêve, etc. et, par extension (av. 1650), d'une idée extravagante ou légère, absurde, d'où la locution familière avoir des visions « déraisonner » (1680).
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Au XIXe s., le mot prend le sens intellectuel de « manière de concevoir un ensemble de choses complexes » (1834), notamment dans vision d'ensemble. En philosophie, vision en Dieu s'applique (1872) à la théorie de Malebranche, selon laquelle la perception du monde extérieur se fait par l'intelligence divine.
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Vision du monde, « conception du monde », qui semble récent, s'inspire de l'allemand Weltanschauung.
❏
Le dérivé
VISIONNAIRE adj. et n. s'applique à ce qui concerne une vision (v. 1610), à une personne qui a ou croit avoir des visions surnaturelles (1637), puis qui a des idées extravagantes (1680,
adj.), sens archaïque remplacé par la valeur positive pour « qui conçoit des projets utopiques, grandioses » (1770).
◆
Le mot est substantivé
(un, une visionnaire) depuis le
XVIIe s., d'abord avec une valeur péjorative (1638) et aujourd'hui (surtout depuis le
XIXe s.) au sens de l'adjectif « personne qui a des projets ou des idées grandioses, prémonitoires » ;
Cf. voyant.
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L'adjectif signifie par extension « capable d'anticiper », en parlant des facultés (1837) ou des personnes (
XXe s.).
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VISIONNER v. tr., d'abord sous la forme d'un
participe passé adjectivé :
maison visionnée « maison hantée » (1866, Hugo), est rare et littéraire pour « avoir des visions » (1894).
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Il a eu le sens (1921) de « voir (un film) en tant que spectateur ». Le verbe signifie (1925) « examiner (un film) d'un point de vue technique » puis « voir (un film) avant sa sortie publique » (v. 1948).
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En informatique (v. 1980), il correspond à « faire apparaître (un texte, etc.) sur un écran de visualisation ».
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En dérive VISIONNEUSE n. f. (1947). Sur vision, un élément VISIO- sert à former des composés, redoublant de manière maladroite la forme vidéo-.
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VISIOPHONE n. m. (v. 1970) de -phone, terme technique, a remplacé vidéophone (→ vidéo-) ; VISIOCONFÉRENCE n. f. (1975) est un synonyme assez inutile de vidéoconférence.
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VISIONIQUE n. f. (1986) désigne l'ensemble des techniques liées au traitement informatique des images.