VISITER v. tr. est emprunté (fin Xe s.) au latin classique visitare « voir souvent », « venir voir qqn », « inspecter », puis dans la langue ecclésiastique « éprouver, affliger » ; le verbe représente le fréquentatif de visere « aller ou venir voir » (→ 2 viser).
◆
Une forme évoluée phonétiquement, visder (v. 1120), est attestée au sens religieux et ne s'est pas maintenue, le composé revisder (v. 1175) étant encore relevé à la fin du XVe siècle.
❏
Le verbe s'emploie d'abord en théologie en parlant de Dieu, et signifie « soumettre (les hommes) à une épreuve pour leur salut, leur donner ses grâces ou les punir » ; de là, au
XVIe s.,
visiter le péché « le punir » (1553), ces acceptions correspondant à celles de
visitation (ci-dessous).
◆
Le verbe reprend ensuite (1131) le sens du latin classique, signifiant « aller voir (qqn) par civilité, par devoir, etc. » et, plus largement, dès le
XIIe s., « aller voir (qqn) chez lui » (1160) ; cette acception que l'Académie, en 1798, ne donne qu'à propos de visites de cérémonie, est aujourd'hui littéraire en français central mais courante en français de Belgique, ainsi qu'au Moyen Orient (notamment au Liban) et en français d'Afrique
(il m'a visité hier), là où on emploiera plutôt
rendre visite en français de France. Le pronominal
se visiter (1756) a lui aussi vieilli, au moins en français de France.
◆
Visiter s'emploie spécialement (v. 1190 hapax, puis 1553) au sens de « se rendre auprès des malades, des pauvres pour les réconforter, par dévotion ».
◆
Depuis le
XIIIe s.,
visiter signifie « aller voir (des monuments, des églises) » (v. 1240), que ce soit par curiosité ou par dévotion.
◆
Au
XVIIe s., avec cette valeur, le verbe s'emploie en parlant d'un médecin qui se rend auprès d'un malade pour l'examiner (1668) et d'une personne qui va dans un lieu particulier (1687), par exemple une boutique, pour satisfaire sa curiosité, acheter, etc. Ces acceptions sont toujours en usage, ainsi que celle qui relève de la visite touristique, très courante
(visiter un monument, une ville, une région, un pays), avec comme synonyme
voir, et familier,
faire.
■
Depuis le XIIIe s., le verbe s'emploie aussi (v. 1225) au sens latin pour « regarder », en particulier (1425) « examiner avec soin, pour en tirer une conjecture », par exemple dans visiter une blessure, (1666) acception devenue archaïque, ou pour « procéder à un examen, inspecter » (XIVe s.), « examiner (un procès) » (v. 1359) et « chercher des moyens (pour se tirer d'affaire) » (v. 1360), sortis d'usage.
◆
Visiter est littéraire au sens figuré (XVe s.) de « se manifester en (qqn) » en parlant du sommeil, puis d'un sentiment, d'une apparition, etc.
◆
Avec le sens de « procéder à une visite », le verbe signifie spécialement, de manière ironique (XXe s.), « pénétrer par effraction dans (un lieu) pour voler ».
❏
Le dérivé
VISITEUR, EUSE n., attesté isolément au
XIIIe s.
(viseteor) et à nouveau au
XIVe s.
(visiteur), se dit d'abord du religieux chargé d'aller inspecter les maisons d'un ordre.
◆
C'était aussi le nom (1350) de celui qui opérait des perquisitions dans une maison, une région, etc., pour contrôler ; avec cette valeur, le mot s'est dit d'un officier de marine qui contrôlait les marchandises, les passagers, etc. (déb.
XVIIe s., d'Aubigné) ; cet emploi existe encore en matière de douane (1723,
commis visiteur ; 1798,
visiteur). De là viennent les emplois pour « commissaire », par exemple chargé de lever les impôts (1456), pour « gardien, surveillant » (1560), qui ont disparu, puis pour
visiteur apostolique « ecclésiastique chargé d'une enquête par le pape » (1752), toujours en usage.
◆
C'est seulement au
XVIIIe s. que
visiteur désigne (1766, J.-J. Rousseau) une personne qui va voir qqn chez lui ; le mot se dit ensuite (1832) d'une personne, voyageur, touriste, qui visite un lieu, un monument, etc. et, par ailleurs, de qqn qui rend visite à un pensionnaire, à un prisonnier (1876), spécialement en parlant d'une visite de charité (1845), par apposition
dame visiteur, sorti d'usage.
◆
En sports, il s'emploie (1909) pour le membre d'une équipe qui se déplace et joue sur le terrain de l'adversaire.
◆
Visiteur médical, « représentant d'un laboratoire pharmaceutique », attesté en 1945, correspond à
voyageur (de commerce).
◆
Enfin, familièrement et comme pour
visiter, un visiteur se dit ironiquement pour « cambrioleur, voleur »
(nous avons eu des visiteurs).
◈
VISITATEUR, TRICE n., emprunt au bas latin
visitator « visiteur, inspecteur », du latin classique
visitatum, supin de
visitare, signifie (fin
XVe s.,
n. m.) « personne qui visite, surveille ».
■
Le féminin s'est spécialisé (1721) pour désigner une religieuse chargée d'inspecter les monastères d'un ordre.
■
VISITE n. f. désigne le fait de se rendre dans un lieu pour y procéder à une inspection (1350, puis 1556), puis la surveillance exercée sur une personne (1580) ; ce sens spécialisé a disparu.
◆
À la même époque, le mot prend la valeur restée courante de « fait de se rendre dans un lieu pour voir, parcourir » (1580, Montaigne). Cet emploi est devenu très courant avec le développement du tourisme (visite guidée, etc.).
◆
Il désigne ensuite l'action d'aller voir qqn, par devoir social, politesse, etc. (1607), d'où les locutions rendre visite à qqn (déb. XVIIe s.) « aller le voir, le rencontrer chez lui », emploi qui s'est ensuite substitué, en France, au verbe visiter ; rendre à qqn sa visite (fin XVIIe s.), et carte de visite (1785) « carton qu'on déposait chez qqn, pour témoigner qu'on lui avait rendu visite » (emploi encore courant dans les milieux aisés dans la 1re moitié du XXe s.). Carte de visite n'a ensuite désigné qu'une carte portant le nom, l'adresse, les caractéristiques professionnelles d'une personne. Dans le contexte mondain, visite signifie par métonymie « personne qui rend visite » (collectivement : on a de la visite ; au Québec, la visite arrive : les invités). Visites académiques désigne celles que font les candidats à une élection académique (1843).
◆
Avec l'idée d'inspection, visite s'emploie dans le domaine religieux (1636) ; comme le verbe, le nom s'utilise en théologie (1656) et a signifié « examen d'un procès » (1660). Visite s'est dit (1690) de l'acte de dévotion accompli dans une église. Il s'applique au fait de se rendre auprès d'un malade, pour un médecin (1690 ; 1813, dans un hôpital), par exemple dans l'heure de la visite, ou auprès des malades, des pauvres, par charité (Cf. visitation).
◆
Le mot s'emploie dans le domaine des douanes (1723) pour « contrôle ».
◆
Il se dit, pour un malade, du fait de se rendre auprès d'un médecin (XIXe s.), d'où passer la visite (1872).
■
VISITAGE n. m., terme technique (XXe s.), signifie en horlogerie « contrôle final ».
❏
Le composé
CONTRE-VISITE n. f. (1680) « deuxième visite ou inspection pour contrôle, pour vérification », s'est surtout diffusé à propos de visites médicales.
Le préfixé
REVISITER v. tr., d'abord (v. 1170) au sens de « visiter (un lieu) », emploi disparu, signifie « visiter de nouveau » (v. 1175, un malade).
■
Au figuré, revisité a été repris au XXe s. pour « réexaminé, reconsidéré » (emploi à la mode).
VISITATION n. f. est emprunté au latin classique
visitatio « apparition, manifestation », puis en latin impérial « action de visiter », sens de l'emprunt (v. 1200) et, en latin ecclésiastique, « action d'éprouver, d'affliger qqn » ; ce nom dérive du supin de
visitare.
■
Le mot a d'abord désigné l'action d'aller voir qqn, encore au XVIIe s., et a eu les sens de « recherche, examen », spécialement « visite des monastères » (XIIIe s.), « inspection d'une corporation » (1461) et « action d'aller voir des monuments » (1508), acception que l'on rencontre encore chez Chateaubriand.
◆
Visitation, en moyen français, a désigné en religion ce qui est envoyé par la « visite de Dieu », épreuve ou grâce (XIIIe s.), et une punition divine (mil. XVe s.) ; ce sens est réemprunté au latin ecclésiastique (→ ci-dessus visiter).
◆
Visite a pris certains de ces sens, et visitation s'est spécialisé dans le domaine religieux avec sa première valeur, désignant (1611) la visite que rendit la Sainte Vierge à sainte Élisabeth enceinte de saint Jean Baptiste, la fête instituée en commémoration de cet événement, puis, par extension (1680), un tableau représentant cette scène. De là vient Ordre de la Visitation (1690), ordre de religieuses fondé par saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal, en 1611.
■
Une religieuse de cet ordre est nommée VISITANDINE n. f. (1721), mot tiré de visit[ation], et faisant aussi allusion au fait de visiter les pauvres.
VISNAGE n. m., attesté en 1765 dans l'Encyclopédie, désigne une variété de fenouil annuel, du genre Ammi, grande ombellifère poussant autour de la Méditerranée (appelée khelia au Maroc). C'est la francisation du latin des botanistes visnaga (attesté en 1557 dans une liste de noms de plantes en espagnol), d'origine inconnue. Le nom des botanistes est (en apposition) ammi visnage (lat. bot. Ammi visnaga, Lamarck) ; on l'appelle parfois herbe aux cure-dents.
VISON n. m. est d'abord attesté dans le Sud-Ouest de la France (1520 en Gironde [1420 par erreur in F. e. w.]). Le mot semble désigner la martre ou la belette, mais on relève dans le Nord les formes wixhat, fichau (XVe s.), puis visau (XVIe s.), cette fois au sens de « putois ». Le mot vient du latin classique vissio, en bas latin visio, « puanteur », dérivé du verbe vissire « faire un pet silencieux » (→ vesse).
❏
Vison est passé au Canada par les émigrants de la région bordelaise ; il est attesté en 1745 (Potier), puis en français de France au XVIIIe s. (1761, Buffon), désignant un animal du même genre que le putois (mustélidés), dont une variété d'Amérique du Nord est élevée pour sa fourrure.
◆
Par métonymie le mot s'emploie (1702 au Canada) pour la fourrure de l'animal (manteau, étole de vison) et, familièrement (XXe s. : 1944 chez Giraudoux), pour un manteau de cette fourrure. Dans cet emploi, il symbolise le luxe vestimentaire, cette fourrure étant très onéreuse.
❏
VISONNIÈRE n. f. désigne un établissement d'élevage des visons (déb.
XXe s.).
■
Le diminutif VISONNETTE n. f. (1925) désigne une fourrure de lapin préparée comme le vison.
VISQUEUX, EUSE adj. est un emprunt (1256) au bas latin viscosus « gluant », dérivé de viscum « gui » et « glu (préparée avec le gui) » (→ gui).
❏
L'adjectif s'applique à un liquide épais qui s'écoule difficilement et, au figuré, se dit d'une personne qui répugne par son caractère de bassesse (XIIIe s.) et s'est employé (déb. XVIIe s. : E. Pasquier) pour « malveillant, méfiant ».
◆
Il est employé ensuite au sens de « venimeux » (v. 1375), disparu.
◆
Depuis la fin du XIVe s., il qualifie ce qui est couvert d'un liquide visqueux, avec une valeur péjorative.
◆
Repris en physique, il s'applique (1872) à un fluide d'une viscosité élevée.
◆
Une nouvelle métaphore en fait un synonyme péjoratif de gluant au figuré (geste visqueux, 1862, Goncourt). Cette valeur est substantivée chez Sartre (1943).
❏
VISCOSE n. f., terme technique (1898), est composé du radical de
visqueux et de (cellul)
ose.
■
Le mot désigne une solution colloïdale (de cellulose et soude) et les produits (fibres synthétiques, notamment) qui en sont faits.
◈
VISCOSITÉ n. f. a été emprunté (1256) au latin médiéval
viscositas « état de ce qui est visqueux », dérivé du bas latin
viscosus.
■
Le mot qui a pour variantes visqueuseté (1377), viscuosité (1625), a gardé le sens de l'étymon. Il s'emploie spécialement en physique (1710), en parlant de l'état d'un fluide pâteux dont le déplacement est ralenti, phénomène interprété au XIXe s. par les interactions moléculaires à l'intérieur du fluide (viscosité dynamique). De l'acception d'état visqueux, le mot est passé à une valeur neutre, la viscosité pouvant être faible (fluidité) ou élevée.
◆
Par figure, il est employé dans d'autres domaines, par exemple en économie (v. 1960) dans viscosité de la main-d'œuvre « résistance des populations professionnelles au changement ou à la mobilité ».
◈
Le mot a fourni des termes de physique, au
XIXe s.
VISCOSIMÈTRE n. m. (1831) de
-mètre, d'où
VISCOSIMÉTRIE n. f. (mil.
XIXe s.) « mesure de la viscosité des fluides » puis, en abondance, au
XXe s., tous attestés dans les dictionnaires après 1970 :
VISCOÉLASTIQUE adj. « doué à la fois de viscosité et de propriétés élastiques », d'où
VISCOÉLASTICITÉ n. f. et
VISCOPLASTIQUE adj. « doué de propriétés plastiques et de viscosité » dont dérivent
VISCOPLASTICITÉ n. f. ; VISCOSTATIQUE adj. qui signifie « dont la viscosité reste constante ».
◆
VISCORÉDUCTION n. f. se dit d'un procédé de raffinage pétrolier (craquage) destiné à réduire les viscosités des produits.
VISTA n. f., emprunt à l'espagnol vista « vision, vue », s'est employé en argot (il est dans Borniche, 1975) pour « vue d'ensemble correcte » (avoir la vista).
VISUEL, ELLE adj. et n. est un emprunt (1545) au bas latin visualis « relatif à la vue », dérivé du latin classique visum, supin de videre (→ voir).
❏
L'adjectif, qui conserve le sens du latin, est employé spécialement dans faculté visuelle « sens de la vue » (v. 1560), disparu, puis rayon visuel (1573), angle visuel et horizon visuel (1691), axe visuel (1812).
◆
Par extension, il signifie « où dominent les sensations visuelles » et s'applique aussi (1895) aux personnes pour lesquelles la vue est la sensation la plus importante (opposé à auditif, par exemple) ; dans ce sens, il s'emploie aussi substantivement (1898).
◆
L'adjectif se dit (1921) de ce qui fait appel au sens de la vue (méthodes visuelles).
◆
VISUEL, n. m. désigne (1906) le centre du carton-cible, en tir.
◆
Repris en informatique (1974), le nom s'emploie pour le dispositif d'affichage d'un écran et l'écran lui-même. Le mot désigne aussi l'aspect visuel (d'une publicité, d'un support de communication) ; on parlera par exemple du visuel et du slogan d'une campagne de communication.
❏
Le dérivé
VISUELLEMENT adv. est relevé au
XIXe s. (1845).
◈
VISUALISER v. tr. est emprunté (1887, Binet) à l'anglais
to visualize, v. tr. (1817) et intr. (1871), dérivé de l'adjectif
visual, de même origine que
visuel.
■
D'abord employé en psychologie, par exemple dans visualiser une couleur, le verbe signifie en cinéma (1919) « mettre (une idée, etc.) en images », puis s'emploie (attesté en 1940) au sens général de « rendre visible (un phénomène qui ne l'est pas) », par exemple des chiffres de production grâce à un graphique.
◆
Il est entré dans le vocabulaire de l'informatique (v. 1970).
■
VISUALISATION n. f., emprunté (1887) à l'anglais visualization (1883), de to visualize, ou dérivé du verbe français, a suivi une évolution sémantique parallèle à celle du verbe : il est d'abord employé en psychologie, puis comme terme de cinéma (1923), aussi avec une valeur générale (1932) et en informatique (1965), par exemple dans écran de visualisation. Console de visualisation a été abrégé en VISU n. f. (1982), en concurrence avec visuel, n. m.
◈
AUDIO-VISUEL, ELLE, ELS adj. et n. m. (1947), de
audio-, souvent écrit
AUDIOVISUEL, s'applique à ce qui concerne en même temps la perception auditive et visuelle ; il s'est rapidement répandu dans un contexte pédagogique, notamment à propos de l'enseignement des langues, pour parler de méthodes qui joignent le son à l'image, aussi en emploi nominal.
◆
Dans l'usage courant, le mot désigne des moyens qui, dans la communication, ajoutent l'utilisation de l'image aux éléments du langage ; l'audiovisuel comprend aussi bien les moyens de communication (cinéma, télévision) que le matériel (magnétoscope, vidéodisque, etc.).
■
Le mot a fourni deux dérivés didactiques, AUDIOVISUALISER v. tr. (1974) et AUDIOVISUALISTE n. (1974), d'emploi rare.
L
VIT n. m. est issu par évolution phonétique (att. 1195) du latin classique vectis « levier », « barre d'un pressoir », par extension « barre de porte ». Le mot répond au vieil islandais vǫg, vag pour le sens et rappelle le grec okhlizein « soulever avec un levier » de okhlein « mettre en mouvement » ; le verbe se rattache comme le latin vexare (→ vexer), à une racine indoeuropéenne °wegh- que Meillet sépare de la racine homonyme qui signifie « transporter » à la base du latin vehere (→ véhicule, voie). D'autres philologues, dont Chantraine, posent une racine unique de verbes germaniques, avec une spécialisation « secouer, ébranler » (→ 1 vague).
❏
Vit apparaît en français, par une métaphore habituelle, avec le sens de « membre viril ». Il est aujourd'hui sorti d'usage, sauf dans certains jeux de langage (contrepèteries), ayant été éliminé par de nombreux synonymes. Il s'est employé en parlant des animaux (1611).
❏
Le diminutif
VITELOT n. m., d'abord au pluriel (1655, Oudin), a désigné par analogie de forme un petit cylindre de pâte cuit dans du lait et servi avec une sauce piquante.
■
VITELOTTE n. f. est le nom (1812) d'une variété de pomme de terre à tubercules allongés et cylindriques, de couleur violette. Le mot s'est dit (1867) par analogie d'un nez bourgeonné et de forme irrégulière.
◆
Les deux diminutifs, au moins à partir du XIXe s., sont démotivés ; le premier est archaïque, le second, en revanche, connaît un regain d'usage en France, parmi les « légumes oubliés » remis en honneur au début du XXIe s.
◈
VIT-DE-MULET n. m., autrefois « arquebuse à croc » (fin
XVIe s., Brantôme), est attesté au
XXe s. comme terme de marine pour désigner une ferrure articulée reliant le gui
(→ 2 gui) au mât.
❏ voir
VIÉDAZE.
VITAL, ALE, AUX adj. est emprunté (fin XIIIe s., esperit vital) au latin classique vitalis « qui concerne la vie », « de la vie », « qui entretient la vie ou donne la vie » et « digne d'être vécu », adjectif dérivé de vita (→ vie). Une forme phonétiquement évoluée, vial, correspondant à vie (v. 1190 en Wallonie), a été éliminée par vital.
❏
L'adjectif s'applique d'abord à ce qui concerne ou à ce qui constitue la vie, sorti d'usage en ce sens dans
souffle vital « respiration » (v. 1190,
vial [vïal]
sofflement) et dans
esprits vitaux (déb.
XVIe s.), désignant dans l'ancienne médecine les parties du sang que l'on pensait être le principe de la vie (1690,
actions vitales). Il s'est employé (v. 1560) au sens de « viable » en parlant d'un nouveau-né.
■
Au XVIIIe s., le principe vital était défini (v. 1762) en philosophie et en médecine comme une réalité énergétique distincte de la matière d'où émanent tous les phénomènes de la vie (Cf. ci-dessous vitalisme).
◆
Au figuré, vital s'applique (1845) à ce qui touche l'essentiel, à ce qui est très important, pour l'individu ou pour une communauté, d'où forces vitales d'un pays (1876). Élan vital se définit chez Bergson (1907) comme une force d'abord homogène, qui s'est divisée en se communiquant, mais conserve quelque chose de sa réalité originelle ; par extension, le terme est entendu au sens général de « dynamisme ».
◆
Au XXe s., vital s'applique aussi à ce qui est essentiel à la vie matérielle d'une personne ou d'un groupe, notamment dans minimum vital (1901).
❏
VITALISME n. m. se dit (1775) de la doctrine de l'école de médecine de Montpellier (Bordeu, Berthez) d'après laquelle il existe en tout individu un « principe vital » ; par extension, le mot s'oppose à
mécanisme. Il a pour dérivé
VITALISTE n. (1824, dans le dictionnaire de Nysten), puis
adj. (1865, Cl. Bernard).
◈
VITALEMENT adv. (1522, rare après le
XVIe s., repris depuis 1842) est didactique.
■
VITALISER v. tr. signifie « donner les caractères de la vie à (qqch. de non vivant) » (1842) et, par figure, à une réalité abstraite en art (1859).
■
VITALISÉ, ÉE adj. « imprégné de principes de vie », attesté plus tôt (v. 1800), est resté rare.
■
Le préfixé DÉVITALISER v. tr., rare (1842) au sens de « priver (qqn) de son dynamisme », s'est spécialisé au sens de « priver (une dent) de son tissu vital » (1922) — d'où DÉVITALISATION n. f. (1922).
■
REVITALISER v. tr. « redonner de la vitalité (à qqch. de vivant) » (XXe s. ; Cf. anglais to revitalize, 1858) a pris le sens figuré de « faire revivre » (v. 1960).
◆
Il a produit REVITALISATION n. f. (1922) et REVITALISANT, ANTE adj. (v. 1950).
◈
VITALITÉ n. f. est un emprunt (1587 isolément, repris en 1765) au latin classique
vitalitas « principe de la vie », « vitalité », dérivé de
vitalis.
■
Le nom, désignant les propriétés vitales, est didactique (XVIIIe s.) puis archaïque. Il a pris (1845) le sens courant de « caractère de ce qui est éminemment vivant » puis désigne, par analogie (1876) dans le domaine abstrait, l'aptitude à se développer.
VITAMINE n. f. est un emprunt (1913) à l'anglais vitamine, corrigé en vitamin, nom créé en 1912 par Casimir Funk ; le mot est composé du latin vit[a] « vie* » et de l'anglais amine (→ amine), formé sur le radical de ammoniac*. L'élément amine fut introduit parce que Funk croyait pouvoir isoler un acide aminé dans les vitamines ; il remplaça -amine par -amin pour éviter cette interprétation erronée.
❏
Le mot désigne une substance sans valeur énergétique, mais indispensable au bon fonctionnement de l'organisme qui ne peut en faire la synthèse. Il donne lieu à plusieurs syntagmes qualifiés par des lettres : vitamine A, B, C... ou des adjectifs.
◆
Le mot est entré dans l'usage courant avec la valeur assez vague de « substance qui stimule, alimente l'énergie vitale ».
❏
Il a fourni de nombreux dérivés et composés scientifiques.
■
AVITAMINOSE n. f. (1919) de a- privatif et suffixe -ose désigne un trouble dû à l'absence ou à l'insuffisance de vitamines.
◆
VITAMINÉ, ÉE adj. (1933), plus courant que VITAMINER v. tr. (1935), qualifie des substances, des médicaments où sont incorporées des vitamines.
■
VITAMINIQUE adj. (1933), emprunt à l'anglais vitaminic (1926), et VITAMINISATION n. f. (1941) de VITAMINISER v. tr. (1935), d'après l'anglais to vitaminize (1930) « incorporer des vitamines à (une substance) » sont plus techniques, de même que VITAMINOTHÉRAPIE n. f. (mil. XXe s.) de thérapie et VITAMINOLOGIE n. f. (mil. XXe s.) de -logie.
■
DÉVITAMINÉ, ÉE adj. (XXe s.), participe passé du verbe DÉVITAMINER (attesté en 1948), est formé avec dé- privatif, comme DÉVITAMINISER v. tr. (1939).
?
VITE adj. et adv., écrit viste vers 1150 (jusqu'au XVIe s. inclus), sous la forme moderne depuis le XIIIe s. (v. 1250), est d'origine incertaine. Pour Bloch et Wartburg, il vient d'une onomatopée imitant un mouvement imprévu et rapide, comme l'ancien italien visto (italien moderne vispo). P. Guiraud reprend une hypothèse ancienne, qui donne vite issu d'un latin populaire °visitus « qui y voit bien », participe passé du latin classique visere « examiner, regarder de près » (→ viser) : l'homme vite serait celui qui voit clair dans l'action et réagit en conséquence, c'est-à-dire rapidement ; mais cette hypothèse, sémantiquement vraisemblable, n'est pas corroborée.
❏
L'adjectif a eu en ancien français des acceptions variées, liées à l'idée d'habileté : « agile, habile (au combat, à cheval) » (v. 1150), « sensé, expérimenté » (v. 1196), « rusé » (1
re moitié
XIIIe s.), « décidé » (v. 1250). Appliqué à une personne qui parcourt un grand espace en peu de temps (v. 1165), puis à une action rapide, à un mouvement vif (fin
XVe s.),
vite est encore employé couramment comme adjectif au
XVIIe s., mais il devient plus rare au
XVIIIe s., et disparaît de l'usage normal (français d'Europe), avant d'être repris plus tard (voir ci-dessous).
Le mot s'emploie comme adverbe à partir du XVIe s., d'abord dans la locution aller plus viste que le pas (v. 1530) « s'enfuir rapidement » puis seul (1538, viste ; 1636, vite), signifiant « en parcourant un grand espace en peu de temps ». La locution aller vite en besogne (1538, écrit viste) a signifié « être rusé », le mot reprenant alors une valeur ancienne de l'adjectif ; puis seule subsiste la valeur de « rapidité à faire une action », par exemple dans la locution plus viste que le mot « plutôt fait que dit » (1549), sortie d'usage.
◆
Vite signifie spécialement « en prenant trop peu de temps » donc « sans réflexion » (1636, juger, parler vite) ; il équivaut alors à l'usage actuel trop vite (au sens général de l'adverbe). Aller vite, c'est aussi « être prompt, expéditif » (1636), sens que prend la locution aller vite en besogne (1640), puis, par figure, « être étourdi, imprudent » et « être prodigue » (1690).
◆
Elliptiquement, vite ! équivaut à « sans plus attendre, sans délai » (1659) et, par extension, à « immédiatement ».
◆
L'adverbe signifie également à partir du XVIIe s. « en peu de temps », quel que soit le phénomène considéré (1665, Molière). On relève parler vite « avec volubilité » (1671), aller un peu vite, « agir de façon inconsidérée » (1672), au plus vite « le plus rapidement possible » (1678). Dans une activité rythmée, vite signifie aussi « à un rythme rapide » (1782).
◆
Au sens de « rapidement », vite entre au XXe s. dans plusieurs expressions courantes, comme aller plus vite que les violons (déb. XXe s.), faire qqch. vite et bien, puis vite fait bien fait, locution adverbiale signifiant « rapidement, sans hésitation, sans difficulté » (parfois vite fait, seul).
Vite, adjectif, est repris au début du XIXe s. en hippisme (1805), pour traduire l'anglais fast, adj., « rapide » ; il s'est employé (1876) en escrime à propos d'un tireur dont les coups et les parades se suivent rapidement, puis qualifie un coureur (1900). Cet adjectif, pourtant usuel entre le XIIe s. et le XVIIIe s. (voir ci-dessus), est senti en France comme technique ou anormal, sinon fautif (il est vite). En revanche, vite adj. est courant au Québec, par exemple dans l'expression (être) vite en affaire, « rapide dans l'action » et, familièrement, pour « vif d'esprit », en général en tournure négative.
❏
Le dérivé
VITEMENT adv. (v. 1155,
vistement ; 1625,
vitement), littéraire aujourd'hui, était courant à côté de
vite adjectif ; il a commencé à vieillir au début du
XVIIIe s. quand
vite a cessé d'être employé principalement comme adjectif. Cette évolution, sensible en français d'Europe, ne concerne pas l'usage canadien (où la syntaxe de l'anglais
fast a joué son rôle), ni celui de la Réunion.
◈
VITESSE n. f., dérivé en
-esse d'abord écrit
vistece (v. 1160), puis
vistesse (1538),
vitesse (1559), a signifié « habileté, agilité ». Suivant la même évolution que
vite, adj., le nom désigne (1538,
vistesse) le fait de parcourir un grand espace en peu de temps, notamment dans des expressions comme
de vitesse « très vite » (1569) sorti d'usage et dans l'expression qu'a conservé le français moderne
gagner qqn de vitesse « le dépasser en allant plus vite que lui » et, au figuré, « le devancer dans une entreprise » (1762), puis dans
à toute vitesse (1888). Au
XXe s.,
vitesse entre dans de nombreuses expressions au sens de « grande vitesse » comme
faire de la vitesse, course de vitesse.
◆
Perte de vitesse s'emploie (v. 1930) en parlant d'un avion dont la vitesse devient inférieure à celle qui est nécessaire pour se soutenir en vol dite
vitesse de sustentation et, par figure, à propos d'une personne qui perd son dynamisme
(être en perte de vitesse).
◆
Depuis le
XVIIe s., le mot se dit (1616) du fait d'accomplir une action en peu de temps, d'où familièrement
en vitesse « au plus vite » (
XXe s.), « parcourir une distance plus ou moins grande » en un temps donné (1680).
◆
En sciences,
vitesse correspond (1680) à « rapport d'une distance parcourue à l'unité de temps », sens appliqué à tous les mobiles en mécanique (
vitesse virtuelle, 1717, Bernouilli ; 1738,
vitesse d'un mobile), en technique et dans l'usage courant, notamment dans le vocabulaire des transports. C'est le cas en France dans les chemins de fer, dans
grande et petite vitesse (1876), à propos de l'expédition des colis, expressions remplacées par « régime accéléré, ordinaire » puis (v. 1970) dans
train à grande vitesse, plus souvent dénommé
T. G. V. (aussi écrit TGV) ; ce sigle, prononcé
tégévé, désigne un type de train très rapide et se substitue à
train dans ce contexte (
le T. G. V. entre en gare, etc.).
◆
Les emplois de
vitesse se multiplient dans des domaines très variés au
XXe s. (balistique, chimie :
vitesse de réaction, cybernétique, etc.).
◆
Dans le domaine automobile,
vitesse se dit du rapport entre la rotation du moteur et celle des roues, dans
boîte, levier de vitesses. Au figuré,
passer à la vitesse supérieure correspond à « aller plus vite, procéder avec plus d'énergie, de dynamisme ».
VITELLUS n. m. est un emprunt (1799) au latin vitellus « jaune de l'œuf », homonyme de vitellus « petit veau », le rapport sémantique entre les deux n'étant pas clair. Vitellus avait été emprunté en moyen français comme nom masculin sous les formes vittelle (v. 1500), vitelle (v. 1515), vitel (1612), signifiant « jaune d'œuf ».
❏
Vitellus s'est dit du cotylédon unique qui, dans les graminées, rentre dans la plante au lieu de se développer en terre.
◆
En biologie, le mot a désigné (1805, Cuvier) l'ensemble de substances formant l'ovocyte ou l'œuf, distinguées du noyau et de la membrane. Puis le nom s'applique à l'ensemble des substances de réserve contenues dans les vacuoles de la partie nutritive d'un œuf, nommé au XIXe s. vitellus nutritif (1876).
❏
L'ancien français avait dérivé du latin l'adjectif masculin
1 VITELLIN (1490), d'abord
vitelin (1256), « qui ressemble au jaune d'œuf », en parlant de la bile ; cet emploi est encore attesté en 1611 (Cotgrave), de même que
osier vitellin (1562) « osier à écorce jaune ».
■
Au XIXe s., 2 VITELLIN, INE adj. et n. f., terme de biologie, est dérivé (1836) du latin ou du français vitellus.
◆
L'adjectif signifie « relatif au vitellus » et est employé dans membrane vitelline (1832) ou vitelline, n. f. (1830), emploi sorti d'usage, sac vitellin (1832), noyau vitellin (1904), etc.
■
VITELLINE n. f. (1855) désigne une substance protidique phosphatée présente dans le jaune d'œuf.
■
À partir du radical de vitellus ont été composés des termes de biologie comme VITELLOGÈNE n. m., formé avec -gène (1897 ; 1877 comme adjectif in Littré), VITELLOGENÈSE n. f. (v. 1960), de -genèse.
VITICOLE adj. a été formé (1842) à partir du latin vitis « vigne », qui a donné vis*, sur le modèle de agricole. Le latin viticola, « vigneron », avait déjà été emprunté (1808) sous la forme viticole mais ce mot n'est pas entré dans l'usage.
❏
L'adjectif s'est appliqué à ce qui vit ou croît dans les vignes. Il signifie (1872) « qui est relatif à la culture de la vigne, à la production du vin », « qui produit du vin ».
❏
À partir de vitis ont été également composés VITICULTURE n. f. (1845) d'après agriculture et VITICULTEUR, TRICE n. (1872, n. m.) d'après agriculteur, dont le sens est distinct de celui de vigneron. Ces mots sont usuels.
VITILIGO n. m., latinisme médical du XVIe s. (1538) désignant alors l'herpès, se dit (1803) d'un trouble de la pigmentation de la peau humaine, avec des taches décolorées entourées par un bord foncé, sans modification de l'épiderme. Le mot latin se rattache probablement à vitium « défaut physique, tache » (→ vice).
VITRE n. f. est emprunté en ancien français (v. 1269) au latin vitrum, qui a abouti en français à verre*. Vitre n'est attesté que vers 1270 mais son dérivé vitreux est relevé dès 1256.
❏
Comme en latin, le mot, doublet savant de
verre, a désigné le verre en tant que matière. Il s'est dit (1454) pour « grand vitrail », « châssis et vitrail », mais il est devenu archaïque dans ce sens. Il désigne ensuite (1549) le panneau de verre transparent garnissant une fenêtre, sens aujourd'hui dominant, soutenu par le dérivé
vitrier (ci-dessous), d'où spécialement (1549, Du Bellay) une plaque de verre placée devant un objet précieux ; ces deux acceptions sont devenues les plus usuelles. La locution figurée
casser les vitres, évoquant la brutalité et le bruit, est attestée au figurée (av. 1778) pour « parler avec une franchise brutale », puis « faire du scandale ».
◆
Vitre désigne aussi (1660) un panneau de verre permettant de voir à l'extérieur lorsqu'on est dans un véhicule.
◆
Il s'emploie aussi (mil.
XVIIIe s., Buffon) pour tout panneau transparent.
■
Par analogie, le mot s'est dit (1664) de la cornée transparente de l'œil du cheval (Cf. les dérivés vitreux et vitré).
◆
Cependant, le sens étymologique « verre » est encore vivant dans quelques emplois, par exemple en français du Québec (un œil de vitre « de verre »).
❏
VITREUX, EUSE adj., dérivé de
vitre au sens initial de « verre », s'applique (1256) à ce qui ressemble au verre fondu, spécialement dans
humeur vitreux (v. 1560), puis
vitreuse (1611), remplacé par
humeur vitrée.
◆
L'adjectif se dit aussi (1580) de ce qui est de la nature du verre, d'où en minéralogie
cassure vitreuse (1783, Buffon) et, en physique,
état vitreux (
XXe s.).
◆
Par figure, il se dit (1833) des yeux, d'un regard dont l'éclat est terni.
■
VITRERIE n. f., d'abord (1338) « activité qui comprend la fabrication des vitres, leur pose, etc. » (Cf. verrerie), désigne également (1508) l'ensemble des vitres, spécialement des vitraux d'un édifice et, collectivement (1835), le verre à vitres, en tant que matériau.
■
VITRIER n. m. désigne (1370) un marchand de verre à vitre et l'ouvrier qui pose les pièces de verre, notamment qui remplace les verres à vitres. Cet emploi correspond à un artisanat fréquent et populaire avant 1940 et donnant lieu à l'un des « cris de la rue » (« V'là l'vitrier qui passe... »).
◆
Le féminin VITRIÈRE est rare. Par jeu de mots, le nom s'est employé en argot (1866) pour les cartes de carreau.
■
VITRER v. tr. (1477) signifie « garnir de vitres » ; dans le vocabulaire technique, vitrer une peau signifie (1876) « la rendre transparente par des traitements successifs ».
■
Le participe passé adjectivé VITRÉ, ÉE adj. est plus courant, notamment dans baie vitrée, porte vitrée.
■
1 VITRAGE n. m., « ensemble des vitres d'un édifice » (1611), désigne par extension (1694) un ensemble de vitres muni d'un châssis servant de cloison, de toit, etc. Le nom s'est employé (1851) pour « vitrine d'exposition ».
◆
Par analogie, vitrage se dit (1749) d'un défaut de la soie (qui prend un aspect vitreux).
■
Dérivé de vitrer, 2 VITRAGE n. m. (1832) signifie « action de poser des vitres ».
■
VITRIÈRE n. f., mot technique, désigne (1757) une tige de métal semblable à celle utilisée pour les vitraux.
◈
VITRAIL, AUX n. m., réfection (1626) de
vitral (1493), ne se répand qu'au début du
XIXe s., se substituant alors à
verrière* ; on employait en ancien et moyen français
verrine (Cf. vitrine, ci-dessous).
◆
Le mot désigne un panneau de morceaux de verre découpés et colorés, assemblés au moyen de plomb pour décorer une baie, une ouverture dans un édifice religieux et, par extension (1807, M
me de Staël), une fenêtre en général.
◆
Le vitrail se dit (
XXe s.) de l'art de fabriquer des vitraux, considéré comme une technique et, sur le plan esthétique, comme un art plastique apparenté à la peinture.
■
Le dérivé VITRAILLISTE n. est d'usage technique.
◈
VITRIFIER v. tr. est composé (1540) de
vitri-, tiré du latin
vitrum, et de
-fier, du latin
facere « faire »*.
■
Le verbe signifie « transformer (une substance) en verre par fusion ou donner la consistance du verre » (1540), d'où se vitrifier (1553).
◆
Par analogie, il a pris (mil. XXe s.) le sens de « recouvrir (un parquet) d'une matière plastique transparente », pour le protéger, d'où l'adjectif VITRIFIÉ, ÉE, notamment dans parquet, sol vitrifié.
■
Vitrifier a fourni des dérivés didactiques avec les sens successifs du verbe : VITRIFICATION n. f. (1563), VITRIFIABLE adj. (1727), VITRIFICATEUR, TRICE adj. (1842) et n. m. (mil. XXe s.).
■
Du préfixé DÉVITRIFIER v. tr. (1803), au sens ancien du verbe, procèdent DÉVITRIFICATION n. f. et DÉVITRIFIABLE adj. (1845).
◈
VITRINE n. f. représente (v. 1501) une réfection, d'après
vitre*, de l'ancien français
verine, n. f. (v. 1125),
verrine (v. 1155) « vitrail », encore en 1636, dérivé de
verre*.
■
Le mot a d'abord signifié « verre ». Il est repris en zoologie (1809), comme nom d'un escargot à coquille translucide, dit aussi vitrina, d'abord nom masculin (1904) puis féminin.
■
C'est également au XIXe s. que vitrine prend sa valeur la plus usuelle (1834), désignant la devanture vitrée d'un local commercial puis, par extension, l'espace ménagé derrière cette vitre et, par métonymie (1872), les objets qu'on y expose, que l'on montre (Cf. la montre) pour les vendre.
◆
Par analogie, le mot désigne (1853) une petite armoire vitrée où l'on expose des objets de collection.
◆
Au sens courant, il entre dans la locution figurée lécher les vitrines « flâner dans la rue en regardant les magasins, les étalages » (→ lécher).
◆
En argot, le mot s'est employé (comme vitre) pour « lunettes, lorgnon » (1867), puis une autre métaphore, pour « visage, apparence extérieure » (années 1970).
◈
VITROCÉRAMIQUE n. f., du radical de
vitre et
céramique (1974), est le nom d'une matière formée d'un mélange de minerai de fer et de sable fondu, ayant des propriétés de la pierre et du verre, et qui est très résistante à la chaleur
(table de cuisson en vitrocéramique). Le mot est aussi adjectif.
❏ voir
VITRIOL.
VITRIOL n. m. est la réfection (XIIIe s.), d'après le latin, de vedriol (fin XIe s.), issu du bas latin vitriolum (IXe s., vitriola), altération du latin classique vitreolus « de verre ». Cet adjectif est dérivé de vitreus « de verre, en verre », lui-même de vitrum (→ verre).
❏
Le mot, dans l'ancienne chimie, désignait des sulfates ayant une apparence vitreuse :
vitriol vert « sulfate de fer » (1561),
vitriol blanc « sulfate de zinc » (1636),
vitriol bleu « sulfate de cuivre » (1636), etc.
Vitriol était dès l'origine un terme générique. Ces dénominations se sont conservées jusqu'à la fin du
XVIIIe siècle.
■
Par ailleurs, huile de vitriol (v. 1560), ou par ellipse et couramment, vitriol (mil. XIXe s.) désigne l'acide sulfurique concentré ; de là viennent le sens figuré (1850) de au vitriol « très caustique, mordant », les contextes criminels liés à l'emploi de vitriol pour défigurer (Cf. ci-dessous vitrioler), et l'emploi analogique du mot pour « eau-de-vie médiocre et très forte » (1828-1829, Vidocq) qui a vieilli, mais reste vivant en comparaison et métaphore pour un aliment, une boisson très acide.
❏
VITRIOLIQUE adj. (fin
XVIe s.) a eu le sens de « qui est de la nature des vitriols », puis s'est appliqué à ce qui est de la nature de l'acide sulfurique (1787).
■
VITRIOLÉ, ÉE adj., dans l'ancienne chimie, s'appliquait (1589) à ce qui contient les sulfates appelés vitriols.
■
VITRIOLISATION n. f. s'emploie d'abord en chimie (1768) ; le verbe VITRIOLISER n'est relevé qu'en 1797, est aussi un terme de minéralogie (1845).
■
VITRIOLER v. tr., terme technique (1876), s'emploie également au sens (1886) de « lancer du vitriol sur (qqn) pour le défigurer ».
◆
En dérivent VITRIOLEUR, EUSE n. (1871, féminin ; 1880, masculin) et VITRIOLAGE n. m. (1873), dans un contexte criminel typique du dernier tiers du XIXe siècle.
VITULAIRE adj. est un dérivé didactique du latin vitulus (→ veau), pour désigner en médecine vétérinaire (1872) la fièvre puerpérale des vaches qui ont vêlé, par l'expression fièvre vitulaire.
VITUPÉRER v. est emprunté (fin Xe s.) au latin classique vituperare « trouver des défauts à (qqn) », « blâmer », « déprécier » et « gâter », « vicier ». Ce verbe, peu usité à partir de l'époque impériale, appartenait probablement à la langue des augures ; son premier élément est apparenté à vitium « vice* » ; la finale est la même que dans une série de verbes, dont recuperare.
❏
Le verbe, d'abord transitif direct, apparaît avec le sens de « mutiler », disparu, puis avec celui de « faire injure à (qqn) » (1328), qu'on trouve encore chez d'Aubigné, et celui de « injurier » (1337), également sorti d'usage.
◆
Au sens moderne de « blâmer fortement » (v. 1370), il est considéré comme archaïque et propre au style burlesque à l'époque classique (1647, Vaugelas) ; sorti d'usage aux XVIIIe et XIXe s., il a été repris à la fin du XIXe s. dans l'usage littéraire, comme transitif (vitupérer qqn) assez littéraire, et plus couramment dans la construction vitupérer contre (qqn, qqch.), sous l'influence de verbes comme pester, déblatérer.
❏
VITUPÉRANT, ANTE adj. s'est appliqué (v. 1515) à un mot qui contient un blâme, emploi disparu au
XVIIe s. L'adjectif a été repris avec
vitupérer (attesté 1903, Huysmans) pour « qui vitupère ».
◈
Quelques mots ont été empruntés à des dérivés du verbe latin ou de son supin
vituperatum.
■
VITUPÉRATION n. f., d'abord vituperaciun (v. 1120), sous la forme moderne relatinisée en 1512, a repris le sens du latin classique vituperatio « blâme, reproche » ; comme vitupérer, il est sorti d'usage au XVIIe s. et a été repris à la fin du XIXe siècle.
■
VITUPÈRE n. m., du bas latin vituperium « blâme, réprimande » (v. 380 ; dérivé du verbe), a signifié « injure, outrage » (XIIIe s., vitupire). Vivant en ancien et en moyen français, le mot a désigné (XIVe s.), notamment dans la langue classique, une action honteuse par exemple dans faire un vitupère (1639), être chose de vitupère « une chose blâmable » (1648, Scarron).
■
VITUPÉRATEUR, TRICE n. et adj. reprend (1626) le latin classique vituperator « critique », « censeur » (du supin) ou dérive du verbe français. Le mot s'est substitué au XVIIe s. à vitupéreur (v. 1380, vituperarresse, n. f.), encore attesté en 1660 (Oudin), puis a disparu comme vitupérer et a été repris (fin XIXe s.) tout en demeurant littéraire et rare.
1 VIVACE adj. est emprunté (1496) au latin vivax, -acis « qui vit longtemps », « vivace (d'une plante) », « vif, animé », dérivé de vivere (→ vivre).
❏
L'adjectif s'est appliqué à une personne constituée de façon à vivre longtemps (1496), d'où l'emploi (1546) pour « vigoureux, gaillard », emplois disparus, alors que son usage, en parlant d'une chose personnifiée qui manifeste beaucoup de vitalité (1588), senti comme métaphorique, est resté en usage dans un style littéraire.
◆
Vivace qualifie en botanique (1718) une plante qui vit plus de deux ans.
◆
L'adjectif se dit aussi figurément (v. 1792) d'une opinion, d'un sentiment, etc. qui se maintient sans défaillance. En français moderne, il ne se dit plus des animaux (emploi attesté en 1762) ni des personnes, mais seulement des plantes et des abstractions ; il est alors d'usage littéraire (Mallarmé : le vierge, le vivace et le bel aujourd'hui).
❏
Le dérivé
VIVACEMENT adv. (1834, Balzac) est littéraire et rare.
◈
VIVACITÉ n. f. est un emprunt au dérivé latin classique
vivacitas « force de vie », « longue vie » puis en bas latin « vivacité d'esprit ».
■
Le nom signifie « caractère de ce qui a de la vie » (1491), employé au figuré (1496) pour « promptitude à concevoir, à imaginer ». Au sens latin de « longueur de vie » (1538, Estienne), il est employé jusqu'au milieu du XVIIe s. (attesté encore en 1669).
◆
Vivacité se dit par extension de l'ardeur avec laquelle une chose est faite (1559), de la promptitude à agir (1559), d'un caractère vif (1559).
◆
Une, des vivacité(s) s'est employé pour « mouvement de colère, d'humeur » (1610), ceci jusqu'au XIXe siècle.
◆
Le mot désigne ce qui a de l'éclat, de l'intensité (1671, du teint), spécialement en parlant des sentiments, des sensations (1684, Mme de Sévigné). Dans tous les emplois vivants, il est senti comme lié à l'adjectif vif, vive.
◈
2 VIVACE adj. et n. m. inv., prononcé à l'italienne et introduit en musique (1765), reprend un mot italien signifiant « d'un mouvement vif, rapide », emprunté au latin classique
vivax.