VOCIFÉRER v. est un emprunt (v. 1380) au latin classique vociferare ou vociferari, v. intr., « faire entendre des clameurs », « pousser de grands cris » et « retentir, résonner », en parlant de choses, aussi v. tr. pour « crier fort (qqch.) ». Le verbe est formé de vox, vocis (→ voix) et de ferre « porter, apporter » (→ -fère).
❏  Le verbe conserve les sens latins de « parler en criant et avec colère » (v. 1380, intr.) et celui de « dire (qqch.) en criant » (av. 1525).
❏  VOCIFÉRANT, ANTE adj., tiré du participe présent, se dit d'une personne (1770, Buffon) et du lieu d'où proviennent des cris (attesté 1923) ; il est plus rare que le verbe.
■  VOCIFÉRATEUR, TRICE n. (1832), formé d'après le bas latin vociferator « celui qui crie », est rare. Il s'emploie aussi (av. 1896) comme adjectif.
■  VOCIFÉRATION n. f., attesté vers 1120, rare jusqu'en 1611, et repris en 1792, est emprunté au latin classique vociferatio « clameurs », dérivé de vociferatum, supin du verbe. Il signifie « action de vociférer » et surtout « parole violente accompagnée de cri exprimant la colère », le plus souvent au pluriel. Il est relativement courant, comme le verbe.
■  Ce n'est pas le cas de VOCIFER n. m., latinisme des zoologistes (1796) dénommant un aigle pêcheur (pygargue) d'Afrique sahélienne.
VOCODEUR n. m. est l'adaptation au français (attesté en 1970) de l'anglais vocoder (Dudley, 1939), contraction de voice coder « appareil codant la voix (voice) ». Le mot désigne un appareil capable d'analyser les sons de la voix humaine, permettant ainsi la synthèse de la voie (dans un système informatique, multimédia...).
VODKA n. f., apparu en 1829 au masculin (1822 pour la variante voudka), au féminin en 1865, est emprunté au russe, où il est un diminutif de voda « eau » et signifie littéralement « petite eau ». Voda se rattache à une racine indoeuropéenne °wed-, variante °ud-, comme le latin unda (→ onde), le grec hudôr (→ hydro-) et l'anglais water (→ water-closet).
❏  Vodka est le nom d'une eau-de-vie de seigle ou d'orge, fabriquée notamment en Russie ou en Pologne. La forme wodka (1859, A. Dumas), empruntée au polonais, est rare.
VOÈME n. m. est un emprunt (attesté en 1811, Du Petit Thouars) au malgache voanemba, pour désigner en français de l'océan Indien la gousse verte, allongée, consommée comme légume, d'une plante légumineuse portant aussi ce nom.
+ VŒU n. m. est la réfection graphique (1549) de veu (v. 1175), qui comme vou (v. 1155), est l'aboutissement des formes archaïques vode (1080), vot (v. 1120), issues du latin classique votum qui désigne une promesse faite aux dieux en échange d'une faveur demandée ou accordée, puis un objet votif, une offrande et, plus généralement, un souhait. À l'époque impériale, votum signifie « vœu prononcé par les époux, mariage ». ◆  Ce nom est la substantivation du participe passé neutre de vovere « faire une promesse (à une divinité) », « vouer » et « souhaiter, désirer ». Terme religieux, vovere est proche du védique vāghát « faisant un vœu, sacrifiant » et du grec eukhesthai « prier ». Ces mots se rattachent à une racine indoeuropéenne appartenant au vocabulaire religieux de la demande adressée à la divinité.
❏  Le mot s'est employé en ancien français (1080), jusqu'au XIIIe s., dans malde vode [mauvais vœu] « désastre, perdition », mais dès le XIIe s. il désigne comme en latin une promesse à Dieu, par laquelle on s'engage à accomplir une action méritoire. ◆  Au sens latin d'« objet votif », il s'est dit (1382) d'une figure de cire à l'image d'une personne qu'on désire blesser ou tuer, Cf. envoûter, et, par métonymie du sens actif, de l'offrande promise par un vœu (v. 1465), valeur autrement réalisée par le sens de « pèlerinage » (fin XVIe s.). ◆  De l'emploi religieux vient aussi (1538) la valeur de « souhait que l'on adresse à Dieu, à une divinité » (sans promesse explicite). En contexte profane, le mot désigne (1538) le désir de voir s'accomplir quelque chose. ◆  Vœux (1538) ou vœux de religion, vœux religieux (1794) et, au singulier, vœu (1694) s'emploie dans l'Église catholique à propos de l'acte par lequel qqn s'engage dans la vie religieuse, acte qui comporte des vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance ; la nature des vœux est précisée dans vœux solennels (1694), vœux monastiques (1758), vœux simples (1801), etc. ◆  Désignant un suffrage (1587-1596), vœu s'est employé jusqu'à la fin du XIXe s. Le mot désigne depuis l'ancien français (v. 1176) un engagement que l'on prend en son for intérieur. ◆  Les vœux, des vœux désignent à partir du XVIIe s. les souhaits que l'on adresse à qqn (1636), spécialement au commencement de la nouvelle année. Toujours au pluriel, le mot a eu à l'époque classique le sens de « souhait d'être aimé de qqn » (1644). ◆  Vœu prend à la fin du XVIIIe s. le sens de « volonté exprimée par une autorité légitime » (1790), puis désigne (1876) une demande faite par qui n'a pas d'autorité pour la faire appliquer.
❏  VOUER v. tr. est une réfection graphique des formes anciennes vuer (v. 1120), voer (1130-1140), dérivées de veu, vou ou issues d'un latin populaire °votare « vouer », dérivé de votum (→ voter).
■  Appartenant comme vœu au vocabulaire religieux, le verbe a signifié (v. 1120) « promettre (qqch.) à Dieu, à une divinité par un sacrifice », sens encore en usage à l'époque classique. Aujourd'hui et depuis le XIIe s. (v. 1175), vouer... à correspond à « consacrer à (Dieu, à un saint) en faisant un vœu » ; de là, par extension, vouer un enfant au bleu, au blanc « promettre par un vœu qu'il sera habillé de bleu, de blanc (les couleurs de la Vierge) » (1690) et, par figure, ne savoir à quel saint se vouer « à qui recourir » (fin XVe s.), puis se vouer à tous les saints « employer tous les moyens » (1835). ◆  Le pronominal se vouer à est très ancien (v. 1155) ; l'emploi intransitif (XVe s.) a disparu. ◆  Le verbe, d'abord pronominal (1390) puis transitif (1579), a signifié « se soumettre à qqn par une promesse solennelle et irrévocable ». Par extension, vouer (1580) signifie « faire que (qqn) soit consacré (à un état, une action, etc.) ». Se vouer prend ensuite (1680) le sens de « s'employer avec un zèle constant à (qqch.) ». ◆  Vouer à (qqn) s'emploie aussi pour « porter à (qqn, qqch.) un sentiment durable et profond » (1664), souvent avec pour complément admiration ou, au contraire, haine, ressentiment. ◆  En français de Belgique, vouer une pensée à (qqn) : avoir une pensée pour...
DÉVOUER v. tr., en ancien français devoer (v. 1200) « révoquer (un vœu) », était formé d'après avouer, mot d'une autre famille. ◆  La forme moderne (1559) correspond au latin devovare.
■  Le verbe, d'abord « vouer (à la divinité) » et dans se dévouer « se consacrer sans réserve à (qqch., qqn) », s'emploie avec les valeurs au XVIe s. et dans la première moitié du XVIIe siècle. ◆  Dévouer signifie aussi (1611) « livrer sans réserve, consacrer à », puis en emploi absolu se dévouer (1649) correspond à « faire une chose pénible au profit de (qqn, qqch.) », sens demeuré usuel et qui correspond alors à une nouvelle valeur pour dévouement. ◆  Se dévouer est repris dans le vocabulaire religieux (1669) au sens de « se sacrifier », mais le transitif (1678) pour « immoler par un sacrifice » a rapidement disparu au bénéfice de sacrifier.
■  DÉVOUÉ, ÉE adj. s'applique (v. 1650) à une personne pleine de dévouement.
■  DÉVOUEMENT n. m. a eu (1338) le sens de « vœu », puis a désigné (v. 1508) l'action de sacrifier (qqn, qqch.) à une puissance surnaturelle ; ces emplois ont vieilli en même temps que les acceptions correspondantes du verbe. ◆  C'est dans Furetière (1690) que l'on relève les emplois modernes, sans doute apparus vers le milieu du XVIIe s., le mot désignant l'action de sacrifier ses intérêts ou sa vie à qqn, à qqch., et la disposition à servir avec abnégation.
VOTIF, IVE adj. et n. m. est un emprunt au latin votivus « voué, promis par un vœu », « souhaité, désiré », dérivé de votum.
■  Attesté au XIVe s. (1374) et repris au XVIIe s. (1636), l'adjectif s'applique à ce qui a rapport à un vœu et se dit (1636) de ce qui est offert pour acquitter un vœu ou en commémorer l'accomplissement ; il qualifie aussi ce qui exprime le vœu (1636), par exemple dans la liturgie catholique messe votive (1718). ◆  Il a cette valeur dans médaille votive (1721), « frappée à l'occasion d'un vœu formulé pour la conservation de l'empereur (romain) », et dans fête votive (1838).
❏ voir DÉVOT, 2 VOTE, VOTER.
VOGELPICK n. m. est un emprunt au néerlandais (de vogel « oiseau »). En français de Belgique, jeu de fléchettes sur une cible fixée au mur. Au vogelpick, « au hasard ».
VOGOUL, OULE adj et n., d'abord écrit wogoul en français (A. Hovelacque, 1825), qualifie et désigne, par emprunt au russe, ce qui a rapport à un peuple de l'Oural et à sa langue, appelé kanti de manière autochtone. Le vogoul est l'une des langues ougriennes, apparentées de loin au finnois (comme l'ostiak).
2 VOGUE n. f., noté vougue à Lyon en 1460, vogue par attraction de 1 vogue et voguer, appartient à la famille du germanique °wogon, que Wartburg rattache à l'étymon du verbe voguer par l'idée d'afflux par « vagues » de l'assistance. Mais le sémantisme du latin vocare « convoquer » conviendrait au moins autant.
❏  Ce mot, régional en France et général en Suisse romande, diffusé semble-t-il à partir du Lyonnais, était usuel au XIXe s. et dans la première moitié du XXe s. (et se maintient encore) autour de Lyon, de Saint-Étienne, dans le Jura, en Savoie, et jusqu'à l'Ardèche et la Provence, pour désigner la fête annuelle d'un village, d'une paroisse, d'un quartier, notamment à Lyon (la vogue de la Croix-Rousse). Comme reinage, ducasse ou kermesse, il fait partie des mots régionaux de la fête, en français d'Europe. ◆  Au figuré, surtout à Lyon, le mot s'emploie, par allusion aux bruits et à l'agitation de la fête, pour « désordre, confusion ». ◆  En Suisse, le mot est attesté à travers le latin médiéval vogua (1493), voga (1502) ; il appartient, comme en France, à la fois aux dialectes et au français régional ; il est surtout en usage dans le Valais et à Genève, à côté de la bénichon « bénédiction » (Fribourg), de l'abbaye (Vaudois), de la Saint-Martin (Jura). Les connotations, avec les variantes pragmatiques locales, sont les mêmes qu'en France (Lyon, Saint-Étienne), danse, jeux, concours, chants, restauration, cortèges, manèges..., c'est-à-dire les éléments de la fête.
? + VOGUER v., attesté au début du XIIIe s. (v. 1207), est d'origine incertaine. Selon Bloch et Wartburg, le verbe est issu de l'ancien bas allemand °wogon « rouler », à propos d'un bateau, « balancer », altération sous l'influence du w- initial de l'ancien haut allemand wagōn (→ wagon). Pour P. Guiraud, l'origine germanique est exclue, le w- aboutissant régulièrement à g- ; le verbe reprendrait le provençal vogar « avancer par la force des rames », qui représenterait le latin vocare « convoquer, inviter » et « exhorter (les rameurs) », d'où « naviguer (à la rame) ». Si cela était, le mot se rattacherait donc au groupe de voix, avouer. En effet, les étymologistes italiens font de voguer un emprunt à l'italien vogare (XIIIe s.), du latin vocare avec cette évolution de sens ; d'autres évoquant pour vogare le grec boukaein « balancer, bercer », ce qui rejoint le sémantisme de l'hypothèse germanique.
❏  Le verbe, aujourd'hui littéraire, signifie « naviguer ». Il est employé dans la locution figurée vogue la galère ! (1552), d'abord vaugue la galée (1461) « arrive ce qui pourra ». Il a pris en construction transitive (1337) le sens de « faire mouvoir (les avirons) » (voguer les avirons), puis de « ramer pour faire avancer un bateau » (av. 1559), d'où en marine vogue avant ! (1611), valeur disparue au bénéfice de nager (marine) et de ramer (courant). ◆  En revanche, le sens de « se déplacer sur l'eau » (1559) est resté vivant, également en parlant d'un être animé. La locution figurée voguer à pleines voiles signifiait « réussir pleinement » (1661). ◆  Par figure, voguer signifie « progresser dans la vie ou dans un état » (XVIe s., déjà par métaph. v. 1425) aussi en parlant des idées, de l'esprit (fin XVIIe s.), emploi littéraire.
❏  1 VOGUE n. f. semble être un déverbal de voguer, mais apparaît (1466) avec une valeur figurée étrangère au verbe, probablement obtenue par comparaison avec l'impulsion donnée à un navire, à savoir « estime, réputation dont jouit qqn », d'où en vogue « à la mode » (1480) et l'emploi de vogue (1562) pour désigner ce qui est apprécié pendant un temps, toujours usuel. ◆  Par rapport à mode, qui caractérise un mouvement social, vogue implique un jugement de valeur partagé et positif.
■  Vogue se dit aussi régionalement (XVIe s.) dans le Sud-Est, le Lyonnais, pour « fête patronale », soit par métaphore, soit que le mot soit lié au latin vocare « convoquer ».
■  En termes de marine, et alors clairement dérivé de voguer, le mot a signifié (1559) « mouvement d'un bateau causé par la force des rames » et « mouvement des rames » (1509) et enfin, par métonymie (1872), « partie du plat-bord qui reçoit les avirons ».
VOICI et VOILÀ prép. sont composés de l'impératif de voir* et des adverbes ci et là* ; les deux prépositions se sont formées progressivement. Vois ci (2e moitié XIIIe s.), qui s'est figé en voici (1485), a supplanté l'ancienne forme veiz « vois », utilisée seule pour montrer, puis dans veiz ci (v. 1175). L'ancien français opposait vei mi ci (v. 1170) « vois moi ici » et veiz me ci (1080) « voyez moi ici », selon que l'on s'adressait à un ou plusieurs interlocuteurs. Les deux éléments sont réunis à la fin du XIIIe s. sous la forme notée veeschi ; on relève ensuite les formes figées vecy (XIVe s.), vezci (1369) et, par ailleurs, la réfection du verbe en voiez ci (1430), la séparation des deux termes étant encore attestée au XVIe s. (1534, Rabelais, voyez ci). ◆  Parallèlement, mais plus tard, ves la (1283), vez la (XIVe s.), s'est figé en vela (1342) et voilà (1538). Les formes vez la, vela se sont maintenues dans la prononciation aux XVIe et XVIIe s. ; on les retrouve dans la notation de la prononciation populaire v'la, attestée à la fin du XVIIe siècle.
❏  Voici est employé pour désigner ; voilà sert d'abord à appeler l'attention sur une chose ou une personne peu éloignée. L'opposition de voilà avec voici désignant à l'attention une chose ou une personne proche (1458) n'est plus vivante aujourd'hui, sauf dans la langue soutenue ou quand voici et voilà figurent dans la même phrase ; la même remarque vaut pour les autres cas où les deux mots ont été employés en opposition, la langue courante tendant à ne retenir que voilà.
■  Voici s'emploie aussi pour désigner les choses dont il va être question dans le discours (1361, Machaut : vezci), voilà exprimant (v. 1360) que certaines choses viennent d'être dites. A cet emploi se rattache voilà parquoi (1580), voilà tout (1601), voilà ce que c'est que... (1627). ◆  Depuis le XIVe s. également, voici sert à désigner ce qui arrive, approche, commence à se produire ; suivi d'un infinitif et d'un nom (1485), le mot permet d'attirer l'attention sur une action imminente ; cet usage est rare. ◆  Ne voilà pas (1553), voilà pas (vela pas, 1511), marquant la surprise, est sorti d'usage ; la forme ne voilà-t-il pas (1627) a vieilli ; seul se maintient voilà-t-il pas (1664), voilà-t'il pas que... (1792) encore vivante régionalement dans la langue orale sous la forme voilà t-i pas, v'la-t'y pas (1604, noté velati pas). L'alternance voici-voilà a inspiré (v. 1990) l'exclamation plaisante voili voilà pour renforcer voilà répété. ◆  Voici pour « il y a (un certain temps) » (1564) est littéraire, voilà suivi d'un complément de durée, étant seul courant avec cette valeur (1757). Voici que (1629), qui succède à vezcy que (1369), s'oppose à voilà que (1662). ◆  Voici, suivi d'un infinitif et de son sujet (voici arriver ung chevalier, v. 1529) est surtout employé dans voici venir. ◆  En outre, voici (1627), et plus couramment aujourd'hui voilà (dans cet emploi depuis 1485), s'emploient introduits par que pour désigner qqch., qqn. Entre voici, voilà et que peut être introduit un groupe à valeur temporelle (attesté 1668), pour souligner la durée qui sépare le moment présent de celui dont on parle (voici un an que...). ◆  Depuis l'époque classique, le voilà peut être suivi d'un pronom relatif complément ; cette tournure sert aujourd'hui à exprimer la soudaineté d'une action (le voilà qui se met à crier).
Les deux mots entrent dans plusieurs expressions, l'opposition entre « proche » et « éloigné » n'étant plus pertinente, la valeur de présentatif l'emporte. Par exemple, voici présente un pronom caractérisé (me vecy..., 1485 ; me voicy devenu..., 1580, Montaigne ; même construction pour voilà, 1485 et déb. XVIIe s.). Nous y voici, au figuré « ce que nous attendions va se réaliser » (1676, aussi nous y voilà), puis « nous abordons enfin le point essentiel » (1694 ; 1730 pour nous y voilà). L'expression s'emploie aussi pour « nous sommes arrivés » (1687, nous y voilà). ◆  Me voici bien (1678) a disparu, remplacé par me (nous, le...) voilà bien (1610), qui s'emploie pour parler d'une situation fâcheuse, désagréable. ◆  En voilà jusqu'à..., suivi d'un complément à valeur temporelle (1701), en voilà pour longtemps (1909) et en veux-tu, en voilà (1750) « beaucoup », sont restés usuels. ◆  Voilà s'emploie à la fin d'une énumération, renforcée en et voilà (1830), pour marquer qu'on ne peut rien ajouter à ce qui a été dit. ◆  À l'oral, voilà (et non voici) sert de ponctuation sans signification spécifique.
❏  REVOICI (1530) et REVOILÀ (1633), réfection de revela (1339), préposition, s'emploient familièrement, surtout avec un pronom personnel.
L + VOIE n. f., d'abord veie (XIe s.) puis voie (v. 1175), est issu du latin via « voie, route, chemin, rue », alors opposé à semita « sentier, trottoir » (→ sente) ; via correspond aussi à « chemin parcouru », « marche, voyage ». Le mot signifie au figuré « chemin à suivre », par équivalence du grec methodos, composé de hodos « chemin » (→ méthode). Via, comme le gotique wigs « chemin » (Cf. anglais way, allemand Weg) et le grec hodos, se rattache à une racine indoeuropéenne °wegh- « se déplacer, tirer » (→ véhicule), qu'on retrouve par exemple dans les langues germaniques (anglais way). Via rupta a donné route*.
❏  Le mot, comme en latin, a d'abord une valeur concrète, désignant un espace à parcourir pour aller quelque part, qu'il soit ou non aménagé, en concurrence avec chemin, puis aussi route ; de là viennent les locutions en voie « loin, parti » (XIe s.), en la voie se mettre (1140) et entrer en sa voie « se mettre en route » (1080), devenue à l'époque classique se mettre en voie (1665), toutes disparues.
■  Dès le XIIe s., voie reprend l'emploi figuré de via, « suite d'actes orientés vers une fin », par métaphore du chemin que l'on peut suivre, spécialement dans un contexte religieux où il équivaut à « commandements (de Dieu) » (v. 1120) ; de cette valeur sont issues les expressions religieuses la voie étroite (XIIe s.) « le chemin du paradis », parce qu'il est difficile d'assurer son salut, son inverse la voie large « l'Enfer » semblant tardif (attesté en 1872) ; on a employé dans ce sens la voie (1273), « qui convient au but à atteindre », opposé à la mauvaise voie (v. 1330). ◆  Voie a également, à partir du XIIe s. (v. 1120), le sens latin de « manière de procéder », à l'époque classique construit avec de et l'infinitif (1672), pour exprimer le but recherché.
■  Avec sa valeur concrète, voie entre dans des locutions comme se mettre à la voie « se diriger quelque part » (1138), chacier [chasser] en voie « mettre (un ennemi) en déroute » (v. 1155), sorties d'usage comme l'acception métonymique pour « voyage » (XIIe s.), employée jusqu'à l'époque classique, spécialement à propos d'une expédition chez les Sarrasins (apr. 1150). Jusqu'à la fin du XVe s. être en voie de se dit de ce qui se modifie dans un sens déterminé (fin XIIe s., avec un nom ; v. 1283, suivi d'un infinitif). ◆  Au XIIIe s., voie désigne en vénerie les lieux par lesquels est passé le gibier et les marques qui indiquent son passage. De cette acception viennent de nombreuses expressions, comme voie de bon temps « qui n'a qu'une heure ou deux » (1635), voie légère « que les chiens peinent à suivre » (1778), voie chaude, fumante, vive « sur laquelle le gibier vient de passer » (1872), etc. ; être à bout de voie, en parlant d'un chien et, au figuré (fin XVIIe s.), pour « s'arrêter faute de moyens ». Ces expressions ont vieilli ou ont disparu, à la différence de mettre qqn sur la voie (1762) « donner des indications à qqn », aussi remettre sur la voie ; l'emploi du pluriel dans ces expressions (1690, remettre qqn sur les voies ; v. 1778, mettre sur les voies) a disparu. Plusieurs locutions associent voie et vent, terme de vénerie (→ vent). ◆  Le nom, toujours avec sa valeur concrète, s'est dit (1213) de l'espace nécessaire pour brandir une arme et frapper. ◆  Par métonymie et dans un autre contexte, voie a distingué une galerie dans une maison.
■  Voie s'est spécialisé en droit, signifiant « moyen d'action juridique » (v. 1283), devenu voie de droit (1690), et ensuite dans voie de fait (1378).
Le sens concret de « chemin » s'enrichit au XIVe s. en s'appliquant à un canal creusé pour le passage des bateaux (1320), sens étendu plus tard aux rivières navigables, surtout dans des syntagmes plus tardifs comme voie d'eau ou voie navigable. L'expression la voie maritime du Saint-Laurent s'applique à l'ensemble navigable qui permet, par un système d'écluses et de canaux dans le lit du fleuve, de joindre le lac Érié à Montréal, où le Saint-Laurent devient navigable jusqu'à l'Atlantique.
■  Au XVIIe s., le mot s'emploie par figure dans voie lactée (1632) pour la Galaxie. ◆  Il désigne spécialement les grandes routes de l'Antiquité (1510), notamment dans le syntagme voie romaine, repris au latin via. ◆  C'est au cours du XVIIe s. que voie désigne administrativement un chemin tracé et aménagé (1690), d'où voie publique (id.), et que le mot s'emploie dans la locution être par voies et chemins « sans cesse en déplacement » (1690).
Par analogie, le mot désigne au XVIIIe s. une galerie de mine (voye) ; au XIXe s., voie (1831) ou voie de fer (1828), remplacé par chemin* de fer, puis par voie ferrée (1858), qui est resté vivant dans un emploi concret, désigne l'ensemble des rails qui forment un chemin pour un convoi, puis par métonymie (1838) l'espace entre les deux files de rails. On dit aussi absolument la voie pour « les rails » (Cf. ci-dessous entre-voie et contre-voie). Avec ce sens, le mot s'emploie aussi dans voie de garage (1865), désignant la voie recevant les trains qui se garent pour laisser le passage libre, expression appliquée par figure (v. 1960) à la situation d'une personne mise à l'écart.
À côté de ces emplois où le mot s'applique à un chemin concret (ou métaphorique), voie connaît depuis le moyen français des emplois extensifs, où il désigne le parcours d'un instrument et par métonymie sa dimension : une voie de faux (1408) « largeur coupée par la faux », et aussi une quantité transportée : « charretée » (1508), voie d'eau signifiant (1407) « deux seaux d'eau pleins », voie de charbon (1660) « sac de charbon de bois », voie de bois (1579), etc., tous emplois sortis d'usage avant la fin du XIXe s. (une voie, une voie de bois est encore courant v. 1850). ◆  Avec la même valeur que dans voie de faux, on trouve au XVIIe s. en technique le sens de « largeur d'un trait de scie » et « écartement des dents » (1690), d'où l'expression encore en usage donner de la voie à une scie (1765). ◆  Plus couramment, voie désigne la largeur d'essieu d'une voiture (1660), les traces laissées par les roues (id.), avoir la voie (1798) correspondant à « avoir le bon écartement de roues, correspondant au tracé des ornières ». ◆  Par une autre figure métonymique, voie d'eau (1678) désigne l'ouverture accidentelle par laquelle l'eau peut entrer dans un navire ; cet emploi est resté vivant et usuel.
■  Au figuré, continuant des métaphores et locutions anciennes, apparaissent en moyen français (1314) le sens de « conduit anatomique », étendu en français moderne aux transmissions nerveuses (voies sensitives, motrices, etc.) puis, à partir du XVIIe s., des emplois et sens nouveaux dans l'usage général. Ouvrir la voie à qqch. (1662) correspond à « préparer les conditions de sa réalisation » ; on dit aussi préparer la voie. Le sens figuré de « moyen » est réalisé dans le vocabulaire de la chimie, avec (par) voie humide (1690) et voie sèche « manière d'opérer avec ou sans liquide », et avec la nuance d'« intermédiaire » dans l'emploi pour « suite de moyens à suivre » (1690) par exemple dans par voie hiérarchique ou par la voie diplomatique. ◆  Voie correspond aussi à « façon d'évoluer, d'avancer » dans laisser une chose en voie, « sans s'en occuper » (1690), sorti d'usage. ◆  Au XIXe s., le sens général de « procédé » entre dans l'usage administratif avec une expression comme voies et moyens « moyens pour financer le budget de l'État » (1835). Au XXe s., par voie de conséquence (attesté 1946) correspond à « en conséquence ». ◆  Enfin l'idée de « chemin » s'étend à la transmission d'informations, le mot le plus normal étant néanmoins ligne. Cependant voie de transmission (v. 1975) s'emploie en télécommunications et en informatique.
■  Le sens concret, dans l'usage administratif, englobant routes, chemins et rues, s'enrichit d'expressions nouvelles au XXe s. : voie privée (1936), voie express (1958), voie piétonne, etc.
❏  Le diminutif VOYETTE n. f. désigne (v. 1260) régionalement un petit chemin et, spécialement (1904), un sentier destiné aux chasseurs.
■  ENTRE-VOIE n. f. désigne (1845) l'intervalle qui sépare deux rails et, par métonymie, la couche de gravier qui recouvre la chaussée sur laquelle sont posés les rails.
■  CONTRE-VOIE n. f., également technique, se dit (1894) de la voie empruntée à contresens par un train, d'où la locution adverbiale à contre-voie (1917).
CLAIRE-VOIE n. f. (1344 clere voye) désigne une clôture à jour et a donné lieu à la locution à claire voie (1420), qualifiant une paroi qui présente des vides.
DÉVOYER v. tr., verbe préfixé avec dé-, d'abord sous les formes desvoier, desveier (XIIe-XIIIe s.), signifie dans ses premiers emplois (v. 1155, desvoier) « pousser hors de la voie (au figuré), égarer », « détourner », sens aujourd'hui vieilli, et en emploi pronominal « s'éloigner, s'égarer », au propre. C'est la valeur de « faire sortir de la bonne voie morale » qui domine dans l'usage. ◆  Le verbe était aussi intransitif, signifiant notamment « perdre la raison » (1165-1170, desveier), « dissimuler » (v. 1210), sens auquel correspond l'emploi transitif pour « tromper, induire en erreur ». ◆  Se dévoyer s'est aussi employé pour « tromper sa femme » (v. 1450) et, dans le vocabulaire religieux, pour « quitter la voie du salut » (1440-1475).
■  Dévoyer entre dans le vocabulaire médical au XVIe s. d'après le sens anatomique de voie, dans dévoyer le ventre « faire vomir » (v. 1560), devenu dévoyer l'estomac (1631), encore relevé en 1829, et dévoyer « donner la diarrhée » (1680), également disparu après s'être employé comme intransitif (1845) pour « avoir la diarrhée ». ◆  En architecture, il a signifié « déranger la ligne verticale » (1690).
■  Les dérivés ont eu des emplois parallèles à ceux du verbe.
■  DÉVOYÉ, ÉE adj. et n. se disait (XIIe s.) pour « hors de sens, fou », acception encore relevée en 1752. L'adjectif s'est appliqué aussi à une personne qui est dans l'erreur (XVe s.), sens vivant à l'époque classique. ◆  Avec une valeur concrète, l'adjectif a qualifié une personne égarée, sortie du bon chemin (v. 1550), puis envoyée par erreur sur un mauvais itinéraire. Dévoyé désigne figurément en religion une personne qui n'est pas dans la voie du salut (fin XVIIe s., n. m.), d'où les dévoyés, n. m. pl., « les hérétiques », sorti d'usage. ◆  Par extension, dévoyé se dit littérairement de qqn qui ne suit pas la voie de la vertu (attesté au XXe s.).
■  DÉVOIEMENT n. m., d'abord concret dans le sens de « chemin impraticable » (XIIe s., desvoiement), usuel jusqu'à la fin du XVe s., s'est dit aussi par figure pour « égarement, débauche » (1268), encore au XVIe siècle. Dans le domaine moral, dévoiement signifie à l'époque classique (1671, desvoiement d'esprit) « erreur, délire », puis « faiblesse anormale de caractère » (déb. XVIIIe s.) ◆  Avec une valeur concrète, le mot a désigné le fait de s'égarer (XVe s.). ◆  D'après dévoyer, mais attesté un peu avant, dévoiement désigne un vomissement, une indigestion (1538), la diarrhée (1680), acceptions médicales sorties d'usage. ◆  Le mot est employé ensuite (1611) à la fois à propos d'une digue construite pour changer le cours d'une rivière et du fait de changer de cours. ◆  En technique, le mot signifie (1802) « déviation d'un tuyau de cheminée ».
FOURVOYER v. tr., formé de four-, for- (→ fors), de voie et suffixe verbal (v. 1155, forvoyer ; XVe s., four-) signifie avec une valeur concrète « conduire hors du bon chemin », vieilli à partir du XVIIIe s., alors que le pronominal se fourvoyer (v. 1200) est toujours usité spécialement en vénerie (attesté 1845). ◆  Le verbe est littéraire dans l'emploi figuré pour « égarer, tromper » (v. 1155), plus courant au pronominal (1653). ◆  Les emplois intransitifs de fourvoyer pour « se tromper » (XIIe s.), puis « perdre la raison » (v. 1200) et, concrètement, « être chassé d'un endroit » (1526), ont en revanche disparu.
■  FOURVOIEMENT n. m., d'abord « chemin sur lequel on s'égare » (XIVe s., forvoyement), désigne ensuite (XVe s.) le fait de ne pas suivre sa route, au propre et au figuré. ◆  Fourvoiement a signifié concrètement « détour d'une rue » (1559). ◆  Seules les valeurs figurées ont survécu, dans un usage littéraire.
❏ voir CLAIRE-VOIE (art. CLAIR, adj.), CONVOYER, DÉVIER, ENVOYER, OBVIER, TRIVIAL, VIA, VIADUC, VIATIQUE, VOYAGE, VOYER (et VOIERIE), VOYOU.
VOILÀ → VOICI ;
L 1 VOILE n. m. (v. 1170), d'abord attesté (1167) sous la forme vol, aussi écrit voil (fin XIIe s.), est issu du latin velum « voile », « toile », « tenture », spécialement « voile tendu au-dessus d'un théâtre », « toile pour protéger du soleil », et « voile pour cacher à la vue », au propre et au figuré (→ velum). Les Latins distinguaient velum « rideau » et vēlum « voile de navire » (→ 2 voile) ; il est difficile de dire si les deux mots remontent à une forme unique reconstituée en °weg-z-lom, qui proviendrait d'une racine indoeuropéenne °weg- « tisser », ou s'il y a seulement homonymie entre eux. Dans ce cas, velum « rideau » viendrait de °wes-lom, apparenté à vestis (→ veste, vêtir), et vēlum « voile de navire » procéderait seul de °weg-s-lom, lié à vehere (→ véhicule), à via (→ voie), d'une racine indoeuropéenne °wegh- « aller en char ».
❏  Le mot apparaît au XIIe s. sous la forme vol, déjà avec plusieurs acceptions. Dans le vocabulaire religieux, il désigne la pièce d'étoffe que les religieuses portent sur la tête. Cette valeur, pour laquelle la forme moderne voile est attestée v. 1460, a fait du voile le symbole de l'état de religieuse, et a donné lieu, apparemment assez tard, aux expressions prendre le voile (1571), puis prise de voile (XIXe s.), qui concernent le fait de devenir religieuse et de prononcer les vœux ; Cf. prise d'habit. ◆  Par ailleurs, le mot désigne (v. 1170) une étoffe qui cache une ouverture, spécialement (déb. XIIIe s.) la tenture qui, dans le temple de Jérusalem, séparait le saint des saints du reste de l'édifice, cachant à la vue l'arche d'alliance. ◆  Depuis la fin du XIIe s. (voil ; 1596, voile), il se dit par métaphore de ce qui empêche de connaître ou de ce qui change l'apparence de qqch. ; avec cette valeur, voile entre plus tard dans de nombreuses locutions, comme lever le voile (1594), arracher (1689), déchirer (1679) le voile, jeter un voile sur qqch. (1730) et lever (1742), soulever un coin du voile.
■  Cette valeur d'« élément qui dissimule » s'est conservée au propre et au figuré. Depuis le XIIe s. (v. 1170), voil puis voile (fin XVe s.) désigne plus généralement une pièce d'étoffe qui couvre une partie du corps et aussi une coiffure féminine de tissu fin, flottante, qui cache la tête (voir ci-dessous, des spécialisations et métaphores de ce sens). Voile a aussi repris un sens du latin (1380), s'employant en moyen français pour « tente » (de marché, de théâtre) ; ce fut aussi le nom d'une pièce d'étoffe servant d'étendard (1559). ◆  En botanique, voile s'est dit par analogie d'aspect (1667) de l'enveloppe qui entoure les fleurs de certaines liliacées, aujourd'hui de l'enveloppe du carpophore (partie aérienne portant les spores) des champignons (1872), avec les expressions en botanique, voile général (enveloppant les carpophores des champignons supérieurs et pouvant persister à maturité) et voile partiel (enveloppant le chapeau des champignons supérieurs jeunes, qui peut subsister sous forme d'un anneau autour du pied). ◆  Au pluriel, à propos de l'Antiquité (1627) et en poésie, le mot nomme les vêtements légers et transparents qui couvraient le corps des déesses ; les voiles de la nuit (1668), littéraire, s'emploie pour « l'obscurité de la nuit ». ◆  En emploi métaphorique, voile désigne (1561) ce qui a pour but de dissimuler la réalité, de tromper et, par analogie (1690), ce qui rend moins net, ce qui obscurcit, d'où voile de la mort (1728) « obscurcissement de la vision, à l'approche de la mort », expression sortie d'usage. La locution figurée mettre un voile sur les yeux « illusionner » (1690) a disparu, mais avoir un voile devant les yeux (1872) se dit encore.
■  À côté de ces emplois métaphoriques et analogiques, le mot, d'après le sens concret initial, prend à partir du XVIIIe s. d'autres valeurs. Le voile, du voile désigne (1723) un tissu léger et fin, d'après le voile des religieuses, fait de ce tissu. ◆  Voile désigne spécialement (1721) la pièce d'étoffe cachant le visage ou simplement couvrant la tête et cachant les cheveux des femmes dans certains groupes sociaux, notamment islamiques (on dit, quand le problème des musulmanes voilées dans un pays laïque comme la France est soulevé, voile islamique). Le mot voile a dans ce contexte des synonymes empruntés à l'arabe, au pachtoun afghan, → burka, hijab, tchador... Voile désigne aussi au XVIIIe s. un morceau de tissu fin qui orne une coiffure (1758). ◆  Au début du XIXe s., le mot s'emploie, par extension, pour nommer une pièce de vêtement de femme, cachant une partie du corps (1826), de là sans voiles « toute nue » (1876).
Par analogie, voile s'emploie en anatomie dans l'expression le voile du palais (1784), puis en photographie (1876), se disant de la partie anormalement obscure d'une épreuve et, en physiologie (1881), d'un obscurcissement du champ visuel, aujourd'hui dans voile noir, gris, rouge (XXe s.) et dans l'expression avoir un voile devant les yeux. ◆  Au début du XXe s., voile désigne par analogie, en médecine, une diminution de la transparence d'une partie du poumon, surtout dans voile au poumon, indice d'un début de tuberculose pulmonaire.
❏  1 VOILER v. tr. a été dérivé de 1 voile pour « couvrir (une jeune fille) d'un voile », pour la faire religieuse (v. 1155, veler), sens usité jusqu'au XVIIIe siècle. Il signifie ensuite « étendre un voile sur (qqch.), pour protéger, masquer » (XIIIe s., veler « tendre des draps sur le parcours d'un cortège »). ◆  Voiler prend en moyen français (v. 1380) le sens général de « couvrir d'un voile », puis par analogie de « dissimuler plus ou moins (qqch.) » (1550), « ôter la possibilité de connaître », « cacher (la vérité) » (1611) et voilé, ée adj. signifie « rendu obscur » (1580). ◆  Voilé, ée (1550) et se voiler (1690) s'emploient avec l'idée de perte d'éclat, de ternissement, spécialement à propos du ciel et du regard (1824), puis se voiler correspond à « perdre sa netteté » en parlant d'un son (1836, Stendhal ; 1798, voilé, adj.). ◆  Le sens concret de se voiler « se cacher, notamment le visage à l'aide d'un voile » et de voilé, ée adj. n'est attesté qu'au XIXe s. (se voiler, av. 1830), notamment en parlant des musulmanes (1872).
■  1 VOILAGE n. m. désigne (1904) l'action de voiler ou le fait de se voiler, en parlant d'une photo. ◆  Avec la valeur collective de -age, le mot s'était employé (dep. 1537) pour « voile d'une religieuse ». ◆  Il désigne, en français du XXe siècle, une garniture d'étoffe transparente (1926), un grand rideau de voile (1949).
■  1 VOILEMENT n. m. semble récent pour « action de mettre un voile à (qqn) », ou « fait d'être voilé ».
1 VOILETTE n. f., diminutif de voile, s'est employé isolément pour « couvre-chef », écrit volettes (XIIIe s., de l'ancienne forme vol). Le mot a été repris au XIXe s. pour désigner (1842) un petit voile transparent, parure que les femmes portent à leur chapeau et qui peut se rabattre devant les yeux ou le visage ; en dérive VOILETTÉ, ÉE adj. (déb. XXe s.), rare.
■  VELET n. m., emprunté à l'ancien provençal velet (1339-1368) au sens de « petit voile pour femmes », ou dérivé d'une forme archaïque de voile, a désigné une espèce de toile (1464) puis la doublure du voile de dessous des religieuses (1680, vélet ; 1694, velet). Il est sorti d'usage au XVIIIe siècle.
1 DÉVOILER v. tr., formé (XVe s.) de dé-, voile et suffixe verbal, signifie d'abord au figuré « faire connaître (ce qui était inconnu), révéler » (1440-1475). Au XVIe s., le verbe prend, d'après la première acception de voile (ci-dessus), le sens de « quitter la vie religieuse » (1554, pron.). Le sens concret de « découvrir en ôtant ce qui couvre, un voile » apparaît aussi au XVIe s. (1556). ◆  Le pronominal se dévoiler (XVIe s., Baïf) correspond à « apparaître », en parlant de qqch. qui avait été caché à la vue, puis s'emploie en parlant du ciel (1690) et, au XIXe s. par figure, au sens de « montrer involontairement ses intentions » (1864).
■  DÉVOILEMENT n. m. est usité au propre (1606) et au figuré (1660).
1 ENVOILER v. tr. (1554), repris (1888) dans l'usage littéraire, signifie « couvrir comme d'un léger voile ».
❏ voir RÉVÉLER, VEL-, VEXILLE.
L 2 VOILE n. f., d'abord écrit voille (v. 1130), variante veille (v. 1150), puis voile (v. 1175), représente l'aboutissement du latin tardif vela, pluriel pris pour un féminin singulier (Cf. italien vela) du latin classique vēlum « voile de navire », employé aussi par métonymie pour « navire ». Vēlum, peut-être identique à velum (→ 1 voile), avait aussi abouti au nom masculin veil (v. 1210, voil), éliminé par l'homonymie avec 1 voile.
❏  Le mot désigne un morceau de tissu résistant attaché à la vergue d'un mât, destiné à recevoir l'action du vent pour faire avancer un navire. Par analogie de fonction, il s'est dit aussi (1285) de la garniture de toile d'un moulin à vent. Par métonymie, une voile désigne ensuite comme en latin (1369), dans un usage littéraire, un bateau à voiles. ◆  L'importance de la voile en marine, avant l'invention de la propulsion à vapeur au XIXe s., explique que le mot soit entré dans de nombreuses locutions, dont beaucoup ont pris une valeur figurée. À la plainne voile « les voiles déployées » (1204) est devenu à pleines voiles et a signifié au figuré « sans hésitation » (1559), « sans obstacles » (déb. XVIIe s.). Faire voile « être en train de naviguer » (fin XIIIe s.) a eu pour équivalent être sous voile (1678) et être à la voile (1689). Mettre les voiles au vent « déployer les voiles pour partir » (1559) s'est dit par figure pour « entreprendre qqch. ». Par ellipse mettre à la voile est attesté au figuré pour « partir » (1652), remplacé plus tard par mettre les voiles (v. 1900), familier. Faire de la voile signifiait (1773) « soumettre beaucoup de voiles à l'action du vent », c'est-à-dire « tenter d'avancer le plus vite possible ». Voir ci-dessous l'emploi moderne. ◆  L'idée de départ est présente dans la locution figurée mettre toutes les voiles au vent « mettre tout en œuvre pour réussir » (1798), remplacée par mettre toutes voiles dehors (1830). ◆  Par figure, la locution avoir du vent dans les voiles signifie « être ivre » (1835). D'une manière générale les mots voile et vent* sont souvent associés dans la phraséologie.
C'est un peu avant le moment où la navigation à voiles est concurrencée par la vapeur que l'on emploie la voile pour « navigation à la voile » (1797). À partir de la fin du XIXe s., les grands voiliers étant remplacés par des navires à vapeur (voir vapeur, steamer), le mot est associé à l'idée de sport nautique, aux compétitions sportives, par exemple dans régatiers à la voile, apparu dès le milieu du siècle (1855). Char à voile désigne un véhicule à voile utilisé pour un jeu sportif, d'abord sur les plages belges (1898). ◆  Puis au XXe s., la voile correspond à « sport de la navigation de plaisance à la voile » (faire de la voile, aimer la voile, école de voile, etc.).
■  Par métaphore du sens maritime initial, à voile et à vapeur se dit familièrement (attesté mil. XXe s.) d'une personne bisexuelle.
❏  Le dérivé 2 VOILER v., réfection (v. 1175, voiller) de veilier (1165-1170), a signifié « mettre (un navire) à la mer ». Il s'emploie ensuite par analogie (1765) pour « prendre une forme convexe » comme celle d'une voile de bateau. Il n'est plus en usage qu'au pronominal se voiler (1771) ou en emploi transitif avec un sujet nom de personne (déb. XXe s.).
■  VOILÉ, ÉE adj. s'applique à un bateau muni de voiles (1165-1170, veilé ; 1611, voilé). D'après le sens technique et analogique de (se) voiler, il qualifie ce qui est légèrement gauchi (planche voilée, 1746-1747 au Canada) ou tordu (XXe s., d'une roue).
■  3 VOILE n. m., déverbal de 2 voiler, terme technique (1933), se dit de la déformation d'une roue voilée.
■  2 VOILAGE n. m. désigne (1927) l'état d'une pièce voilée, comme 2 VOILEMENT n. m. (v. 1950).
■  Le préfixé 2 DÉVOILER v. tr., réfection de desveler (v. 1112), signifie comme lui « débarrasser (un navire) des voiles ».
■  Il s'oppose à 2 ENVOILER v. tr. (1431), disparu. S'ENVOILER v. pron., « se courber au moment de la trempe » en parlant du fer, de l'acier, est un terme technique (1676) qui a fourni ENVOILURE n. f. (1864).
VOILIER adj. et n. m. a qualifié (1510) et désigne (1660) un navire muni de voiles ; par analogie il s'applique (1784) à un oiseau dont le vol est très étendu, aussi employé comme nom, un voilier (1829). ◆  Voilier n. m. est également le nom d'un poisson à grande nageoire dorsale (1801). ◆  En technique, il désigne depuis le XVIe s. (1567) un ouvrier qui fabrique ou répare les voiles.
■  2 VOILETTE n. f. a désigné (1593) la membrane du nautile, qui lui sert à se mouvoir, puis une petite voile (1836, aussi velette). Le mot, à cause de l'homonyme 1 voilette, est sorti d'usage.
■  VOILURE n. f., d'abord (1678) « art de placer les voiles », désigne ensuite (1691) l'ensemble des voiles d'un bâtiment, d'où centre de voilure (1834) [→ vélique] et, par analogie, l'ensemble des surfaces portantes d'un avion (1929 ; 1873, à propos d'un oiseau). Expression courante dans la navigation à voiles, réduire, diminuer la voilure se dit au figuré (attesté 1990) pour « réduire ses activités, ses moyens d'action ».
■  VOILERIE n. f. est un terme technique (1691) désignant un atelier où l'on fabrique et répare les voiles.
❏ voir VÉL-, VÉLIQUE, VÉLUM ; VEDETTE.
L + VOIR v. est l'aboutissement d'une évolution phonétique attestée par les formes veder (v. 980), puis vedeir (1080), veeir (v. 1155) et veoir (v. 1200) ; la forme contractée voir est attestée en 1636, mais on trouve veoir jusqu'en 1671. Le verbe est issu du latin videre, construit absolument ou avec un accusatif et signifiant « percevoir qqn, qqch. par la vue », « donner sur », « être témoin de, disposer de » et « remarquer, constater » ; le latin avait aussi plusieurs acceptions figurées : « imaginer », « avoir de la clairvoyance », « juger, examiner, déterminer », « prendre des mesures pour, pourvoir à ». ◆  Videre se rattache à la racine indoeuropéenne °weid- qui indique la vision en tant qu'elle sert à la connaissance et n'a que secondairement le sens concret de « percevoir par la vue ». °Weid- a fourni en grec idein « voir » et « avoir vu », infinitif aoriste de hôran (→ idée). Le parfait de °weid-, qui exprime un résultat acquis, signifie « savoir », ainsi que le sanskrit véda « je sais » (→ véda), le gotique wait, etc.
■  L'indoeuropéen avait trois racines pour indiquer la vision ; °derk-, indiquant proprement l'acte de voir, n'a pas été repris en latin mais a fourni en grec derkesthai (aoriste edrakon). Le latin conserve les deux autres : °spek- « contempler, observer », dans specere et le mot-racine -spex (→ espèce, spectacle), que l'on retrouve en francique dans °spehôn « observer » (→ épier) ; et °okw-, dans oculus (→ œil), en grec dans ops « vue » (→ optique). °Weid-, « connaître », s'est en partie substitué à ces racines, produisant videre.
❏  À la 1re personne du singulier de l'indicatif présent, la forme phonétique normale voi (1080, vei), aboutissement de video, est la plus courante jusqu'au début du XVIIIe s., où elle est donnée comme archaïque. Le futur et le conditionnel je voirai, je voirais (XVIe s.), formés d'après je voi, je voyais, ne sont plus employés après le XVIIe siècle.
Voir reprend l'ensemble des acceptions du latin et est employé dans de très nombreuses locutions ; à côté du sens général de « percevoir par la vue », le verbe développe des valeurs figurées, « percevoir par l'esprit », « constater », « juger », « examiner », comme en latin où elles sont la trace de la racine indoeuropéenne °weid-.
■  En français, le verbe apparaît avec le sens concret de « percevoir (des objets) par le sens de la vue », construit transitivement (v. 980) et intransitivement (1080) ; il signifie également, dès les premiers emplois (v. 980), « être spectateur, témoin de qqch. ». La qualité de la vision s'exprime par voir bien, voir mal (v. 1170). Y voir (fin XIIe s.) correspond à « jouir du sens de la vue », aujourd'hui surtout en emploi négatif (ne plus y voir, y voir mal, etc.). Il peut être renforcé par clair. ◆  Depuis le XIe s., voir équivaut selon le contexte à « s'apercevoir de, se rendre compte de » (1050) et « comprendre » et, dans le vocabulaire religieux, à « pouvoir contempler (Dieu) » (1050), acception liée à celle du mot vision, et qui n'est plus d'usage. De manière complémentaire, il se dit de Dieu et de la connaissance illimitée qu'Il a du monde et de l'homme, à côté de savoir (Dieu voit tout). ◆  Le verbe s'emploie surtout concrètement au sens de « regarder avec attention » (1130) et, spécialement, « considérer (qqn, qqch.) d'une certaine manière », puis « examiner soigneusement, de façon à mesurer les conséquences » (v. 1196). ◆  Voir qqn se dit par extension (v. 1155) pour « se trouver avec (qqn) », « rencontrer », d'où « lui parler » ; de là viennent les expressions je l'ai vu de mes yeux (fin XIIe s.), de mes propres yeux (1669) et, dès le XIIe s., l'emploi de voir pour « aller rendre visite à qqn » (v. 1190). Se voir, réciproque, signifie « se rencontrer » (v. 1165) puis « se fréquenter » (1675). Le transitif et le pronominal sont des euphémismes pour « avoir des relations sexuelles », comme (se) fréquenter (elle le voit ce soir ; ils se voient). Ces emplois sont stylistiques. ◆  Se voir, qualifié, « se trouver (dans telle situation) » est relevé au XIVe s. (v. 1316).
Dès l'ancien français, le verbe voir a pris des acceptions extensives, comme « prendre connaissance de (qqch.) en le lisant » (1080) et « découvrir un pays » (1080). En voir, en avoir vu correspond à « connaître par expérience (des personnes, des choses de la même catégorie) » (v. 1207) et spécialt « subir des épreuves » (il en a vu [de dures]). ◆  Avec la valeur intellectuelle initiale du latin, voir s'applique à partir du XIIIe s. à la connaissance raisonnée, par exemple dans voir clair dans, en qqch., et absolument voir clair « être perspicace » (v. 1360), ou encore dans veoir au long « avoir de la pénétration », remplacé à l'époque classique par voir de loin. ◆  Deux autres notions abstraites se développent au XIVe s., celle d'activité réglée, dans voir à qqn, à qqch. (v. 1360) « s'en occuper » (voir à sera repris avec un infinitif) et celle d'expérience, le verbe étant employé au passé, dans avoir peu veü (v. 1370), avoir beaucoup vu (fin XIVe s.) et, plus tard (1668), n'avoir rien vu. ◆  L'idée de jugement se développe au XVIe s. (R. Estienne, 1549), à peu près en même temps que celle de connaissance par l'expérience et que celle de présence en tant que témoin, voir qqch., une époque correspondant à « vivre à cette époque » (1580, le sujet désignant une entité personnifiée). Dans ce type d'emploi, on passe de l'idée de perception (vue) et de conscience ou connaissance, à celle de présence et d'existence pure et simple. ◆  À la même époque (XVIe s.), voir prend des valeurs très affaiblies, sinon vides, renforçant un impératif, par exemple dans dites voir (v. 1534), plus tard écoutez voir, voyons voir... Cet emploi a été critiqué par les puristes ; il n'est vivant qu'avec quelques verbes de perception et de parole, en français général, mais il a des emplois plus larges dans plusieurs régions (Bourgogne, Lorraine, Lyonnais, Franche-Comté, Savoie) avec la valeur de donc, souvent après un impératif : attends voir, essaie voir, tâche voir. ◆  Le pronominal se voir (et participe passé) [1550] équivaut simplement à être (il s'est vu nommé directeur : il l'a été). ◆  De même, vois, voyez servent à attirer l'attention (en incise vois-tu [1637], vois-tu bien [1634]). ◆  Une autre valeur atténuée est représentée par le pronominal se voir « pouvoir être perçu » (1559).
Une large série d'emplois, où le complément du verbe désigne une personne, continue à l'époque classique les valeurs de l'ancien français, « rencontrer, connaître » (voir ci-dessus) ; ainsi voir une femme (1640) correspond à « avoir des relations sexuelles avec elle » et se voir se dit de deux amants (1680). Il s'agit d'un sens lexicalisé, à la différence des emplois stylistiques signalés plus haut. En français classique, l'époque n'autorise pas encore la construction complémentaire où le sujet désigne la femme. ◆  Ce type d'emploi devient professionnel, pour « visiter », dans voir un malade qui se dit du médecin (1665) et du prêtre (1718) et pour « solliciter », en parlant du plaideur qui voit ses juges (1668). Curieusement, voir au sens d'« aller consulter » ne semble s'étendre à la situation médicale qu'au XXe s. (aller voir un médecin n'est enregistré qu'en 1923). ◆  Dans un autre contexte, se voir a correspondu à « se battre en duel » (1672), mais le pronominal signifie plus généralement, encore aujourd'hui, « se fréquenter » (1675, ci-dessus), alors que le transitif, dans ce sens (voir la Cour, 1696) est sorti d'usage. ◆  Toujours au XVIIe s., l'idée correspondant à voir à qqch. « s'en occuper » (ci-dessus), s'exprime par voir de faire qqch. (1614), et voir à faire qqch. (1632), toujours en usage au moins régional (il faudra voir à..., faudrait voir à voir, populaire, faut voir à voir est dans H. Monnier, 1854), voir que (et subjonctif) ayant disparu.
■  Quant aux emplois intellectuels, voir au sens de « juger » ne s'emploie plus qu'avec un adverbe, dans voir bien, voir mal (1749) « avoir un bon, un mauvais jugement », plus tard (1872) voir faux et se voir « pouvoir être discerné par l'esprit » (1690). ◆  Pour voir, « pour bien comprendre », apparaît au XVIe s. (1555). L'expression a pris aux jeux de cartes (notamment, au poker) la valeur spéciale de « pour voir quel était le jeu de l'adversaire », en misant. ◆  Une autre valeur psychologique, métaphorique du sens concret, correspond (1361) à « enregistrer des images créées par l'esprit » (voir en rêve) et à « se représenter par l'imagination » (av. 1648). Ces emplois extensifs donnent lieu à des locutions comme j'ai vu le moment que... « il s'en est fallu de peu que... » (1651) et, avec l'idée de « vision fictive », voir cent mille chandelles (id.), devenu au XIXe s., voir trente-six chandelles (1868).
Au sens le plus usuel (« perception par la vue »), voir acquiert d'autres emplois dans des locutions verbales, telles faire voir qqch. à qqn « lui montrer », « lui permettre de le regarder » (1636 avec sujet nom de chose ; 1673, sujet nom de personne), laisser voir (av. 1678) qui a le même sens et se dit aussi pour « donner à connaître » (1677), et faire voir pour « démontrer, montrer » (1645). Se faire voir, « se montrer », est attesté au XVIe s. (1580) ; au XXe s., l'expression entrera dans des insultes (ci-dessous). ◆  Par ailleurs, voir le jour, voir la lumière s'emploie figurément pour « être vivant » (1640), puis pour « paraître, être publié » (1690). ◆  Parmi les valeurs affaiblies, le pronominal se voir s'emploie avec l'infinitif pour « être en train (de subir qqch.) », par exemple dans se voir mourir (1636) ; voir signifie ici « être conscient de » ou « s'imaginer » (je ne me vois pas faire, dire...). ◆  Dans à voir (qqch.) « quand on considère » (1667), voir implique le jugement, comme il implique la surprise dans que vois-je ? (1655) et l'indignation dans voyez un peu ! (1673), a-t-on jamais vu... ou dans pour voir, formule de défi (fais donc ça, pour voir !) [1668].
■  Au sens de « considérer », le verbe s'emploie aussi au XVIIe s. pour « envisager pour un but précis », d'où ne voir que... (1701) « ne considérer que... ». Au futur, je verrai, nous verrons (1690), puis on verra (av. 1772), s'emploient pour « la chose sera considérée, envisagée » ; de même, manière de voir (1762) signifie « manière de juger ». ◆  De là, avec un adverbe métaphorique exprimant une couleur, l'idée de « considérer avec optimisme ou pessimisme » dans voir qqch. noir (1718), puis voir en noir (1762), l'opposé voir tout en rose étant bien ultérieur (1870 ; voir la vie en rose, 1876). ◆  Dans certains cas, voir correspond à « deviner », par exemple dans voir venir qqn « comprendre ce qu'il va (ou qu'il veut) dire ou faire » (1623). D'où des locutions où venir est complété (je le vois venir avec ses gros sabots).
L'idée de mise en rapport entre deux choses se dégage d'une tournure négative, n'avoir que voir à qqch. (1640), sortie d'usage. Ici, la valeur abstraite et intellectuelle, ramenée à un sujet nom de chose, se réduit à « être mis en rapport, se rapporter à », d'où n'avoir rien à voir avec qqch. (1718), « n'avoir aucun rapport », toujours usuel (ça n'a rien à voir). ◆  En français de Belgique, voir après (qqn, qqch.) s'emploie pour « aller chercher ». ◆  Le rapport entre la perception visuelle et le lieu où elle est possible, c'est-à-dire la relation entre l'observateur et l'observé, est exploité dans l'apostrophe plaisante : allez voir là-bas si j'y suis (1633) pour « allez voir ailleurs, allez-vous en » (exploité dans une émission de radio évoquant des situations lointaines : « Là-bas si j'y suis »). On emploie aussi allez-y voir (on aime mieux le croire que d'aller y voir, 1690) ; allez voir correspond ici à « être (en un lieu) ». Au XVIIe s., un beau venez-y voir signifiait « une chose négligeable ». ◆  Au sens de « subir, éprouver », on relève en avoir vu (bien) d'autres (1547), d'où en voir, en avoir vu, j'en ai vu d'autres, j'ai vu pire, etc.
Tous les sens et la plupart des emplois du verbe étant déployés, il n'apparaît plus, à partir du XVIIIe s., que des nuances et des expressions nouvelles. Voir y correspond parfois à « être proche de, présent à », comme dans voir (avoir vu) la mort de près (av. 1720) ou, au XIXe s., avoir vu le feu « avoir participé à des combats » (av. 1861) ; dans le même registre, voir faire qqch. signifie « en être témoin » (1876). ◆  C'est l'idée d'imagination qui prévaut dans la métaphore sur je vois ça d'ici (1772). ◆  L'impératif du verbe, utilisé depuis le XVIIe s. pour attirer l'attention, s'emploie spécialement pour renvoyer, dans une lecture, un texte : voyez ci-dessous, etc. (av. 1782), en concurrence avec l'infinitif voir plus haut.
■  Les emplois lexicalisés de voyons ! exprimant reproche, étonnement réprobateur, rappel à l'ordre, sont attestés au début du XIXe s. (v. 1820). On peut en rapprocher l'emploi du futur exprimant une menace (tu verras, nous verrons, 1722 et aussi tu vas voir, vous allez voir ce que vous allez voir [1753], etc.), mais voir relève alors du sens de « subir ». En revanche, l'emploi québécois de voyons donc ! pour exprimer le doute, l'incrédulité reste proche de celui de voyons ! en France, dans des contextes avec des connotations différentes, correspondant au tiens donc dubitatif du français de France.
■  Une nuance du verbe appelée à un grand avenir est celle où le complément désigne un spectacle visuel, théâtre, mais aussi danse, fête, attractions, exposition, puis au XXe s., cinéma, télévision. Voir signifie alors « assister à (un spectacle) ». Cette valeur semble apparaître ou se développer à l'époque romantique (attestée 1832) et donne lieu à des emplois comme aller voir (un spectacle, au XXe s. un film, mais aussi un acteur, etc.). ◆  Par extension, tu as vu... ? vous avez vu... ? correspond à « est-ce que tu connais, es-tu au courant », par l'ambiguïté fondamentale du verbe entre « percevoir visuellement » et « connaître ». ◆  De même, dans il faut voir, il faut avoir vu et dans être à voir, d'abord d'un spectacle, on passe à « offrir un certain intérêt » (1876).
■  Toujours au sens général d'« être témoin de », une série d'expressions sont attestées vers le milieu du XIXe s. : je voudrais bien voir ça, qui signifie par extension « c'est inimaginable » ou « inacceptable » (1872), je voudrais bien vous y voir, vous voir à ma place (1872) « vous ne ferez pas mieux que moi », on n'a jamais rien vu de pareil (1872) puis on n'a jamais vu ça « c'est incroyable », faut (fallait) voir ça ! correspondant à « c'est (c'était) étonnant ».
■  Ne pas voir qqn correspondant à « ne pas le supporter », parallèle à ne pas pouvoir sentir, la locution familière et courante ne pas pouvoir voir (qqn, qqch.) en peinture (1868), c'est-à-dire « même en peinture, en image », constitue un intensif.
■  Enfin, du sens de « supporter », déjà ancien, viennent en faire voir à qqn et en voir (de dures, de belles), ainsi que se faire voir « se faire attraper » (1878), synonyme de se faire avoir et qui ne se comprend que par allusion au sens sexuel de voir, déjà attesté au XVIIe s. (ci-dessus), et qui devient explicite dans va te faire voir (1883, dans Chautard), va te faire voir chez les Grecs,voir est un euphémisme pour foutre. ◆  Avec la valeur extensive de voir « considérer, juger » (ci-dessous), l'expression on peut voir ça comme ça (années 1990) évoque une autre scie à la mode : on va le dire comme ça.
❏  VU, VUE adj., prép. et n. m. qualifie (XIIe s., veü, écrit veu) à la fois ce qui est perçu par l'œil et ce qui est compris. Vu devient en moyen français une préposition (fin XVe s.) et signifie « eu égard à », et vu que, loc. conj. (1421), « attendu que », encore en usage régionalement. ◆  Vu, prép., s'emploie au XVIIe s. en droit (1690) pour « après avoir examiné » de même que le vu, n. m. (1690), par exemple dans sur le vu de (qqch.) [1872]. ◆  Des premières valeurs viennent l'emploi comme nom masculin dans au vu de tous « au grand jour » (XIVe s. : v. 1320), puis au vu et au su de (1510). ◆  Bien (mal) vu (1655) se dit d'une personne qui a (n'a pas) l'estime d'autrui, utilisant le sens spécialement et figuré de voir « juger, considérer ». C'est tout vu, « c'est bien décidé » (1606), correspond à voir « estimer, examiner », ni vu ni connu (1783) au sens de « percevoir », comme du déjà vu (1938) pour parler de qqch. qui manque de nouveauté.
■  Le composé M'AS-TU-VU n. m. inv. est un sobriquet donné (1902) aux acteurs médiocres, peut-être par référence à la question que les acteurs se posent entre eux à propos de leurs rôles. Ce sens a disparu, et le mot désigne (1906) une personne vaniteuse. ◆  Le dérivé M'AS-TUVUISME n. m. (1938) est rare.
VUE n. f., réfection graphique (XIIIe s.) de veüe [veue] (La Chanson de Roland, 1080), est la substantivation du participe passé de voir.
■  Le mot a d'abord la valeur d'« action de voir » et est employé pour désigner le sens qui permet de voir. Il se dit aussi pour ce qui est vu (XIIe s., vewe), désigne l'étendue de ce qu'on peut voir d'un lieu et la perception de qqch. par le sens de la vue, ces valeurs de l'ancien français seront éliminées par vision. ◆  Par ailleurs vue se dit (v. 1360) du fait de recevoir des perceptions visuelles, associé à une participation de l'esprit. ◆  Par extension, le mot s'emploie pour le fait de regarder, dans à vue « aux yeux de tous » (v. 1130), disparu, puis dans à la vue de tous (1549). Par ailleurs, il désigne la distance jusqu'à laquelle on peut voir les objets (v. 1155). ◆  C'est avec l'idée de « manière dont on regarde » que vue s'est utilisé en droit (v. 1283), spécialement en parlant de l'examen d'une terre sur les lieux-mêmes, et avec la même valeur dans la locution à vue d'œil « d'une manière constatable par le sens de la vue » (XVe s.), sens archaïque, l'expression signifiant « approximativement ». La vue de (qqn) [1370] signifie « le fait d'avoir sous les yeux, d'être en présence de », d'où spécialement en religion la vue de Dieu des bienheureux (1679) ou des mystiques (déb. XVIIIe s.). À la vue de (qqch.), « à une distance d'où l'on voit » (XVe s.), est sorti d'usage, comme à vue de (1680), supplantés par en vue de (1845) qui s'emploie surtout en marine. ◆  Le mot désigne le spectacle qu'offre qqch. (1461) et par métonymie ce qui permet de voir, une ouverture, une petite fenêtre (1438), aujourd'hui en droit dans des expressions comme vue bée (1690) devenu vue oblique (1804), ou encore dans vue droite (1804). La locution avoir vue sur (1707) « être dirigé vers » s'applique à la partie d'une habitation qui a une baie ouverte dans telle direction, puis de la baie elle-même (1735).
■  Vue s'est employé depuis la fin du XVe s. (1489) et surtout à l'époque classique à propos de la rencontre entre deux personnes, valeur où vue a été remplacé par entrevue*. ◆  De vue, loc. adv., signifie « par la vue » dans connaître qqn de vue (1538). Jeter sa vue sur qqch., « diriger ses regards vers » (XVIe s.), devenu jeter la vue... (1669), est sorti d'usage, ainsi que en belle vue, « aperçu de loin pour son avantage » (1538), où vue signifie « aspect sous lequel se présente un objet » (1667, employé seul). ◆  La locution adverbiale en vue « dans une situation telle que la vue le perçoit » (1552) prendra au XIXe s. des valeurs figurées : « marquant, important, connu » (1876, personne en vue) et, d'après le sens de en vue de « à une distance où l'on peut voir » (ci-dessus), au figuré « imminent » (XXe s.).
■  Le sens abstrait de vue amorcé au XIVe s. (ci-dessus) se développe au XVIe s. pour « fait d'envisager, de se représenter par l'esprit » (1680). Cette valeur abstraite se développera dans la seconde moitié du XVIIe siècle. ◆  Auparavant, le mot entre avec ses valeurs concrètes dans des locutions figurées. Juger (qqch.) à vue de pays « en gros, au jugé » (1606) ne s'emploie plus ; elle signifiait aussi « sur le seul aspect des lieux » (1655).
■  Vue s'emploie pour « les yeux, la vision » (mil. XIIIe s.), d'abord dans la locution donner dans la vue, « éblouir », signifiant au figuré (1636) « charmer, exciter les sentiments amoureux », puis seul (1658). ◆  À vue, « en observant, sans quitter des yeux », s'est employé spécialement dans payer (un effet, etc.) à vue (1676), chasse à vue (1654). Garde à vue (1680), employé en droit, est demeuré usuel pour « contrôle physique sur une personne ». Changement à vue (XXe s.) se dit d'un décor de théâtre et, au figuré, d'un changement soudain et total.
■  Vue, avec sa valeur abstraite, se développe au XVIIe s., entrant dans la locution prépositive en vue de « de manière à préparer (un but, une fin, etc.) » (1665). Vues, au pluriel, signifie « ensemble d'idées » (v. 1650), puis « dessein, intention, projet » (1676), spécialement dans avoir des vues sur qqn « avoir l'intention de l'épouser » (1715), et avoir des vues pour qqn (fin XVIIe s.), puis sur qqn (1740) « penser à (qqn pour qqch.) », expressions vieillies. ◆  Au sens d'« idées », des vues entre dans l'expression échange de vues « discussion » (XXe s.). ◆  Par ailleurs, avoir qqn en vue signifie « penser à lui pour un travail, etc. » (1690), à côté de avoir qqch. en vue (1695) « se le proposer comme but » et, par une extension tardive (XXe s.), « penser qu'on l'obtiendra bientôt ». ◆  Avec le sens concret, « action de voir, de regarder », vue désigne dans l'usage classique l'aspect sous lequel on voit qqch. (1667).
■  C'est à cette notion que correspond point de vue (1651), où vue signifie « action de voir » et qui prend très vite sa valeur figurée (1670) [→ point].
■  Une vue, à la même époque, désigne par métonymie l'image qui représente un lieu dans une perspective donnée, c'est-à-dire un plan (1634), puis (1704) une représentation picturale de la nature. La notion de direction est dominante dans l'acception pour « perspective adoptée par le regard » (1708), par exemple dans vue plongeante. ◆  Le sens de « vision », appliquée aux animaux, donne l'expression à vue d'oiseau « de loin et de haut » (1678) qui sera remplacée par à vol d'oiseau. ◆  Seconde vue (1812) ou double vue (1876) se dit de la faculté de voir par l'esprit des faits hors de portée de la vue, d'où le sens figuré de « grande perspicacité ». ◆  Au XXe s., d'abord en argot sportif (1919), le mot entre dans la locution en mettre à qqn dans la vue (ou dans l'œil), « l'emporter sur lui », sorti d'usage, puis dans en mettre (en foutre) plein la vue « éblouir », familier.
■  Au sens de « représentation, image » (ci-dessus), vue sert à former prise de vues (1923), terme technique de cinéma. En français du Canada, les vues s'est dit pour « le cinéma » (aller aux vues) et une vue, parfois, pour « un film » (regarder une vue à la tévé).
■  Le composé BÉVUE n. f. est formé (1642) à partir du préfixe bé-, bes-, issu du latin bis (→ bis). ◆  Le mot s'est dit d'une erreur due à la vue et désigne figurément (1655) une méprise grossière due à l'ignorance ou à l'inadvertance ; il s'est employé à l'époque classique (1690) à propos d'une faute due au manque d'attention, aux échecs.
■  LONGUE-VUE n. f. (1825) vient de lunette de longue vue (1667) « lunette d'approche ».
VOYANT, ANTE n. et adj., d'abord sous les formes veant, veiant, voyant, participe présent de voir, s'est employé, en ancien et en moyen français, comme préposition pour « à la vue de, en présence de » (1080, veiant ; v. 1180, voiant).
■  Le nom désigne une personne qui voit (v.1120, veant) ; de là, adjectivement, frère voyant autrefois « membre de la communauté des Quinze-Vingts qui, n'étant pas lui-même aveugle, est marié à une femme aveugle » (1694), encore attesté en 1878. Cette valeur de voyant, opposée à aveugle, est renforcée au XXe s. par l'usage courant de non-voyant (ci-dessous). ◆  L'adjectif qualifie une personne qui voit (1607) ; il est rare.
■  Le sens passif, « qui peut être vu » (XIIIe s.), a disparu, mais cette valeur a été reprise avec la nuance spéciale de « qui attire le regard », d'abord (1660) en parlant de couleurs puis, au figuré et souvent péjoratif, « qui attire l'attention (excessivement) » (av. 1851) : c'est un peu trop voyant.
■  Avec la valeur abstraite et forte de voir « connaître et percevoir par l'esprit », voyant, dans la Bible, signifie « prophète » (v. 1170). C'est ensuite le nom donné (1812) à un visionnaire qui prétend avoir des connaissances surnaturelles, parfois à une personne très perspicace (voyante, av. 1850). D'où le sens (1871), littéraire, de « penseur qui voit et sent ce qui est inconnu des autres », acception reprise au XXe s. à propos de Rimbaud et de sa conception du poète. ◆  Voyant se dit à l'époque romantique (1837, Balzac) d'une personne qui prétend être doué de double vue, d'où VOYANTE n. f. (1869, Goncourt) et voyante extra-lucide.
■  À la fin du XIXe s. (1894), le nom masculin désigne aussi un dispositif lumineux (par exemple dans voyant lumineux) destiné à attirer l'attention de l'utilisateur. C'est aussi le nom de divers dispositifs permettant de voir.
■  VOYANCE n. f., d'abord veance « vue » (du XIIIe au XVe s.), est repris au XIXe s. pour désigner (1829) le don de double vue, l'état de voyant, appliqué ensuite aux différentes valeurs du mot.
■  NON-VOYANT, ANTE n. est la reprise récente (v. 1970) de nonveant (v. 1155) formé sur veant, forme ancienne de voyant (ci-dessus). Le mot fonctionne aujourd'hui comme euphémisme officiel pour aveugle.
■  MALVOYANT, ANTE adj. et n. signifie « affecté de graves troubles de la vue ».
VOYEUR, EUSE n. est attesté en ancien français sous une forme correspondant aux variantes anciennes de voir (1138, veor) au sens de « guetteur ». Le mot réapparaît à la fin du XVIIe s. (aussi voyeux), désignant qqn qui assiste à qqch. par simple curiosité, sens sorti d'usage. ◆  Voyeur, n. m. s'est spécialisé (1833) pour désigner une personne qui assiste sans être vue à des scènes érotiques. ◆  Le mot a signifié aussi par métonymie « ouverture par laquelle on peut observer une scène érotique » (1885), acception disparue.
■  Le dérivé VOYEURISME n. m. (attesté 1957) est employé en psychiatrie pour désigner le comportement des voyeurs considéré comme une perversion sexuelle.
■  VOYEUSE, n. f. a désigné (1771) une chaise à dossier bas, sur laquelle on s'asseyait à califourchon surtout autour des tables de jeu, et qui permettait de voir le jeu des autres joueurs.
REVOIR v. tr., réfection graphique (1549) de reveoir (XIIe s.), lui-même précédé par la forme archaïque reveidir (v. 980) [de veidir, → voir], a le sens général de « voir de nouveau ». ◆  Selon les diverses acceptions de voir, le verbe signifie « se trouver de nouveau en présence de (qqn) » (v. 980), puis « examiner de nouveau, pour corriger ou parachever » (XIIIe s.), d'où revoir un procès (1549). ◆  Reveoir, en vénerie (v. 1375), a donné le REVOIR n. m. (1690) « empreinte laissée par le pied de l'animal chassé ». ◆  Au XVIe s., le verbe revoir prend aussi le sens de « regarder de nouveau » (1558), spécialement dans revoir un spectacle (1669) et de « retourner (en un lieu qu'on avait quitté) » (1588). Revoir qqn donne lieu à se revoir, réciproque (1651). Le verbe signifie aussi « voir de nouveau par la mémoire » (1651) et, dans le domaine scolaire (1686), « étudier de nouveau pour se remettre en mémoire », sens qui correspond à réviser, révision.
■  Le revoir n. m., « le fait de revoir qqn » (av. 1549), donne naissance à l'expression adieu jusqu'au revoir (1644), puis jusqu'au revoir (1660), aujourd'hui au revoir, loc. interj. et n. m. (1798), par exemple dans ce n'est qu'un au revoir. À revoir (1835) est sorti d'usage.
■  De ce sens procède le dérivé familier REVOYURE n. f., employé dans à la revoyure loc. adv. (1821).
1 REVUE n. f., participe passé substantivé de revoir, d'après vue, correspond au sens d'« examiner ». Il a désigné (1317, reveue) le fait de revoir un partage, de le réviser, acception disparue, qui est passé en anglais donnant review, lequel a été réemprunté par le français (→ 2 revue). ◆  Puis le mot désigne (1356 écrit reveue ; 1559, revue) l'inspection des effectifs, équipements, etc., appartenant à un corps de troupe. ◆  Il a eu la valeur générale d'« examiner de nouveau » (fin XVe s., revewe). ◆  Désignant le fait de se revoir (v. 1530), le mot revue, correspondant à revoir, n. m. (ci-dessus), est sorti d'usage, sauf dans être gens de revue (1775), vieilli, et dans nous sommes de revue « nous aurons l'occasion de nous revoir » (1835), encore en usage. ◆  Revue s'emploie aussi (1611) pour « examen de conscience » et, concrètement, d'après le sens militaire, pour « examen d'un ensemble matériel », d'où passer en revue « examiner en détail (qqch.) » (v. 1770).
■  Cette acception d'examen rend compte de celle de « publication périodique », qui passe en revue l'actualité d'après l'anglais review, mais cet emprunt constitue un autre mot (→ 2 revue). ◆  C'est aussi à partir de cette valeur que le mot s'emploie (v. 1840) pour désigner une pièce comique ou satirique, qui passe en revue l'actualité, met en scène des personnalités connues, puis (av. 1932) un spectacle de variétés, l'idée de « scènes indépendantes » propre à la pièce comique l'emportant. ◆  Repris dans le vocabulaire militaire où cette valeur est ancienne (ci-dessus), on dit depuis le XIXe s. passer des troupes en revue (1831), et revue se dit (1842) d'une cérémonie au cours de laquelle les troupes sont présentées à un officier supérieur, une personnalité. De là est issu être de revue, familier et vieilli (1848), « être frustré de ses espérances », peut-être à cause des désagréments qu'apportent la revue et ses préparatifs aux soldats, ou par allusion à l'aspect itératif de revoir (celui qui de (la) revue doit repasser).
■  Le mot, au sens de « spectacle satirique », a fourni REVUETTE n. f. (1898) et REVUISTE n. (1885) « auteur de revues ».
Un dérivé de revoir, REVOYEUR n. m. a désigné (1636) celui qui revoit qqch. pour l'approuver ou le rejeter. Revoyeur (1871), puis renvoyeur, désigne un navire dragueur qui cure des cours d'eau, sens venu de revoir « corriger, rectifier ». Revoyeur, pour « engin qui refait la voie » est probablement formé sur voie.
ENTREVOIR v. tr., réfection (v. 1190) d'après voir de entrevedeir (1080) « se voir les uns les autres », puis entreveeir, a signifié (v. 1190, s'entrevoir) « se rendre visite mutuellement », sens encore relevé en 1798. ◆  Le verbe prend ensuite le sens de « voir imparfaitement » (1270, entreveoir) puis de « voir en passant, rapidement » (1504). ◆  Par ailleurs, s'entrevoir s'est dit pour « avoir une entrevue (avec qqn) » (1490-1496), d'où entrevoir qqn « aller le voir » (v. 1590) et, spécialement, « visiter (un malade) » (v. 1560) ; ces acceptions ont disparu, alors que le dérivé entrevue (ci-dessous) y correspond. Par figure du sens visuel (vision imparfaite ou figitive), entrevoir signifie « avoir une idée imprécise de (une chose actuelle ou future), deviner, pressentir » (1670).
■  ENTREVUE n. f. (1498), du participe passé de s'entrevoir, désigne une rencontre concertée entre personnes, spécialement (1530) entre deux hommes d'État. Ce sens est demeuré vivant, ce qui fait que le substantif n'est plus en rapport sémantique avec le verbe.
■  ENTREVISION n. f. (av. 1895), d'après vision, « action d'entrevoir », est rare.
❏ voir BELVÉDÈRE, ENVIE, ÉVIDENCE, IMPROVISER, IMPROVISTE, INTERVIEW, POURVOIR, PRÉVOIR, PROVIDENCE, PRÉVISION, PROVISOIRE, PRUDENT, 2 REVUE, TÉLÉVISION,  !, VIDÉO, VISA, VISAGE, 2 VISER, VISIBLE, VISIÈRE, VISION, VISUEL, VOICI, VOILÀ, VOLCELEST.
L VOIRE adv. (1130), aussi écrit veire (v. 1150), issu du latin populaire °vera « vraiment », pluriel neutre pris comme adverbe du latin classique verus « vrai », « véritable » et aussi « juste », « sincère, consciencieux », employé aussi substantivement (verum « le vrai ») et adverbialement (verum « vraiment, à la vérité »). C'est un dérivé populaire de verus, veracum, qui a donné vrai*.
❏  L'adverbe a d'abord signifié « sans aucun doute, certainement », emploi devenu archaïque au XVIIe s., d'où vient de voire « certes » (v. 1380), expression disparue. Voire s'emploie encore littérairement ou régionalement pour « et même » (v. 1155, veire ; v. 1265, voire), pour renforcer une assertion. ◆  À partir du XVIe s., il est renforcé par des adverbes, même (1601, voire même), vraiment voire vraiment (1530), vraiment voire (1538), mais voire mais (1538), « certes », donnés comme « populaires » dans Furetière (1690) et sortis d'usage ensuite (à la différence de voire même, d'ailleurs considéré comme incorrect par des puristes). ◆  Voire s'emploiyait aussi (1607), surtout par plaisanterie, comme exclamation pour marquer le doute, l'ironie, synonyme de vraiment.
VOIRIE → VOYER
L VOISIN, INE adj. et n., modification (v. 1180) de veisin (v. 1138), est issu du latin populaire °vecinus, altération du latin classique vicinus « qui est à proximité » (→ vicinal), et, au figuré, « qui se rapproche », « qui a de l'analogie ». Employé comme nom, vicinus signifie « voisin » et vicina « voisine ». Il dérive de vicus, « quartier d'une ville », « bourg, village », par extension « propriété à la campagne », qui se rattache, comme villa (→ villa, ville), à une racine indoeuropéenne °weik-, indiquant l'unité sociale immédiatement supérieure à la maison du chef de famille ; le sanskrit veçaḥ « maison » procède du même thème, comme le grec de même sens oikos, attesté dans des composés en français (→ économie, paroisse).
❏  Le mot désigne (v. 1138) la personne qui habite le plus près de qqn, d'où mauvais voisin (XIIe s.), bon voisin (1585) et la locution en voisin « comme il est normal entre voisins » (1824). ◆  L'adjectif, attesté dès les premiers textes, signifie aussi (v. 1160) « qui est à une distance relativement petite », aussi dans la construction voisin de (1291) et, jusqu'au XVIIe s., voisin à (v. 1360) ; par extension, il qualifie (1580) des choses qui présentent un trait de ressemblance. ◆  Par analogie, cet adjectif prend une valeur temporelle, à propos d'un moment proche d'un autre (1588, voisin de ; 1688, voisin), tout comme la locution être voisin de « être sur le point de » (1636), sortie d'usage. ◆  Le nom, au pluriel, désigne par extension les habitants d'un pays contigu (1306), et ce pays (1691) [nos voisins d'outre-Rhin]. ◆  Il désigne spécialement (1585) une personne proche dans une circonstance particulière et équivaut par extension (1678) à « autrui ».
❏  Le dérivé VOISINER v. signifie, d'abord transitivement (v. 1190), « approcher (qqn) » et « fréquenter (qqn) », acceptions disparues, de même l'emploi intransitif pour « circuler librement » (fin XVe s.). ◆  Le verbe est régional ou littéraire au sens de « fréquenter ses voisins » (1508), voisiner qqn « être près de lui » (1553) étant usuel jusqu'au XVIIIe siècle. Voisiner avec, « se trouver placé près de » le sujet désignant une personne ou une chose, n'est attesté qu'au XXe siècle.
■  Le préfixé ENVOISINER v. tr. apparaît isolément au XVIe s. pour « approcher (qqch.) », puis à nouveau en 1690, signifiant « entourer de voisins ». Il est sorti d'usage. ◆  L'adjectif ENVOISINÉ, ÉE s'est appliqué à un lieu très fréquenté (1580, d'une rue) ; envoisiné de à l'époque classique (v. 1600) signifiait « entouré de ». Il a lui aussi disparu.
Un autre verbe préfixé AVOISINER v. tr. a signifié (1375, pron.) jusqu'au début du XVIIe s. « être voisin de » ; s'avoisiner de qqch., « être de la même nature » (1555), a lui aussi disparu. ◆  L'idée de proximité s'est réalisée dans les emplois pour « approcher de » (1562, avoisiner de ; 1600, tr.), « être dans le voisinage de » (1636, tr.). S'avoisiner de qqch. a signifié « être presque égal à » (1798), sens assumé aujourd'hui par le transitif, avoisiner qqch.
■  Le verbe a servi à former AVOISINEMENT n. m., sorti d'usage au sens de « proximité » (1575), et terme d'histoire religieuse désignant le projet de réunion des catholiques et des protestants (1752), et AVOISINANT, ANTE adj., encore en usage pour « qui est proche » (1793), surtout au figuré pour « qui correspond à peu près à ».
VOISINAGE n. m. désigne, avec le suffixe collectif -age l'ensemble des voisins (1240). ◆  Avec ce sens, l'ancien français a employé aussi veisineté (v. 1155), encore à la fin du XVIe s. (1596, voisineté), et veisiné (v. 1155 ; 1250, voisiné) donné pour provincial par Vaugelas (1647) et comme populaire par Furetière (1690) puis disparu.
■  Voisinage signifie ensuite « proximité d'un lieu, d'une chose, d'une personne par rapport à une autre » (v. 1283). Par extension, il s'est employé (1575) pour « rapports entre voisins », valeur devenue rare sauf dans bon voisinage. ◆  Le mot s'applique aussi (1547) à un espace qui se trouve à proximité de qqch. Il est aujourd'hui littéraire au sens classique (1662) de « proximité d'une chose dans le temps » et rare au figuré (1585) pour « analogie, ressemblance ».
VOISINANCE n. f., « rapports entre voisins » (1531), est encore employé à l'époque classique, puis disparaît.
❏ voir VICINAL.
L VOITURE n. f. est issu (v. 1200, aussi veiture) du latin vectura « transport par terre et par eau » et « prix du transport », dérivé de vectum, supin de vehere « porter, transporter » (→ véhicule).
❏  Le mot apparaît avec plusieurs acceptions ; il désigne généralement tout ce qui sert à transporter, par terre ou par eau (v. 1200, veiture ; XIIIe s., voiture), spécialement une bête de somme (v. 1200, veicture) et la charge qu'on transporte, qu'il s'agisse de personnes ou de marchandises (v. 1200) ; ces acceptions, aujourd'hui sorties d'usage sauf pour quelques emplois techniques, ont vécu jusqu'au XVIIIe siècle. Voiture prend par ailleurs (XIIIe s.) le sens de « dispositif servant au transport », mais il est alors en concurrence avec char* jusqu'au XVIIe siècle. ◆  Par métonymie de « moyen de transport », ou par réemprunt sémantique au latin vectura, voiture s'est dit pour « frais de transport » (1345). ◆  De « charge transportée », le mot est passé au sens de « mesure » (1433), puis de « contenu d'une voiture » (1538), en concurrence avec voiturée (ci-dessous). À l'époque classique, faire voiture signifie « transporter » (1636) ; à Dieu la voicture, « au revoir », s'est dit plaisamment (1660) quand on voyait qqch. tomber. ◆  Le mot désigne aussi une expédition de lettres (1655). ◆  Voiture a la valeur abstraite de « transport, action de transporter » dans des expressions comme carrosse de voiture (1666), dans la locution figurée à la première voiture « à la première promotion à venir » (1675, Mme de Sévigné). Lettre de voiture, technique, désignait une lettre indiquant le détail d'un chargement (1679) ; on a employé feuille de voiture, « indiquant le nombre de voyageurs d'un carrosse » (1723), où voiture a pris le sens concret de « véhicule ». Par plaisanterie, voiture des Cordeliers (1718) ou des Capucins (1735) équivalait à « marche à pied ». ◆  Deux expressions sont restées en usage : voiture de place (1796) désigne un véhicule qui stationnait sur les places publiques à la disposition du public et qu'on louait, alors que voiture de remise (1835) se dit d'une voiture gardée dans une « remise » et louée à la journée, au mois. Ces deux syntagmes se sont conservés au XXe s., alors appliqués à des voitures automobiles de location (Cf. taxi).
Au XIXe s., voiture se spécialise au sens de « dispositif servant au transport des personnes ». L'évolution technique concerne cet emploi dans deux domaines : d'abord les chemins de fer, où voiture désigne un véhicule roulant sur les rails (1829) ; c'est aujourd'hui un terme technique ou administratif, le mot courant étant wagon*. De là des emplois comme en voiture ! ◆  Dans des emplois spéciaux, on relève voiture cellulaire (1842), pour le transport des prisonniers ; voiture d'enfant, d'abord « jouet représentant une voiture », et qui se dit ensuite (av. 1893) d'une voiture dans laquelle on promène les bébés, en concurrence au XXe s. avec des mots spécialisés comme landau, poussette*. ◆  Cependant, voiture continue à s'employer pour des véhicules ne transportant pas les personnes : ainsi voiture à bras, « véhicule à deux roues poussé ou tiré à bras », attesté en 1872. ◆  Le second domaine que la technique ouvre au mot voiture est celui de l'automobile. Voiture automobile (1876), aujourd'hui simplement voiture (1893), ne désigne plus que les automobiles non utilitaires ; le mot tend à supplanter automobile et auto en français actuel, mais est lui-même concurrencé par les noms de marques et de modèles. À partir du moment (v. 1910-1920) où les véhicules pour le transport des personnes sont surtout des automobiles, voiture employé seul désigne couramment l'engin mû par un moteur à explosion et on emploie pour la traction animale et humaine des syntagmes qualifiés : voiture à cheval, voiture hippomobile, voiture à âne, etc. Au sens automobile, le mot entre dans de nombreux syntagmes comme voiture de tourisme (1906), voiture de course, voiture américaine (d'où une américaine) et, pour exprimer des usages particuliers, voiture-ventouse (1961), voiture de police, voiture pie (en France). Voiture école s'est d'abord employé à propos des fiacres (Tristan Bernard, 1911). La répartition des emplois, dans le contexte automobile, entre voiture et auto (légèrement désuet en France), ou automobile (technique ou administratif), est différente en français du Québec, où voiture semble moins courant qu'en français d'Europe.
❏  VOITURIER, IÈRE n. et adj. reste vivant comme terme de droit (1213, adj. Bloch et Wartburg sans indication de sens, puis 1268, n. m.) au sens de « personne qui transporte ». L'adjectif s'appliquait à ce qui est relatif au transport par voiture, d'abord dans gens voitturiers « voituriers » (XIVe s.), porte voiturière « destinée aux voituriers » (1510) et chemin voicturier « carrossable » (1556). Le nom s'est employé spécialement pour « vivandier » (1472). Tous ces emplois ont disparu. ◆  Voiturier, adj. se dit aujourd'hui rarement de ce qui est relatif aux voitures (XXe s.). ◆  Enfin, voiturier n. m. désigne un employé chargé de garer les voitures des clients, par exemple dans un hôtel, devant un restaurant, etc. (concurrencé par le faux anglicisme valet parking).
VOITURER v. est d'abord attesté comme intransitif pour « être transporté », dans un emploi spécial, « aller en Terre Sainte » (v. 1270). Le verbe est sorti d'usage aux sens de « transporter » des objets (1543) ou des personnes (1606) et, en emploi absolu, « faire le métier de voiturier » (1636). ◆  Il est employé aujourd'hui pour « transporter en voiture ».
■  Le dérivé VOITURAGE n. m. (1358), « transport par voiture », spécialement « par voiture attelée », est sorti d'usage. ◆  COVOITURAGE n. m., formé sur co- et voiturer, suff. -age, plutôt que sur voiturage, désigne (1995) le transport de plusieurs personnes par automobile individuelle, pratiqué en temps de difficultés de transports (grève, par exemple) ou conseillé en cas de pollution urbaine. ◆  Un verbe COVOITURER s'emploie aussi.
■  VOITURÉE n. f., « contenu d'une voiture » (v. 1850), n'a pas éliminé voiture, dans ce sens.
■  VOITURETTE n. f., d'abord « petit véhicule poussé ou tiré par un animal, une personne » (1886), puis terme de sports (1895) au sens de « véhicule automobile léger », se dit plus généralement pour « petite voiture » (1897) ; il a vieilli.
VOITURIN n. m. est un emprunt adapté (1640) à l'italien vetturino « cocher de fiacre », dérivé de vettura, du latin vectura.
■  Le mot, sorti d'usage, a désigné un voiturier qui loue et conduit une voiture attelée pour voyageurs puis, par métonymie (1811), une voiture attelée. Le mot est marqué, parfois plaisant (Cf. le voiturin à phynances de Jarry).
De voiture au sens ferroviaire vient une série de composés, moins courants que leurs équivalents avec wagon. Ainsi VOITURE-BAR n. f. (1975) est le terme techniquement correct pour la voiture d'un train aménagée en bar, alors qu'on dit couramment (et erronément) wagon*-bar. VOITURE-RESTAURANT, VOITURE-LIT, VOITURE-SALON, etc. sont peu employés.
VOÏVODE n. m., emprunt au russe, mal distingué d'autres langues slaves (ci-dessous), a eu en français plusieurs formes, par exemple vayevode (v. 1470), vayvaulde (1532), vayvod (1546), dont le -a- initial signale la voie d'emprunt orale, puis vayvaulde (1532), voyvode (1559), voïvode (1832), woievode (1842), emprunt graphique au polonais. Le mot est une adaptation d'un mot slave, russe vojevoda, mais aussi polonais wojewoda, auxquels correspondent le serbo-croate vöjvoda, le tchèque vévoda, vejvoda, le slovène vósvoda. Toutes ces formes remontent au vieux slave voevoda, correspondant au grec hêgemôn « guide, chef » (→ hégémonie), et composé de vodit' « conduire, mener », d'où viennent vóin « combattant » et vóisko « régiment ». Meillet a supposé que le slave était un calque de l'ancien haut allemand herigozo « commandant, duc », lui-même calque du grec stratêgos « chef d'armée » (→ stratège), mais l'hypothèse n'est pas corroborée.
❏  Le mot a désigné un chef d'armée puis un gouverneur de province, dans certains États slaves. C'est le titre donné aux officiers de la Cour, dans l'ancienne Pologne (1811, vayvode) et celui du prince héréditaire de Roumanie et de Bulgarie, à l'époque où ces pays étaient des monarchies. ◆  Aujourd'hui, il se dit d'un chef de district, en Pologne, en Serbie, en Croatie et en Slovénie.
❏  Il a fourni VOÏVODAT n. m. (1829, vayvodat ; 1876, vaïvodat, écrit voïvodat depuis 1904), terme d'histoire, et VOÏVODIE n. f. (1832 ; 1812, vayvodie ; aussi voïévodie, XXe s.), didactique, en histoire et, aujourd'hui, pour désigner un district administratif polonais, serbe ou croate.