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Vouloir reprend d'abord la valeur générale d'« avoir l'intention de », accompagné d'un infinitif, d'une complétive
(vouloir que...) ou d'un pronom neutre
(je le veux). Il signifie ensuite « souhaiter vivement », avec un complément abstrait ou concret, d'abord dans la locution
voleir mal a qqn « avoir de la haine pour qqn » (fin
Xe s.), encore en usage au
XVIIIe s.
e siècle.
Vouloir qqch. se dit depuis le
XIe s. [1080]. Plusieurs acceptions se développent au
XIIe et au
XIIIe s. ; suivi d'un infinitif,
vouloir équivaut à « être sur le point de » (
XIIe s.) ainsi qu'à l'impersonnel (1433 ;
il veut pleuvoir) : ces emplois sont aujourd'hui archaïques ou stylistiques
(il ne veut pas pleuvoir).
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Vouloir mieux, « préférer », et
vouloir suivi d'un infinitif, « avoir l'habitude de », tous deux attestés vers 1190, ont disparu ; en revanche,
vouloir bien est resté vivant, mais avec des valeurs très différentes (voir ci-dessous).
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Le verbe signifie aussi comme en latin « consentir à (la volonté d'un autre) » (v. 1120), d'où spécialement (v. 1180)
vouloir bien « admettre, permettre » et l'emploi au conditionnel
(je voudrais) pour exprimer un souhait (v. 1273).
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Il se dit également (v. 1273) pour « avoir une préférence pour (qqch.) ».
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Au subjonctif optatif, la formule
Dieu veuille... (fin
XIIIe s.) introduit un souhait dont on n'ose espérer que le Ciel le réalise.
Voelle... voelle, « soit... soit » (1283) est sorti d'usage.
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Vouloir qqch. à qqn signifie « souhaiter vivement qu'il l'obtienne » (v. 1360) notamment dans
vouloir du bien, du mal à qqn.
Vouloir et dire se combinent dans plusieurs locutions. Par atténuation, que voulez-vous que je vous dise ? (1456, ...que je vous die) est une formule pour traduire l'embarras. Depuis la fin du XVe s., vouloir dire s'emploie pour « chercher à exprimer », qui exige aujourd'hui un contexte explicite, car l'expression a pris la valeur attenuée de « signifier » (1538) restée usuelle et formant un véritable verbe complexe (qu'est-ce que ça veut dire ?). Au XVIIIe s., sont enregistrés que veut dire cela ? qui marque l'étonnement (1718), qu'est-ce que cela (ça) veut dire ? l'improbation (1798).
Vouloir, par analogie, en parlant de la raison, de la loi, etc., abstractions auxquelles on prête une sorte de volonté, signifie aussi « ordonner, demander ».
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Avec la valeur de « prétendre obtenir », le verbe prend aussi au XVIe s. le sens de « vouloir posséder charnellement », « désirer » (1549, vouloir une femme). Cette valeur forte, pour vouloir, est encore présente, mais stylistique (je te veux !), et n'est plus possible pour vouloir bien (voir ci-dessous).
En vouloir à qqn a signifié « s'attaquer à lui » (1549), sens disparu, puis « avoir des prétentions sur (qqn) » (1611) et « désirer rencontrer (qqn) » (1684), également sortis d'usage. En vouloir, depuis la fin du XVIe s., s'emploie couramment pour « avoir de l'hostilité (envers qqn) » (v. 1590), d'où en vouloir aux jours (1647), à la vie de qqn (1735) « s'y attaquer », et en vouloir à qqn de qqch. « lui en garder rancune » (1834), ainsi que s'en vouloir réfléchi, dans s'en vouloir de qqch. (1799). De là (XXe s.) la locution familière je m'en voudrais ! « je ne le ferai pas, je ne l'accepterai pas » (Cf. ça me ferait mal). En vouloir à qqch., « considérer cette chose comme mauvaise » (1549), vieilli, a signifié aussi « manifester un intérêt violent pour cette chose » (1660).
En emploi absolu, relevé en 1553, vouloir équivaut à « faire preuve de volonté ».
Pour marquer une concession, une hypothèse, on a dit vouloir (1629), puis vouloir bien (1690), d'où à l'époque classique je le veux « je l'admets » (1690) ; seul vouloir bien, qui lève l'ambiguïté par rapport à d'autres emplois, est resté dans l'usage ; c'est devenu un verbe complexe signifiant « accepter ». Cet emploi a rendu caduc le sens fort de vouloir bien « désirer, aimer », parallèle à l'expression signifiant « aimer », en italien (ti voglio bene), et réalisée, de manière moins érotisée, dans se faire bien vouloir de qqn « attirer sa sympathie » (1835), disparue comme son contraire se faire mal vouloir. Le sémantisme initial est celui du désir.
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Par analogie, avec un sujet nom de chose, vouloir signifie « avoir besoin de, être de nature à demander (qqch.) » (1640).
Avec un sujet nom de personne,
vouloir qqch. de qqn, « être déterminé à l'obtenir », et
vouloir qqch. à qqn, « avoir qqch. à lui demander », apparaissent aussi au
XVIIe s. (1642) ; par extension, l'expression s'emploie avec un sujet nom de chose.
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Plusieurs locutions liées à l'idée de « volonté » ou de « souhait » sont attestées au
XVIIe s. :
vous l'avez voulu (1658),
si vous voulez (1667) et
si on veut (1672), formules de concession.
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Le verbe développe dans des locutions attestées plus tard (mais qui peuvent s'être employées auparavant) ses diverses valeurs. On relève chez Furetière (1690) ne pas vouloir (et infinitif) à propos d'une chose qui résiste à ce qu'on veut en faire (encore aujourd'hui : ça ne veut pas marcher).
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Sans le vouloir (1755) s'emploie ensuite à d'autres temps (sans l'avoir voulu), concurremment à sans que (on l'ait voulu), etc. pour « involontairement ».
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Par ailleurs, se vouloir, réciproque, est pris au sens de « se souhaiter mutuellement » (1713).
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À partir du début du XIXe s., vouloir, suivi d'un infinitif, marque que l'on souhaite qqch., souvent sans avoir les capacités pour l'obtenir (vouloir réussir, gagner...).
Le sens ancien de « désirer » (attesté dès le XVIe s.) s'applique, avec une valeur sexuelle plus explicite, aux animaux, surtout aux femelles, dans vouloir l'étalon (1845). Dans ce sens, en vouloir se dit d'une jument en chaleur (1845) puis familièrement d'un être humain (1920), aussi avec l'idée plus générale de désir intense (il, elle en veut) et de volonté tendue vers un but (XXe s., en parlant de l'ardeur au travail, du désir de réussite).
Un autre emploi argotique recourt à plusieurs valeurs générales du verbe, notamment l'approbation (je veux bien) dans l'exclamation je veux !, qui correspond à « bien sûr, et comment ! » (1942 dans un roman de Queneau).
Depuis le début du XXe s., le verbe, dans vouloir bien ou simplement vouloir, exprime un fonctionnement occasionnel, hasardeux, comme s'il dépendait d'une volonté extérieure et capricieuse (ça marche quand ça veut, la voiture partira quand elle voudra bien).
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À propos de personnes, quand, comme vous voulez exprime la liberté d'action, par rapport à un acte souhaité (et qui ne se produit pas) : c'est quand tu voudras, « j'attends ». Au début des années 2000, (c'est) comme (quand) vous voulez a été abrégé plaisamment en (c'est) comme vous l'voul', (c'est) quand voul' voul' (emploi familier oral).
Vouloir s'emploie aussi avec un sujet de chose pour « nécessiter, impliquer », par exemple dans un verbe qui veut le subjonctif (1872), ou dans des recettes de cuisine, etc. pour « exiger, requérir », c'est-à-dire « bien s'accommoder de » ; cet emploi est technique ou ironique.
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En emploi didactique, se vouloir, suivi d'un attribut, signifie (mil. XXe s.) « faire effort pour être... » et, en parlant de choses humaines (actions, comportements, œuvres), « se faire passer pour », avec une valeur proche de soi-disant. Se vouloir, qui avait eu une valeur plus forte dans l'usage classique (fin XVIe et XVIIe s.) avec l'expression se vouloir mal « se faire des reproches », s'emploie en philosophie pour « vouloir, assumer son existence ».
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En emploi impersonnel, suivi d'un infinitif, il veut (pleuvoir, neiger...) se dit en français de Suisse.