Y
1 Y n. m. inv., lettre introduite en français au début du XIIe s. (1119), reprend l'y latin qui notait le upsilon grec. Dans l'alphabet grec, la voyelle prononcée u, à l'époque classique, était écrite V dans la Grèce continentale, mais Y en Asie mineure (alphabet ionien), usage généralisé par Athènes à partir du Ve s. avant l'ère chrétienne. L'alphabet latin avait emprunté V pour transcrire la voyelle ou (et aussi la consonne v : on distingue aujourd'hui en latin même le v consonne du u voyelle, ce qui n'est pas le cas dans les textes originaux). Pour noter la voyelle u des mots grecs, les Latins introduisirent le y, qui finit par figurer i. Dans de nombreuses langues indoeuropéennes, le y note d'ailleurs le son u (danois, suédois...).
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En ancien français, y est d'abord utilisé dans la notation des mots rares et des noms propres. Au XIIIe s., l'usage de l'écriture gothique ne permettait plus de distinguer des lettres comme n, m, ou encore u, i quand elles se suivaient : c'est alors que le y fut employé, notamment comme variante de i, pour noter le upsilon grec (alors que l'espagnol et l'italien conservaient le i, phénomène analogue à l'emploi de f et de ph). Y prend alors aussi un rôle démarcatif pour éviter les confusions avec n, m, et u. C'est Robert Estienne qui, dans son Dictionnaire français-latin (1539, puis 1549), exploite les possibilités distinctives du y ; d'une part, cette lettre note l'adverbe y (depuis le XIIIe s., → 2 y) et transcrit le upsilon grec, d'autre part, elle s'emploie avant ou après un u consonne (le v distinct n'est officialisé par l'Académie qu'en 1694), après une voyelle en cas de diphtongaison et avant une voyelle, par exemple dans yeulx. Ces pratiques n'empêchent pas l'usage abusif de y jusqu'au XVIIIe siècle. La troisième édition du Dictionnaire de l'Académie (1740) donnera pour règle de substituer i à y partout où y « ne tient pas la place d'un double i ou ne sert pas à conserver la trace de l'étymologie ».
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En algèbre, y est le symbole littéral désignant (1872) une deuxième inconnue et la deuxième des coordonnées cartésiennes (après x*).
2 Y pron. et adv., d'abord noté i (v. 980), est écrit y au XIIIe s. (→ 1 y). Il a éliminé iv (842, Serments de Strasbourg) issu du latin populaire °ībī (avec deux i longs), du latin classique ĭbī (i initial bref), qui signifie « là, dans ce lieu (sans idée de mouvement) », « alors » (→ alibi). Y est l'aboutissement du latin classique hic « ici, dans ce lieu-ci » et, au figuré, « à cette occasion, à ce moment » ; ĭbī et hic se rattachent à un thème indoeuropéen commun °ei-, °i-.
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D'abord pronom adverbial comme
iv, y indique le lieu où l'on est, où l'on va ; dans ses emplois locatifs,
y était utilisé dans la langue classique dans des constructions comme
s'y en aller ou avec des valeurs dérivées du sens locatif, comme dans
j'y ai d'abord été (en colère), aujourd'hui incorrectes.
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Y, d'abord
i (v. 980) pronom personnel, représente un nom, un pronom ou une proposition introduits par une préposition et il peut renvoyer (v. 1160) au sens général de la phrase.
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Y, adverbe (
XIIe s.) ou pronom (
XVIe s.), n'a pas de sens analysable dans diverses expressions, comme
il y a (→ avoir), il y va de, savoir y faire, ça y est, etc. À l'époque classique,
y s'employait pour représenter une personne, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui qu'avec quelques verbes (
penser à, songer à, etc.) ; il s'utilisait aussi plus librement avec d'autres prépositions que
à.
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Y, remplaçant lui dans la langue très familière (j'y ai dit), est une graphie aberrante pour i issu de lui (je lui ayant donné °j'l'i, puis j'i).
YACHT n. m., attesté en 1570-1571, écrit iachte, puis (1572) sous la forme moderne, est repris en 1666. Le mot s'écrit aussi jack et yak au XVIIe s., yack aux XVIIIe et XIXe siècles. Il a probablement été emprunté au néerlandais jaght(e) [aujourd'hui jacht, Cf. jaghtship « bateau pour la chasse »], de la même famille que l'allemand jagen « chasser » ; il s'est répandu ensuite sous l'influence de l'anglais. Le Dictionnaire de l'Académie note en 1762 que le mot se prononce iak, prononciation qui ne subsiste que dans le vocabulaire technique ; au XXe s., c'est la prononciation à l'anglaise, iot, qui l'a emporté.
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Le mot désigne (1831) un navire de plaisance à voiles ou à moteur. Avant le XIXe s., il se disait de gros bâtiments transportant des passagers. Par analogie, yacht à glace s'emploie (1906), notamment au Canada, à propos d'un voilier à patins utilisé pour se déplacer sur la glace.
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Plusieurs mots anglais, formés à partir de
yacht, ont été introduits en français.
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YACHTING n. m. (1851), emprunt à l'anglais yachting (1836), est vieilli, remplacé par voile ou plaisance.
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YACHT-CLUB n. m. (1855), du composé anglais formé (1830) avec club*, équivaut à club nautique et s'est aussi écrit yack-club (1881).
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YACHTMAN n. m. (1858) ou yachtsman (1859) « propriétaire d'un yacht » est vieilli, YACHTWOMAN n. f. (1892, aussi yachtswoman) n'est plus en usage.
YAK n. m. est un emprunt (1791) au tibétain gyak, sans doute par l'intermédiaire de l'anglais yak (attesté en 1799). Le mot s'écrit aussi yack (1808).
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Yak est le nom d'un mammifère ongulé domestiqué par les Tibétains.
YAKA, loc. verbale et n. est la notation écrite de la prononciation familière y a qu'à pour il n'y a qu'à (et infinitif), qui apparaît dans les années 1960 pour l'attitude qui consiste, devant un problème, une difficulté, à prétendre qu'existe une solution facile, exprimée par la formule : « y a qu'à faire, décider » telle chose (le yaka). Le mot désigne aussi ceux qui ont cette attitude, pour dénoncer l'irresponsabilité. Il est parfois renforcé en yaka faucon (il faut qu'on...).
YAKITORI n. m. est la transcription d'un mot japonais (attesté en anglais sous cette forme en 1962) désignant une brochette de viande de volaille marinée, ainsi que l'établissement, le restaurant où l'on consomme ce type de plat, populaire et économique au Japon.
YAKUSA n. m. est la transcription, dans les années 1980, d'un mot japonais (transcrit yakusa en anglais, 1964) désignant le membre d'une organisation japonaise de délinquants, comparable par ses lois internes et ses activités criminelles, à une mafia ou à certains gangs.
YAMBA n. m., attesté en 1895 en français du Sénégal, est emprunté à un mot wolof pour désigner, en français d'Afrique, le chanvre indien, le haschisch (aussi appelé chanvre, dope, gamin) et en général tout stupéfiant.
YANG n. m. représente la translittération d'un mot chinois, de même que YIN n. m. ; les deux mots sont attestés à l'article Chinois de l'Encyclopédie (1753, Diderot), écrits iang et in.
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Yin et yang sont devenus usuels au XIXe s. pour désigner en français deux notions liées du confucianisme. Dans la doctrine de Confucius, le monde est une production continue que régissent trois pouvoirs : le Ciel qui produit, la Terre qui nourrit et l'Homme social qui agit, symbolisé par le souverain et ses fonctionnaires. Ces trois pouvoirs sont rythmés par deux forces antagonistes qui interviennent en alternance, le yin (correspondant au principe femelle, à l'eau, à l'ombre, à la lune) et le yang (correspondant au principe mâle, au feu, au soleil) ; seule l'action négative de l'Homme peut mettre en cause l'équilibre du yin et du yang.
YANKEE n. et adj. est emprunté (1776 ; 1775 écrit yankey en français du Canada, aussi yankais 1776) à l'américain yankee, écrit aussi yankey, yanki et par abréviation yank. Le mot attesté en 1758 était, dans l'armée anglaise, le surnom des soldats originaires de Nouvelle-Angleterre servant dans ses rangs en Amérique du Nord ; il est ensuite étendu, sans valeur péjorative (1784), à tout Américain des États-Unis, d'abord par des auteurs britanniques. L'étymologie de yankee reste incertaine. Dès 1683, yankee, yankey a été utilisé comme sobriquet par les colons anglais et hollandais sur la côte atlantique de l'Amérique ; le mot pourrait venir du hollandais Janke, diminutif de Jan « Jean », surnom que les Hollandais donnaient aux Anglais de l'ancienne New Amsterdam qui deviendra New York. Les Américains de la Nouvelle-Angleterre ont entrepris dès 1775 de revaloriser leur surnom ; pour certains d'entre eux, yankee viendrait de Yankos « les invincibles », nom d'une tribu imaginaire du Massachusetts vaincue par les pionniers anglo-saxons des colonies atlantiques du Nord. Selon leurs adversaires virginiens, yankee viendrait d'un mot des Indiens cherokees, eankke « esclave, lâche ». L'hypothèse la plus répandue propose de voir dans le mot une altération de English « Anglais » par l'intermédiaire d'une forme amérindienne stabilisée, Yeengeese, Yeengeeze.
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Le mot désigne en histoire un habitant de la Nouvelle-Angleterre, spécialement pendant la guerre de Sécession, un nordiste. Par extension (mil. XIXe s.), il s'est employé pour désigner tout Américain des États-Unis, par opposition aux habitants des autres pays d'Amérique ; cet usage est vieilli.
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Par un nouvel emprunt à l'américain yankee (1912), abréviation de yankee jib, de jib « foc », le mot désigne en marine un grand foc de yacht à voiles.
YANTRA n. m. est un emprunt, probablement par l'anglais (attesté en 1877) au sanskrit yantra, dérivé de yam « tenir », désignant ce qui maintient, conserve, garantit. Le mot s'applique à un diagramme qui constitue un support pour la méditation, dans la doctrine tantrique, et qui peut servir d'amulette protectrice.
YAOULED n. m. est emprunté, dans l'usage franco-arabe dit « pataouète » de l'Algérie colonisée et en général au Maghreb, à l'arabe uled « fils », précédé d'un ya d'appel (« viens, fiston ! »), pour désigner un jeune Algérien exerçant un petit métier (cireur, Cf. sciuscia en italien ; porteur, etc.). Des yaouleds ou, inv., des yaouled.
YAOURT, YOGOURT ou YOGHOURT n. m. est attesté en 1432, écrit yogourt, forme rare avant le XXe s. ; il est ensuite noté yocourt (1657), youghourd (1673), puis yaourt (1798-1799) et yaourth (1853), graphie abandonnée. Il représente un emprunt au bulgare yugúrt, yaúrt, lui-même emprunté au turc yoğurt.
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Le mot désigne du lait caillé, non égoutté et fermenté, préparation originaire d'Asie centrale passée en Turquie et dans les Balkans. C'est jusqu'à la fin du XIXe s. un mot exotique et rare. Il s'est répandu à partir du début du XXe s., où cet aliment entre dans les habitudes nutritives et commerciales des pays francophones. Après 1945, apparaissent des versions industrielles de cette préparation, avec des variantes désignées par des syntagmes usuels yaourt aux fruits, yaourt nature, etc. et en concurrence avec des noms de marque.
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La forme yaourt est la plus fréquente en français de France, mais on emploie plutôt yogourt ou yoghourt en Suisse, en Belgique et au Québec (Cf. allemand Joghurt, anglais yogourt ou yoghourt).
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En dérive YAOURTIÈRE n. f. (mil. XXe s.) « appareil pour faire des yaourts ».
1 YARD n. m. est un emprunt (1669) à l'anglais yard « unité de longueur valant 0,914 m » (1377). Le mot a d'abord désigné une baguette, puis spécialement une baguette pour mesurer. D'origine germanique, il provient d'une forme °gazdaz, d'où le gotique gazds « aiguillon », l'ancien haut allemand gart(e), gerta (allemand Gerte « baguette »), le vieil anglais gerd. Ce mot germanique est apparenté au latin hasta, « lance, pique », qui a été emprunté en français sous la forme haste (v. 1188) ou hast*.
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D'emploi didactique, le mot conserve le sens de l'anglais et s'emploie aussi, mais rarement, dans yard carré (1874 ; anglais square yard), unité de surface (0,836 m2), et yard cube (1959 ; anglais cubic yard), unité de volume (0,764 m3).
2 YARD n. m., nom propre (le Yard), est l'abrègement de Scotland Yard « la cour d'Écosse », nom des locaux de la police criminelle de Londres. Scotland est le nom de l'Écosse, yard, « cour fermée », vient du germanique gard, de la même famille indoeuropéenne que le latin hortus (→ horticulture) et que l'anglais garden « jardin ». Yard (ou Scotland Yard) désigne la police criminelle de Londres par ses locaux, de même que le Quai (des Orfèvres) à Paris, la police criminelle parisienne.
YASHIVA ou YESHIVA n. f., noté yeshiba (1920), yeshiva (1951), est un emprunt à l'hébreu ye shibbā᾿, littéralement « fait d'être assis », de yasshah « s'asseoir », désignant une école talmudique. Le mot s'applique à l'école théologique rabbinique.
YASS ou JASS n. m. est un emprunt, d'abord noté liars (1890), puis yass (1897), jass (1901), à l'alémanique jass (jassen, 1796), pour désigner, en français de Suisse, un jeu de cartes d'origine hollandaise, qui se pratique avec trente-six cartes, entre deux, trois, quatre partenaires ou plus. Le mot est aussi connu en français d'Alsace (Haut-Rhin).
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YASSER ou JASSER v. intr. (1910) « jouer au yass ». YASSEUR, EUSE ou JASSEUR, EUSE n. (1925) « joueur de yass ».
YASSA n. m. est un emprunt au créole de Casamance (Sénégal) où le mot est dérivé du verbe yassa « frire ». Il est employé en français du Sénégal, comme nom et en apposition, à propos d'un plat de poulet, de poisson, plus rarement de mouton, préparé avec du jus de citron, des oignons et de la sauce. Yassa de, au poulet ; poulet yassa.
YATAGAN n. m. est un emprunt (1787) au turc oriental yatāğān désignant un sabre à lame recourbée vers la pointe. On relève la variante archaïque ataghan (1829) ou atagan (1865, V. Hugo).
YEARLING n. m. est emprunté (1864 ; 1861 comme mot anglais) à l'anglais yearling « d'un an », pouvant se dire (1465) de tout animal, parfois d'un enfant, et formé de year « année » et de -ling, suffixe d'origine germanique servant à indiquer l'attribution d'une qualité (→ sterling). Year, d'origine germanique (Cf. vieil anglais ger, ancien haut allemand jar et allemand Jahr), se rattache à une racine indoeuropéenne °jē-, °jēro-, jōro-, que l'on retrouve dans le grec hôra « saison », hôros « année », ou le latin hora (→ heure).
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Ce terme de turf désigne un cheval pur-sang âgé d'un an.