ZZZ, LE DERNIER MOT
Les dictionnaires, comme la plupart des gens, aiment avoir le dernier mot. La floraison de termes en zy-, au cours des âges de la lexicographie, en porte témoignage. Les muscles zygomatiques et les mots scientifiques en zymo- sont d'un réel usage en science. Ainsi, Furetière (1690) termine sa nomenclature par le nom d'un instrument inventé par Swammerdam pour mesurer la fermentation, le zymozimètre (qu'il écrit bizarrement zymozimettre), et le dictionnaire de l'Académie de 1762 y ajoute la zymotechnie.
Apparu en 1710, un mot rarissime mais plus avancé dans l'ordre alphabétique couronne la liste ultime des dictionnaires des jésuites de Trévoux : c'est la bière d'orge des anciens Égyptiens, le zythe ou zythum. Jaloux de cette position finale, les recueils pléthoriques du XIXe siècle y substituent en dernière place le zyxomime, voire le zyzel, animaux très improbables. Bescherelle (1846) et le Grand Dictionnaire du XIXe siècle de Pierre Larousse se concluent par ZZ, qui n'est pas un mot, mais une abréviation de pharmacien.
Ce faux mot de la fin disparaît au XXe s., époque où la maison Hachette tentera d'imposer un symbolique zyzomys, qui n'est autre que le « rat à queue blanche d'Australie ».
Mais en 1985, la deuxième édition du Grand Robert, grâce à sa documentation littéraire, découvre une onomatopée qui paraît régler la question de la fin de l'ordre alphabétique : c'est zzz, dont on peut d'ailleurs multiplier les z ad libitum. Céline, dans Nord, apporte sa caution, non bourgeoise, à ce zzz déjà employé... par Claudel en 1892. Ne voulant pas être en reste, le Petit Robert en 1993 adopte ce dernier mot providentiel et l'illustre par une phrase de Julien Green. Enfin, le tome 16 du Trésor de la langue française, paru en 1994, enrichit l'anthologie de ce zzz d'un passage du Fils de personne de Montherlant et d'un ouvrage de P. Siniac, qui utilise pour plus de fidélité sonore huit z pour suggérer le vol de la mouche.
Des bizarreries scientifiques zozotantes au zonzon obsédant de l'insecte, le dernier mot des dictionnaires français semble dire : « vanité..., tout est vanité ».